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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 11 mars 1999, n° 98-00948

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schiex

Avocat général :

M. Baxerres

Conseillers :

Mmes Girot, Fourniel

Avocat :

Me Simon-Joly.

TGI Foix, ch. corr., du 18 août 1998

18 août 1998

RAPPEL DE LA PROCEDURE

Le jugement:

Le tribunal, par jugement en date du 8 septembre 1998, a déclaré:

B Alain Marcel:

coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 23 juin 1998, à Foix, infraction prévue par l'article L.; 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation;

H Philipe Emmanuel Candido:

coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 23 juin 1998, à Foix, infraction prévue par l'article L.; 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation;

DÉCISION:

Les appels successifs de Alain B et du Ministère public contre Alain B et Philippe H, d'un jugement rendu le 8 septembre 1998 par le Tribunal correctionnel de Foix, réguliers en la forme et interjetés dans le délai légal, sont recevables en la forme.

Les faits qui sont à l'origine de la poursuite sont les suivants:

Le 23 juin 1997, au cours d'un contrôle réalisé conjointement par les fonctionnaires de la Direction des Services Vétérinaires de l'Ariège et de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des fraudes, il a été constaté, au Centre Distributeur E. L à Foix, lequel est exploité par la société anonyme F dont le PDG est M. Alain B, et en la présence constante du comptable et de M. Philippe H, chef boucher, la détention dans le laboratoire du rayon boucherie de:

- 29 barquettes de viande destinées à l'alimentation animale préemballées accusant un poids total de 20 grammes. Ces préemballés étaient munis d'étiquettes collées comportant entre diverses les mentions suivantes "boeuf viande animaux, date d'emballage 23 juin 1997, à consommer jusqu'au 27 juin 1997".

- 15 barquettes de viande destinées à l'alimentation humaine accusant un poids total de 3 Kg 612, munies d'étiquettes collées portant les mentions: "agneau, gigot, tranche à l'os, date d'emballage: 23 juin 1997, à consommer jusqu'au 27 juin 1997".

Ces produits étaient altérés et les verbalisants ont constaté qu'ils étaient poisseux et qu'ils avaient une couleur et une odeur anormales; les viandes destinées à l'alimentation animale avaient en fait été emballées le 21 juin 1997 et comportaient la mention "à consommer jusqu'au 25 juin 1997". Monsieur H admettait que le matin même, avant l'ouverture, ils avaient déballé et remballé ces produits et avaient collé sur chaque barquette une nouvelle mention "date d'emballage: 23 juin, à consommer jusqu'au 27 juin".

Il admettait que les viandes bovines étaient fanées et n'étaient plus de qualité loyale et marchande, et qu'il les avait donc destinées à l'alimentation animale. Concernant les viandes destinées à la consommation humaine, il indiquait que "les différents morceaux étaient issus du même gigot que nous destinions à la vente, entier, préemballé, sur lequel figurait une étiquette collée entre diverses mentions, date d'emballage 21 juin, à consommer avant le 25 juin 1997".

Il indiquait avoir procédé à sa découpe en 15 pièces qu'il avait préemballées en apposant sur chaque barquette une étiquette comportant les mentions: "date d'emballage 23 juin, à consommer jusqu'au 27 juin 1997".

Lors de l'enquête de la gendarmerie, Philippe H a confirmé qu'il était chef boucher et a reconnu les infractions de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise qui lui étaient reprochées; il a indiqué qu'il était agent de maîtrise, qu'il percevait un salaire net de 7 800 F; qu'il gérait le rayon boucherie et qu'il acceptait la responsabilité pénale de la fraude commise par négligence selon lui.

Alain B, président directeur général de la SA F, a, au contraire, nié toute responsabilité dans les anomalies constatées. Il a indiqué que la responsabilité de la gestion était confiée au chef boucher, qui était tenu de connaître la législation même pour la viande d'alimentation animale.

Le tribunal a cependant considéré que le contrat de travail de M. H conférait à celui-ci la responsabilité du respect des normes en matière d'hygiène et de sécurité, ainsi qu'une responsabilité pour optimiser le chiffre d'affaires, mais qu'il ne disposait pas du choix des fournisseurs; il a considéré que les quantités reconditionnées résultaient non d'une erreur, mais d'une pratique délibérée inspirée par le seul souci d'éviter des pertes de marchandises, et qu'eu égard au nombre des infractions et en considération de la faiblesse de ses revenus, le chef de rayon a obéi à des directives générales verbales données par le chef d'entreprise, abandonné à toute surveillance.

Il a donc considéré que la délégation de pouvoir contenue dans le contrat de travail ne correspondait pas à la réalité des faits et a déclaré Alain B coupable des faits qui lui étaient reprochés.

A l'audience, Philippe H reconnaît les faits qui lui sont reprochés, il explique les réemballages et les tromperies sur la viande destinée à l'alimentation animale par son ignorance de la législation à cet égard; pour la viande destinée à l'alimentation humaine, il indique que ceci résulte d'une erreur commise dans le réemballage de cette viande; l'étiquetage aurait dû reproduire les indications qui se trouvaient sur le gigot non découpé.

Alain B se dit étranger aux faits pour lesquels seul M. H peut être déclaré coupable, il indique qu'il a délégué ses pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité, de législation commerciale et de législation sociale à M. H; que par des décisions de 1993, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que le chef d'entreprise pouvait déléguer ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires; que telle était bien la situation dans laquelle se trouvait M. H; par ailleurs, il considère qu'il n'a pris aucune part à la réalisation des faits; il conclut en conséquence à son renvoi des fins de la poursuite.

Le Ministère public conclut par confirmation du jugement dont appel.

Sur quoi,

Sur la culpabilité de Philippe H:

Attendu que les faits sont reconnus par Philippe H qui indique avoir agi par ignorance de la réglementation concernant la viande destinée à l'alimentation animale et par erreur pour celle destinée à l'alimentation humaine;

Attendu que la matérialité des faits de reconditionnement illégal de barquettes de viande avec prolongation des dates limites de vente n'est pas contestable;

Que Philippe H, chef du rayon boucherie, est donc coupable du délit qui lui est reproché;

Sur la culpabilité d'Alain B:

Attendu qu'ainsi que l'ont fait observer les premiers juges, la question de la culpabilité dépend uniquement de l'appréciation portée sur l'efficacité de la délégation de pouvoir contenue dans le contrat de travail de Philippe H, contrat du 28 mai 1993;

Attendu que ce contrat confère au salarié chef du rayon la responsabilité du respect des normes en matière d'hygiène et de sécurité, ainsi qu'une responsabilité pour optimiser le chiffre d'affaires, mais qu'il ne dispose pas du choix des fournisseurs;

Attendu que ce contrat ne fait état ni d'une rémunération annexée sur le chiffre d'affaires, ni d'une prime annexée sur la marge bénéficiaire, et que le salaire mensuel s'élève à 10 000 F brut environ;

Attendu qu'il résulte des déclarations des salariés et de celles du chef du rayon lui-même, ces déclarations étant confirmées par les quantités reconditionnées, que la pratique du reconditionnement, et notamment celle des viandes à destination de l'alimentation animale, résulte non d'une erreur mais d'une pratique délibérée inspirée par le seul souci d'éviter des pertes de marchandises et des achats de remplacement;

Attendu qu'une telle pratique délibérée ne pouvait être ignorée de la direction de l'établissement;

Attendu qu'au temps des faits aucun directeur n'était en fonction et que Monsieur B admet qu'il remplissait cette fonction;

Attendu que la cour considère que l'importance des infractions, la considération de la faiblesse des salaires versés au chef boucher, permettent de considérer que celui ci a obéi à des directives générales, verbales, données par le chef d'entreprise, qui ne peut être considéré comme ayant abandonné toute surveillance sur la gestion du rayon boucherie;

Attendu qu'à tout le moins il choisit les fournisseurs et ne peut donc être considéré comme n'ayant pris aucune part personnelle à l'infraction au sens de la jurisprudence invoquée;

Attendu que la délégation de pouvoir contenue dans le contrat de travail ne correspond pas, ainsi que l'a souligné le tribunal, à la réalité des faits tels qu'ils sont analysés, et qu'Alain B ne peut en conséquence s'en prévaloir;

Il doit donc être déclaré coupable du délit qui lui est reproché;

Attendu que la déclaration de culpabilité portée par le jugement dont appel sera en conséquence confirmée;

Attendu que les premiers juges ont fait une exacte application de loi pénale en tenant compte des circonstances des faits et des personnalités des prévenus;

Qu'il convient de confirmer leur décision;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier et en dernier ressort; Reçoit Alain B et le Ministère public en leur appel d'un jugement rendu le 18 août 1998 par le Tribunal correctionnel de Foix; Confirme cette décision tant sur la déclaration de culpabilité que sur les peines prononcées à l'encontre de Philippe H (5 000 F d'amende) et Alain B (3 mois d'emprisonnement assortis du sursis, 30 000 F d'amende); Le président n'a pu donner au condamné Alain B l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal en raison de son absence à l'audience de lecture de l'arrêt; Rappelle que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné; Prononce la contrainte par corps, s'il y a lieu de l'exercer, conformément aux dispositions de l'article 750 du Code de procédure pénale; Le tout en vertu des textes susvisés; lecture faite, le président a signé ainsi que le greffier.