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Décisions

Cass. crim., 18 avril 1991, n° 90-83.635

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Ractmadoux

Avocat général :

M. Robert

Avocats :

SCP Charles, Arnaud de Chaisemartin.

TGI Lorient, ch. corr., du 3 mars 1989

3 mars 1989

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par C Francis, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 2 mai 1990, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 20 000 francs d'amende, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré C coupable du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur et l'a, en conséquence, condamné à verser des dommages-intérêts aux époux le Gallic;

"aux motifs qu'il n'est pas contesté que l'agence dirigée par le prévenu a fait apparaître de mai à octobre 1987 une annonce publicitaire insistant sur le caractère "exceptionnel" et "l'ensoleillement maximum" d'une propriété dont le prix était "justifié", qu'à la lecture de cette annonce le consommateur normalement attentif pouvait s'attendre à des prestations particulières compte tenu des termes employés "exceptionnel", "maximum", "prix justifié"; qu'il n'est pas davantage contesté qu'un projet immobilier important jouxtant, au sud, la propriété était en projet depuis 1981, que le permis de construire avait été affiché à deux reprises le 6 juillet 1981 et le 8 mars 1984 avant d'être annulé le 6 juillet 1985, qu'une importante polémique alimentée par les riverains et notamment par le vendeur de la propriété, Marc Pierrat, avait trouvé son prolongement dans la presse ainsi qu'en témoigne un article de presse en date du 8 décembre 1985, qu'au moment de la publication de l'annonce une nouvelle demande de permis de construire déposée le 31 mars 1987 par Y, promoteur de l'opération, était en cours d'instruction pour aboutir le 26 février 1988 à l'obtention d'un nouveau permis e construire; qu'interrogé par les fonctionnaires enquêteurs du service des fraudes, M. N, responsable de Y, a confirmé avoir acheté le terrain mitoyen de la propriété le 7 octobre 1980 aux fins d'édification d'un immeuble d'habitation collectif et avoir donné en 1984 un mandat à l'agence X de vendre les futurs appartements; qu'en l'état de ces éléments du dossier, Francis C ne saurait davantage prétendre y compris dans ses trois notes en délibéré qu'il ignorait l'existence d'un projet immobilier important, mitoyen au sud, d'une propriété dont il vantait par voie d'annonce publicitaire le caractère "exceptionnel" et l'ensoleillement "maximum", alors même qu'à la tête d'une importante agence immobilière lorientaise, il se présente dans les publicités litigieuses comme un "centre immobilier" traitant "plus de 1 000 affaires" et qu'il est donc parfaitement informé de l'évolution du marché immobilier lorientais, qu'il lui appartenait de s'assurer, avant tout publicité, alors qu'il avait été en contact professionnel avec le promoteur propriétaire du terrain voisin, du maintien d'un projet immobilier; qu'il apparaît clairement, notamment par l'emploi des termes "exceptionnel, ensoleillement maximum", "prix justifié" que le prévenu en ne s'assurant pas de la sincérité de la publicité et en s'abstenant de révéler une nuisance ou un environnement de nature à affecter les qualités substantielles de la propriété, objet de la publicité, a commis le délit de publicité mensongère qui lui est reproché, que la décision sur l'action publique exactement appréciée par les premiers juges sera confirmée dans toutes ses dispositions;

"alors qu'au moment des faits incriminés, le promoteur du projet de construction voisine ne disposait pas d'un permis de construire régulier, ce que l'arrêt attaqué n'a pas dénié et résulte même de ses propres énonciations, et qu'il n'était pas répréhensible de la part de l'agent immobilier de mettre en valeur dans une simple annonce les qualités actuelles et exactes de l'immeuble vendu sans évoquer, dans cette annonce (seule visée aux poursuites), d'éventuelles restrictions dues à l'hypothétique, mais toujours prévisible en plein centre ville, réalisation d'un projet de construction voisine; qu'en cet état, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision;

"alors, en tout état de cause, que l'arrêt attaqué a laissé sans réponse le chef péremptoire des conclusions du demandeur faisant valoir que le projet initial du promoteur de la construction voisine avait été modifié et que la construction à venir, pour autant qu'elle voit le jour, ne serait pas de nature à compromettre l'ensoleillement de l'immeuble des époux Pierrat";

Attendu que Francis C, responsable d'une agence immobilière, a été poursuivi pour avoir, courant mai et octobre 1987, fait paraître dans un journal local, une publicité concernant une maison à vendre et faisant état de son caractère exceptionnel, de son ensoleillement maximum, alors qu'un projet de construction voisine d'un immeuble interdisait les qualificatifs et descriptifs utilisés;

Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu, la cour d'appel énonce qu'il n'est pas contesté qu'un projet immobilier important, jouxtant, au sud, la propriété à vendre, était en projet depuis 1981, que le permis de construire avait été affiché à deux reprises avant d'être annulé; qu'au moment de la publication de l'annonce une nouvelle demande était en cours d'instruction pour aboutir le 26 février 1988; que le promoteur immobilier avait donné en 1984 mandat à l'agence X de vendre les futurs appartements; que les juges en déduisent qu'en employant les termes, "exceptionnel, ensoleillement maximum, prix justifié" et en s'abstenant de révéler une nuisance ou un environnement de nature à affecter les qualités substantielles de la propriété, l'intéressé a commis le délit reproché;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations qui répondent aux conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments l'infraction poursuivie; que le moyen doit dès lors être écarté;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.