CA Paris, 13e ch. B, 18 mai 1995, n° 93-08001
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
UFC
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bertolini
Conseillers :
Mmes Magnet, Marie
Avocats :
Mes Laraize, Fourtanier, Bartoli
LA COUR
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré T coupable de :
- vente en liquidation de marchandises neuves, sans autorisation municipale préalable, le 27 juillet 1992, à Paris, infraction prévue par les articles 2, 1 al. 1 de la du 30.12.1906, 1, 3, 5 al. 1 du décret n° 62-1463 du 26.11.1962 et réprimée par l'article 2 de la loi du 30.12.1906.
- non-respect des règles relatives à l'information du consommateur - marquage de produit, service, le 27 juillet 1992, à Paris, infraction prévue par l'article 33 al. 2, 1 du décret n° 86-1309 du 29.12.1986, L. 113-3 du code de consommation, ordonnance n° 45-1483 du 30.6.1945 et réprimée par l'article 33 al. 2 1 décret 86-1309 du 29.12.1986,
et, en application de ces articles, l'a condamné à :
- 15 000 F d'amende pour le délit,
- 688 amendes de 30 F chacune pour la publicité sur des 688 meubles ne comportant pas le prix pratiqué réduit ou le montant de la réduction annoncée,
- 688 amendes de 30 F chacune assortie du sursis pour vente de 688 meubles sans indiquer le prix réclamé à la clientèle,
a assujetti la décision à un droit fixe de procédure de 600 F ;
Sur l'action civile le tribunal a reçu l'UFC Paris en sa constitution de partie civile et a condamné Bernard T à lui payer la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et a débouté la partie civile du surplus de ses demandes.
Les appels
Appel a été interjeté par :
Monsieur Bernard T, le 28 octobre 1993, sur les dispositions pénales et civiles,
Monsieur le Procureur de la République, le 28 octobre 1993 contre Monsieur Bernard T,
La société EURL X le 29 octobre 1993 contre UFCS Union Féminine civique et sociale.
Décision :
Rendu après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu Bernard T, la société X civilement responsable et par le Ministère public à l'encontre du jugement déféré ;
S'y référant pour l'exposé de la prévention ;
Représenté par son Conseil Monsieur Bernard T demande à la cour, renonçant aux exceptions soulevées en première instance,
In limine litis, de déclarer l'UFC de Paris irrecevable,
De la débouter de l'ensemble de ses demandes,
De dire et juger que les poursuites ont été mal dirigées à l'encontre de Monsieur Bernard T,
Le relaxer purement et simplement.
Subsidiairement,
De dire et juger que la prévention ne permet pas d'établir l'existence des infractions reprochées, aussi bien à l'arrêté de 1977 qu'à l'arrêté de 1987 qu'à la loi de 1906, ne serait-ce qu'au bénéfice du doute ou de l'absence d'intention délictuelle,
Relaxer, en conséquence, Bernard T des fins de la poursuite sans peine ni dépens.
Plus subsidiairement et au cas où par impossible, la cour estimerait devoir entrer en voie de condamnation :
Faire application la plus indulgence possible de la loi pénale, voire dispenser la peine, et notamment de toute éventuelle inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire, en application de l'article 132-59 du nouveau Code pénal ;
Dire aussi, si la cour retenait la recevabilité de l'UFC de Paris qu'elle ne justifie pas précisément su quantum de son préjudice et lui accorder 1 franc,
Condamner alors la société X en tant que civilement responsable.
La société UFC de Paris, demande à la cour :
- de rejeter les conclusions du prévenu in limine litis, tendant à l'irrecevabilité de sa constitution,
- de confirmer la décision entreprise,
- de lui allouer la somme de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Sur la recevabilité des appels
Considérant que la cour est saisie de trois appels interjetés :
- primo, par Bernard T en qualité de prévenu ayant été condamné par les premiers juges pour les faits susvisés à des sanctions répressives et civiles telles que mentionnées au rappel de la procédure.
- secundo, par le même Bernard T, en qualité de gérant de la SARL X, civilement responsable,
- tertio, par le Ministère public.
Considérant que l'appel de Bernard T en qualité de prévenu et celui du Ministère public sont redevables, comme interjetés par des parties au procès pénal dans les formes et les délais de la loi, sont recevables ;
Considérant que l'appel relevé par Bernard T au nom de la SARL X, en qualité de civilement responsable ne pourra qu'être déclaré irrecevabilité ;
Qu'en effet, les premiers juges n'ont pas eu à connaître du cas de ladite société qui n'a pas été citée devant eux en qualité de civilement responsable, ni appelée en cause de quelque façon que ce soit ; qu'ils n'ont pas statué sur une quelconque responsabilité civile, de ladite société, que cette dernière n'était, en aucune manière, partie au procès pénal, et que l'appel est, dès lors, en ce qui la concerne irrecevable.
Rappel des faits
Le 27 juillet 1992, les inspecteurs de la DGCCRF du département de l'Eure se présentaient au magasin X <adresse> à Evreux ; ce magasin est exploité en succursale par la SARL X dont le gérant est Monsieur Bernard T, le siège de la société étant <adresse> Paris.
Le magasin X procédait à une opération de liquidation totale au moyen d'un campagne publicitaire par voie d'affichage, de presse et de tract publicitaire.
Les agents de la DGCCRF constataient que :
1°) 51 meubles présents au magasin ne figuraient pas sur l'inventaire que la société avait déposé en mairie à l'appui de sa demande d'autorisation conformément aux dispositions du décret 62-1463 du 26.11.1962.
2°) les prix figurant sur l'inventaire joint dits liquidés étaient en fait, plus chers pour 3 meubles que les prix pratiqués avant la liquidation et que pour 5 meubles les prix figurant sur l'inventaire, dit prix liquidés étaient identiques aux prix anciennement pratiqués.
Or l'article 6-7e du décret n° 62-1243 du 26 novembre 1962 dispose en cas de soldes et de liquidations, justifier sauf circonstances exceptionnelles, qu'il est en possession des marchandises à écouler depuis trois mois au moins et que les prix fixés pour leur mise en vente sont inférieurs à ceux pratiqués par lui durant cette période.
3°) aucune annonce de réduction de prix en valeur absolue ou en pourcentage informait la clientèle de ces réductions que les tracts publicitaires annonçaient comme prix d'adieu.
Or l'article de l'arrêté n° 77-105-P du 2 septembre 1997 dispose " toute publicité à l'égard du consommateur comportant une réduction de prix doit obéir aux conditions suivantes ... lorsqu'elle est faite sur les lieux de vente, l'étiquetage, le marquage ou l'affichage des prix réalisés conformément aux dispositions en vigueur doivent faire apparaître, outre le prix réduit annoncé, le prix de référence défini à l'article 3 ... "
4°) et enfin, aucun des 688 meubles exposés à la vente n'indiquait le prix exact, à savoir celui réclamé en paiement à la clientèle,
Or l'article 1er de l'arrêté du 3 décembre 1977 relatif à l'information du consommateur les prix dispose " toute information sur les prix de produits ou de services doit faire apparaître, quel que soit le support utilisé, la somme totale toutes taxes comprises qui devra être effectivement payée par le consommateur, exprimée en monnaie française... "
Entendu par les services du 8e Cabinet de délégation judiciaire, Monsieur Bernard T ne contestait pas les constatations faites par les inspecteurs de la DGCCRF ; il expliquait qu'en raison du chiffre d'affaires très bas, la société avait été contrainte de fermer le magasin d'Evreux et de procéder à une vente en liquidation ; il indiquait qu'en ce qui concerne la présence de 51 meubles ne figurant pas à l'inventaire déposé, il s'agissait d'une simple erreur matérielle, de même en ce qui concerne les meubles ayant un prix égal ou supérieur au prix précédemment pratiqué ; par ce qui est de l'absence de la réduction de prix en pourcentage, le magasin D avait effectué une publicité littéraire, non chiffrée qui laissait espérer au consommateur qu'il allait bénéficier de prix réduits. En tout état de cause, il affirmait que la société X était de bonne foi ;
Cela étant exposé
Sur l'imputabilité des infractions
Considérant que Bernard T fait valoir que les infractions qui pouvaient être relevées à son encontre ne lui sont pas imputables en raison d'une convention de partenariat commercial que la société X a signé le 25 janvier 1988 avec la SARL Y.
Considérant que cette argumentation a été rejetée par les premiers juges par des motifs pertinents que la cour adopte ;
Qu'en effet, il convient d'observer qu'une telle convention n'a pas transféré les responsabilités de direction de l'affaire à une autre personne physique que le prévenu.
Qu'en effet, il convient d'observer qu'à aucun moment de la procédure préliminaire, il n'a été fait état d'une prétendue délégation de pouvoir ni d'une convention de partenariat :
Que, cependant, Monsieur Bernard T a été entendu, qu'un mémoire en défense a été déposé par son conseil ;
Que de surcroît, les liens entre la SARL X d'Evreux et la société Y ne sont nullement démontrés ;
Que, la convention de partenariat versée au dossier est rédigée en des termes extrêmement vagues ;
Que, dès lors, la convention qu a pu intervenir n'a pu avoir pour effet de transférer la responsabilité pénale d'une personne sur une autre ; qu'à cet égard, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits et du droit et que leur décision sur ce point ne pourra qu'être confirmée.
Sur le délit
Considérant que les agents de la DGCCRF de l'Eure ont relevé, d'une part, que 51 meubles ne figuraient pas sur l'inventaire déposé en mairie, d'autre part, que les prix " d'adieu " de certains meubles en liquidation étaient supérieurs ou égaux à ceux pratiqués antérieurement.
Que, par conséquent, le délit est établi matériellement ;
Que c'est vainement que le prévenu allègue que le nombre des meubles énumérés sur l'inventaire produit et ceux qui ont été effectivement présentés à la réalité, résulte d'une erreur purement matérielle, de même que les prix pratiqués ;
Qu'en effet, il appartenait à Monsieur Bernard T de contrôler les opérations de liquidation, et utilisant une procédure administrative destinée à permettre la vente dans certaines conditions dérogatoires aux normes habituelles, il lui appartenait de tout faire en sorte qu'il y ait une absolue concordance entre les documents produits et les opérations commerciales réalisées :
Qu'une disparité de la nature de celle qui a été constatée, implique nécessairement une fraude de la part du commerçant bénéficiaire de l'autorisation ; que ce dernier ne pourrait être exonéré de sa responsabilité pénale en la matière qu'en prouvant une force majeure irrésistible ou l'agissement délibérément malveillant d'un tiers, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce.
Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu Monsieur Bernard T dans les liens de la prévention ; qu'il échet, en conséquence, de confirmer la décision entreprise tant sur la déclaration de culpabilité que sur le montant de l'amende prononcée laquelle est équitable.
Sur les contraventions
Considérant que les premiers juges ont prononcé deux sanctions distinctes pour :
- le défaut d'indication du prix pratiqué réduit ou le montant de la réduction article 2, arrêté du 2 septembre 1977,
- le défaut d'indication du prix réclamé à la clientèle (article 1 de l'arrêté du 3 décembre 1987)
Considérant que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé deux sanctions distinctes pour des faits qui, sous l'apparence de deux qualifications différentes sont en réalité les mêmes ;
Considérant que dès lors, les seules contraventions qui seront retenues seront celles visées par l'article 2 septembre 1977 que le prévenu ne conteste pas sérieusement ;
Que cependant il fait valoir que cet arrêté ne vise que la publicité chiffrée alors qu'il n'a diffusé que des annonces littéraires.
Que, s'il est exact que le champ d'application dudit arrêté se limite à la publicité chiffrée, l'infraction visée concerne l'étiquetage et le marquage pratiqués par le prévenu sur ses meubles, ce qui constitue une publicité chiffrée ; selon les dispositions de ce texte, étiquetage et marquage doivent faire apparaître outre le prix de référence -qui a bien été mentionné par Monsieur Bernard T- le prix réduit le prix de référence- qui a bien été mentionné par Monsieur Bernard T -le prix réduit annoncé, or celui-ci n'est indiqué nulle part ; la seule exception à cette obligation concerne la réduction faite, à un taux uniforme à la caisse, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, ces rabais étant variables.
Que les dispositions de l'arrêté précité ont pour but d'informer le consommateur et n'ont pas été respectées par le prévenu ; les contraventions sont donc établies ;
Qu'il convient de confirmer le jugement entrepris tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine infligée laquelle est équitable.
Que, par contre, la cour relaxera le prévenu de la contravention de défaut d'indication du prix réclamé à la clientèle, fait prévu et réprimé par l'article 1 de l'arrêté du 3 décembre 1987 pour les raisons sus-énoncées.
Sur l'action civile
- Sur l'irrecevabilité de la partie civile.
Considérant que c'est à bon droit que, dans ses écritures, le Conseil du prévenu fait valoir que la seule partie civile constituée, à savoir l'UFC de Paris, n'est pas recevable dans son action ;
Qu'en effet, il ressort des pièces de la procédure et des débats, qu'il s'agit d'une association parisienne départementale qui n'a pas à connaître d'un litige commercial qui est né et s'est développé en dehors de son ressort d'activité ;
Qu'il ne saurait être fait état d'un mandat qui lui aurait été donné par une association ayant son siège à Evreux ;
Que si cette dernière association voulait se faire représenter en justice, elle pouvait avoir recours à l'entremise d'un avocat, sans pouvoir conférer à une autre association un quelconque droit ou pouvoir d'ester en justice en ses lieux et place ;
Considérant que sa demande sera déclarée irrecevable faute d'intérêts à agir.
Par ces motifs, La COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare irrecevable l'appel du civilement responsable, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Sur l'action publique Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Bernard T coupable de contraventions de publicité su 688 meubles ne comportant pas le prix pratiqué réduit ou le montant de la réduction annoncée, Contravention prévue et réprimée par l'article 2, arrêté du 2 septembre 1977 et décret du 29 décembre 1986, L'infirmant, le relaxe des fins de la poursuite pour le surplus, Sur l'action civile Infirme le jugement entrepris sur le plan civil, Déclare irrecevabilité la constitution de partie civile de l'UFC de Paris, Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause, tous autres moyens, fins ou conclusions contraires ou plus amples, les rejette. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.