Livv
Décisions

Cass. crim., 30 octobre 1995, n° 95-80.361

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Dintilhac

Avocats :

SCP Lesourd, Baudin.

TGI Narbonne, ch. corr., du 11 févr. 199…

11 février 1994

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par C Henri, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre, du 31 octobre 1994, qui, pour tromperie et publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 100 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et d'affichage et a prononcé sur les intérêts civils. - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905, 213-1 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de tromperie sur la composition réelle des produits commercialisés par la société X sous la dénomination "engrais organo-minéral" ;

" aux motifs qu'il ne contestait pas avoir fabriqué et mis en vente des engrais dits "organo-minéraux" contenant des déchets thermodurcissables qui ne pouvaient réglementairement entrer dans leur composition ; qu'il avait même indiqué qu'il s'agissait pour lui de diminuer les coûts et de rester compétitif vis-à-vis de la concurrence ; qu'en achetant sous la dénomination "engrais organo-minéraux" des engrais comportant des azotes de synthèse et qui ne pouvaient prétendre à l'appellation, les acquéreurs ont effectivement été trompés sur la teneur en principes utiles desdits engrais ;

" alors que l'application de la loi du 1er août 1905 suppose l'existence d'un contrat ou d'un acte à titre onéreux spécifique, et non pas d'une simple décision de fabrication ou de présentation à la vente d'un produit ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune des pièces du dossier, ni des énonciations de l'arrêt attaqué que la poursuite engagée à l'encontre du prévenu ait été la conséquence d'un contrat ou d'un acte à titre onéreux ; que la référence vague à des acquéreurs qui auraient été trompés sans qu'un seul d'entre eux soit dans la cause au titre de contractant du prévenu ne caractérise pas l'élément constitutif de l'infraction ; que, dès lors, la déclaration de culpabilité sur le fondement de ce texte n'est pas légalement justifiée " ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-1, 121-1 à 121-4 nouveaux du Code pénal, 4 ancien du Code pénal, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 7 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, 1er de la loi du 1er août 1905, 44-1, 44-2, alinéas 7, 8, 44-2, alinéas 9, 10, 44-2, alinéa 6, de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe de la rétroactivité in mitius et des droits de la défense :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu, président directeur général de la société X, coupable des délits de tromperie sur la composition réelle des produits commercialisés par cette société sous la dénomination "engrais organo-minéral" et de publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature, la composition, la teneur en principes utiles et les garanties annoncées sur l'étiquetage quant à la teneur en azote organique des engrais proposés à la vente ;

" alors que, aux termes de l'article 112-1 du Code pénal, en son alinéa 3, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ; qu'il résulte des dispositions de l'article 121-1 nouveau du Code pénal que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait et que, aux termes de l'article 121-2 nouveau du Code pénal, les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 et 121-7 et dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants ; qu'en l'espèce, il est constant que le prévenu n'a pas commis personnellement les faits qui lui sont reprochés ; que tant la fabrication des engrais que leur étiquetage ont été effectués, non pas pour son compte personnel, mais pour celui de la société anomyme X dont il est le président directeur général ; qu'il s'ensuit que seule la société anomyme X devait avoir à répondre des infractions qui étaient reprochées à son dirigeant avant l'entrée en vigueur, le 1er mars 1994, du nouveau Code pénal et que la déclaration de culpabilité est illégale " ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'Henri C, dirigeant d'une société qui fabrique des matières fertilisantes, est poursuivi pour tromperie et publicité de nature à induire en erreur sur la composition de la marchandise vendue ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de ces délits, les juges relèvent que la société a commercialisé un engrais sous la dénomination d'engrais organo-minéral, apposée sur l'étiquetage, alors que ce produit, fabriqué à partir de déchets de matières plastiques, ne contient que de l'azote de synthèse qui ne peut être qualifié d'organique ;que les juges ajoutent que le prévenu a expliqué qu'il procédait de la sorte pour diminuer les coûts de production et rester compétitif à l'égard de ses concurrents ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les délits poursuivis, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;qu'en effet, il résulte de l'article L. 121-5 du Code de la consommation que, lorsque l'annonceur pour le compte duquel la publicité trompeuse est diffusée est une personne morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants ; qu'au demeurant le prévenu, poursuivi à raison de son fait personnel, ne saurait invoquer à sa décharge la responsabilité pénale de la personne morale qu'il dirige, cette responsabilité instituée par l'article 121-2 nouveau du Code pénal n'étant pas, à défaut de disposition spéciale, encourue pour les infractions prévues par le Code de la consommation ;d'où il suit que les moyens, dont le second est inopérant, ne sauraient être accueillis ;

Mais sur le moyen relevé d'office et pris de la violation de l'article L. 216-3 du Code de la consommation : - Vu ledit article ; - Attendu que les juges ne sauraient prononcer une peine d'une durée supérieure à celle fixée par la loi ;

Attendu que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel, après avoir déclaré le prévenu coupable de tromperie, a, notamment, ordonné l'affichage de la décision à la porte principale de la société pendant 1 mois ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le temps pendant lequel l'affichage doit être maintenu, ne peut, aux termes de l'article L. 216-3 du Code de la consommation, excéder 7 jours, la cour d'appel a méconnu le texte et le principe ci-dessus rappelés ; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais en ses seules dispositions relatives à l'affichage, l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 31 octobre 1995 ; Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ; Fixe à 7 jours la durée de l'affichage de la décision ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.