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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 30 août 2000, n° 98-07621

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

Mme Marie, M. Nivôse

Avocat :

Me Serre.

TGI Paris, 14e ch., du 23 sept. 1998

23 septembre 1998

RAPPEL DE LA PROCÉDURE:

LA PREVENTION:

K Max est poursuivi par ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 11 septembre 1997 suivie d'une citation, pour avoir:

- à Paris, courant 1992 et 1993, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, commis le délit de tromperie sur la nature et la qualité des prestations offertes aux clients de son laboratoire, en l'espèce en communiquant des résultats d'analyse sans employer dans la mise en œuvre des analyses des réactifs indispensables à la réalisation des examens dans des conditions garantissant la fiabilité des résultats,

- à Paris les 25 et 26 février 1993, fait obstacle à l'exercice des fonctions de Mesdames Morin, Delavalle et Falhun et de Monsieur Cornil, inspecteurs de la pharmacie, en l'espèce en tardant à leur communiquer les documents demandés et en les contraignant à solliciter l'intervention des services de police,

- à Paris, courant 1992 et 1993, contrevenu aux dispositions légales et réglementaires qui lui imposaient d'exercer personnellement et effectivement ses fonctions, en l'espèce en laissant Madame Gakic, technicienne, effectuer des prélèvements sanguins hors sa présence et son contrôle.

LE JUGEMENT:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré K Max:

coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise,

faits commis de 1992 à 1993, à Paris et sur le territoire national,

infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

coupable d'obstacle à l'exercice des fonctions d'inspecteur de la pharmacie,

faits commis le 26 février 1993, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue et réprimée par l'article L. 567 du Code de la santé publique,

coupable de délégation de ses fonctions par le directeur d'un laboratoire médical,

faits commis de 1992 à 1993, à Paris et sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 761-19, L. 761 al. 1 du Code de la santé publique et réprimée par l'article L. 761-19 du Code de la santé publique,

et, en application de ces articles,

vu les articles 132-40 à 132-45 du Code pénal,

l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, sous les obligations spéciales de l'article 132-45 1°, 2° et 8° du Code pénal, exercer une profession, établir sa résidence en un lieu déterminé, interdiction d'exercer la profession de pharmacien biologiste,

ordonné l'exécution provisoire de cette décision,

Aussitôt le président lui a donné l'avertissement prévu par l'article 132-40 du Code pénal,

vu l'article L. 216-3 du Code de la consommation,

ordonné la publication intégrale du jugement aux frais du condamné dans les revues ci-dessous visées:

- le Moniteur des pharmaciens et des Laboratoires 1 avenue Edouard Belin 92856 Rueil-Malmaison Cedex,

- le Quotidien des pharmaciens 140 rue Jules Guesde 75001 Paris,

a dit que cette décision était assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.

LES APPELS:

Appel a été interjeté par:

Monsieur K Max, le 29 septembre 1998, sur les dispositions pénales et civiles;

M. le Procureur de la République, le 29 septembre 1998, contre Monsieur K Max;

OPPOSITION A ARRÊT DE DÉFAUT:

Par déclaration, en date du 31 janvier 2000, K Max a formé opposition à l'exécution d'un précédent arrêt de défaut, de cette chambre, rendu le 10 novembre 1999 et non signifié, qui a:

Confirmé le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité,

L'a infirmé en répression,

Condamné Max K à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis,

Vu l'article L. 216-3 du Code de la consommation,

Ordonné la publication de l'arrêt, par extraits, aux frais du condamné dans les revues ci-dessous visées:

- le Moniteur des pharmaciens et des Laboratoires 1 avenue Edouard Belin 92856 Rueil-Malmaison Cedex

- le Quotidien des pharmaciens 140 rue Jules Guesde 75001 Paris.

a dit que cette décision était assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné,

DÉCISION:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'opposition formée par le prévenu à l'exécution de l'arrêt de défaut de cette chambre de la cour du 10-11-1999.

Ce recours étant régulier il convient de mettre à néant ledit arrêt et de se prononcer à nouveau sur les appels relevés par Max K et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il est fait référence pour l'exposé des faits et de la prévention.

Max K, assisté de son avocate, sollicite de la cour, par infirmation, l'indulgence.

Il demande plus particulièrement à la cour de ne pas prononcer à son encontre une peine d'emprisonnement sans sursis.

Monsieur l'avocat général requiert la cour de condamner le prévenu à la peine de 2 ans d'emprisonnement dont 1 avec sursis, outre la publication de la décision, pour tenir compte de la réelle gravité des agissements poursuivis.

RAPPEL DES FAITS

Les 25 et 26 février 1993, des pharmaciens inspecteurs de la DRASS de Paris, procédaient, dans le cadre de l'article L. 761-13 du Code de la santé publique, à une inspection du laboratoire d'analyses de biologie médicale dirigé par Max K, <adresse>.

Dans leur rapport de synthèse daté du 3 mars 1993, ils indiquaient avoir pu constater les faits suivants:

- la réalisation de prélèvements sanguins en l'absence de Max K par une technicienne, Madame Gakic

- des problèmes quant à l'élimination des déchets contaminés

- des anomalies dans la réalisation de certaines analyses (retards, réactifs périmés, appareils hors d'usage ...)

- en matière immunologique, notamment en ce qui concerne la sérologie HIV, présence sur place et sur facture d'un nombre de réactifs acquis largement inférieur au nombre d'examens rendus.

Par exemple, ils relevaient l'absence de deux réactifs différents pour le test HIV, contrairement aux prescriptions de la nomenclature et ils soulignaient le nombre très réduit de tubes.

De même, ils observaient l'absence de réactifs pour le dosage des apolipoprotéines, bien qu'en un an le laboratoire eût rendu 448 tests en ce domaine.

Une carence identique se retrouvait concernant le dosage sanguin de chlore et de réserve alcaline, et, pour le groupage sanguin, on notait un déficit de sérums tests anti-C et anti-E.

Les pharmaciens inspecteurs relataient enfin les importantes difficultés rencontrées dans l'accomplissement de leur mission, en raison de l'attitude agressive de Max K, et de sa réticence à produire les documents demandés, difficultés qui les contraignaient à solliciter le déplacement d'un OPJ sur place.

Le 4 mars 1993 était pris un arrêté préfectoral portant retrait de l'autorisation de fonctionnement du laboratoire, notifié le 5 mars à Max K.

Lors de l'enquête ce dernier contestait les faits lui étant reprochés: concernant le volume des réactifs, il affirmait que les factures ne lui avaient pas été demandées par les inspecteurs, mais qu'il était en leur possession, notamment celles afférentes au test HIV.

Il affirmait ne jamais avoir donné pour consigne à la technicienne d'effectuer des prélèvements en son absence et expliquait que si les inspecteurs avaient pu constater le contraire, c'était uniquement en raison d'un retard exceptionnel de sa part ce jour là.

Il niait avoir entravé la mission des inspecteurs, mais prétendait qu'au contraire c'était eux qui l'avaient injurié.

Toutefois la poursuite des investigations venait contredire l'argumentation du mis en cause.

En effet, il ressortait de l'examen des factures obtenues auprès des différents laboratoires ayant fourni le laboratoire K qu'une seule de ces factures se rapportait à un des réactifs dont l'absence ou la très faible quantité avait été relevée lors de l'inspection.

En outre, cette facture, relative à une commande d'apolipoprotéine, ne portait que sur deux boîtes, quantité insuffisante pour expliquer le très grand nombre d'examens pratiqués en la matière.

Max K se justifiait alors en prétendant que les factures avaient été emmenées par les inspecteurs, ce que ceux-ci contestaient, expliquant qu'ils s'étaient bornés à noter sur procès-verbal les réactifs apparaissant sur les factures.

Enfin le personnel du laboratoire, Madame Binoist, Madame Gakic et Monsieur Ferrand faisaient également part de leurs doutes quant à la réalité des examens dont les résultats étaient donnés, tous ayant observé à divers moments que les tubes préparés pour les examens restaient parfois intacts alors que les résultats étaient tout de même rendus.

Par ailleurs, ils confirmaient tous les trois que Madame Gakic pratiquait seule les prélèvements de façon régulière le matin, entre 8 heures, à l'ouverture du laboratoire, et l'arrivée de Max K entre 10 et 11 heures.

Sur ce,

Considérant que devant la cour Max K se borne à solliciter l'indulgence;

Considérant que les faits d'obstacle à l'exercice des fonctions d'inspecteur de la pharmacie sont établis à l'encontre du prévenu;

Considérant d'autre part qu'il apparaît que Max K a manqué aux obligations qui lui étaient faites par le Code de la santé publique d'exercer personnellement ses fonctions et qu'il s'est rendu coupable du délit de tromperie sur la nature et la qualité de la prestation fournie en rendant des résultats d'analyses alors qu'il est démontré que, quand bien même ces analyses auraient été effectuées, il n'a pas été employé les réactifs indispensables à la réalisation satisfaisante de ces examens;

Considérant que par ces motifs, et ceux pertinents des premiers juges qu'elle fait siens, la cour confirmera le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité mais le réformera en répression, ainsi que précisé au dispositif, pour mieux tenir compte, au-delà de la gravité des agissements poursuivis, de l'ancienneté des faits, de la personnalité et de l'âge du prévenu qui paraît avoir maintenant pris conscience des conséquences de ses actes;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement; Reçoit Max K en son opposition; Met à néant l'arrêt du 10 novembre 1999; Statuant à nouveau, Confirme le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité; Le réforme en répression; Vu l'article 132-29 du Code pénal; Condamne Max K à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et à 100 000 F d'amende; Ordonne la publication par extraits du présent arrêt aux frais du condamné dans le Moniteur des pharmaciens et des laboratoires ainsi que dans Le Parisien.