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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 20 janvier 1995, n° 93-00253

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Syndicat des Artisans et Détaillants de la Fourrure, Chambre Syndicale de la Fourrure, Fédération Nationale de la Fourrure

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bertolini

Conseillers :

Mmes Marie, Penichon

Avocats :

Mes Baratelli, Tonini, Bartoli

CA Paris n° 93-00253

20 janvier 1995

Rappel des faits

La société X créée en 1977 et exploitant un fonds de commerce de fourrures, <adresse> a été mise en règlement judiciaire en 1984 et le fonds a été repris le 8 août 1984 en location gérance par la société Y dont le gérant était M. P et le directeur commercial M. M.

Par la suite de l'homologation du concordat par jugement du 30 juin 1989, la société X, s'est retrouvée in bonis et elle a fait sommation à la société Y d'avoir à quitter les lieux avant le 31 mars 1991. Monsieur P a alors demandé le 8 novembre 1990, à la Préfecture de police l'autorisation de liquider les stocks. Il a été autorisé à y procéder pour la période du 1er décembre 1990 au 1er février 1991 ;

Il a été dressé procès-verbal par la DGRCCF :

- pour vente après la période autorisée,

- réapprovisionnement pendant la période de liquidation,

- publicité de nature à induire en erreur sur les prix pratiqués.

Syndicat des Artisans et Détaillants de la Fourrure, la Chambre Syndicale de la Fourrure, et la Fédération Nationale de la Fourrure, représentés à l'audience, font valoir par voie de conclusions que les infractions reprochées à Monsieur M, gérant de fait de la société Y sont constituées, que Monsieur P, le gérant de droit n'est en réalité qu'un prête nom de Monsieur M ; ils ajoutent que c'est celui-ci qui, en sa qualité de gérant de la société X a mis en demeure la société Y d'avoir à quitter les lieux au plus tard le 31 mars 1991, ce qui a permis à ladite société d'obtenir l'autorisation de la Préfecture pour sa période de liquidation ;

Sur la représentativité, le Syndicat des Artisans et Détaillants de la Fourrure fait valoir que dans le cadre de plusieurs instances civiles et administratives les juridictions saisies lui ont reconnu ce caractère ;

Les parties civiles demandent donc la confirmation du jugement attaqué sauf en ce qui concerne la condamnation à dommages et intérêts ;

M s'est présenté à l'audience, assisté de son Conseil, et a déposé des conclusions ;

Sur l'action civile, de la Fédération Nationale de la Fourrure, de la Chambre Syndicale de la Fourrure, M soutient que si les Syndicats professionnels tiennent de l'article L. 411-11 du Code du travail le droit d'ester en justice pour exercer les droits réservés à la partie civile pour des faits susceptibles de porter atteinte à l'intérêt collectif de la profession, encore faut-il que les syndicats professionnels soient représentatifs de la profession, qu'en l'espèce, ce n'est pas le cas ; en conséquence, il demande la désignation d'un expert pour établir leur représentativité et le préjudice subi par ces organismes ;

Sur sa responsabilité pénale, il prétend que P est bien le gérant de la société Y ; que sa présence pendant les opérations de contrôle de la DGRCCF s'explique précisément par sa qualité de salarié ; qu'il était déjà directeur commercial de la société X et que son contrat de travail a été repris par le locataire-gérant ;

Sur la non-constitution des infractions reprochées il soutient :

- en premier lieu, que la seule présence d'un calicot portant la mention :

" je liquide tout " ne suffit pas à établir que les opérations de liquidation se sont poursuivies après le 5 mars 1991 ; qu'il n'a pas été relevé de prix réduit à cette date ; que ce calicot ne constitue même pas une publicité trompeuse ; qu'en effet, le calicot devait être enlevé par un employé de la société Y ; que la mauvaise foi est nécessaire pour qu'il y ait publicité trompeuse ;

- en deuxième lieu que, la preuve n'est pas rapportée que la société Y aurait continué d'approvisionner le magasin de <adresse> pendant la liquidation, faute pour le service de répression des fraudes d'avoir établi un inventaire physique dès le 5 mars 1991, étant précisé que les achats opérés pendant la période de liquidation étaient destinés aux autres points de vente de la société Y, la livraison ayant eu lieu, comme c'est de règle en matière de commerce international au lieu où est tenue la comptabilité, soit au <adresse>; que le tableau de comparaison entre les ventes effectuées au cours des deux mois autorisés et le stock déclaré à la Préfecture est erroné ; que les différences entre le stock déclaré et les articles vendus pendant la liquidation s'expliquent par des différences de dénomination sans que, pour autant, il puisse être prouvé que le stock ait été réapprovisionné ; que le procès-verbal de la direction des fraudes comporte des erreurs qui jette un discrédit total sur le tableau récapitulatif des articles vendus prétendument en fraude ;

Il fait valoir que les prix de référence annoncés pendant la période précédant de deux mois la vente, sont établis par un constat d'huissier, alors que le procès-verbal se fonde sur 5 articles vendus en novembre 1990 sans rechercher s'il s'agit d'articles comparables ;

Sur l'action publique

Sur la qualité de gérant de fait de M.

Considérant que le fonds de commerce exploité au <adresse> et donné en location-gérance à la société Y, l'a été suivant contrat du 6 septembre 1984, conclu entre d'une part, la société Y et d'autre part, les sociétés Piergil, X et Antinella, ayant toutes pour gérant M. Pierre M;

Que Monsieur Pierre M, propriétaire de la marque " Pierro le Loup " est intervenu au contrat afin de donner son accord à l'exploitation gratuite par la société de location gérance de ladite marque ;

Que ces éléments démontrent la part prise par M. M dans l'activité de la société ;

Considérant que M percevait un salaire élevé de la société Y ;

Considérant que les pièces de la procédure démontrent que M était toujours présent dans l'entreprise, que la part qu'il prenait dans la gestion n'est pas contredite par le fait que Monsieur P signait des chèque ; de tels actes n'impliquant pas la gestion d'une entreprise qui requiers le déploiement d'une activité quotidienne ;

Qu'il apparaît donc bien que M était le gérant de fait de la société Y ;

Sur la prolongation de la liquidation sans autorisation

Considérant que l'autorisation de liquider le stock du magasin de la rue d'X avait été délivrée pour la période du 1er décembre 1990 au 1er janvier 1991 ;

Que la banderole " je liquide tout " de 1,35 m sur 0.55 m était encore apposée sur la vitrine du magasin ;

Considérant que, comme l'ont relevé les premiers juges, il n'est pas cependant établi que des remises aient été consenties à la clientèle après la date du 1er février 1991 ;

Qu'en conséquence, le délit de poursuite de la liquidation sans autorisation n'est pas établi ;

Mais considérant, toutefois, que le calicot était très visible par les clients entrant dans le magasin de <adresse> et que cette affirmation ajoutée aux panonceaux apposés sur la devanture de l'immeuble annonçant la cessation de l'activité était de nature à faire croire aux clients que les opérations de liquidation se poursuivaient ; que M ne saurait prétendre qu'il s'agissait d'un oubli, alors que par sa taille le calicot était visible et qu'un délai d'un mois s'était écoulé depuis la fin de la période où la vente était autorisée ce qui exclut qu'il n'ait pas pu s'en apercevoir ;

Que ces faits entrent tant dans les prévisions de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 que de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

Qu'en conséquence, le délit de publicité de nature à induire en erreur est constitué ;

Sur le réapprovisionnement pendant la période de liquidation ;

Considérant que les articles suivants ont été vendus alors qu'ils ne figurent pas à l'inventaire, blouson marmotte, blouson dérivé marmotte, toque rat d'Amérique, gilet chacal, veste léopard, veste et blouson murmal, veste ocelot, veste castorette, toque ragondin, chapeau, boa et toque en renard, casquettes, toques et cravates en vison ;

Considérant que, peu importe, qu'il se fut agit d'articles provenant d'une transformation de ceux qui avaient été déclarés à l'inventaire, l'article 1 de la loi du 30 décembre 1906, interdisant tout réassortiment de marchandises sous quelque forme que ce soit ;

Considérant qu'au surplus, M invoque, comme l'ont relevé les premiers juges, des travaux à façon qui ne figurent pas sur les factures produites ;

Considérant que l'infraction est dès lors, constituée ;

Sur le délit relatif à la publicité des prix

Considérant qu'il résulte des articles 2 et 3 de l'arrêté n° 77-105-P du 2 septembre 1977 que toute publicité comportant une annonce de réduction de prix doit préciser l'importance de la réduction, soit en valeur absolue, soit en pourcentage par rapport aux prix de référence, lequel ne peut excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire dans le même établissement de vente au détail, au cours des trente derniers jours précédent le début de la publicité ;

Considérant qu'ainsi M a annoncé la veste dérivée de vison 10 900 F vous est offerte 4 900 F, alors qu'un article similaire avait été vendu le 17 novembre 1990 à 3 000 F ;que de même le manteau dérivé vison qui est annoncé avec un prix de référence de 12 900 F avait été vendu 5 000 F ;

Considérant que M prétend, que le prix de référence dépend du modèle et de la taille du vêtement ;

Considérant cependant, qu'un manteau de vison taille 48 avait été vendu 15 000 F le 23 novembre 1990 alors que le prix de référence annoncé était de 34 900 F ce qui démontre la vanité des arguments développés par M ;

Considérant que l'infraction est donc constituée ;

Considérant que la peine prononcée est justifiée et que le jugement doit être donc confirmé, tant sur la culpabilité que sur la répression ;

Sur l'action civile

Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la constitution de partie civile ;

Considérant que M n'a relevé appel que des seules dispositions pénales du jugement, qu'il ne saurait dès lors, soulever l'irrecevabilité de la constitution du Syndicat des Artisans et Détaillants de la Fourrure, de la Chambre Syndicale de la Fourrure ;

Que le moyen doit donc être écarté ;

Considérant qu'il convient cependant de souligner qu'aux termes de l'article L. 411-11 du Code du travail, la représentativité des organisations syndicales est déterminées par les critères suivants :

- les effectifs

- l'indépendance

- les cotisations

- l'expérience et l'ancienneté du syndicat

- l'attitude patriotique pendant l'occupation,

Que ces critères ne sont pas cumulatifs ;

Que sur 675 artisans ou fabricants de pelleterie, fourrures, le Syndicat des Artisans et Détaillants de la Fourrure, a un nombre d'adhérents de 117, ce qui est suffisant compte tenu du faible taux de syndicalisation qui existe en France ; qu'au surplus, les cotisations sont élevées ;

Considérant que la Chambre Syndicale de la Fourrure et la Fédération Nationale de la Fourrure ont signé la convention collective nationale de la fourrure ;

Que cette convention a fait l'objet d'un arrêté d'extension ;

Qu'une telle procédure ne peut intervenir que si les syndicats signataire sont représentatifs de la profession ;

Que la représentativité de ces organismes est donc établie, et leur constitution de partie civile recevable ;

Sur les dommages et intérêts réclamés par les parties civiles

Considérant que les coupures de presse versées par les parties civiles doivent être écartées des débats, celles-ci ne pouvant constituer des éléments de preuve ;

Considérant que les délits commis par M ont causé un préjudice aux métiers de la fourrure, dès lors que ses pratiques faussaient la concurrence ; qu'en effet, les fourreurs et artisans fourreurs voyaient leur clientèle attirée par des prix qui paraissaient être plus avantageux que ceux qu'ils pratiquaient ;

Considérant que l'évaluation retenue par le tribunal est exacte et qu'elle ne peut être que confirmée ;

Par ces motifs, la COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de toutes les parties, Reçoit les appels du prévenu, du Ministère public et des parties civiles, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, et ce, en application des articles susvisés pour les infractions 1 et 3 et pour l'infraction de la publicité mensongère prévue par les articles L. 121-1, L. 121-2, L. 121-6 al du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause, tous autres moyens, fins ou conclusions contraires ou plus amples, les rejette. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.