CCE, 20 septembre 2000, n° 2001-52
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aide d'État mise à exécution par la France dans le secteur viticole
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, après avoir, conformément à l'article 88, paragraphe 2, premier alinéa, du traité, mis les intéressés en demeure de lui présenter leurs observations et vu ces observations, considérant ce qui suit:
I
PROCÉDURE
(1) Les autorités françaises ont notifié par lettre du 3 février 1999, enregistrée le 8 février 1999, un régime d'aides concernant l'adaptation du vignoble charentais. Des demandes de renseignements complémentaires ont été envoyées le 18 mars et le 14 juillet 1999. Les autorités françaises ont répondu par lettres du 6 mai et du 28 juillet 1999.
(2) La Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'égard de l'aide en objet, par lettre SG(99) D-8176 du 15 octobre 1999. L'ouverture de la procédure ne concernait que trois des quatre mesures initialement notifiées par les autorités françaises. En effet, la mesure intitulée "compléments à la prime d'arrachage" n'a pas soulevé d'objections de la part de la Commission.
(3) La décision d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes(1). La Commission a invité les autres États membres et les tiers intéressés à présenter leurs observations sur les aides en cause. La Commission n'a pas reçu d'observations de la part de tiers. Les autorités françaises ont envoyé leurs commentaires par lettre du 13 décembre 1999.
(4) Les autorités françaises ont adopté, sans en informer la Commission et sans attendre la clôture de la procédure d'examen, deux arrêtés, du 12 mars 1999 et du 6 avril 2000, relatifs aux conditions d'attribution de l'aide à l'amélioration de l'encépagement d'exploitations viticoles dans la région délimitée "Cognac" pour les campagnes 1998-1999 et 1999-2000 respectivement(2). La Commission s'est adressée une nouvelle fois aux autorités françaises, par lettre du directeur général adjoint de l'agriculture du 31 mai 2000 demandant à ces autorités si la mesure "complément à l'aide nationale à l'amélioration de l'encépagement" avait été effectivement mise en vigueur. L'article 88, paragraphe 3, du traité, qui prévoit l'interdiction de la mise en œuvre d'aides d'État, a alors été rappelé. Il a été fait également mention du principe de la récupération des aides incompatibles avec le marché commun. Les autorités françaises ont envoyé les textes législatifs susmentionnés par lettre du 28 juin 2000 confirmant implicitement l'adoption de la mesure.
II
DESCRIPTION
(5) Le régime envisagé poursuit la réorientation du vignoble charentais, utilisé actuellement pour la production de cognac, vers la production d'autres vins "vins de pays". Ce régime est une conséquence de la crise que traverse le secteur qui a pour effet une accumulation de stocks considérable.
(6) Cette réorientation est axée sur quatre mesures destinées à promouvoir la production de vins qui répondent à la demande des consommateurs et à réduire les volumes de production du cognac.
Complément à l'aide nationale à l'amélioration de l'encépagement
L'objectif de l'aide est l'amélioration qualitative du vignoble. La mesure consiste à inciter les producteurs de cognac à se reconvertir dans la production de "vins de pays" en encourageant l'utilisation de certains cépages(3). La mesure ne porterait que sur 1000 hectares de vignoble.
Le budget prévisionnel s'élève à 10 000 000 de F français (FRF) [1 524 000 euros (EUR)] au moyen d'un versement complémentaire de 10 000 F français par hectare (FRF/ha) [1 524 euros (EUR)] aux viticulteurs pouvant déjà bénéficier de l'aide nationale à l'amélioration de l'encépagement.
L'aide serait versée pour une année, les autorités françaises ayant indiqué que le caractère pluriannuel de celle-ci ne pourra être entériné qu'après évaluation de la mesure à l'issue de sa mise en place sur un an.
Le niveau des aides serait le suivant:
- 24 000 FRF/ha pour un viticulteur apporteur de la totalité de sa production à un groupement de producteurs de commercialisation ou à des caves coopératives adhérentes à des groupements de producteurs de commercialisation. Le complément d'aide porterait à 34 000 FRF/ha le total de l'aide,
- 22 000 FRF/ha pour un viticulteur apporteur partiel à une cave coopérative adhérente d'un groupement de producteurs reconnu en tant que groupement de commercialisation ou apporteur partiel à un groupement de producteurs reconnu en tant que groupement de commercialisation ou adhérent d'un groupement de producteurs associatif ou adhérent d'une association de restructuration du vignoble. Le complément d'aide porterait à 32 000 FRF/ha le total de l'aide,
- 10 000 FRF/ha dans toute autre situation. Le complément d'aide porterait à 20 000 FRF/ha le total de l'aide.
Appui technique aux producteurs
Il s'agit d'une mesure d'accompagnement de celle qui précède, consistant à aider les viticulteurs à appréhender différemment leur mode de production moyennant un programme d'animation et de formation sur la reconversion du vignoble. Ce programme consisterait en l'animation de réunions d'information, en des distributions de brochures et en la diffusion de conseils par des techniciens sur les méthodes de culture et de vinification. Le budget prévu s'élève à 5 000 000 FRF (762 000 EUR).
Promotion du cognac
Il s'agit de mesures destinées à enrayer la perte de débouchés du cognac par le biais d'actions promotionnelles en faveur de ce produit. Ces actions incluent l'organisation de foires et expositions, actions de relations publiques ainsi que des campagnes de publicité. Elles se dérouleront essentiellement dans des pays tiers, et viseront notamment les continents asiatique et américain. Le budget prévu s'élève à 5 000 000 FRF (762 000 EUR) pour 1999.
Compléments à la prime d'arrachage
Il s'agit de mesures à caractère structurel visant à réduire les capacités de production de cognac de la région des Charentes.
(7) En ce qui concerne le complément à l'aide nationale à l'amélioration de l'encépagement, la Commission a considéré, lors de l'ouverture de la procédure d'examen des mesures notifiées, que l'article 14 du règlement (CEE) n° 822-87 du Conseil du 16 mars 1987 portant organisation commune du marché vitivinicole(4), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2253-88 du Conseil(5) prévoit que toute aide nationale pour les plantations de superficies viticoles est interdite depuis le 1er septembre 1988, à l'exception de celles répondant à des critères qui devront notamment permettre d'atteindre l'objectif de la diminution de la quantité de la production ou de l'amélioration qualitative sans entraîner d'augmentation de la production. Ainsi, seules seront admises les variétés de vignes amélioratrices n'ayant pas une productivité élevée dans le terroir concerné. Les variétés communiquées à la Commission par les autorités françaises remplissaient ces conditions. De plus, le montant total de l'aide ne dépasserait pas le plafond prévu par le règlement (CEE) n° 2741-89 de la Commission(6) qui établit que le montant de l'aide attribuée par hectare de vigne plantée ne peut dépasser 30 % des coûts réels d'arrachage et de plantation qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire dans chaque région, notamment en fonction des caractéristiques géomorphologiques.
(8) Or, le règlement (CE) n° 1493-1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole (OCM)(7) contient des dispositions sur l'abandon de superficies viticoles et la restructuration et la reconversion dans le secteur. Puisque le programme présenté par les autorités françaises cherchait une solution pour le long terme au problème de la production viticole dans la région des Charentes, les mesures envisagées devaient prendre en compte les nouvelles orientations de cette OCM. Ce règlement institue un régime de restructuration et de reconversion de vignobles ayant pour objectif d'adapter la production à la demande du marché. Le règlement (CE) n° 1227-2000 de la Commission du 31 mai 2000 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 1493-1999 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole en ce qui concerne le potentiel de production prévoit conformément à l'article 15, point c), du règlement (CE) n° 1493-2000(8), des dispositions visant à empêcher une augmentation du potentiel de production consécutive à l'application des mesures de reconversion. Il résulte des informations envoyées que la reconversion impliquait la production de nouveaux "vins de pays" et, donc, une augmentation de la production globale. En outre, l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1493-2000 prévoit que la plantation de vignes avec des variétés classées en tant que variétés à raisin de cuve est interdite jusqu'au 31 juillet 2010. La Commission a donc dû conclure que l'un des objectifs du législateur lorsqu'il a rédigé la nouvelle OCM était d'empêcher l'augmentation de la production viticole.
(9) D'après les autorités françaises, le supplément de production de vin de pays engendré par la reconversion variétale (1 à 1,5 million d'hectolitres) devrait être absorbé par le marché des "vins de pays", qui serait en progression constante en France depuis 1988. Pourtant, d'autres informations provenant aussi de France - notamment le rapport de l'Office national interprofessionnel des vins (Onivins) n° 65 du 7 juillet 1999 - font état d'une situation moins optimiste en ce qui concerne la vente des "vins de pays". Ainsi, s'il est vrai que sur la période 1994-1998 on a enregistré une hausse de 9 % de la commercialisation des "vins de pays", on a enregistré un tassement de leurs ventes sur les deux dernières années.
(10) Ainsi, tout en admettant que la reconversion variétale du vignoble charentais présenterait l'avantage de réduire la production de vins sans débouchés, la Commission a considéré que l'augmentation de la production de "vins de pays" en France en résultant s'écarterait des principes contenus dans la nouvelle OCM vitivinicole et serait de nature à créer des distorsions de concurrence sur un marché viticole qui ne présenterait pas des signes de croissance. En effet, il y a eu lieu de prendre en considération le fait que les vins résultant de la reconversion de ce vignoble iraient sur le marché normal du vin, tandis qu'actuellement ils ont, par définition, d'autres destinations en dehors de ce marché. De ce fait, la reconversion généralisée de ce vignoble risquerait fort de déplacer le problème vers d'autres marchés différents puisque, globalement, elle amènerait à une augmentation nette de la production de vins mis sur le marché, ce qui irait à l'encontre des objectifs de la nouvelle OCM.
(11) Dans ces conditions, et en l'absence de dispositions prises par les autorités françaises en vue d'adapter la mesure aux nouvelles exigences dans le secteur en prévoyant, notamment, que la reconversion du vignoble charentais soit accompagnée d'une réduction substantielle des surfaces de production et des rendements, la Commission a dû émettre des doutes quant à la compatibilité de ladite mesure avec les nouvelles exigences au niveau communautaire.
(12) En ce qui concerne l'appui technique aux producteurs, la Commission a conclu que la mesure en question était assimilable à une aide à la formation des agriculteurs visant à améliorer leurs qualifications techniques et donc, susceptible de contribuer à un développement du secteur viticole sans affecter les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Pourtant, étant donné que cette mesure était une mesure d'accompagnement par rapport à la précédente, la Commission a décidé de ne pas se prononcer sur celle-ci aussi longtemps que l'autre mesure n'aurait été approuvée.
(13) En ce qui concerne la mesure consistant en la promotion du cognac, la Commission, tout en constatant que les actions envisagées prises isolément respectent l'encadrement communautaire, a décidé de l'examiner compte tenu des mesures similaires autorisées par le passé. La Commission avait, en effet, autorisé, en 1998, une aide en faveur du Bureau national interprofessionnel du cognac pour des actions de promotion prévues pour une période de quatre ans(9). La Commission se demandait donc si la nouvelle enveloppe destinée aux actions promotionnelles en faveur du cognac ne pouvait se traduire par une distorsion cumulée de la concurrence au détriment d'autres producteurs communautaires d'eaux-de-vie. La Commission n'était donc pas en mesure d'autoriser cette aide sans avoir, au préalable, entendu les arguments des autorités françaises concernant la relation existant entre l'aide déjà autorisée et celle notifiée et les démarches qu'elles envisagent d'entreprendre afin d'éviter des distorsions excessives de la concurrence vis-à-vis d'autres producteurs communautaires.
(14) En revanche, la Commission a estimé, lors de l'ouverture de la procédure, que la mesure consistant en un complément à la prime d'arrachage était conforme aux règles communautaires de la concurrence. L'ouverture de la procédure d'examen ne concernait donc pas cette quatrième mesure.
(15) La Commission a ainsi estimé que les mesures consistant en un complément à l'aide nationale à l'amélioration de l'encépagement, la mesure d'appui technique aux producteurs ainsi que la mesure de promotion du cognac comportaient un avantage pour les producteurs du secteur viticole. De ce fait, ces aides ne seraient pas, en principe, compatibles avec le marché commun, à moins qu'elles ne puissent bénéficier d'une des dérogations visées à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité. Sur la base des informations disponibles, la Commission n'a pas pu conclure à la compatibilité desdites mesures. La Commission a donc estimé nécessaire d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité.
III
OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR LA FRANCE
(16) Par lettre du 13 décembre 1999, les autorités françaises ont présenté leurs observations sur la décision de la Commission d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, à l'encontre de l'aide notifiée.
(17) Pour ce qui concerne la mesure "complément à l'aide nationale à l'amélioration de l'encépagement", les autorités françaises rappellent que son objectif est de réduire le potentiel de production dans la région via la limitation des rendements. Ainsi, les rendements actuellement constatés s'établissent, en moyenne, à environ 150 hectolitres par hectare de vigne en production, et la reconversion en vin de pays devrait faire baisser le rendement moyen des vignobles reconvertis à environ 90 hectolitres par hectare.
(18) D'après les autorités françaises, cette reconversion permettrait aussi d'orienter du vignoble vers le marché, alors que les vins actuellement issus du vignoble charentais ne présentent pas les caractéristiques qualitatives requises pour assurer leur écoulement sur le marché. Cela permettrait, en outre, de réduire à terme les volumes livrables à la distillation obligatoire des cépages à double fin, et donc les dépenses à charge du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) à ce titre.
(19) Les autorités françaises considèrent que, étant donné que la mesure ne porte que sur 1 000 hectares à reconvertir, il sera éventuellement nécessaire de poursuivre l'effort de reconversion au-delà, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du régime prévu à l'article 11 du règlement (CE) n° 1493-1999. Elles ajoutent que ledit règlement, qui prévoit l'interdiction de plantations nouvelles de vignes et instaure un régime de reconversion des vignobles, serait en outre respecté, puisque les mesures notifiées ne prévoient pas d'étendre le vignoble charentais, mais de contribuer à son adaptation au marché en favorisant l'abandon à part égale au moyen de la reconversion des vignes existantes (1 000 ha).
(20) Les autorités françaises contestent ensuite les évaluations faites par la Commission des volumes de vins de pays susceptibles d'être mis sur le marché, qui se montent à 1,5 million d'hectolitres. Ainsi, le dispositif de reconversion devrait conduire à une diminution de 150 000 hectolitres de vins de table et à la production, différée de trois ans, de 80 000 à 90 000 hectolitres de vins de pays. Selon les autorités françaises, le marché des vins de pays, très dynamique d'après elles, est en mesure de continuer sa croissance sur le marché mondial. Les volumes agréés auraient ainsi progressé sensiblement ces dernières années, passant de 7 millions d'hectolitres en 1996 à plus de 10 millions d'hectolitres en 1997 et en 1998, malgré une diminution de la récolte liée aux conditions climatiques des deux dernières campagnes. La croissance moins importante constatée en 1998-1999, à laquelle faisait allusion la Commission lors de l'ouverture de la procédure d'examen, ne pourrait être interprétée comme un tassement de la demande, dans la mesure où les prix des vins de pays ont connu une hausse sensible au cours de cette campagne: + 14 % pour les vins de pays rouges (allant jusqu'à + 20 % pour les vins de cépage), et + 11 % pour les vins de pays blancs (allant jusqu'à + 16 % pour les vins de cépage). Les autorités françaises considèrent donc que la mesure ne conduit pas à une augmentation nette de la production de vin sur le marché mais à une adaptation au marché de cette région viticole, dont le vin est un débouché consacré par la réglementation communautaire.
(21) Pour ce qui est de la mesure "promotion du cognac", les autorités françaises ont communiqué à la Commission qu'elles avaient décidé de ne pas mettre cette mesure à exécution et qu'elles retirent, conformément à l'article 8 du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 88 du traité(10), la notification de cette mesure.
IV
APPRÉCIATION
(22) Selon l'article 87, paragraphe 1, du traité, sauf dérogations prévues par ledit traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
(23) L'article 76 du règlement (CEE) n° 822-87 prévoit pour sa part que, sous réserve des dispositions contraires dudit règlement, les articles 87, 88 et 89 du traité sont applicables à la production et au commerce des produits viticoles.
(24) En ce qui concerne les mesures intitulées "complément à l'aide nationale à l'amélioration de l'encépagement", et "appui technique", elles supposent un avantage conféré à ces producteurs dont d'autres productions ne peuvent pas bénéficier. Par conséquent, elles faussent ou menacent de fausser la concurrence dans le sens précité et, de ce fait, elles relèvent de la définition des aides d'État de l'article 87, paragraphe 1.
(25) Il apparaît que ces aides sont susceptibles d'affecter les échanges entre États membres dans la mesure où elles favorisent la production nationale au détriment de la production des autres États membres. En effet, le secteur viticole est particulièrement ouvert à la concurrence au niveau communautaire, notamment en France, et partant très sensible à toute mesure en faveur de la production dans l'un ou l'autre État membre.
(26) Le tableau suivant montre le niveau des échanges commerciaux entre la France et les autres États membres en ce qui concerne les produits vitivinicoles:
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(27) Le principe d'incompatibilité énoncé à l'article 87, paragraphe 1, connaît toutefois des exceptions.
(28) Les dérogations à cette incompatibilité prévues au paragraphe 2 de l'article 87 ne sont manifestement pas applicables. Elles n'ont pas non plus été invoquées par les autorités françaises.
(29) Les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, du traité doivent être interprétées strictement lors de l'examen de tout programme d'aide à finalité régionale ou sectorielle ou de tout cas individuel d'application de régimes d'aides générales. Elles ne peuvent notamment être accordées que dans le cas où la Commission pourrait établir que l'aide est nécessaire pour la réalisation de l'un des objectifs en cause. Accorder le bénéfice desdites dérogations à des aides n'impliquant pas une telle contrepartie reviendrait à permettre des atteintes aux échanges entre États membres et des distorsions de la concurrence dépourvues de justification au regard de l'intérêt communautaire et, corrélativement, des avantages indus pour les opérateurs de certains États membres.
(30) La Commission considère que les aides en cause ne sont pas destinées à favoriser le développement économique d'une région dans laquelle le niveau de vie est anormalement bas ou dans laquelle sévit un grave sous-emploi au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a). Elle ne sont pas non plus destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie de l'État membre au sens de l'article 87, paragraphe 3, point b). Les aides ne sont pas non plus destinées à promouvoir la culture ou la conservation du patrimoine au sens de l'article 87, paragraphe 3, point d).
(31) La seule dérogation envisageable pour le cas d'espèce est celle de l'article 87, paragraphe 3, point c), qui prévoit que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
Complément à l'aide nationale à l'amélioration de l'encépagement
(32) En ce qui concerne cette mesure, la Commission a déjà conclu, lors de l'ouverture de la procédure d'examen, que les variétés de vignes prévues par les autorités françaises répondent, en principe, aux caractéristiques exigées par la réglementation communautaire (voir description, considérant 7).
(33) La Commission a aussi conclu au respect de l'article 5 du règlement (CEE) n° 2741-89 qui prévoit que le montant maximal qui peut être atteint par l'aide attribuée par hectare de vigne plantée est de 30 % des coûts réels d'arrachage et de plantation (considérant 7).
(34) La Commission a constaté toutefois que l'OCM vitivinicole instituée par le règlement (CEE) n° 822-87 prévoit que toute aide nationale pour les plantations de superficies viticoles est interdite depuis le 1er septembre 1988, à l'exception de celles répondant à des critères qui devront notamment permettre d'atteindre l'objectif de la diminution de la quantité de la production ou de l'amélioration qualitative sans entraîner d'augmentation de la production (considérant 8).
(35) La Commission conclut en outre que l'éventuelle augmentation de la production des "vins de pays" en France s'écarte des principes contenus dans l'actuelle organisation commune du marché et est de nature à créer des distorsions de concurrence sur un marché viticole qui ne présenterait pas des signes de croissance (considérant 10).
(36) Dans ces conditions et en l'absence de dispositions prises par les autorités françaises en vue d'adapter la mesure aux nouvelles exigences dans le secteur en prévoyant, notamment, que la reconversion du vignoble charentais soit accompagnée d'une réduction substantielle des surfaces de production et des rendements, la Commission émettait des doutes quant à la compatibilité de ladite mesure avec les nouvelles exigences au niveau communautaire (considérant 11).
La réduction du potentiel de production: la réduction des rendements
(37) Les autorités françaises expliquent que l'objectif de la mesure est justement de réduire le potentiel de production et de limiter le rendement, ce qui devrait faire baisser le rendement moyen des vignobles reconvertis de 150 hl à environ 90 hl par hectare. En outre, cette reconversion permettrait d'orienter la production viticole vers le marché ainsi que de réduire à terme les volumes livrables à la distillation obligatoire des cépages à double fin, ce qui aurait pour conséquence de réduire les dépenses à charge du FEOGA à ce titre.
(38) La Commission fait sienne la conclusion des autorités françaises en ce qui concerne la réduction considérable du potentiel de production résultant de la reconversion vers d'autres cépages. Pourtant, le problème de la réduction des rendements ne doit pas être analysé uniquement en termes de résultats dérivés d'une reconversion variétale, mais aussi en termes de diminution de la capacité des rendements des cépages destinés à la production du cognac. Dans ce sens, les chiffres fournis à la Commission par les autorités françaises par lettre du 30 mai 2000 concernant le régime de la région des Charentes dans le cadre de l'organisation commune du marché vitivinicole, font état d'une forte progression des rendements des cépages de la variété "ugni-blanc", destinés à la production de cognac, allant de 80 hl par hectare en 1976 à 120 hl par hectare aujourd'hui(11). La Commission considère que la réduction des rendements devrait s'attaquer également à la variété "ugni-blanc", destinée à la production du cognac, laquelle se trouve à l'origine des excédents de production dans la région. Les chiffres des autorités françaises montrent qu'il y a la marge de manœuvre pour envisager une telle réduction. La seule réduction dérivée de la reconversion variétale ne peut donc être considérée comme suffisante par la Commission.
La réduction des surfaces de production
(39) Les autorités françaises considèrent que la réduction des surfaces de production est entamée au moyen de la mesure d'abandon définitif à part égale avec la reconversion des vignes existantes. Les autorités françaises ajoutent que, étant donné que la mesure ne porte que sur 1 000 hectares à reconvertir, il sera éventuellement nécessaire de poursuivre l'effort de reconversion dans le cadre de la mise en œuvre du régime prévu à l'article 11 du règlement (CE) n° 1493-1999. Elles ajoutent que ledit règlement, qui prévoit l'interdiction de plantations nouvelles de vignes et instaure un régime de reconversion des vignobles, serait respecté, puisque les mesures notifiées ne prévoient pas d'étendre le vignoble charentais, mais de contribuer à son adaptation au marché en favorisant l'abandon définitif.
(40) La Commission partage l'avis des autorités françaises pour ce qui est de l'utilité de l'abandon définitif comme moyen pour favoriser l'adpatation du vignoble charentais au marché. Toutefois, elle ne peut que constater que, compte tenu du fait que l'arrachage a un caractère volontaire, il n'y a, a priori, pas de garantie qu'une restructuration de 1 000 ha sera accompagnée de l'arrachage d'une superficie équivalente. De plus, le fait que les autorités françaises aient elles-mêmes chiffré par le passé la nécessité de réduire la surface totale de production de la région (estimée à +- 80 000 ha) de 15 à 20 % de celle-ci (entre 12 000 à 16 000 ha), montre que la simple application de cette mesure ne contribuera guère à une solution satisfaisante pour la région concernée. Les autorités françaises sont conscientes de cette réalité lorsqu'elles proposent de poursuivre la reconversion dans le cadre de la nouvelle OCM vitivinicole.
L'adaptation de la production à la demande
(41) L'article 11 du règlement (CEE) n° 1493-1999 prévoit effectivement, en son paragraphe 1, qu'un régime de restructuration et de reconversion des vignobles est institué. Il prévoit aussi, en son paragraphe 2, que le régime a pour objectif d'adapter la production à la demande du marché. Les autorités françaises ont essayé de prouver que cette dernière condition est respectée.
(42) Les autorités françaises contestent, tout d'abord, les évaluations faites par la Commission des volumes de vins de pays susceptibles d'être mis sur le marché, chiffrés par celle-ci à 1,5 million d'hectolitres. Ainsi, le dispositif de reconversion devrait conduire à une diminution de 150 000 hectolitres de vins de table et à la production, différée de 3 ans, de 80 000 à 90 000 hectolitres de vins de pays.
(43) De plus, selon les autorités françaises, contrairement à ce que dit la Commission au considérant 9, le marché des vins de pays serait en mesure de continuer sa croissance sur le marché mondial (considérant 20). Les volumes agréés auraient ainsi progressé sensiblement ces dernières années malgré une diminution de la récolte liée aux conditions climatiques des deux dernières campagnes. La croissance moins importante constatée en 1998-1999 ne pourrait être interprétée comme un tassement de la demande, dans la mesure où les prix des vins de pays ont connu une hausse sensible cette campagne: + 14 % pour les vins de pays rouges (allant jusqu'à + 20 % pour les vins de cépage), et + 11 % pour les vins de pays blancs (allant jusqu'à + 16 % pour les vins de cépage).
(44) Des informations postérieures à l'ouverture de la procédure d'examen, provenant de nouveau de l'Office national interprofessionnel des vins (Onivins)(12), affirment que, pour ce qui concerne les vins de pays, le prix moyen pondéré à vingt semaines de la campagne 1999/2000 des vins de pays rouges et rosés était en recul de 5 % par rapport à la campagne précédente (7 % pour les vins de pays rouges avec mention de cépage et 5 % pour les rosés avec mention de cépage) et en recul de 8 % pour les vins de pays blancs (10 % pour les vins de pays blancs avec mention de cépage). Ces informations, qui doivent certes être utilisées avec prudence, ne coïncident pas avec les thèses des autorités françaises selon lesquelles le marché des vins des pays est en expansion constante.
(45) La Commission, à la lumière des données dont elle a eu connaissance, et en l'absence d'une analyse sur l'impact réel en termes de marché d'une telle mesure, continue à avoir des doutes quant à la capacité d'absorption par le marché des nouvelles quantités de vin de pays qui seraient produites suite à la reconversion variétale dans la région des Charentes.
Les distorsions de concurrence
(46) De ce fait, la Commission, tout en rappelant que la mesure a pour objet une reconversion du secteur ayant des effets sur le long terme, doit confirmer la conclusion qu'elle a tirée lors de l'ouverture de la procédure d'examen selon laquelle l'augmentation de la production des "vins de pays" en France va à l'encontre des principes contenus dans la nouvelle OCM vitivinicole et serait de nature à créer des distorsions de concurrence sur un marché viticole qui ne présenterait pas des signes de croissance sans équivoques. La Commission maintient donc que le fait que les vins résultant de la reconversion de ce vignoble iraient sur le marché normal du vin, tandis qu'actuellement ils ont, par définition, d'autres destinations en dehors de ce marché, risquerait fort de déplacer le problème vers d'autres marchés/zones tout en suscitant une augmentation nette de la production de vins mis sur le marché, ce qui irait à l'encontre des objectifs de la nouvelle OCM.
(47) La Commission tient à souligner que cette conclusion s'applique aussi à l'ancienne OCM vitivinicole, où le principe de non-augmentation de la production est également envisagé.
(48) La Commission, estimant que la mesure mise à exécution par les autorités françaises est de nature à créer des distorsions de concurrence importantes dans un secteur où l'augmentation de la production est particulièrement contrôlée - en déplaçant les problèmes rencontrés dans la région des Charentes vers d'autres régions de la Communauté -, considère que seules les mesures adoptées dans le cadre de la politique agricole commune, et plus concrètement dans le cadre de l'organisation commune de marché concernée, sont de nature à assurer que les intérêts globaux des acteurs sur ce marché sont pris en compte. Il faut rappeler à ce propos que le recours par un État membre aux dispositions des articles 87, 88 et 89 du traité ne peut l'emporter sur celles du règlement régissant l'organisation de marché en cause(13).Leur application reste soumise aux dispositions prévues par les règlements concernés. La Commission ne peut pas approuver une aide qui, vu sa nature, est incompatible avec les dispositions régissant une organisation commune de marché ou qui contrarierait le bon fonctionnement de l'organisation de marché considérée.
(49) La Commission constate ainsi que les autorités françaises ne sont pas parvenues à adapter la mesure aux nouvelles exigences dans le secteur en prévoyant, notamment, que la reconversion du vignoble charentais soit accompagnée d'une réduction substantielle des surfaces de production et des rendements, raison pour laquelle la Commission doit conclure que la mesure en l'espèce n'est pas compatible avec les nouvelles exigences au niveau communautaire et, partant, avec les règles communautaires de la concurrence et, notamment, avec l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité.
Appui technique
(50) En ce qui concerne la mesure d'appui technique, puisqu'il s'agit d'une mesure d'accompagnement par rapport à celle qui précède, l'incompatibilité de celle-ci ne justifie plus son application et, dès lors, la Commission ne saurait approuver son octroi.
Promotion du cognac
(51) Pour ce qui est de la mesure "promotion du cognac", son retrait par les autorités françaises rend inutile son appréciation par la Commission.
V
CONCLUSION
(52) Les mesures qui consistent, respectivement, en un complément à l'aide nationale à l'amélioration de l'encépagement et en une mesure d'accompagnement sous la forme d'un appui technique aux producteurs, ne peuvent pas bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, du traité, étant donné qu'elles ne remplissent pas les exigences prévues par l'organisation commune de marché vitivinicole. De ce fait, elles sont incompatibles avec le traité et ne peuvent donc pas être mises à exécution.
(53) Les autorités françaises ont adopté, en date du 12 mars 1999, un arrêté relatif aux conditions d'attribution de l'aide à l'amélioration de l'encépagement d'exploitations viticoles dans la région délimitée "Cognac" pour la campagne 1998-1999. Elles ont adopté, en date du 6 avril 2000, un arrêté identique concernant la campagne 1999-2000. Ces arrêtés mettent à exécution la mesure notifiée à la Commission en violation de l'article 88, paragraphe 3. La mesure constitue dès lors une aide illégale au sens de l'article 1er, point f), du règlement (CE) n° 659-1999.
(54) La Commission regrette que la République française ait mis à exécution ladite aide en violation de l'article 88, paragraphe 3, du traité.
(55) S'agissant d'aides mises en œuvre sans attendre la décision finale de la Commission, il convient de rappeler que, étant donné le caractère impératif des règles de procédure définies à l'article 88, paragraphe 3, du traité, règles dont la cour de justice a reconnu l'effet direct dans ses arrêts rendus le 19 juin 1973 dans l'affaire 77-72, Carmine Capolongo contre Azienda Agricola Maya(14), le 11 décembre 1973 dans l'affaire 120-73, Gebrueder Lorenz GmbH contre République fédérale d'Allemagne(15), le 22 mars 1977 dans l'affaire 78-76, Steinicke et Weinlig contre République fédérale d'Allemagne(16), il ne peut être remédié a postériori à l'illégalité de l'aide considérée (arrêt rendu le 21 novembre 1991 dans l'affaire C-354-90, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et autres contre France)(17).
(56) En cas d'incompatibilité des aides illégales avec le marché commun, l'article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659-1999 prévoit que la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire. Ce remboursement est nécessaire en vue de rétablir la situation antérieure en supprimant tous les avantages financiers dont le bénéficiaire de l'aide octroyée de façon illégale a pu indûment bénéficier depuis la date d'octroi de cette aide.
(57) L'article 14, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 659-1999 prévoit que la récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d'un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l'aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire.
(58) Les aides doivent être remboursées en conformité avec les procédures prévues par la législation française. Les montants comprennent les intérêts à compter de la date à laquelle l'aide a été versée jusqu'à la date de sa récupération effective. Ils sont calculés sur la base du taux de référence de la Commission prévu par la méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation(18).
(59) La présente décision ne préjuge pas des conséquences que la Commission tirera, le cas échéant, sur le plan du financement de la politique agricole commune par le FEOGA.
(60) La mesure intitulée "promotion du cognac" a été retirée par les autorités françaises conformément à l'article 8 du règlement (CE) n° 659-1999. La Commission conclut par conséquent qu'il n'y a plus lieu à statuer sur ladite mesure,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
1. La mesure mise à exécution par la France qui consiste en un complément à l'aide nationale à l'amélioration de l'encépagement d'exploitations viticoles dans la région délimitée "Cognac" pour les campagnes 1998-1999 et 1999-2000, est une aide illégale incompatible avec les articles 87 à 89 du traité et ne peut pas bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, du traité.
2. La mesure d'accompagnement d'appui technique aux producteurs est incompatible avec les articles 87 à 89 du traité et ne peut pas bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, du traité.
Article 2
La France est tenue de supprimer les régimes d'aides visés à l'article 1er.
Article 3
La France prend les mesures nécessaires pour récupérer les aides versées auprès des bénéficiaires au titre des régimes visés à l'article 1er.
Article 4
La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.
Article 5
La République française est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 359 du 11.12.1999, p. 7.
(2) JORF du 11 avril 1999 et JORF du 23 avril 2000.
(3) Arriloba B, Cabernet franc N, Cabernet sauvignon N, Chardonnay B, Chasan B, Chenin B, Cot N, Gamay N à jus blanc, Merlot N et Sauvignon B.
(4) JO L 84 du 27.3.1987.
(5) JO L 198 du 26.7.1988.
(6) JO L 264 du 12.9.1989.
(7) JO L 179 du 14.7.1999.
(8) JO L 143 du 16.6.2000.
(9) Aide d'État n° N 327-98. Lettre à la France SG(98) D-6737 du 4 août 1998.
(10) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.
(11) Ce dernier chiffre diffère de celui fourni par les autorités françaises dans leur courrier du 13 décembre 1999.
(12) Rapport n° 70 du 2 février 2000.
(13) Arrêt du 26 juin 1979 dans l'affaire 177-78 Pigs and bacon Commission contre Mc Carren and Company Limited, Rec. 1979, p. 2161.
(14) Recueil 1973, p. 611.
(15) Recueil 1973, p. 1471.
(16) Recueil 1977, p. 595.
(17) Recueil 1991, p. I-5505.
(18) JO C 273 du 9.9.1997.