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Décisions

CA Douai, 6e ch. corr., 7 septembre 1999, n° 99-00211

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Ministère public, Van Caneghem

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouly de Lesdain

Avocat général :

M. Chaillet

Conseillers :

M. Lambret, Mme Dellelis

Avocats :

Mes Martin, Tiry.

TGI Douai, ch. corr., du 5 nov. 1998

5 novembre 1998

Par jugement en date du 5 novembre 1998, le tribunal correctionnel a relaxé Martine S épouse G de l'infraction de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise visée par la prévention et a déclaré Mme Gilberte Van Caneghem irrecevable en sa constitution de partie civile par voie de conséquence.

Mme Van Caneghem a relevé appel des dispositions civiles de ce jugement le 12 novembre 1998 suivie à la même date du Ministère public sur les dispositions pénales.

Comparant devant la cour assistée de son conseil, Mme Martine S demande la confirmation du jugement entrepris.

Mme Van Caneghem comparant assistée de son conseil demande à la cour de dire que Mme S épouse G est effectivement coupable des faits reprochés et de condamner la prévenue à lui régler à titre de dommages-intérêts:

- 30 000 F en remboursement de la somme réglée,

- 5 000 F à titre de dommages-intérêts complémentaires pour privation de la jouissance de cette somme pendant 2,5 ans, outre 3 000 F au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Elle demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle tient la ménagère et les cadeaux à la disposition de la prévenue.

MOTIFS

Il est acquis aux débats que Mme Gilberte Van Caneghem s'est portée acquéreur le 4 mai 1996 sur la foire de Valenciennes d'une ménagère "Solinghem" de 108 pièces ainsi que d'un ensemble de linge de maison contre remise d'un chèque bancaire de 30 000 F et que la ménagère en cause a été vendue à l'intéressée pour un prix excédant notablement sa valeur puisque la prévenue a reconnu elle-même se procurer ce type de ménagère auprès de la société Euroblanc pour un prix de 1 850 F, ce point corroborant les indications de la plaignante selon lesquelles elle avait vu une ménagère de ce même type sur le catalogue "La maison de Valérie" pour un prix de l'ordre de 1 000 F. Le linge de maison n'avait qu'un caractère accessoire dans la transaction.

Il est certain que le fait de vendre une marchandise à un prix supérieur à sa valeur n'est pas en soi constitutif de fraude. Il ne peut y avoir de tromperie qu'en cas de non conformité du produit à la qualité qui avait été convenue.

Il est constant par ailleurs qu'il n'existe pas de document contractuel écrit contemporain de la vente par lequel le vendeur ne serait effectivement engagé à céder une ménagère garantie plaquée or, sachant que l'établissement d'une facture n'est pas obligatoire pour ce type de vente réalisée sur une foire et que la facturation établie le 15 juillet 1996, pour laquelle la prévenue a admis avoir donné une information inexacte, est largement postérieure à la vente.

La cour observe toutefois que chacune des pièces portait la mention en allemand 23-24 Karat Hartvergoldet ce qui par l'effet d'une traduction aisée permet au consommateur de se convaincre de ce qu'il achète un objet plaqué or, et que le certificat de garantie joint à la mallette contenant les couverts attire l'attention du consommateur sur la qualité de finition des couverts "fabriqué, durcis et dorés pièce par pièce ce qui garantie une finition irréprochable".

La présentation du coffret (avec combinaison) et le prix très élevé pratiqué est de nature à achever de convaincre l'acheteur potentiel de ce qu'il lui est proposé une véritable pièce d'orfèvrerie, effectivement plaqué or.

Or, il résulte du rapport d'analyse établi par les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes que la couche d'or sur les objets n'est pas mesurable et nécessairement très inférieure aux 3 micromètres exigés pour qu'un objet puisse mériter le qualificatif de plaqué or.

La cour estime aux termes de ces motifs que la preuve d'une tromperie sur une qualité substantielle de la chose vendue entrée dans le champ contractuel est rapportée en l'espèce et qu'il convient par infirmation du jugement entrepris de retenir la prévenue dans les liens de la prévention.

Il sera prononcé à l'égard de Mme S épouse G qui n'a pas d'antécédents, une peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 30 000 F.

Il convient par ailleurs de recevoir Mme Van Caneghem en sa constitution de partie civile et de condamner la prévenue à lui payer à titre de dommages-intérêts le montant du prix réglé à savoir la somme de 30 000 F, sans qu'il y ait lieu d'y ajouter 5 000 F complémentaires dès lors que la plaignante a au moins eu l'usage de la ménagère litigieuse pendant le temps de l'enquête et de la procédure.

Mme S épouse G sera condamnée à payer à Mme Van Caneghem une indemnité de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement entrepris; Sur l'action pénale: Déclare Mme Martine S épouse G coupable de l'infraction visée par la prévention; Condamne en répression la prévenue à 3 mois (trois mois) d'emprisonnement avec sursis et 30 000 F (trente mille francs) d'amende; Constate que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F (huit cents francs) dont est redevable chaque condamné; Sur l'action civile: Reçoit Mme Gilberte Van Caneghem en sa constitution de partie civile; Condamne Mme S épouse G à lui payer en réparation du préjudice subi la somme de 30 000 F (trente mille francs) à titre de dommages-intérêts; La condamne en outre à lui payer 3 000 F (trois mille francs) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Donne acte à Mme Van Caneghem de ce qu'elle tient la ménagère et les cadeaux à la disposition de la prévenue.