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Décisions

TPICE, 1re ch. élargie, 10 mai 2000, n° T-46/97

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sociedade Independente de Comunicação (SA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, Radiotelevisão Portuguesa (SA), République portugaise, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vesterdorf

Juges :

Mme Tiili, MM. Potocki, Meij, Vilaras

Avocats :

Mes Botelho Moniz, Moura Pinheiro, Tinoco de Faria Manuel, Jalles

TPICE n° T-46/97

10 mai 2000

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie),

Faits à l'origine du litige

1. RTP - Radiotelevisão Portuguesa, SA, autrefois établissement public, est depuis 1992, date à laquelle a pris fin le monopole de l'État portugais dans le domaine de l'audiovisuel, une société anonyme à capitaux publics. Concessionnaire du service public de la télévision portugaise, RTP exploite les chaînes 1 et 2 ainsi que la chaîne lusophone RTP Internacional. Tandis que le financement des chaînes privées de la télévision portugaise est exclusivement assuré par des recettes provenant de la publicité, RTP dispose non seulement desdites recettes, mais également de financements publics octroyés annuellement au titre de ses obligations de service public, dont le montant représentait, de 1992 à 1995, entre 15 et 18 % de l'ensemble de ses ressources annuelles.

2. SIC - Sociedade Independente de Communicação, SA est une société de droit portugais, de nature commerciale, ayant pour objet l'exercice d'activités dans le domaine télévisuel, qui exploite, depuis le mois d'octobre 1992, l'une des principales chaînes privées de télévision au Portugal.

Plaintes et procédure administrative devant la Commission

3. Le 30 juillet 1993, la SIC a saisi la Commission d'une plainte (ci-après la "première plainte"), visant les modes de financement des chaînes exploitées par RTP, en vue de faire constater, d'une part, l'incompatibilité avec le marché commun, au sens de l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE), d'un ensemble de mesures prises par la République portugaise en faveur de RTP, et, d'autre part, la violation de l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE) du fait de l'absence de notification préalable des aides dénoncées. Dans cette première plainte, la SIC estimait à, respectivement, 6 200 et 7 100 millions de PTE le montant des dotations financières versées par l'État à RTP en 1992 et 1993, à titre d'indemnités compensatoires des obligations de service public pesant sur cette dernière. Outre ces dotations, la SIC dénonçait les exemptions dont bénéficiait RTP en matière de droits d'enregistrement, ainsi que le système d'aides à l'investissement prévu par le cahier des charges. En conséquence, la SIC demandait à la Commission d'ouvrir la procédure formelle prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité et d'enjoindre à la République portugaise de suspendre le versement de ces aides non notifiées, jusqu'à l'adoption d'une décision finale.

4. À la suite du dépôt de la première plainte, une réunion a eu lieu, le 3 novembre 1993, entre les services de la Commission et les représentants de la SIC au cours de laquelle il a été demandé à celle-ci de fournir des données supplémentaires sur le marché concerné.

5. Par lettre du 12 février 1994, la requérante a présenté les données demandées. Elle a, par ailleurs, complété sa plainte en dénonçant à la Commission, d'une part, l'autorisation par le Gouvernement portugais de l'échelonnement d'une dette envers la Segurança social (la Sécurité sociale) évaluée à 2 milliards de PTE, assorti d'une exonération des intérêts de retard, et, d'autre part, le rachat par l'État, à un prix excessif, du réseau de télédiffusion dont RTP était propriétaire ainsi que l'octroi de facilités de paiement à cette dernière par l'entreprise publique chargée de la gestion dudit réseau. Estimant que ces mesures constituaient des aides d'État incompatibles avec le marché commun, la requérante sollicitait également, à leur égard, l'ouverture de la procédure visée à l'article 93, paragraphe 2, du traité.

6. Peu de temps auparavant, en décembre 1993, la Commission a chargé un bureau de consultants indépendant de procéder à une étude sur le financement des entreprises de télévision publiques dans l'ensemble de la Communauté et a indiqué à la requérante que cette étude serait un élément décisif pour l'instruction de sa plainte.

7. Le 15 mars 1994, la requérante a fourni de nouvelles données à la Commission concernant les taux d'audience des différentes chaînes de télévision au Portugal, puis, le 14 avril 1994, a informé celle-ci du versement, par le Gouvernement portugais, d'une nouvelle indemnité compensatoire à RTP, pour l'année 1994, d'un montant de 7 145 millions de PTE.

8. Par lettre du 4 août 1995, la requérante a, en vertu de l'article 175 du traité CE (devenu article 232 CE), mis en demeure la Commission de prendre position sur sa plainte et, en particulier, sur sa demande d'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité.

9. Le 16 octobre 1995, la Commission a fait savoir à la requérante que, à la suite de la réception de la version préliminaire de l'étude commandée en décembre 1993, elle avait demandé des informations complémentaires aux autorités portugaises afin de pouvoir analyser l'affaire au regard de l'article 92 du traité.

10. Le 1er novembre 1995, la Commission a reçu la version finale de l'étude en cause, dont elle a envoyé un exemplaire aux autorités portugaises pour qu'elles présentent leurs observations.

11. Par lettre du 14 décembre 1995, les autorités portugaises ont fourni les précisions demandées par la Commission en ce qui concerne les mesures d'aides dénoncées dans les plaintes.

12. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 décembre 1995, la requérante a introduit un recours en carence au titre de l'article 175 du traité, enregistré sous le numéro T-231-95.

13. Par lettre du 31 janvier 1996, la Commission a informé les autorités portugaises que, au vu des réponses données par celles-ci, "certains points rest[aient...] à éclaircir". À cet égard, la Commission leur demandait, tout d'abord, de lui fournir des données comptables sur les dotations versées au titre des obligations de service public de RTP en 1992 et 1993, ainsi qu'à propos du coût d'exploitation de RTP Internacional entre 1992 et 1995. La Commission soulignait, ensuite, que, "après un examen initial, les exemptions fiscales et les retards consentis relativement aux paiements afférents au réseau TDP sembl[aient] constituer des aides d'État entrant dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1 du traité". Elle demandait, en conséquence, aux autorités portugaises de lui indiquer si, selon elles, lesdites aides étaient fondées sur l'une des dérogations visées à l'article 92 du traité.

14. Par lettre du 20 mars 1996, les autorités portugaises ont répondu à la demande de la Commission.

15. Le 16 avril 1996, la Commission a adressé une nouvelle demande d'informations à ces mêmes autorités, concernant les exemptions fiscales et les facilités de paiement consenties à RTP, à laquelle il a été répondu par lettre du 21 juin 1996.

16. Le 22 octobre 1996, la requérante a déposé une nouvelle plainte (ci-après la "seconde plainte") visant, tout d'abord, à faire constater que les dotations financières accordées par l'État portugais à RTP, pour la période 1994-1996, étaient incompatibles avec le marché commun pour les mêmes motifs que ceux exposés dans sa première plainte. La requérante y dénonçait aussi l'octroi, en 1994, d'aides nouvelles à RTP, non notifiées par l'État portugais, résultant d'une augmentation de capital et de la garantie donnée par ce dernier dans le cadre de l'émission par RTP d'un emprunt obligataire. En conséquence, la SIC demandait à la Commission d'ouvrir la procédure formelle prévue à l'article 93, paragraphe 2, et d'enjoindre à la République portugaise de cesser d'octroyer ces aides jusqu'à l'adoption d'une décision finale.

17. Par lettre du 20 décembre 1996 (ci-après la "lettre du 20 décembre 1996"), la Commission a informé la requérante que, faisant suite à sa seconde plainte contre RTP, elle avait demandé aux autorités portugaises des informations concernant l'augmentation de capital et l'emprunt obligataire effectués par RTP en 1994, ainsi que sur l'élaboration d'un plan de restructuration pour la période 1996/2000 et la conclusion d'une convention avec le ministère de la Culture visant à soutenir l'activité cinématographique. Dans un second paragraphe de la lettre, elle ajoutait: "S'agissant des financements relatifs aux indemnités compensatoires perçues par [...] RTP pendant la période 1994/1996, nous considérons qu'elles ne constituent pas des aides d'État relevant de l'article 92, paragraphe 1, du traité pour les raisons exposées dans la décision [du 7 novembre 1996] dont nous vous transmettrons copie dès que les autorités portugaises nous auront indiqué quels sont les éléments confidentiels qui ne doivent pas être diffusés aux tiers."

18. Le 6 janvier 1997, la requérante a reçu copie de la décision de la Commission du 7 novembre 1996 adressée à la République portugaise relative au financement des chaînes publiques de télévision (ci-après la "Décision").

Décision

19. La Décision porte sur six catégories de mesures prises par l'État portugais en faveur de RTP.

20. La première catégorie de mesures examinées concerne les dotations financières versées à RTP, de 1992 à 1995, à titre d'indemnités compensatoires. Selon la Décision, leurs montants, compris entre 6 200 millions de PTE en 1992 (environ 32,5 millions d'écus) et 7 125 millions de PTE en 1995 (environ 36,2 millions d'écus), représentent entre 15 et 18 % des recettes annuelles de RTP et sont destinés à financer les charges résultant de l'exécution des obligations de service public que les chaînes privées de télévision n'assument pas. La nature desdites obligations et les montants des indemnités compensatoires perçues par RTP, exprimés en millions de PTE, sont les suivants:

EMPLACEMENT TABLEAU

21. En ce qui concerne l'année 1993, la Commission procède à une analyse comparée des valeurs fournies par la requérante et RTP quant à l'évaluation des coûts de ces obligations. Il est exposé, à cet égard, que "la méthode de calcul utilisée par l'auteur de la plainte manque de rigueur [alors que] l'analyse et les montants [présentés]par les autorités portugaises sont beaucoup plus fiables, et ce, en particulier, lorsqu'on [...] compare [ces derniers] aux indemnités reçues en 1994 et 1995, une époque où la comptabilité analytique était obligatoire". Pour les années 1994 et 1995, la Commission souligne que l'absence de compensations excédentaires est garantie par l'application des règles de ladite comptabilité au calcul des dépenses inhérentes aux obligations de service public et par le contrôle de l'Inspecção-geral de finanças (Inspection générale des finances).

22. La Commission déduit de ces éléments que "l'avantage financier résultant [de ces] transferts n'a pas dépassé ce qui était strictement nécessaire à l'accomplissement des obligations de service public imposées dans le cahier des charges".

23. Quant à l'année 1992, il est relevé que, "compte tenu du montant des financements en cause [...], bien inférieur à celui des deux années suivantes, et de sa répartition, il y a lieu d'exclure l'existence d'un éventuel excès de compensation" malgré l'absence de fourniture de données comptables par RTP.

24. S'agissant des indemnités compensatoires, la Commission conclut qu'elle "n'a aucun doute quant à la transparence du système de financement des dépenses inhérentes aux obligations de service public, qui a correctement garanti en 1994 et 1995 la conformité des financements publics au coût réel des obligations de service public et quant à l'absence d'éléments d'aide dans les mesures en cause", cette conclusion étant, pour les mêmes raisons, valable pour les années 1992 et 1993.

25. En ce qui concerne, deuxièmement, les exemptions fiscales dénoncées, la Commission estime que RTP n'a, en fait, été exonérée que du paiement des droits et frais afférents à l'enregistrement de l'acte portant création de la société en 1992, pour un montant d'environ 33 millions de PTE. Cette exemption ne constitue pas, selon la Décision, une aide d'État en raison de sa conformité à l'économie du système fiscal, en vertu duquel l'enregistrement d'un acte n'est pas nécessaire lorsque l'authentification de celui-ci résulte de la loi elle-même. Lors de l'augmentation de capital en 1995, RTP aurait, en revanche, payé tous les impôts et frais d'enregistrement dont sont redevables, à cette occasion, les personnes morales de droit privé.

26. Troisièmement, concernant la dette de RTP envers la Segurança social, d'un montant total de 2 189 millions de PTE pour la période 1983-1989, la Commission souligne qu'un accord amiable a, d'abord, été conclu entre RTP et la Segurança social du fait des divergences d'interprétation sur la légalité des bases d'imposition et afin d'éviter une action en justice, avant, finalement, qu'un décret conjoint du ministère des Finances et du ministère de la Sécurité sociale, du 3 mai 1993, n'institue un échelonnement de la dette et le non-recouvrement des amendes et intérêts correspondants. La Commission conclut que l'accord susvisé, portant renonciation aux intérêts de retard, évalués à 1 206 millions de PTE, et acceptation d'un paiement échelonné de la dette d'un montant très inférieur aux 2 milliards de PTE avancés par la requérante, révèle de la part de l'organisme de sécurité sociale un comportement proche de celui d'un opérateur privé cherchant à recouvrer des sommes dues.

27. Quatrièmement, au sujet de l'acquisition par l'État portugais, pour 5 400 millions de PTE en 1994, du réseau de télédiffusion dont RTP était propriétaire, la Commission estime que ce prix, dans la mesure où il a été calculé sur la base d'expertises menées, notamment, par un organisme privé indépendant, ne dissimule aucune aide d'État. En outre, la redevance annuelle versée par RTP pour l'utilisation du réseau, soit 2 000 millions de PTE, assurerait à son propriétaire actuel une rentabilité très élevée des capitaux investis.

28. Cinquièmement, s'agissant des retards de paiement de ladite redevance tolérés par Portugal Telecom, nouveau propriétaire du réseau de télédiffusion, à l'égard de RTP seulement et non de la SIC, ils ne sont pas, d'après la Décision, de nature à révéler l'existence d'une aide. En effet, Portugal Telecom n'ayant pas renoncé à la récupération des intérêts de retard échus, évalués à environ 398 millions de PTE en mars 1996, RTP ne serait pas exonérée des conséquences financières de son comportement.

29. Sixièmement, en ce qui concerne les aides à l'investissement visées à l'article 14 du cahier des charges, en vertu duquel l'État peut participer aux investissements réalisés par RTP, la Commission constate que, selon les renseignements fournis par les autorités portugaises, aucun versement n'a, jusqu'à présent, été effectué à ce titre.

Événements postérieurs à la Décision

30. Consécutivement à l'adoption de la Décision, la requérante s'est désistée du recours en carence qu'elle avait introduit dans l'affaire T-231-95, qui, par voie de conséquence, a fait l'objet d'une radiation par ordonnance du Tribunal du 4 juillet 1997.

31. Par lettre du 21 avril 1997, la Commission a informé la requérante que, après avoir pris connaissance des informations fournies par les autorités portugaises, elle estimait que les mesures dénoncées dans la seconde plainte concernant l'augmentation de capital de RTP et l'emprunt obligataire de 1994, ainsi que la convention visant à soutenir l'activité cinématographique et le plan de restructuration 1996-2000, n'avaient donné lieu au versement d'aucune aide d'État. La Commission indiquait que, en l'absence de nouvel élément, elle n'envisageait donc pas de poursuivre l'instruction de cette plainte.

Procédure

32. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mars 1997, la requérante a introduit le présent recours.

33. Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 28 juillet, 5 et 18 août 1997, RTP, la République portugaise et le Royaume-Uni ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la défenderesse, ce qui a été admis par ordonnances du président de la deuxième chambre élargie du 13 novembre 1997. Seul le Royaume-Uni n'a pas déposé de mémoire en intervention ni été représenté lors de l'audience.

34. Par décision du Tribunal du 21 septembre 1998, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre élargie du Tribunal à laquelle l'affaire a, par conséquent, été attribuée.

35. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, les parties au principal et les parties intervenantes ont été invitées à répondre à des questions lors de l'audience. La Commission et la requérante ont également été invitées à produire, avant le 13 novembre 1999, certains documents, ce qu'elles ont fait dans le délai imparti. Toutefois, le 29 novembre 1999, la requérante a encore déposé au greffe du Tribunal copie d'un arrêt du Supremo Tribunal Administrativo rendu le 16 juin 1999. Ce document ayant été produit tardivement, il y a lieu de ne pas en tenir compte aux fins du présent arrêt, conformément aux observations de la Commission et de RTP.

Conclusions des parties

36. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la Décision;

- annuler la décision contenue dans la lettre de la Commission du 20 décembre 1996;

- ordonner à la Commission de verser au dossier les documents administratifs qui constituent le fondement des décisions attaquées;

- condamner la défenderesse aux dépens.

37. Dans ses observations sur les mémoires en intervention, la requérante conclut, en outre, à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter comme irrecevables les moyens invoqués par les parties intervenantes sur le fondement de l'article 90, paragraphe 2, du traité (devenu article 86, paragraphe 2, CE);

- condamner les parties intervenantes au paiement des dépens résultant des interventions.

38. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme non fondé;

- condamner la requérante aux dépens.

39. RTP conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme non fondé;

- condamner la requérante aux dépens.

40. La République portugaise conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme non fondé;

- condamner la requérante aux dépens.

Sur les conclusions en annulation de la lettre du 20 décembre 1996

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

41. La Commission, soutenue par la République portugaise et RTP, considère que seule la Décision constitue un acte attaquable. En revanche, la lettre du 20 décembre 1996 ne serait qu'une simple note informative non susceptible de recours.

42. Dans sa réplique, la requérante admet que le premier paragraphe de la lettre du 20 décembre 1996, relatif, notamment, à l'augmentation de capital et à l'emprunt obligataire de RTP, ne contient pas de position définitive de la Commission, celle-ci lui ayant été communiquée dans sa lettre du 21 avril 1997, postérieurement à l'introduction du présent recours.

43. En revanche, le second paragraphe de la lettre contiendrait un acte susceptible de recours, puisqu'il exprimerait une position définitive de la Commission en ce qui concerne la qualification juridique des indemnités compensatoires versées entre 1994 et 1996. Il s'agirait, en effet, d'une décision de rejet de sa seconde plainte, motivée par un simple renvoi à la motivation contenue dans la Décision.

Appréciation du Tribunal

44. Selon une jurisprudence constante, ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 173 du traité (devenu, après modification, article 230 CE), que des mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (ordonnance du Tribunal du 30 septembre 1999, UPS Europe/Commission, T-182-98, non encore publiée au Recueil, point 39, et jurisprudence y citée).

45. Par ailleurs, il convient de rappeler que les décisions adoptées par la Commission dans le domaine des aides d'État ont toujours pour destinataires les États membres. Cela vaut également lorsque ces décisions concernent des mesures étatiques dénoncées dans des plaintes comme étant des aides d'État contraires au traité et qu'il en résulte que la Commission refuse d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité parce qu'elle estime soit que les mesures dénoncées ne constituent pas des aides d'État au sens de l'article 92 du traité, soit qu'elles sont compatibles avec le marché commun. Si la Commission adopte de telles décisions et, conformément à son devoir de bonne administration, en informe les plaignants, c'est la décision adressée à l'État membre qui doit, le cas échéant, faire l'objet d'un recours en annulation de la part du plaignant et non la lettre adressée à ce dernier (arrêt de la cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 45, et ordonnance UPS Europe/Commission, précitée, point 37).

46. En l'espèce, ainsi que l'admet la requérante, le premier paragraphe de la lettre du 20 décembre 1996, relatif à certaines mesures dénoncées dans la seconde plainte (voir ci-dessus point 17), ne contient aucune prise de position de la Commission. Il se borne, en effet, à informer la SIC que des demandes de renseignements ont été adressées aux autorités portugaises. En outre, ce n'est que par lettre du 21 avril 1997 que la Commission a communiqué à la requérante sa décision de mettre un terme à l'examen de ces mesures. Partant, la lettre du 20 décembre 1996 se trouve, de ce point de vue, dépourvue d'effets juridiques.

47. Quant au second paragraphe de cette dernière lettre, relatif aux dotations financières versées à RTP à titre d'indemnités compensatoires pendant la période 1994-1996, il y a lieu de relever qu'il se limite à informer la requérante de la position adoptée par la Commission, dans la Décision, en ce qui concerne la qualification de telles mesures au regard de l'article 92 du traité.

48. Il convient certes de relever que, dans la Décision, la Commission n'a pris position qu'à l'égard des dotations financières versées à RTP de 1992 à 1995, sans procéder à l'examen de celle octroyée pour l'année 1996. Toutefois, en l'espèce, cette circonstance ne saurait conduire à interpréter la lettre du 20 décembre 1996 comme comportant une décision à l'égard de cette dernière dotation. En effet, interrogée sur ce point lors de l'audience, la Commission a indiqué qu'elle n'avait pas procédé à l'examen de la dotation financière perçue par RTP en 1996 et que cet aspect de la seconde plainte était toujours pendant devant ses services.

49. La lettre du 20 décembre 1996 étant donc purement informative, elle ne présente pas les caractéristiques d'un acte produisant des effets juridiques obligatoires à l'égard de la requérante. Partant, le recours doit être rejeté comme irrecevable pour autant qu'il est dirigé contre la lettre du 20 décembre 1996.

Sur les conclusions en annulation de la Décision

Sur l'objet des conclusions

50. Il convient d'observer, à titre liminaire, que, en réponse à une question du Tribunal lors de l'audience, la requérante a précisé que le présent recours ne vise pas à l'annulation de la Décision pour autant que celle-ci concerne, d'une part, le prix payé par l'État portugais pour l'achat du réseau de télédiffusion dont RTP était propriétaire et, d'autre part, le système d'aides à l'investissement visé à l'article 14 du cahier des charges, ce dont il a été pris acte par le greffier.

51. Les conclusions en annulation de la Décision doivent donc être entendues comme ne visant qu'à l'annulation partielle de la Décision, en tant que celle-ci concerne les mesures prises en faveur de RTP consistant en l'octroi de dotations financières versées à titre d'indemnités compensatoires de 1992 à 1995, d'exemptions fiscales, de facilités pour le paiement de la redevance afférente à l'utilisation du réseau de télédiffusion et d'un échelonnement de la dette envers la Segurança social, assorti de l'exonération des intérêts de retard.

Sur le fond

52. Au soutien de ses conclusions en annulation, la requérante invoque trois moyens tirés, premièrement, d'une violation des règles de procédure, deuxièmement, d'une violation de l'obligation de motivation et, troisièmement, de la violation de l'article 92 du traité.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation des règles de procédure

53. Dans les mémoires de la requérante, ce moyen s'articulait initialement en deux branches, à savoir, d'une part, une violation du principe de l'audition préalable des plaignants lors de la phase préliminaire d'examen et, d'autre part, une violation de l'article 93, paragraphe 2, du traité. Toutefois, lors de l'audience, en réponse à une question du Tribunal relative à la pertinence de la première branche du moyen après l'arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, précité, la requérante s'en est désistée, ce dont il a été pris acte par le greffier. Le présent moyen doit donc être compris en ce sens qu'il est fondé sur une violation de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

- Argumentation des parties

54. La requérante soutient que la Commission était tenue d'ouvrir la procédure formelle prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité compte tenu des doutes qui existaient, ou que cette dernière aurait dû avoir, quant à la nature des mesures dénoncées au regard de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

55. En premier lieu, il serait démontré que la Commission avait des doutes sérieux à propos des exemptions fiscales et des facilités de paiement consenties à RTP puisque, après deux ans et demi d'instruction et après avoir obtenu des réponses des autorités portugaises, elle aurait encore estimé, dans une lettre du 31 janvier 1996 adressée à celles-ci, que ces mesures "sembl[aient] constituer des aides d'État" et leur aurait demandé, par conséquent, de justifier leur compatibilité avec le marché commun au titre de l'article 92, paragraphe 3, du traité.

56. En deuxième lieu, s'agissant des indemnités compensatoires dénoncées, la Commission aurait dû avoir d'autant plus de doutes quant à leur qualification au regard de l'article 92, paragraphe 1, du traité que, dans une décision de 1994, elle aurait elle-même considéré que des indemnités semblables octroyées par le Gouvernement portugais à la compagnie aérienne nationale constituaient des aides d'État [décision 94-666-CE de la Commission, du 6 juillet 1994, relative à la compensation du déficit de TAP sur les liaisons à destination des régions autonomes des Açores et de Madère (JO L 260, p. 27)]. En outre, il résulterait de l'arrêt du Tribunal du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission (T-106-95, Rec. p. II-229), que, même lorsque l'octroi d'un avantage est destiné à compenser les charges résultant de missions d'intérêt général, cette circonstance ne modifie pas la qualification d'aide d'État de la mesure en cause, sans préjudice de l'article 90,paragraphe 2, du traité, dont l'application n'a toutefois pas été envisagée par la Commission dans sa Décision.

57. En troisième lieu, concernant l'échelonnement de la dette de RTP envers la Segurança social et le non-recouvrement des intérêts de retard échus, la requérante fait valoir que, si la Commission lui avait donné la possibilité de commenter les explications fournies par le Gouvernement portugais, cette dernière aurait pu constater qu'il s'agissait, en réalité, d'une remise de dette exceptionnelle, accordée par décret, dont seule RTP a bénéficié. L'argument selon lequel cette remise de dette relèverait des relations entre deux entreprises serait erroné, dès lors que le problème à l'origine du litige portait sur l'interprétation de la législation portugaise en matière d'assiette des cotisations et concernait tous les contribuables.

58. Enfin, le fait que plus de trois années se soient écoulées avant que la Commission ne parvienne à se former une première opinion serait, en tout état de cause, révélateur de la nécessité d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité. L'impossibilité pour la Commission d'acquérir une conviction sur la base d'un simple examen préliminaire aurait, en effet, dû la conduire à engager un examen approfondi en ouvrant la procédure, comme l'exigerait la jurisprudence (voir, notamment, arrêt de la cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84-82, Rec. p. 1451, point 13). À cet égard, la requérante fait valoir que, s'il peut certes être admis que le délai de deux mois, exigé par la jurisprudence pour l'examen préliminaire des aides dûment notifiées (voir, notamment, arrêt de la cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120-73, Rec. p. 1471), n'est pas nécessairement applicable à des mesures non notifiées déjà en application, il n'en demeure pas moins que, dans ce cas, la Commission est également tenue d'ouvrir la procédure "sans retard injustifié" (conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt de la cour du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223-85, Rec. p. 4617, 4646). L'absence de notification de telles mesures impliquerait aussi que la Commission agisse rapidement pour ne pas favoriser les États défaillants.

59. La requérante souligne que l'ouverture de la procédure aurait eu des conséquences importantes en l'espèce. D'une part, elle aurait permis à la Commission d'utiliser tous les éléments d'enquête nécessaires, afin de statuer en pleine connaissance de cause. D'autre part, la possibilité lui aurait été offerte, en tant que plaignante, de présenter ses observations afin d'avoir la garantie que ses intérêts soient pris en compte. Enfin, dans la mesure où la Commission a une compétence exclusive pour se prononcer sur la compatibilité des aides avec le marché commun, celle-ci aurait eu l'obligation de prendre position sur tous les éléments contenus dans la plainte.

60. À l'argument de la Commission selon lequel la requérante pouvait saisir les juridictions nationales, celle-ci rétorque que l'engagement de ces procédures est sans rapport avec le nécessaire respect par la Commission des règles procédurales posées par l'article 93 du traité. Elle souligne, toutefois, qu'elle a saisi le Supremo Tribunal Administrativo à plusieurs reprises. Bien que, dans un premier temps, celui-ci ait annulé la décision ministérielle fixant le montant de l'indemnité compensatoire allouée à RTP en 1993, pour défaut de motivation quant aux éléments de calcul pris en compte par l'État (arrêt du 13 février 1996), l'assemblée plénière de ladite juridiction aurait ensuite estimé qu'un tel acte n'était pas susceptible de recours par arrêt du 23 juin 1998. Le Supremo Tribunal Administrativo n'aurait donc pas pu se prononcer sur la qualification juridique des mesures dénoncées au regard des articles 92 et 93 du traité. D'autres affaires, concernant les indemnités compensatoires subséquentes et les abandons de créance de la Segurança social, seraient également pendantes devant les juridictions portugaises.

61. La Commission fait valoir qu'elle n'est pas tenue d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité lorsqu'elle rencontre des difficultés pour définir la nature juridique des mesures en cause. En vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité, l'ouverture de la procédure obligerait alors l'État membre à suspendre l'octroi de l'aide, cette obligation ayant, par ailleurs, un effet direct tant pour les aides notifiées que pour les aides non notifiées (arrêt Lorenz, précité). La suspension des prétendues mesures d'aides pourrait avoir de graves répercussions économiques s'il était conclu ensuite à la compatibilité de ces mesures avec le marché commun, voire même à l'inexistence d'aides d'État.

62. Selon la Commission, si la requérante souhaitait que les autorités portugaises cessent d'accorder les aides dénoncées, il lui appartenait de saisir les tribunaux portugais en attendant qu'elle ait mené les procédures d'examen à terme. À cet égard, elle souligne que les juridictions nationales sont compétentes, alors même qu'elle est parallèlement saisie, pour examiner la validité des actes pris par les États membres comportant la mise à exécution d'aides dont la légalité est contestée, afin de sauvegarder les droits des justiciables (arrêts de la cour du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C-354-90, Rec. p. I-5505, et du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39-94, Rec. p. I-3547). En l'espèce, la requérante aurait d'ailleurs mentionné dans sa plainte qu'elle avait saisi les juridictions nationales pour contester les aides présumées à RTP et qu'elle s'était adressée aux pouvoirs publics ainsi qu'au conseil de la concurrence.

63. En tout état de cause, la Commission estime qu'il ne lui incombait pas d'ouvrir la procédure en l'espèce.

64. S'agissant, tout d'abord, de la lettre adressée aux autorités portugaises le 31 janvier 1996, elle conduirait à exclure l'existence d'un doute quant à la nature d'aide d'État des exemptions fiscales et des délais consentis pour le paiement de la redevance liée à l'utilisation du réseau TDP. Des éclaircissements complémentaires n'auraient été demandés que pour permettre à la Commission d'avoir un avis sur l'existence ou non d'une aide d'État. À défaut de tous les éléments nécessaires à une juste appréciation de la situation pour porter un jugement, la Commission considère qu'elle ne pouvait ouvrir la procédure de manière irréfléchie.

65. En ce qui concerne la qualification de l'échelonnement de la dette accordé par la Segurança social, la Commission souligne qu'un accord amiable, ensuite confirmé par décret, avait été conclu avec RTP en vue d'éviter une procédure judiciaire sur l'interprétation des règles nationales relatives à l'imposition de certains compléments de salaires, dont la constitutionnalité était contestable.

66. Ensuite, l'argumentation, selon laquelle l'ouverture de la procédure aurait permis à la Commission de définir sa position sans précipitation et de mieux prendre en compte les intérêts de la plaignante, serait erronée. La Commission rappelle qu'elle n'a pas compétence exclusive pour apprécier l'existence d'aides, de sorte que la requérante n'était pas privée de protection juridictionnelle du seul fait de l'absence d'ouverture de la procédure, puisqu'elle pouvait saisir les juridictions nationales. La Décision serait, en outre, susceptible de recours.

67. Enfin, le fait que l'analyse préliminaire dure longtemps n'impliquerait pas, en soi, que la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité doive être ouverte. En l'espèce, la Commission ne serait pas restée inactive, et il aurait été irréfléchi d'ouvrir la procédure sans disposer de tous les éléments concernant les problèmes généraux du secteur audiovisuel en Europe et des éclaircissements fournis par les autorités nationales.

68. La République portugaise estime que l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité ne s'impose à la Commission que lorsqu'elle a des doutes quant à la compatibilité d'une aide, mais non lorsqu'il s'agit seulement de qualifier des mesures au regard de l'article 92 du traité. Or, le fait que cette opération de qualification puisse requérir, comme en l'espèce, une appréciation complexe, continue et longue des faits par la Commission ne signifierait pas pour autant que ladite opération aboutisse nécessairement à la conclusion qu'il s'agit d'aides d'État. À cet égard, il appartiendrait à la Commission de décider si elle dispose des éléments suffisants pour refuser de qualifier une mesure d'aide d'État et, à cette fin, d'utiliser le temps et les moyens qu'elle considère comme nécessaires.

69. RTP se rallie à l'argumentation de la Commission et prétend, en particulier, que le secteur télévisuel est exclu du champ d'application des règles de concurrence, de sorte que les indemnités litigieuses échappent aux dispositions de l'article 92 du traité et au contrôle de la Commission.

- Appréciation du Tribunal

70. Dans le cadre de l'article 93 du traité, doivent être distinguées, d'une part, la phase préliminaire d'examen des aides instituée par le paragraphe 3, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion tant sur le caractère d'aide d'État de la mesure concernée que sur la compatibilité partielle ou totale de l'aide en cause avec le marché commun, et, d'autre part, la phase formelle d'examen visée par le paragraphe 2. Ce n'est que dans le cadre de cette dernière, qui est destinée à permettre à la Commission d'avoir une information complète sur l'ensemble des données de l'affaire, que le traité prévoit l'obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir, notamment, arrêts de la cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198- 91, Rec. p. I-2487, point 22, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225-91, Rec. p. I- 3203, point 16).

71. Selon une jurisprudence constante, la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. La Commission ne peut donc s'en tenir à la phase préliminaire de l'article 93, paragraphe 3, du traité pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d'acquérir la conviction, au terme d'un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché commun. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire ou même n'a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, l'institution a le devoir de s'entourer de tous les avis nécessaires et d'ouvrir, à cet effet, la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, précité, point 39, et jurisprudence citée).

72. Il découle également de cette jurisprudence que la Commission est tenue d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité si un premier examen ne lui a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par la question de savoir si une mesure étatique soumise à son contrôle constitue une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, du moins lorsqu'elle n'a pas pu acquérir la conviction que cette mesure, même qualifiée d'aide d'État, est, en tout état de cause, compatible avec le marché commun (arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T-11-95, Rec. p. II-3235, point 166).

73. En l'espèce, il est constant que la Commission a adopté la Décision sans ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité et considéré que les six catégories de mesures soumises à son appréciation ne constituaient pas des aides au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Il importe, également, de constater que la Commission n'a pas examiné si lesdites mesures, à supposer qu'elles soient qualifiées d'aides, seraient compatibles avec le marché commun soit au titre de l'article 92, paragraphes 2 ou 3, du traité, soit au titre de l'article 90, paragraphe 2, du traité.

74. Il y a lieu, en conséquence, de rechercher si, pour autant qu'elles portent sur les quatre catégories de mesures concernées par le présent recours, les appréciations sur lesquelles la Commission s'est fondée pour adopter une décision favorable à ces mesures, au terme de la phase préliminaire d'examen, présentaient des difficultés de nature à justifier l'ouverture de la procédure visée à l'article 93, paragraphe 2, du traité.

75. En ce qui concerne, en premier lieu, les dotations financières versées par l'État portugais à RTP à titre d'indemnités compensatoires, la Commission a estimé dans sa Décision qu'elles ne constituaient pas des aides au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, au motif qu'elles étaient destinées à compenser le coût effectif de l'exécution des obligations de service public assumées par cette entreprise. Il convient, en particulier, de rappeler que, s'agissant des indemnités versées de 1993 à 1995, la Commission a considéré que "l'avantage financier résultant [de ces] transferts n'a pas dépassé ce qui était strictement nécessaire à l'accomplissement des obligations de service public imposées par le cahier des charges" (voir ci-dessus point 22). Pour l'année 1992, la Commission s'est également fondée sur l'absence d'un "excès de compensation", elle-même déduite du caractère modique du montant de l'indemnité versée à RTP cette année, pour conclure que celle-ci ne constituait pas une aide (voir ci-dessus point 23).

76. Aux termes de l'article 92, paragraphe 1, du traité, "sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions".

77. Selon une jurisprudence constante, cette disposition a pour objet d'éviter que les échanges entre États membres ne soient affectés par des avantages consentis par les autorités publiques qui, sous des formes diverses, faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (arrêts de la cour du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C-387-92, Rec. p. I-877, point 12, et SFEI e.a., précité, point 58).

78. Afin d'apprécier si une mesure étatique constitue une aide, il convient donc de déterminer si l'entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu'elle n'aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêts de la cour SFEI e.a., précité, point 60, du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C-342-96, Rec. p. I-2459, point 41, et du 29 juin 1999, DM Transport, C-256-97, non encore publié au Recueil, point 22).

79. En l'espèce, ainsi que la Commission l'a elle-même constaté dans sa Décision, les dotations financières versées chaque année à RTP, à titre d'indemnités compensatoires, ont pour résultat de procurer à cette entreprise un "avantage financier".

80. Il ressort, par ailleurs, de la Décision que le montant des dotations versées à RTP entre 1992 et 1995 a représenté entre 15 et 18 % de ses ressources annuelles (voir ci-dessus point 20), RTP disposant également de recettes publicitaires à l'instar des autres chaînes de télévision avec lesquelles elle est en concurrence directe sur le marché de la publicité.

81. Dès lors, dans la mesure où la Commission a constaté, dans sa Décision, que RTP bénéficie d'un "avantage financier" résultant du versement des dotations financières en cause, lesquelles paraissent susceptibles de fausser la concurrence existant avec les autres opérateurs de télévision, le bien-fondé de son appréciation selon laquelle ces mesures ne constituaient pas des aides était, pour le moins, de nature à soulever des difficultés sérieuses.

82. Le fait que, selon la Décision, l'octroi desdites dotations ne vise qu'à compenser le surcoût des missions de service public assumées par RTP ne saurait les faire échapper à la qualification d'aides au sens de l'article 92 du traité.

83. En effet, l'article 92, paragraphe 1, du traité ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (arrêts de la cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56-93, Rec. p. I-723, point 79, et du 26 septembre 1996, France/Commission, C-241-94, Rec. p. I-4551, point 20). La notion d'aide constitue, ainsi, une notion objective qui est fonction de la seule question de savoir si une mesure étatique confère ou non un avantage à une ou certaines entreprises (arrêt du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T-67-94, Rec. p. II-1, point 52).

84. Ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, il en résulte, en particulier, que la circonstance qu'un avantage financier soit octroyé à une entreprise par les autorités publiques pour compenser le coût des obligations de service public prétendument assumées par ladite entreprise est sans incidence sur la qualification de cette mesure d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, sans préjudice de la prise en compte de cet élément dans le cadre de l'examen de la compatibilité de l'aide en cause avec le marché commun, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du traité (voir arrêt FFSA e.a./Commission, précité, points 178 et 199, confirmé par ordonnance de la cour du 25 mars 1998, C-174-97 P, Rec. p. I-1303, point 33).À cet égard, il convient de constater que, en l'espèce, à la différence de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt FFSA e.a./Commission, précité, la Commission n'a pas fait application, dans sa Décision, de la dérogation instituée par l'article 90, paragraphe 2, du traité, ni, à plus forte raison, des conditions spécifiques prévues par cette disposition, ce qu'elle ne prétend d'ailleurs pas.

85. Il résulte de ces éléments que l'appréciation sur laquelle la Commission s'est fondée pour considérer que les dotations financières versées à RTP à titre d'indemnités compensatoires ne constituent pas des aides présentait des difficultés sérieuses qui, dans la mesure où la compatibilité de ces dotations avec le marché commun n'était pas établie, exigeaient que soit ouverte la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité.

86. En ce qui concerne, en deuxième lieu, les exemptions fiscales et les facilités de paiement consenties à RTP, la Commission a considéré, dans la Décision, que ces deux catégories de mesures ne constituaient pas, non plus, des aides au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 25 et 28).

87. Il y a lieu, toutefois, de constater que, par lettre adressée aux autorités portugaises le 31 janvier 1996, la Commission a indiqué à ces dernières que, "après un examen initial, ces [mesures] sembl[aient] constituer des aides d'État entrant dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité", et leur a demandé, en conséquence, si elles les estimaient compatibles avec le marché commun (voir ci-dessus point 13).

88. Il convient dès lors de rechercher si, comme le fait valoir la requérante, les appréciations ainsi portées par la Commission sur les mesures en cause et les renseignements demandés aux autorités publiques portugaises, durant la phase préliminaire d'examen, sont de nature à révéler l'existence de difficultés sérieuses exigeant que soit ouverte la procédure visée à l'article 93, paragraphe 2, du traité.

89. Il ressort de la jurisprudence que le seul fait que des discussions se soient instaurées entre la Commission et l'État membre concerné durant la phase préliminaire d'examen et que, dans ce cadre, des informations complémentaires aient pu être demandées par la Commission sur les mesures soumises à son contrôle ne peut pas, en soi, être considéré comme une preuve de ce que cette institution se trouvait confrontée à des difficultés sérieuses d'appréciation (voir arrêt Matra/Commission, précité, point 38). Toutefois, il ne saurait, pour autant, être exclu que la teneur des discussions engagées entre la Commission et l'État membre concerné durant cette phase de la procédure puisse, dans certaines circonstances, être de nature à révéler l'existence de telles difficultés (voir arrêt Allemagne/Commission, précité, point 14).

90. En l'espèce, force est, tout d'abord, de constater que la lettre de la Commission du 31 janvier 1996 faisait déjà suite à une première demande de renseignements concernant les mesures en cause, à laquelle les autorités portugaises avaient répondu par lettre du 14 décembre 1995. Il est également constant que cette nouvelle demande d'informations intervenait plus de 30 mois après que la requérante a dénoncé, dans sa plainte déposée le 30 juillet 1993, l'existence d'exemptions fiscales en faveur de RTP, et près de 24 mois après que la Commission a été informée des facilités de paiement consenties à RTP par l'organisme public chargé de la gestion du réseau de télédiffusion. Par ailleurs, ainsi que la Commission le soulignait dans sa lettre du 31 décembre 1996, cette nouvelle demande de renseignements intervenait "après un examen initial" de ces mesures. À la lumière de ces éléments, il y a donc lieu de considérer que, à la date à laquelle la lettre susvisée a été adressée aux autorités portugaises, la Commission avait déjà procédé à un "premier examen" des mesures dénoncées, au sens de la jurisprudence.

91. À cet égard, il convient de rappeler que la Commission ne peut s'en tenir à la phase préliminaire de l'article 93, paragraphe 3, du traité et prendre une décision favorable à une mesure étatique non notifiée que si elle est en mesure d'acquérir la conviction, au terme d'un premier examen, que la mesure étatique en cause ne peut être qualifiée d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité ou que celle-ci, bien que constituant une aide, est compatible avec le marché commun (arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, Gestevisión Telecinco/Commission, T-95-96, Rec. p. II-3407, point 52, et jurisprudence y citée).

92. Or, il ressort de la lettre de la Commission adressée aux autorités portugaises le 31 janvier 1996 que, au terme du premier examen auquel elle avait procédé, celle-ci estimait que les exemptions fiscales et les facilités de paiement consenties à RTP constituaient des aides, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, et que, loin d'être en mesure de clore la procédure par une décision favorable à ces mesures, elle conservait des doutes sérieux quant à leur compatibilité avec le marché commun.

93. Cette constatation est en outre confirmée par une lettre subséquente du 16 avril 1996, produite par la Commission à la suite d'une question écrite du Tribunal que celle-ci avait adressée aux autorités portugaises après avoir obtenu leur réponse à sa demande.

94. S'agissant, d'une part, des exemptions fiscales, la Commission soulignait de nouveau: "[Cette mesure] a constitué une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité et [...] par conséquent, il conviendrait que les autorités portugaises indiquent si elles considèrent que cette aide peut être justifiée sur la base des exceptions de l'article 92."

95. S'agissant, d'autre part, des facilités de paiement consenties à RTP pour l'utilisation du réseau de télédiffusion, la Commission demandait que lui soient indiquées les raisons pour lesquelles les tarifs appliqués à RTP étaient différents de ceux imposés à la SIC, ainsi que le montant des intérêts de retard dus par RTP, tout en signalant que "le réseau TDP est propriété publique et que tout traitement de faveur qu'il accorderait, et qui ne serait pas appliqué par une entreprise privée opérant suivant les règles du marché, peut constituer une aide d'État". À cet égard, il importe en effet de souligner que, selon la jurisprudence, les intérêts de retard et les majorations qu'une entreprise peut être amenée à payer à un organisme public, en contrepartie de larges facilités de paiement, ne sont pas susceptibles de faire disparaître entièrement l'avantage dont a bénéficié ladite entreprise. De telles facilités de paiement, accordées de façon discrétionnaire à l'entreprise, constituent des aides d'État dans l'hypothèse où, compte tenu de l'importance de l'avantage économique ainsi octroyé, l'entreprise n'aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d'un créancier privé se trouvant dans la même situation que le créancier public en cause (arrêt DM Transport, précité, points 21 et 30).

96. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, au terme du premier examen auquel elle a procédé, la Commission était effectivement confrontée à des difficultés sérieuses d'appréciation non seulement pour qualifier les mesures en cause au regard de la notion d'aide, mais également pour établir leur compatibilité avec le marché commun, de sorte qu'elle était tenue d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité.

97. En troisième lieu, il ressort de la Décision que, en 1993, RTP a bénéficié, d'une part, de l'échelonnement d'une dette envers la Segurança social, née du défaut de paiement des cotisations dues sur les compléments de salaires pour la période 1983-1989, dont le montant s'élevait à 2 189 millions de PTE, et, d'autre part, d'une exonération des intérêts et majorations de retard correspondants. La Commission a conclu qu'il ne s'agissait pas d'une aide au motif que la mesure dénoncée résultait d'un accord entre RTP et la Segurança social, destiné à éviter une action en justice portant sur la légalité des cotisations en cause. Selon la Commission, la Segurança social aurait, en effet, adopté un comportement proche de celui d'un opérateur privé confronté à des circonstances analogues.

98. Selon la jurisprudence de la cour, le comportement d'un organisme public compétent pour collecter les cotisations de sécurité sociale qui tolère que lesdites cotisations soient payées avec retard donne à l'entreprise qui en bénéficie un avantage commercial appréciable en allégeant, à son égard, la charge découlant de l'application normale du régime de sécurité sociale (arrêt DM Transport, précité, point 19). Les intérêts normalement applicables à ce type de créances sont ceux qui sont destinés à réparer le préjudice subi par le créancier à raison du retard dans l'exécution par le débiteur de son obligation de se libérer de sa dette, à savoir les intérêts moratoires (arrêt Espagne/Commission, précité, point 48).

99. Il résulte certes de cette même jurisprudence que, lorsque des arrangements comportant l'octroi de facilités de paiement sont passés entre une entreprise et un organisme public chargé de la collecte des cotisations de sécurité sociale, le comportement de cet organisme, réputé avoir agi comme un créancier public, doit être comparé au comportement d'un créancier privé hypothétique se trouvant dans la même situation à l'égard de son débiteur, et cherchant à récupérer les sommes qui lui sont dues (arrêt DM Transport, précité, point 25, et arrêt Espagne/Commission, précité, point 46). Dès lors, il ne peut être exclu qu'une transaction, conclue entre un organisme de sécurité sociale et son débiteur en vue d'éviter toute incertitude liée à la poursuite du contentieux devant des juridictions, relève d'un comportement propre à celui d'un créancier privé cherchant à récupérer les sommes qui lui sont dues.

100. Toutefois, en l'espèce, il ressort de la Décision elle-même que, comme l'avait fait valoir la requérante dans sa plainte sans être contestée par la Commission, c'est "un décret conjoint du ministère des Finances et du ministère de la Sécurité sociale [qui] a institué l'échelonnement de la dette et le non-recouvrement des amendes et intérêts correspondants", et non un accord entre la Segurança social et RTP. Il n'est pas non plus contesté, ainsi que le soulignait également la requérante dans sa plainte, que la mesure réglementaire dénoncée, dérogatoire à la législation de la sécurité sociale, n'a pas été rendue applicable aux autres sociétés concernées.

101. Il en résulte que, dans des circonstances comme celles de l'espèce où la Commission a entendu se fonder exclusivement sur le comportement de l'organisme portugais de sécurité sociale pour autoriser les avantages octroyés à RTP, elle aurait dû disposer d'éléments plus complets sur la véritable nature de la mesure dénoncée afin de faire face aux objections soulevées par la requérante dans sa plainte. Il lui appartenait, dans ces conditions, d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité, cela afin de vérifier, après avoir recueilli tous les avis nécessaires, le bien-fondé de son appréciation qui, en l'absence de précisions complémentaires, était de nature à soulever des difficultés sérieuses.

102. En dernier lieu, il convient de souligner que, selon la jurisprudence, l'écoulement d'un délai excédant notablement ce qu'implique normalement un premier examen opéré dans le cadre des dispositions de l'article 93, paragraphe 3, du traité peut, avec d'autres éléments, conduire à reconnaître que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses d'appréciation exigeant que soit ouverte la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêt Allemagne/Commission, précité, points 15 et 17).

103. Certes, dans un cas où, comme en l'espèce, les mesures étatiques litigieuses n'ont pas été notifiées par l'État membre concerné, la Commission n'est pas tenue de procéder à un examen préliminaire de ces mesures dans le délai de deux mois visé par l'arrêt Lorenz, précité (arrêt Gestevisión Telecinco/Commission, précité, point 79).

104. Cette solution est fondée sur la nécessité de tenir compte de l'intérêt légitime de l'État membre concerné à être rapidement fixé sur la légalité de mesures qui ont fait l'objet d'une notification à la Commission. Cet élément fait défaut lorsque l'État membre a mis à exécution des mesures sans les avoir préalablement notifiées à la Commission. Si cet État avait des doutes sur la nature d'aide d'État des mesures qu'il projetait, il lui était loisible de sauvegarder ses intérêts en notifiant son projet de mesures à la Commission, ce qui aurait obligé cette dernière à prendre position dans un délai de deux mois (arrêt SFEI e.a., précité, point 48, et arrêt Gestevisión Telecinco/Commission, précité, point 78).

105. Il n'en demeure pas moins que, lorsque des tiers intéressés ont soumis à la Commission des plaintes relatives à des mesures étatiques n'ayant pas fait l'objet de notification conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité, l'institution est tenue, dans le cadre de la phase préliminaire prévue par cette disposition, de procéder à un examen diligent et impartial de ces plaintes, dans l'intérêt d'une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d'État (arrêts Gestevisión Telecinco/Commission, précité, point 53, et Commission/Sytraval et Brink's France, précité, point 62). Il en résulte, notamment, que la Commissionne saurait prolonger indéfiniment l'examen préliminaire de mesures étatiques ayant fait l'objet d'une plainte au titre de l'article 92, paragraphe 1, du traité, dès lors qu'elle a entamé un tel examen (arrêt Gestevisión Telecinco/Commission, précité, point 74).

106. En l'espèce, il convient d'observer que la Décision, en date du 7 novembre 1996, a été adoptée au terme d'une phase préliminaire d'examen entamée le 30 juillet 1993, date du dépôt de la première plainte de la requérante, soit plus de 39 mois plus tôt, et, en tout état de cause, près de 33 mois après que la requérante a complété sa plainte, le 12 février 1994.

107. Au regard de la jurisprudence, de tels délais excèdent notablement ce qu'implique normalement un premier examen (arrêt Allemagne/Commission, précité, point 15, arrêt Gestevisión Telecinco/Commission, précité, points 80 et 81, et conclusions de l'avocat général M. Lenz sous l'arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, précité, Rec. p. I-1723, point 92), celui-ci ayant seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la qualification des mesures soumises à son appréciation et sur leur compatibilité avec le marché commun.

108. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a donc lieu de considérer que la Commission n'était pas en mesure, au terme d'un premier examen, de surmonter toutes les difficultés soulevées par la question de savoir si les mesures litigieuses soumises à son appréciation constituaient des aides d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. La compatibilité de ces mesures avec le marché commun n'ayant pas été établie dans la Décision, il appartenait à la Commission d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité, afin de vérifier, après avoir recueilli tous les avis nécessaires, le bien-fondé de son appréciation.

109. À défaut d'avoir été précédée d'une telle procédure, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens et conclusions de la requérante, la Décision doit être annulée en tant qu'elle porte sur les mesures prises par l'État portugais en faveur de RTP consistant en des dotations financières versées à titre d'indemnités compensatoires, des exemptions fiscales, des facilités de paiement pour l'utilisation du réseau de télédiffusion et en un échelonnement d'une dette provenant d'un défaut de paiement de cotisations de sécurité sociale, assorti du non-recouvrement des intérêts de retard.

Sur les dépens

110. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En vertu de l'article 87, paragraphe 3, du même règlement, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

111. En l'espèce, la Commission a succombé en ses conclusions tendant au rejet du recours en annulation dirigé contre la Décision, alors que la requérante a succombé en ses conclusions visant à l'annulation de la décision prétendument contenue dans la lettre du 20 décembre 1996. Dans la mesure où l'essentiel de l'argumentation des parties était toutefois consacré à la légalité de la Décision, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera, outre ses propres dépens, les deux tiers des dépens de la requérante, à l'exclusion de ceux exposés par celle-ci en raison de l'intervention de la République portugaise et de RTP.

112. Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. En vertu de l'article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du même règlement, le Tribunal peut ordonner qu'une partie intervenante, autre que les États membres, les États parties à l'accord sur l'Espace économique européen, les institutions et l'autorité de surveillance de l'Association européenne de libre-échange, supportera ses propres dépens.

113. La République portugaise et RTP, parties intervenantes au soutien de la Commission, supporteront leurs propres dépens et, solidairement, les deux tiers des dépens exposés par la requérante en raison de leur intervention.

114. Le Royaume-Uni, qui n'a pas déposé de mémoire en intervention, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

déclare et arrête:

1°) Le recours est rejeté comme irrecevable pour autant qu'il est dirigé contre la lettre de la Commission du 20 décembre 1996.

2°) La Décision est annulée en ce qu'elle porte sur les mesures prises par l'État portugais en faveur de RTP - Radiotelevisão Portuguesa, SA, consistant en des dotations financières versées à titre d'indemnités compensatoires, des exemptions fiscales, des facilités de paiement pour l'utilisation du réseau de télédiffusion et en un échelonnement d'une dette provenant d'un défaut de paiement de cotisations de sécurité sociale, assorti du non-recouvrement des intérêts de retard.

3°) La Commission supportera ses propres dépens ainsi que les deux tiers des dépens exposés par la partie requérante, à l'exclusion de ceux occasionnés par les interventions de RTP - Radiotelevisão Portuguesa, SA et de la République portugaise.

4°) La République portugaise et RTP - Radiotelevisão Portuguesa, SA supporteront leurs propres dépens et, solidairement, les deux tiers de ceux exposés par la requérante en raison de leur intervention.

5°) Le Royaume-Uni supportera ses propres dépens.