CA Paris, 13e ch. A, 8 septembre 1992, n° 92-2877
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Yves Saint-Laurent Couture (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Cerdini
Conseillers :
Martinez, de Thoury
Avocats :
Mes Frenot, Summa, Bouazzouni
Rappel de la procédure
Le jugement
Le tribunal :
- a rejeté les conclusions d'irrecevabilité de la constitution de partie civile,
- a rejeté partiellement les conclusions de relaxe déposées par le conseil du prévenu,
- a relaxé Georges B, directeur commercial de la société D ayant utilisé l'enseigne S de Sorro, du chef d'infraction à l'alinéa 4 de l'article 1er de la loi du 31.12.1906 et du chef de publicité trompeuse en ce qui concerne les annonces des 2, 4 et 9 août 1989,
- l'a déclaré coupable : - d'infraction à l'alinéa 1er de la loi du 31.12.1906,
- de publicité trompeuse en l'état de récidive, par la parution dans " Le Midi Libre " des annonces de 19, 21, 26 et 28 juillet 1989,
- de détournement d'objets saisis prévu et réprimé par les articles 400 alinéa 4 et 381 du Code pénal,
- l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et 20 000 F d'amende,
Sur l'action civile :
Le tribunal a reçu la société Yves-Saint-Laurent Couture en sa constitution de partie civile et a condamné Georges B à lui payer la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts avec exécution provisoire et celle de 20 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Le tribunal a ordonné, avec exécution provisoire la publication du jugement à intervenir dans deux journaux au choix de la partie civile, sans que le montant de chaque insertion dépasse 15 000 F ;
Le tribunal a condamné le prévenu aux dépens liquidés à la somme de 672,10 F
Appels
Appel a été interjeté par :
1°) Georges B, le 4 mars 1992, sur les dispositions pénales et civiles, par l'intermédiaire de son conseil,
2°) le Procureur de la République prés le Tribunal de grande instance de Paris le même jour.
Décision :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels interjetés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré :
S'y référant pour l'exposé de la prévention ;
Le prévenu conclut à l'irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile de la société Yves-Saint-Laurent Couture en application de l'article 5 du Code de procédure pénale et à sa relaxe au motif que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitués.
La partie civile demande par conclusions 300 000 F de dommages et intérêts et 50 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et la publication de la décision à intervenir dans trois journaux au choix de la société Yves-Saint-Laurent Couture avec un maximum de 40 000 F par insertion.
Sur l'exception d'irrecevabilité :
Considérant qu'en se fondant sur la règle "electa una via" le prévenu soulève "in limine litis" l'irrecevabilité de la constitution de partie civile au motif que celle-ci a déjà saisi les juridictions civiles, antérieurement à sa constitution de partie civile du 28 décembre 1989, du litige l'opposant au prévenu.
Considérant que les assignations invoquées visent la SARL X dont la gérante est Madame E.
Qu'elle tendent à la réparation du préjudice causé à la société Yves-Saint-Laurent Couture des chefs d'usage de marque sans autorisation et de concurrence déloyale.
Que la plainte du 28 décembre 1989 a abouti au renvoi devant les juridictions correctionnelles de Monsieur Georges B des chefs de publicité mensongère, détournement d'objets saisis et d'infractions à la loi du 30 décembre 1906.
Considérant qu'il apparaît ainsi que ces assignations et la plainte avec constitution de parti civile ne concernent pas les mêmes personnes et qu'elles n'ont pas le même objet.
Que c'est donc à bon droit que les premiers juges dont la décision sera confirmée sur ce point, ont rejeté l'exception soulevée.
Sur le détournement d'objets saisis :
Considérant qu'agissant en exécution d'une ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Montpellier du 4 août 1989 et procédant à une saisie contrefaçon, un huissier de cette ville a, conformément aux termes de l'ordonnance, mis sous séquestre le 5 août 1989 deux manteaux en vison portant une étiquette Yves-Saint-Laurent découverts dans les locaux de la SARL de Sorro, Centre Commercial, Galerie Marchande à Perols et en a confié la garde à Madame Kuchler Martine, responsable de ce magasin.
Que, dans la semaine qui a suivi, le prévenu a pris ces manteaux les a transportés à Paris pour les mettre en dépôt par la suite chez Maître Calippe, huissier de justice à Paris ; qu'il a été constaté par huissier le 16 septembre 1989 que ces manteaux avaient disparu du magasin de Perols.
Considérant que le prévenu soulève la nullité de cette saisie aux motifs que l'autorisation accordée visait la société S de Sorro et non la société X, qui à cette époque, était locataire gérante du fonds de commerce de la SARL S de Sorro et qu'elle n'a été suivie d'aucune assignation en validité dans les 15 jours de sa réalisation.
Qu'il demande sa relaxe de ce chef, l'article 400 al. 4 du Code pénal ne pouvant être retenu contre lui puisqu'il n'était ni le saisi, ni le gardien des objets saisis.
Considérant que l'article 400 du Code pénal concerne non seulement les saisies proprement dites mais également le séquestre judiciaire (Crim. 14 avril 1961).
Qu'il importe peu que la saisie soit nulle quant au fond ou irrégulière quant à la forme, pourvu qu'elle présente tous les caractères extérieurs d'un acte régulier, le seul recours pour la victime de l'irrégularité étant de demander la mainlevée de cette saisie (Crim. 18 avril 1964).
Que le prévenu, qui n'était pas juge de la régularité de ce séquestre avait donc l'obligation de s'y soumettre et d'en accepter les contraintes.
Considérant par ailleurs, que si le prévenu n'était pas personnellement le saisi, il était le directeur commercial de la société X ayant en location gérance les locaux et l'enseigne de la SARL S de Sorro en règlement judiciaire dont il était le gérant.
Qu'il a toujours déclaré qu'en sa qualité de directeur commercial il s'occupait des achats, des ventes, de la publicité de la société X, qu'il assumait entièrement sa responsabilité dans l'affaire opposant cette SARL à Yves-Saint-Laurent d'autant qu'à l'époque des faits, la gérante de la SARL X était absente, qu'il avait don, à cette époque, la qualité de mandataire de fait de la société X.
Considérant que lorsque le saisi est, comme en l'espèce, une société des mandataires sociaux se rendent coupables du délit de l'article 400 du Code pénal en cas de détournement par eux des objets saisis.
Que c'est donc à bon droit que les premiers juges l'ont reconnu coupable de l'infraction de l'article 400 alinéa 4, les objets saisis ayant été confiés à un tiers.
Sur les infractions à la loi du 30.12.1906
Considérant qu'il est constant que l'autorisation accordée par le maire de Pérols à la société X de procéder à une vente liquidative expirait le 25 juillet 1989.
Qu'il est constant également (D162), malgré les écritures contraires du prévenu, que les publicités relatives à la liquidation concernant le magasin de Pérols se sont prolongées jusqu'au 30 août 1989.
Considérant que le prévenu conclut à sa relaxe du chef d'infraction au paragraphe 1er de l'article 1 de la loi du 30 décembre 1906 au motif que l'infraction n'est pas caractérisée.
Considérant cependant qu'il ressort de ses propres écritures que les ventes liquidatives ont cessé le 1er août 1989 au magasin de Pérols.
Que le prévenu a reconnu devant le juge d'instruction (D 230) qu'il avait poursuivi cette liquidation au delà du 25 juillet 1989.
Qu'il a admis devant la cour que la liquidation s'était poursuivie courant août.
Que l'infraction étant caractérisée, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Considérant par ailleurs, que c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte, que les premiers juges ont relaxé le prévenu du chef d'infraction au paragraphe 4 de l'article 1er de la loi du 30 décembre 1906.
Que leur décision mérite également sur ce point confirmation.
Sur la publicité de nature à induire en erreur :
Considérant que les annonces publicitaires parues dans " Le Midi Libre " jusqu'au 4 août 1989, notamment celles des 19, 21, 26 et 28 juillet comportaient sous la mention " Liquidation totale moins 60 % " et après l'énumération de divers vêtements notamment du cuir, l'indication " Manteaux Visons allongés griffés Yves-Saint-Laurent ".
Considérant que le prévenu conclut à sa relaxe au motif que ces manteaux faisaient partie d'une vente promotionnelle et non liquidative, que les acheteurs ne pouvaient s'y tromper puisque aucun prix de référence barré n'était porté en face de la mention Yves-Saint-Laurent.
Considérant cependant que les annonces décrites ci-dessus étaient de nature à induire en erreur l'acheteur éventuel dans la mesure où la mention des manteaux griffés était portée sous l'indication " Liquidation totale moins 60 % " et l'incitait à penser que ces marchandises étaient intégrées dans la vente liquidative alors qu'elles faisaient l'objet d'une vente promotionnelle.
Que, de plus, les publicités parues les 2 et 4 août indiquaient " Dans le cadre de la liquidation S de Sorro exceptionnelle vente de manteaux de visons allongés griffés Yves-Saint-Laurent 23 960 F "
Que la publicité pour ces manteaux était ainsi effectuée dans la même forme que les autres vêtements liquidés, avec mention du prix de référence barré, le liquidés, avec mention du prix de référence barré, le prix réel correspondant effectivement à 60 % de réduction sur ce prix de référence.
Qu'ainsi, ces publicités étant bien de nature à induire en erreur les clients éventuels, l'infraction sera retenue à l'encontre du prévenu pour les publicités des 19, 21, 26 et 28 juillet, 2 et 4 août.
Considérant par contre que ne peut être retenu contre le prévenu le caractère trompeur de la publicité effectuée par lui en raison du fait qu'il n'avait à la vente que deux manteaux de la marque Yves-Saint-Laurent.
Qu'en effet étaient proposés par ces publicités d'autres manteaux de fourrure dont certains portaient la griffe P. Balmain, Lanvin ou Valentino.
Sur la peine
Considérant en définitive que, malgré la récidive résultant de la Condamnation prononcée par la Cour d'appel de Toulouse le 22 mai 1986 à 10 000 F du chef de publicité mensongère ou de nature à induire en exposées, les faits reprochés au prévenu n'apparaissent pas d'une gravité justifiant les peines prononcées par les premiers juges.
Que la cour estime suffisante une amende de 10 000 F.
Qu'il y a lieu de relever le prévenu, conformément à l'article 5-1 du Code pénal de la publication de l'arrêt à intervenir au titre de l'action publique.
Sur les intérêts civils
Considérant que les infractions retenues contre le prévenu ont causé à la partie civile un préjudice que la cour, disposant des éléments d'appréciation nécessaires et suffisants estime à 5 000 F.
Que ce préjudice ne justifie pas la publication réclamée par la partie civile.
Qu'il convient de réduire à 4 000 F la somme à lui allouer sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Par ces motifs, La COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels interjetés, Confirme le jugement déféré en ci qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité de la partie civile soulevée par le prévenu, Le confirme également sur la déclaration de culpabilité des chefs de détournement d'objets saisis, d'infraction au paragraphe 4 de l'article 1er de la loi du 30 décembre 1906, de publicité de nature à induire en erreur en état de récidive pour la parution dans " Le Midi Libre " des annonces des 19, 21, 26 et 28 juillet 1989, Le confirme en outre en ce qu'il a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite du chef d'infraction au paragraphe 4 de l'article 1er de la loi du 30 décembre 1906,Le réformant pour le surplus, Déclare le prévenu coupable de publicité de nature à induire en erreur pour les annonces publicitaires des 2 et 4 août 1989, Le condamne de ces chefs à 10 000 F d'amende et de relève conformément à l'article 55-1 du Code pénal de la publication obligatoire de l'arrêt à intervenir au titre de l'action public, Le condamne également à payer à la partie civile la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts, et celle de 4 000 F sur le fondement de l'article fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais irrépétibles exposés par elle tant devant le tribunal que la cour, Le condamne aux dépens d'appel liquidés à la somme de 449,53 F.