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Décisions

CA Caen, ch. corr., 10 octobre 2000, n° 00-935

CAEN

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Coopérative agricole des éleveurs de veaux du bocage

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Holman

Conseillers :

Mme Bodelot, M. Cadin

Avocats :

Mes Lepelletier, Dubos.

TGI Argentan, ch. corr., du 2 mai 2000

2 mai 2000

Motifs

Par jugement du 2 mai 2000, le Tribunal correctionnel d'Argentan a relaxé MM. Edouard A, Jean-François F et Marc B des chefs de tromperie sur la composition et la teneur en principes utiles de denrées servant à l'alimentation des animaux, falsification de denrées servant à l'alimentation des animaux et destinées à être vendues, mise en vente et vente de denrées servant à l'alimentation des animaux qu'ils savaient être falsifiées, et a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de la Coopérative agricole des éleveurs de veaux du Bocage (CEVB) et des membres de la CEVB.

Appelante, la CEVB conclut à l'infirmation du jugement en ses dispositions civiles aux motifs que la constitution de partie civile est recevable et que les éléments constitutifs des infractions sont réunis.

Elle demande paiement des sommes de 1 959 793 F en réparation du préjudice matériel, 500 000 F en réparation du préjudice moral, 48 240 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Enfin, elle demande acte de ce qu'elle se réserve d'invoquer le manquement de l'Etat Français aux règles du procès équitable et du délai raisonnable prévues par l'article 6-1 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'homme.

MM. A, F et B concluent à la confirmation du jugement.

I - Sur la recevabilité de la constitution de partie civile

C'est à tort que le tribunal a déclaré la constitution de partie civile de la CEVB irrecevable en raison de la relaxe prononcée du chef des délits visés dans la prévention, la décision de relaxe ayant pour seule conséquence, en application du principe d'identité des fraudes civiles et pénales, le rejet des demandes de la partie civile, comme étant infondées en l'absence de faute.

Par ailleurs, il résulte de l'article 497 du Code de procédure pénale que saisie du seul appel de la partie civile contre un jugement de relaxe, la cour d'appel ne peut prononcer une peine, la décision des premiers juges ayant acquis force de chose jugée au regard de l'action publique, mais qu'elle n'en n'est pas moins tenue d'apprécier les faits et de les qualifier en vue de condamner, s'il y a lieu, le prévenu relaxé, à des dommages et intérêts.

En conséquence, le jugement sera réformé sur ce point et la constitution de partie civile de la CEVB déclarée recevable.

II- Sur les éléments constitutifs des infractions

Le 20 février 1991, la CEVB ainsi que plusieurs exploitants agricoles de l'Orne déposaient plainte avec constitution de partie civile des chefs de falsification et tromperie, exposition et mise en vente de denrées falsifiées, exposant les éléments suivants:

La CEVB qui regroupait plusieurs éleveurs, avait pour objet d'approvisionner ceux-ci en produits, équipements et animaux nécessaires à leur exploitation et se fournissait en exclusivité auprès de la Coopérative agricole "X", où était achetée de la poudre de lait commercialisée sous le nom d'Ucalma.

Au cours du second semestre de l'année 1989 et au début de l'année 1990, les éleveurs constataient divers phénomènes liés à l'alimentation des veaux (rejets d'aliments, mauvaises digestions, dépôt important en sédimentation dans les seaux, dégradation de la qualité des carcasses).

Les analyses, effectuées le 14 mai 1990 sur des échantillons d'aliments fournis par les "X", réalisées par le Laboratoire municipal de Bordeaux, faisaient apparaître une teneur en poudre de lait écrémé insuffisante et une teneur en fer au contraire excessive.

Or, les deux critères primordiaux de la teneur en fer et de la teneur en poudre de lait avaient été définis en commun par le fabricant et par les éleveurs. A la suite du différend intervenu, les dernières factures du fabricant d'un montant total de 310 000 F, n'étaient pas honorées par la CEVB.

Jean-François F, directeur général de la coopérative "X" précisait que son établissement faisait l'objet de contrôles hebdomadaires inopinés de la part du Ministère de l'Agriculture, par le biais de l'organisme Interlait, destinés à unifier la conformité de la production avec la réglementation européenne, mais que la CEVB avait cependant toujours réfuté les analyses faites par les pouvoirs publics et s'était adressée à deux laboratoires dont les résultats n'avaient pas été obtenus selon la méthodologie officielle et ne pouvaient donc être acceptés.

Par arrêt du 13 juillet 1993, infirmant l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction du Tribunal de grande instance d'Argentan, la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Caen ordonnait un supplément d'information aux fins, notamment, de mettre en œuvre une mesure d'expertise destinée, d'une part, à vérifier la fiabilité des méthodes d'analyse employées par le laboratoire de Bordeaux auquel les parties civiles avaient eu recours, et, d'autre part, de procéder à l'analyse des produits incriminés encore détenus par l'une des parties civiles.

Le 16 janvier 1995, l'expert procédait à des prélèvements d'échantillons des produits fabriqués entre le 20 novembre 1989 et le 5 mars 1990, conservés chez une exploitante agricole, n'appartenant pas aux lots analysés en 1990.

Trois échantillons étaient prélevés dont 2 (1S et 2S) provenaient d'un sac intact le troisième prélèvement (3S) était effectué dans un sac en mauvais état comportant un trou de souris d' 1 cm, sur le flanc opposé à ce trou.

Le même jour, l'expert procédait à des prélèvements sur les échantillons prélevés par l'huissier le 5 mars 1990 et par lui conservés, dont les doubles avaient été analysés en 1990. Tous ayant été attaqués par les souris, il prélevait ceux qui n'avaient qu'un trou (A-C-D-E-F) ou peu de trous (B).

Tous les sacs étaient fendus avec un couteau en acier inoxydable, les prélèvements effectués avec des tubes de verre à usage unique, et placés dans des sacs.

Après avoir réuni en un seul sachet tous les prélèvements, l'expert les homogénéisait, les partageait et les faisait analyser d'une part par le laboratoire Central d'Hygiène Alimentaire (LCHA - CNEVA), d'autre part, par l'Institut européen de l'environnement de Bordeaux.

1°) Sur la fiabilité des méthodes d'analyses employées par le laboratoire de Bordeaux

M. Obaton, expert judiciaire a indiqué qu'à la date de l'expertise, en 1995, le Laboratoire municipal de Bordeaux était devenu l'Institut européen de l'environnement de Bordeaux, que la responsable de la division alimentaire et le spécialiste des "éléments traces", M. Hocquelet, occupaient les mêmes fonctions au sein de l'ancien Laboratoire municipal de Bordeaux, que M. Hocquelet était membre du comité Interinstituts travaillant à l'échelon européen, et que le laboratoire de Bordeaux participait à la définition des normes AFNOR. Il a encore précisé que l'analyse du dosage du fer utilisée par l'Institut était la même que celle employée en 1990, soit le dosage par spectrométrie d'absorption atomique, méthode qu'il a qualifiée de rigoureuse, étant précisé qu'elle est issue de la norme "Fer" de la Communauté économique européenne.

Concernant la méthode de détermination du pourcentage de lait sec, l'expert a indiqué qu'elle était, en 1990, comme en 1995, celle prescrite par la norme NF VO 4363 d'octobre 1985. Cette méthode a fait l'objet d'une nouvelle édition le 30 novembre 1990 ne comportant que des modifications mineures sur le plan analytique, dont il est difficile, selon la spécialiste consultée par l'expert, de dire quelles différences elles entraînent sur les résultats.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, et alors que les prélèvements analysés en 1990 avaient été réalisés par constat d'huissier, la compétence du laboratoire municipal de Bordeaux, et donc la fiabilité des analyses réalisées en 1990, ne peuvent être contestées dans leur principe.

2°) Sur la teneur en lait

Les analyses effectuées en 1990 par le laboratoire de Bordeaux faisaient apparaître des teneurs en lait écrémé toujours inférieures à celles indiquées par le fabricant, à savoir:

- Echantillon A 34 % au lieu de 45,6 %

- Echantillon B 47 % au lieu de 60,4 %

- Echantillon C 41 % au lieu de 45,6 %

- Echantillon D 45 % au lieu de 52,2 %

- Echantillon E 43 % au lieu de 45,6 %

- Echantillon F 60 % au lieu de 62,5 %

Les analyses effectuées par le laboratoire de Bordeaux en 1995 font toujours apparaître des teneurs en lait écrémé inférieures à celles indiquées par le fabricant, à l'exception de l'échantillon E (52 %), mais à l'exception de l'échantillon F, pour lequel le résultat est identique, supérieures aux valeurs obtenues en 1990,

soit respectivement:

- Echantillon A 42%

- Echantillon B 52 %

- Echantillon C 45 %

- Echantillon D 50 %

Les mesures des échantillons non analysés en 1990 font également apparaître une teneur en lait écrémé toujours inférieure à celle de la nomenclature, soit:

- Echantillon 1S 45 % au lieu de 45,68 %

- Echantillon 2S 60 % au lieu de 62,24 %

- Echantillon 3S 60 % au lieu de 62,24 %

Les analyses effectuées par le CNEVA aboutissent à des conclusions identiques soit:

- Echantillon A 39 %

- Echantillon B 49,6 %

- Echantillon C 40,5 %

- Echantillon D 46,8 %

- Echantillon E 40,5 %

- Echantillon F 58,7 %

- Echantillon 1S 42 %

- Echantillon 2S 59 %

- Echantillon 3S 59 %

L'expert a précisé que la comparaison des résultats d'analyse du même produit dans le même laboratoire, mais à 5 ans d'intervalle devait être considérée comme une épreuve de reproductibilité et non de répétabilité.

Or, concernant la reproductibilité, la norme AFNOR de 1985 rééditée le 30 novembre 1990, indique que dans au moins 90 % des cas étudiés, la différence entre les résultats obtenus sur un même échantillon ne doit pas dépasser 5 g de lait écrémé en poudre pour 100 g d'aliment composé des animaux.

Cet écart maximal admissible a été porté à 6,5 g pour 100 g en 1990.

La norme précise en outre que l'addition d'au moins 0,5% de lécithine peut également entraîner des résultats trop faibles.

L'expert a indiqué que la norme ne concernait que la comparaison d'analyses sur échantillons frais et que le vieillissement était susceptible d'augmenter les écarts.

Mme Coursier, responsable de la division alimentation au laboratoire de Bordeaux, a souligné que pour les produits anciens, il peut y avoir eu des altérations, notamment par réactions enzymatiques, qui rendent aléatoires les comparaisons de teneurs en lait écrémé sec du même produit à 5 ans d'intervalle.

L'ensemble des résultats de 1995 obtenus par les deux laboratoires font apparaître une teneur moyenne en lait écrémé de 49,97 % pour une teneur moyenne garantie par le fabricant de 52,71 %, soit une différence moyenne de - 2,74 %; mais, a précisé l'expert, cette moyenne masque des écarts bien plus importants.

Questionné sur l'influence de la lécithine utilisée par le fabricant à l'époque des plaintes à concurrence de 0,5 %, l'expert a précisé que ce taux n'était pas suffisant pour modifier significativement les résultats du calcul de la teneur en poudre du lait, certainement pas pour les faire sortir de l'écart tolérable de 6,5 %, et que le décalage étant toujours dans le même sens (insuffisance de poudre de lait par rapport à la garantie), cela a pu jouer un peu dans la moyenne des écarts, mais ceux-ci sont bien trop élevés pour s'expliquer par la présence de 0,5 % de lécithine.

Cependant, il est produit au dossier l'ensemble des analyses réalisées par le laboratoire LCHA - CNEVA sur contrôles de la société Interlait, portant notamment sur la teneur en lait écrémé des produits fabriqués par la Coopérative X, dont le tableau comparatif ne fait pas ressortir les écarts soulignés par l'expert, et démontre, alors qu'il s'agissait par hypothèses d'échantillons frais, que les résultats obtenus après analyses selon la même norme (norme AFNOR de 1985), étaient conformes aux valeurs théoriques annoncées par le fabriquant.

Par ailleurs, les écarts de mesure sont toujours inférieurs à la marge d'erreur de 5 % prévue par les règlements de la Communauté économique européenne du 26 juillet 1979 et du 30 novembre 1990.

Le seul cas où cet écart est supérieur concerne l'échantillon A. Cependant, les trois analyses pratiquées sur cet échantillon ne respectent pas le critère de reproductibilité édicté par la norme, et les résultats relatifs à ce lot ne peuvent donc être considérés comme probants.

Ainsi, si l'on écarte les analyses réalisées en 1995, dont le résultat ne peut qu'être incertain, en raison de l'incidence possible et d'une importance indéterminée du vieillissement des produits sur la mesure en lait écrémé, il résulte des analyses pratiquées en 1990 par le laboratoire de Bordeaux qu'hormis dans l'échantillon A, qui ne peut être retenu pour les raisons ci-dessus exposées, l'insuffisance de poudre de lait par rapport à la quantité garantie est inférieure à la norme tolérée par la réglementation européenne. Il est de même établi que ces analyses sont contradictoires avec celles, effectuées à la même époque, selon la même méthode d'analyse et de contrôle minutieusement définie par les règlements communautaires, par le LCHA - CNEVA, qui concluaient à la conformité de la teneur en poudre de lait, et dont la Coopérative X avait seule connaissance.

Au vu de ces éléments contradictoires, la tromperie ou falsification dénoncée par la CEVB n'est pas matériellement établie, il est par contre démontré que la Coopérative X a satisfait à son obligation de vérification de la teneur en poudre de lait des produits par elle fabriqués, en les faisant soumettre à des analyses fréquentes, régulières, approfondies, confiées à un laboratoire pratiquant les méthodes réglementaires européennes, qui ont conclu à la conformité du produit sur ce point.

Les éléments constitutifs des infractions dénoncées par la partie civile ne sont, en conséquence, pas réunis pour la teneur en lait des aliments incriminés.

3°) Sur la teneur en fer

Les analyses effectuées en 1990 par le laboratoire de Bordeaux faisaient apparaître -à l'exception de l'échantillon B de teneur égale (8 %)- des teneurs en fer supérieures à celles indiquées par le fabricant, à savoir:

- Echantillon A 15 % au lieu de 13 %

- Echantillon C 20 % au lieu de 13 %

- Echantillon D 34 % au lieu de 30 %

- Echantillon E 19 % au lieu de 13 %

- Echantillon F 51 % au lieu de 25 %

Les analyses effectuées par le laboratoire de Bordeaux en 1995 faisaient toujours apparaître des teneurs en fer supérieures à celles indiquées par le fabricant, à l'exception de l'échantillon D dont la valeur (29 %) est inférieure,

soit: - Echantillon A 15 %

- Echantillon B 8,8 %

- Echantillon C 20 %

- Echantillon E 18 %

- Echantillon F 49 %

Les mesures des échantillons non analysés en 1990 font également apparaître une teneur en fer supérieure à la nomenclature, à l'exception de l'échantillon 2S, de teneur égale (25 %),

soit: - Echantillon 1S 20% au lieu de 13 %

- Echantillon 3S 26 % au lieu de 25 %

Les analyses effectuées par le CNEVA aboutissent à des conclusions identiques pour les échantillons suivants:

- C: 17%

- E: 16%

- F: 37%

- 1S: 14 %

Pour les autres échantillons, la teneur en fer est inférieure à celle garantie par le fabricant, soit:

- A: 12%

- B: 6%

- D: 23%

- 2S: 19 %

- 3S: 22 %

Il résulte de l'expertise que les possibles effets du vieillissement des échantillons sont sans conséquences sur la composition en fer des aliments analysés, le fer étant un élément stable.

Par ailleurs, la moyenne des résultats obtenus est de +3 % en fer, l'expert précisant, comme pour le lait, que les moyennes masquent des écarts beaucoup plus importants.

Enfin, la marge d'erreur de 5 % tolérée par l'article 10.2 du règlement du 30 novembre 1990 ne s'applique pas au fer, ce règlement étant uniquement relatif à la détermination de la quantité de lait écrémé en poudre.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, pour les échantillons A, C, E, F, 1S, pour lesquels toutes les analyses ou une majorité de celles-ci concluent à une teneur en fer supérieure à la nomenclature remise par le fabricant à l'éleveur, il existe une non-conformité de la composition du produit par rapport à la description qui en était faite, les éléments matériels de l'infraction sont donc réunis.

La tromperie est consommée indépendamment des dommages qu'elle pourrait causer, et l'élément moral est réalisé si le fabricant n'a pas suffisamment vérifié la conformité du produit.

Pour s'exonérer de sa responsabilité, le fabricant et/ou le vendeur d'une marchandise non loyale doit prouver qu'il l'a examinée, et, s'il ne l'a pas fait, expliquer sa défaillance par une impossibilité.

En l'espèce, les analyses effectuées par l'organisme étatique Interlait, ainsi que le contrôle annuel de la comptabilité matière, consistant à vérifier la concordance entre le volume de matière mise en œuvre et le volume de produits finis fabriqués, par un contrôle des stocks et de la facturation des clients, avaient pour finalité le versement des subventions européennes destinées à absorber les excédents de lait, et ne concernent aucunement la teneur en fer des produits concernés.

Il n'est produit par la Coopérative X aucune analyse établissant que la conformité en fer des aliments incriminés a été recherchée.

Il n'est pas davantage démontré que cette défaillance résulte d'une impossibilité.

L'élément intentionnel est donc caractérisé.

En conséquence, les éléments constitutifs des infractions sont réunis, concernant la teneur en fer des aliments.

MM. A, F et B, respectivement président du Conseil d'administration, directeur général et directeur technique chargé au sein de la Coopérative de la fabrication des produits seront déclarés solidairement responsables des conséquences dommageables de ces infractions.

En conséquence, le jugement sera réformé sur les dispositions civiles.

III - Sur les préjudices

1°) Le préjudice résultant de la quantité de poudre de lait non livrée

La partie civile appelante sollicite de ce chef une somme de 1 771 998 F, montant actualisé du préjudice subi en raison de la différence entre la quantité de produit affichée et la quantité réellement livrée.

Les éléments constitutifs des infractions dénoncées par la partie civile n'étant pas réunis pour la teneur en lait des aliments concernés, la demande de ce chef sera rejetée.

2°) Le préjudice résultant de la dépréciation du prix de vente des carcasses de veaux

La partie civile appelante sollicite de ce chef une somme de 187 795 F, montant actualisé du préjudice, évalué en 1990 à 161 197 F.

Aux termes des écrits de la CEVB, non contestés sur ce point technique par la Coopérative X, outre le lait, le fer est l'élément important dans la composition des aliments d'allaitement. Indispensable en quantité suffisante en début d'engraissement pour assurer la croissance des veaux, il est néfaste en finition car sa présence excessive empêche l'anémie nécessaire à l'obtention d'une viande claire souhaitée par les abattoirs.

Il résulte des calculs établis à partir de la comptabilité CEVB contrôlée par un réviseur aux comptes, que pour la période visée dans la prévention, dans le classement couleur comportant une grille de 1 à 4, le pourcentage de viande classée en "3" a augmenté de 15,5 % au deuxième semestre de 1989, passant de 16,6 % à 32,1 %, entraînant une dépréciation par kilogramme de 1,85 F soit au total 49 798 F.

Au cours des quatre premiers mois de 1990, ce pourcentage est revenu au niveau de 16,2 %, soit quasi identique au taux du premier semestre 1989, et il n'existe donc pas pour cette période de préjudice de déclassement lié à la couleur.

Les demandes relatives aux déclassements liés à la conformation des carcasses seront rejetées, les défauts de conformations étant, aux termes des écritures de la CEVB, imputables à la non-conformité de la teneur en poudre de lait écrémé, qui ne peut être indemnisée pour les motifs ci-dessus exposés.

Le préjudice sera donc fixé à la somme de 49 798 F valeur 1990, qui sera réévaluée en tenant compte du coefficient d'ajustement d'érosion monétaire liée à l'inflation (indice INSEE) fixé pour la période comprise entre 1990 et 2000 à 1,165,

soit: 49 798 x 1,165 = 58 014,67 F

3°) Sur le préjudice moral

La partie civile appelante sollicite de ce chef une somme de 500 000 F, exposant que les différentes entreprises agricoles, de taille modeste, faisant partie de la Coopérative, ont rencontré de grandes difficultés du fait des agissements frauduleux de la Coopérative X et que plusieurs d'entre elles ont risqué la faillite.

Cependant, la CEVB ne produit aucune pièce de nature à caractériser l'existence d'un préjudice moral.

En conséquence, sa demande de ce chef sera rejetée.

4°) Sur l'article 475-1 du Code de procédure pénale

Enfin il apparaît équitable d'allouer à la partie civile 20 000 F d'indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles pour l'ensemble de l'instance.

IV - Sur le donner acte de la réserve d'invoquer le manquement de l'Etat Français aux règles du procès équitable et du délai raisonnable

La possibilité d'intenter un recours devant les juridictions européennes étant de droit, il n'y a pas lieu de donner à la partie civile l'acte par elle sollicité de ce chef.

Par ces motifs, LA COUR: Statuant publiquement et par arrêt contradictoire à l'égard de toutes les parties; Reçoit la partie civile en son appel; Réforme le jugement sur ses dispositions relatives à l'action civile; Déclare recevable la constitution de partie civile de la CEVB; Déclare MM. Edouard A, Jean-François F et Marc B solidairement responsables des conséquences dommageables des infractions de tromperie sur la composition et la teneur en fer de denrées servant à l'alimentation des animaux, falsification de la teneur en fer de denrées servant à l'alimentation des animaux, et mise en vente ou vente desdites denrées ainsi falsifiées, faits commis à Sottevast ou Valognes au cours du deuxième semestre 1989 et au début de l'année 1990; Condamne MM. Edouard A, Jean-François F et Marc B solidairement à verser à la CEVB, partie civile, en réparation de son préjudice matériel 58 014,67 F à titre de dommages-intérêts et 20 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour l'ensemble de l'instance; Rejette les demandes d'indemnisation des préjudices matériels liés à la teneur en lait des aliments, et du préjudice moral; Dit n'y avoir lieu de donner acte à la CEVB de sa réserve d'invoquer le manquement de l'Etat français aux règles du procès équitable et du délai raisonnable; Condamne MM. Edouard A, Jean-François F et Marc B solidairement aux dépens de l'action civile.