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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 11 janvier 1990, n° 96-86

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Boussois (Sté)

Défendeur :

Les Chênes (SCI), Les Miroiteries de l'Ouest (Sté), Le Berre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Etienne

Conseillers :

Mlle Juin, M. Le Cornec

Avoués :

Mes Gautron-Chaudet, Massart-Guillou-Bazille, Leroyer-Barbarat, Castres & Colleu

Avocats :

Mes Martineau, Quintin, Hoche-Delchet, SCP Gourves, Vessier, Le Meur, Launay-Masse

TGI Quimper, du 17 déc. 1985

17 décembre 1985

Faits et Procédure

La société civile immobilière Les Chênes a fait édifier, de 1973 à 1975, un immeuble à usage de bureaux au lieudit Kéradennec à Quimper.

Elle a confié à la société Les Miroiteries de l'Ouest la fourniture et l'installation des miroiteries extérieures pour un prix révisé de 168 077,24 F. Elle a passé commande de l'ensemble des vitrages à la société Boussois. M. Le Berre a procédé à la pose des vitrages dans des menuiseries métalliques qui ont été mises en place par la société Forge et Fer.

Le maître de l'ouvrage a pris possession des lieux, sans constatation de la réception.

Des désordres étant apparus dans les doubles vitrages en 1979 du fait de la présence d'humidité, la SCI Les Chênes, après dépôt d'un rapport d'expertise judiciaire, a assigné la société Les Miroiteries de l'Ouest en remplacement des vitrages isolants de l'immeuble et en paiement de dommages-intérêts.

La société Les Miroiteries de l'Ouest a assigné la société Boussois et M. Le Berre en déclaration de jugement commun et en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

Par jugement du 17 décembre 1985, le Tribunal de grande instance de Quimper:

- a condamné in solidum la société Les Miroiteries de l'Ouest et la société Boussois à remplacer la totalité des vitrages isolants des façades sud et ouest de l'immeuble, dans un délai de six mois, sous astreinte,

- en cas d'inexécution, a autorisé la SCI Les Chênes à remplacer les vitrages et condamné la société Les Miroiteries de l'Ouest et la société Boussois, in solidum, à verser une provision de 251 280 F à réactualiser,

- a dit que les deux sociétés précitées devront supporter in solidum le coût des travaux d'adaptation des menuiseries supports des vitrages aux normes du DTU ,

- a ordonné une expertise avant d'évaluer le coût des travaux et le trouble de jouissance,

- a condamné la société Boussois à garantir la société Les Miroiteries de l'Ouest de toutes les condamnations prononcées contre elle,

- a débouté la société Les Miroiteries de l'Ouest de sa demande en garantie contre M. Le Berre,

- a condamné la société Les Miroiteries de l'Ouest et la société Boussois, in solidum, à payer à la SCI Les Chênes la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- a débouté les parties de leurs autres demandes,

- a condamné in solidum la société Les Miroiteries de l'Ouest et la société Boussois aux dépens.

La société Boussois a interjeté appel de cette décision.

Objet de l'appel et moyens des parties

La société Boussois conclut que la cour,

- dise que les désordres constatés ont pour cause déterminante un défaut de pose et une non- conformité des châssis au DTU en vigueur,

- à défaut, chiffre la plus-value résultant des châssis neufs,

- recueille par expertise les éléments pour statuer sur les troubles de jouissance et les travaux d'adaptation,

- condamne la société Les Miroiteries de l'Ouest et la SCI Les Chênes au versement d'une somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur la cause des désordres constatés sur les façades sud et ouest, elle fait valoir que les défauts de pose dus à un mauvais bourrage du fond des feuillures, à une mauvaise qualité de mastic de pose et à la présence d'humidité en fond de feuillure, ont entraîné la détérioration du joint de scellement et, partant, la pénétration de ladite humidité à l'intérieur du double vitrage. Elle fait reposer son argumentation sur les rapports de deux experts judiciaires. Elle ajoute que l'expert Caillau a relevé que les profilés en aluminium destinés à recevoir les miroiteries n'étaient pas conformes à l'article 4.7 du DTU, car non auto-drainantes, et que l'on ne peut être plus clair sur l'origine de l'embuement, outre que les châssis en cause n'étaient pas aptes à permettre une mise en œuvre conforme des vitrages dans ceux-ci. Elle en déduit que les désordres ne sont aucunement dus à un vice de fabrication du vitrage imputable à la société Boussois. Elle relève que le CEBTP s'est borné à faire des constatations sur l'état du mastic de scellement et non point à rechercher l'origine causale de la détérioration dudit mastic; elle propose la désignation éventuelle d'un nouvel expert.

Sur les responsabilités, elle invoque l'absence de vice de fabrication pour être exonérée. Elle ajoute que le produit Verflex n'était garanti que pour une période de dix ans à partir de sa fabrication, ce qui exclut les désordres sur les façades est et nord, et que la garantie n'est pas accordée lorsque les vitrages n'ont pas été posés conformément aux règles de l'art et au DTU, limitations de garantie ratifiées par la société Miroiteries de l'Ouest.

En ce qui concerne les réparations, elle objecte qu'on ne peut lui imposer, quatorze ans après la construction de l'immeuble, le remplacement de la totalité des vitrages incriminés et intacts pour des motifs purement esthétiques, notamment 364 vitrages intacts. Elle soutient également que l'adaptation des châssis au DTU n'impose en rien leur remplacement qui vient alourdir le coût des réfections et le préjudice, alors que l'intervention est réduite au minimum en cas d'adaptation des châssis existants. Elle prétend souligner les contradictions ou les imprécisions du rapport de M. Caillau sur le montant des travaux comme sur les préjudices invoqués; elle relève que le préjudice affectant la vue est relatif d'autant que les gardes-corps internes empêchent tout nettoyage en partie basse des vitrages; elle suggère encore la désignation d'un nouvel expert donnant son avis sur le préjudice subi par la SCI et seulement par elle.

La société Miroiteries de l'Ouest conclut à la confirmation du jugement, au débouté de la société Boussois de toutes ses demandes sauf en ce qui concerne les réparations et indemnités sollicitées au sujet desquelles elle s'associe à ses écritures, et à la condamnation de la société Boussois à lui payer une indemnité de 6 000 F au titre de l'article 700 précité. Elle demande à la cour, au cas où la société Boussois ne serait pas condamnée à la garantir intégralement, de diviser entre elles la dette de réparation, et de condamner M. Le Berre à la garantir de la part de responsabilité demeurant à sa charge.

Elle réplique que la cause du désordre provient du décollement des verres dû à une mauvaise qualité de leur colle ou mastic de scellement, partie intégrante du vitrage livré par la société Boussois. Elle affirme qu'il s'agit d'un problème de fabrication des vitrages, et que la cause du désordre ne réside pas dans la présence d'eau ou d'air dans les feuillures en raison, le cas échéant, de leur insuffisance de bourrage en mastic de pose. Elle indique que le premier expert s'est expliqué sur les objections techniques soulevées par la société Boussois et qu'il a pu constater que les feuillures, insuffisamment remplies au fond, étaient sèches; elle note également que, selon le CEBTP, l'influence d'un bourrage insuffisant des fonds de feuillures en mastic sur la tenue de la soudure ne peut se déduire avec certitude; elle ajoute que c'est vainement que la société Boussois se prévaut du rapport déposé par l'expert Caillau qui n'avait pas reçu mission de rechercher la cause des désordres et de s'en expliquer. Toutefois, s'il était retenu une responsabilité pour une insuffisance de bourrage, elle demande la garantie de M. Le Berre.

Elle rétorque qu'aucune restriction de garantie n'a jamais été convenue ni acceptée par elle, et que, quoi qu'il en soit, le vendeur fabricant ne peut s'exonérer ni limiter sa garantie. Elle conteste le moyen tiré de la prescription décennale de l'article 189 bis du Code de commerce, la société Boussois ne s'expliquant pas sur le point de départ de cette prescription.

En ce qui concerne le remplacement des vitrages et l'adaptation des menuiseries au DTU actuel, elle s'associe aux moyens développés par la société Boussois.

S'agissant des vitrages des façades nord et est, elle invoque l'expiration du délai de la garantie décennale et l'existence d'un vice de fabrication imputable à la société Boussois. Elle conteste le coût des travaux de remplacement des vitrages et la demande d'actualisation. Elle estime qu'aucune indemnité ne peut être allouée pour le prétendu trouble de jouissance déjà subi et que la SCI est irrecevable à agir pour les locataires des bureaux.

Monsieur Le Berre, intimé sur report d'appel de la société Miroiteries de l'Ouest conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause, au débouté des parties adverses de leurs demandes, et à la condamnation de la société Boussois à 5 000 F pour frais irrépétibles.

Il fait remarquer qu'aucune condamnation n'est demandée à son encontre et que le jugement ne pourra qu'être confirmé sur ce point. Il ajoute que le délai de la garantie décennale est expiré et qu'il s'agit d'un vice de fabrication imputable à la société Boussois. Il indique qu'il n'a fourni que la main d'œuvre et qu'aucune critique ne lui a été faite par les Miroiteries de l'Ouest.

La SCI Les Chênes conclut à la confirmation du jugement et demande à la cour, y ajoutant ou émendant:

- de déclarer les sociétés Miroiteries de l'Ouest et Boussois responsables des désordres affectant les doubles vitrages des façades nord et est,

- de lui donner acte de ce qu'elle sollicite réparation en argent,

- de dire que les mêmes sociétés devront supporter le changement des menuiseries supports des doubles vitrages de toutes les façades,

- de condamner lesdites sociétés à payer, in solidum, la somme de 2 517 208 F avec actualisation, montant du coût du remplacement des 556 doubles vitrages et de leur châssis, celle de 292 497 F pour trouble de jouissance pendant travaux, et celle de 340 000 F pour trouble de jouissance avant travaux,

- de condamner les mêmes parties à lui payer une indemnité de 30 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- de lui allouer une provision de 2 400 000 F en cas de nouvelle expertise et une autre provision de 30 000 F au titre de l'article 700.

La SCI approuve le premier juge d'avoir retenu que la clause exclusive du sinistre est un vice de fabrication imputable à Boussois, comme le prouve l'essai effectué par l'expert pour vérifier l'incidence du bourrage incomplet des feuillures. Elle souligne qu'à l'époque il y avait bien conformité des feuillures au DTU. En tout état de cause, elle invoque l'obligation de résultat des Miroiteries de l'Ouest.

Elle demande à la cour d'évoquer pour donner une solution exécutoire à ce litige ancien.

Elle estime que les clauses limitatives de responsabilité insérées dans les documents commerciaux de la société Boussois sont sans effet, et que les effets de la prescription commerciale de dix ans sont suspendus tant que la responsabilité du maître de l'ouvrage n'a pas été mise en cause par le maître de l'ouvrage.

Elle indique que l'esthétique générale du bâtiment exige de remplacer tous les doubles vitrages de l'immeuble et qu'il faut changer les menuiseries métalliques devenues non conformes au DTU.

Elle fait état d'une perte de confiance envers l'entrepreneur et son fournisseur pour demander réparation en argent. Enfin, elle indique qu'elle est bailleresse des locaux de tous les porteurs de parts et qu'elle est fondée à faire valoir la perte de valeur locative de ses locaux.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère au jugement déféré et aux conclusions figurant au dossier.

Discussion

Considérant qu'il y a lieu de joindre comme connexes les procédures inscrites au rôle sous les n° 96-86, 136-86 et 137-86

1°) Sur les causes des désordres

Considérant qu'il résulte des documents produits qu'environ deux ans après l'achèvement de l'immeuble en 1975, des auréoles ayant l'aspect de taches de pétrole et des buées de condensation sont apparues à l'intérieur des doubles vitrages des façades sud et ouest; que le même phénomène s'est progressivement étendu aux façades nord et est, ainsi qu'il ressort des énonciations d'un constat d'huissier du 2 février 1987 et d'un second rapport d'expertise;

Considérant que le premier expert judiciaire a relevé, après démontage de plusieurs ensembles vitrés des façades sud et ouest, que les désordres sont causés par le décollement des doubles vitrages qui laissent ainsi passer l'humidité dans la lame d'air aux parties inférieures et latérales;

Qu'il a émis l'avis que la colle de scellement des doubles verres ne présente pas les propriétés nécessaires à une telle fonction, comme le confirment les observations du laboratoire du centre expérimental d'études du bâtiment et des travaux publics au vu desquelles l'expert a énoncé que:

- la colle ou mastic de scellement n'a pas une qualité suffisante pour assurer une bonne durabilité: elle se délite,

- il se produit une stratification dans le corps du mastic qui se craquelle en surface, avec migration de certains éléments constitutifs de modification des propriétés mécaniques du mastic, indépendamment des conditions de mise en œuvre,

- le produit vieillit mal, paraît instable et perd ses qualités d'adhérence avec le temps,

- il est probable que le mastic ne supporte pas les échauffements qui se produisent avec un vitrage réfléchissant,

- en arrachant les parties qui collent bien, le produit se "délamine" comme s'il y avait eu stratification dans le mastic, ce que ne justifie pas un défaut de mise en œuvre,

- la défectuosité semble due à la composition du mastic de scellement, les vitrages en verre clair mis en place devant la salle de réunion du rez-de-chaussée, dans les mêmes conditions que les verres Verflex incriminés, ne présentant aucun désordre;

Qu'en présence de ces constatations, c'est avec raison que les premiers juges ont estimé que la mauvaise tenue du mastic de scellement est à l'origine de l'embuage des façades sud et ouest de l'immeuble;

Que vainement la société Boussois tente d'imputer les désordre à un mauvais bourrage des fonds de feuillures alors que le premier expert a seulement, sous une forme circonspecte, énoncé que ce fait "pouvait influencer la bonne tenue de la colle"; que cette simple hypothèse n'a d'ailleurs pas été vérifiée en l'espèce, puisque les fonds de feuillures se sont toujours révélés secs, même après une projection d'eau sous pression sur un élément vitré, alors que des désordres importants dans le masticage des feuillures auraient inévitablement permis de déceler des indices de pénétration d'eau; qu'il importe peu, dès lors, que la mise en œuvre des verres n'ait pas été conforme au DTU en ce qui concerne le bourrage des feuillures, non prévues auto-drainantes, cette circonstance étant sans lien de causalité certain avec l'apparition des désordres;

Considérant que s'il est vrai que l'expert Cailliau, désigné en second lieu pour évaluer le coût des travaux, déterminer les préjudices et vérifier si les vitrages des façades nord et est sont affectés des mêmes désordres, a confirmé que la pose des vitrages laissait à désirer du fait du bourrage incomplet des feuillures et de l'absence de glacis extérieur, il demeure que les constatations précédemment faites sur l'absence d'humidité dans le fond des feuillures établissent que l'étanchéité entre les vitreries et le châssis n'est pas en cause dans les désordres et permettent d'écarter les manquements constatés des raisons qui ont provoqué l'embuage;

Qu'il en va de même de l'observation faite par le second expert au sujet des profilés en aluminium recevant les miroiteries, lesquels ne sont pas auto-drainants et seraient, selon lui, probablement à l'origine de la formation des buées à l'intérieur des vitrages; qu'il ne s'agit là que d'une opposition, contredite par les éléments ci-dessus, et que l'expert n'a envisagée qu'avec la précision qu'elle ne remettait aucunement en cause les conclusions de la précédente expertise sur les défauts présentés par les vitrages eux-mêmes;

Considérant qu'en conséquence il ressort de ces éléments qui suffisent à éclairer la cour que les désordres précédemment observés sur les parties vitrées des façades sud et ouest se sont propagés plus récemment sur les parties vitrées des façades nord et est, et qu'ils trouvent leur origine certaine dans un vice de fabrication affectant la qualité du mastic de scellement des verres des ensembles vitrés fabriqués par la société Boussois, toute autre cause des désordres demeurant hypothétique;

2°) Sur la responsabilité de la société Les Miroiteries de l'Ouest

Considérant que la société Les Miroiteries de l'Ouest, liée à la SCI Les Chênes par un contrat de louage d'ouvrage, ne conteste pas que la malfaçon qui affecte les doubles vitrages à grande surface litigieux, s'incorporant au gros œuvre pour assurer la presque totalité du clos vertical, ressortit à la garantie décennale à laquelle elle est tenue en vertu des articles 1792 et 2270 du Code civil, en l'absence de toute cause exonératoire;

Que, s'agissant des désordres atteignant les vitrages des façades nord et est, dénoncés en 1987 après l'expiration du délai décennal, la société Les Miroiteries de l'Ouest ne peut opposer la fin de non-recevoir tirée de la prescription, dès lors qu'il s'agit d'une action en garantie étendue, après l'expiration du délai de dix ans, à des dommages ayant les mêmes causes que ceux des deux autres faces de l'immeuble, et constituant le complément des premières demandes soumises au tribunal suivant assignation du 2 mai 1983;

3°) Sur les recours exercés contre la société Boussois et M. Le Berre:

Considérant qu'à bon droit le tribunal a accueilli le recours exercé par la société Les Miroiteries de l'Ouest contre le fabricant, conformément à l'article 1641 du Code civil, à raison du vice caché, existant lors de la vente, et ayant causé le dommage en rendant les doubles vitrages impropres à l'usage auquel ils étaient destinés;

Considérant que la SCI Les Chênes dispose elle-même contre le fabricant d'une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée; que la société Boussois, ayant fabriqué et vendu sous le nom de Verflex un produit non conforme à l'usage auquel il est destiné et à l'origine des dommages subis par la SCI, doit répondre de ce manquement contractuel dont la SCI se prévaut justement pour lui demander réparation dans les conditions conformes aux prévisions du contrat initial;

Qu'à cet égard, la société Boussois, tenue de connaître les vices cachés de sa propre fabrication, ne peut opposer à l'acquéreur des matériaux et au maître de l'ouvrage des clauses limitatives de responsabilité, sans établir que l'entrepreneur pouvait au moment de la livraison déceler le vice des doubles vitres, ce qu'elle ne fait pas; qu'elle ne démontre pas davantage que la société Les Miroiteries de l'Ouest, qui le nie, a eu connaissance de ces clauses et qu'elles ont été convenues entre les parties, l'exemplaire des conditions générales de vente versé aux débats n'étant qu'un imprimé ne comportant aucune référence au marché passé entre les parties;

Qu'enfin la prescription de dix ans prévue par l'article 189 bis du Code de commerce n'est pas acquise, le point de départ du délai devant s'apprécier à la date de l'assignation de la société, Les Miroiteries de l'Ouest, le 2 mai 1983, celle-ci ne pouvant agir contre le fabricant avant d'avoir été elle-même assignée et la prescription se trouvant suspendue jusqu'à cette date;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a prononcé des condamnations in solidum contre la société Les Miroiteries de l'Ouest et la société Boussois et que, dans leurs rapports entre elles, il a condamné la seconde à garantir la première de l'ensemble de ces condamnations;

Considérant que, compte tenu des développements qui précèdent, les premiers juges ont avec raison mis M. Le Berre hors de cause, son intervention n'étant pas causale des désordres atteignant les vitrages;

4°) Sur les réparations:

Considérant qu'il est acquis aux débats qu'il n'est pas possible de remédier au phénomène d'embuage constaté, la seule solution envisageable étant de procéder au remplacement des vitrages et à la mise en place de châssis coulissants aux feuillures auto-drainantes conformes aux DTU et normes actuellement en vigueur;

Considérant que, la société Boussois ne fabriquant plus les verres Verflex incriminés, il ressort des rapports d'expertise que les verres de remplacement seront de teinte notablement différente de sorte qu'il est nécessaire, pour conserver l'harmonie des quatre façades de l'immeuble, de prescrire le remplacement de tous les vitrages, y compris ceux qui ne présentent pas de défectuosités, à l'exception toutefois des fenêtres de la cage d'escalier lesquelles sont actuellement sans défaut et forment un tout homogène quant à leur aspect;

Qu'en outre, il est indispensable, ainsi que l'ont opportunément relevé le second expert et le tribunal, de remplacer l'ensemble des châssis coulissants par des châssis comportant des traverses basses auto-drainantes afin d'éviter toute condensation en fond de feuillure et de répondre aux normes et DTU actuellement en vigueur; qu'avec pertinence l'expert a rejeté la proposition de la société Boussois de pratiquer des trous dans les traverses actuelles pour en faire des châssis drainants, solution inadaptée à l'obtention de feuillures drainantes, relevant, selon l'expert, de la fantaisie et du bricolage, et non d'une technicité reconnue; que la nécessité de changer les châssis pour les adapter au DTU actuel n'est que la conséquence, ainsi que l'a exposé le tribunal, des désordres qui affectent les vitrages et qui conduisent à leur remplacement;

Considérant qu'avec raison, en l'absence de toute impossibilité alléguée, le tribunal a condamné la société Les Miroiteries de l'Ouest et la société Boussois à une exécution en nature, dans un délai et sous une astreinte qui doivent être approuvés;

Que toutefois les deux sociétés précitées seront condamnées in solidum, en cas d'inexécution dans le délai de six mois imparti, à payer à la SCI Les Chênes la somme de 1 258 604,23 F, après actualisation, représentant le coût des travaux évalués par l'expert pour les 278 fenêtres à deux châssis à remplacer;

Que cette somme a été arrêtée par l'expert au vu des devis qui lui ont été remis par les entreprises consultées; que celle, exactement double, réclamée par la SCI, procède d'une appréciation erronée du nombre des éléments à remplacer qui est de 278 fenêtres à deux vantaux coulissants et non de 556, comme indiqué inexactement dans l'un des devis produits;

Qu'enfin, il n'est justifié d'aucun motif de nature à faire application d'un coefficient de plus- value pour la mise en place de châssis neufs, les châssis existants n'ayant subi aucune détérioration en quatorze ans;

5°) Sur les troubles de jouissance invoqués:

Considérant qu'en raison de la prolongation injustifiée le la procédure - la société Boussois, appelante, ayant notamment attendu trois ans et demi avant d'expliciter les motifs de son appel - il est de bonne justice d'évoquer les points non jugés et donner à l'affaire une solution définitive;

Considérant que la SCI Les Chênes, qui justifie qu'elle est la bailleresse des locaux litigieux, a qualité pour réclamer l'indemnisation de la perte de la valeur locative résultant de l'atteinte à la vue que cause l'embuage des vitrages dans un immeuble édifié dans un site agréable et conçu pour que le clos vertical soit assuré principalement par du verre transparent;

Que l'allocation de la somme de 204 000 F sur la base d'une perte de 3 % de la valeur locative depuis l'assignation au fond, constitue la réparation adéquate du préjudice subi, lequel se trouve limité par la circonstance qu'il est impossible, quoi qu'il en soit l'état des vitrages, de nettoyer les parties basses intérieures des ensembles vitrés du fait de la conception actuelle des garde-corps;

Qu'en revanche, si pendant l'exécution des travaux, les locaux professionnels dans lesquels ils seront exécutés connaissent une certaine perturbation, la SCI ne démontre cependant pas qu'elle devra consentir à ses locataires une diminution du prix du loyer; qu'en effet ces réparations urgentes, dont le délai d'exécution a été fixé sans attendre la fin des contrats de location, ne dureront jamais plus de quarante jours dans chacun des locaux loués de sorte qu'à défaut de conventions spéciales dont il n'est pas justifié les preneurs devront les souffir dans les conditions prévues par l'article 1724 du Code civil; que la SCI sera donc déboutée de ce chef de demande;

6°) Sur les dépens et les frais non répétibles:

Considérant que la société Les Miroiteries de l'Ouest et la société Boussois seront condamnées aux dépens d'appel, la seconde devant garantir la première de cette condamnation;

Que l'équité commande l'octroi, à la SCI Les Chênes seule, d'une somme d'un montant de 8 000 F en remboursement des frais non répétibles qu'elle a exposés durant la procédure d'appel, cette somme s'ajoutant à celle de 5 000 F justement accordée par les premiers juges et qui produira intérêts dans les conditions énoncées par l'article 1153 du Code civil;

Décision:

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, En la forme, reçoit la société Boussois en son appel, Joint les instances inscrites au rôle sous les n° 96-86, 136-86 et 137-86, Au fond, confirme le jugement du chef de la condamnation à exécution en nature prononcée contre la société Les Miroiteries de l'Ouest et contre la société Boussois, du chef de la condamnation à garantie prononcée contre la société Boussois, du chef du rejet de l'appel en garantie dirigé contre M. Le Berre, du chef des dépens et des frais non répétibles; Y ajoutant et évoquant ensuite de l'expertise ordonnée, Condamne in solidum la société Les Miroiteries de l'Ouest et la société Boussois à remplacer ou à faire remplacer la totalité des vitrages isolants des façades nord et est de l'immeuble, ainsi que tous les châssis coulissants des quatre faces de l'immeuble, à l'exception de ceux de la cage de l'escalier, par des châssis auto-drainants, dans le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte de 500 F par jour de retard; Autorise, en cas d'inexécution dans le délai prescrit, la SCI Les Chênes à faire procéder aux travaux de remplacement des vitrages et des châssis des quatre faces de l'immeuble par les entrepreneurs de son choix et condamne, dans ce cas, in solidum, la société Les Miroiteries de l'Ouest et la société Boussois à lui payer la somme de 1 258 604,23 F, représentant le coût des reprises, cette somme devant être actualisée suivant l'indice BT 01, l'indice de départ étant celui du mois d'avril 1989 et l'indice d'actualisation le dernier paru au jour du présent arrêt; Condamne les mêmes sociétés, in solidum, à payer à la SCI Les Chênes la somme de 204 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 8 000 F en remboursement de ses frais non répétibles d'appel; Condamne la société Boussois à garantir la société Les Miroiteries de l'Ouest de toutes les condamnations qui précèdent; Déboute les parties de leurs autres demandes; Condamne in solidum la société Les Miroiteries de l' Ouest et la société Boussois aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile; Dit que la société Boussois devra garantir la société Les Miroiteries de l'Ouest de sa condamnation aux dépens.