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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 30 novembre 2001, n° 01-01982

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Ministère public, CPAM de l'Essonne, CPAM de Val-de-Marne, CPAM Sud-Finistère, CNAMTS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbarin

Avocat général :

M. Laudet

Conseillers :

M. Nivoise, Mme Géraud-Charvet

Avocats :

Mes Sers, Bossu, Combenègre.

TGI Evry, 6e ch., du 27 mars 2001

27 mars 2001

RAPPEL DE LA PROCÉDURE:

LA PREVENTION:

Par ordonnance en date du 31 janvier 2000, l'un des juges d'instruction du Tribunal de grande instance d'Evry a renvoyé Jean-Claude B, devant le Tribunal correctionnel du même siège, sous la prévention d'avoir, à Brétigny-sur-Orge (91), courant 1991 et 1994, en l'espèce postérieurement au 10 mai 1991 et jusqu'au 28 octobre 1994, en tout cas sur le territoire national depuis temps non prescrit,

1°) trompé ses co-contractants, chirurgiens et services hospitaliers ou médicaux et les organismes de Sécurité Sociale sur la nature, l'espèce, l'identité, les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi de prothèses de hanche totales ou de dispositifs médicaux implantés en l'espèce en commercialisant sous appellation et identification de produit de ce type homologué des produits qui ne l'étaient pas;

2°) trompé les organismes de Sécurité Sociale en faisant usage de la fausse qualité de fabriquant de produits homologués et en employant des manœuvres frauduleuses, en l'espèce l'usage d'identifiants inappropriés pour ces produits et de les avoir ainsi déterminés à lui remettre des fonds, en l'espèce à rembourser des produits qui ne devaient pas l'être pour un préjudice global estimé à 43 000 000 F;

Faits prévus et réprimés par les articles 313-1 du Code pénal, L. 213-1, L. 213-2 du Code de la consommation.

LE JUGEMENT:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré B Jean-Claude non coupable des faits reprochés, l'a relaxé des fins de la poursuite et a débouté les parties civiles de leurs demandes.

LES APPELS:

Appel a été interjeté par:

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne (CPAM), le 30 mars 2001 contre Monsieur B Jean-Claude,

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne du Val de Marne (CPAM), le 3 avril 2001 contre Monsieur B Jean-Claude,

M. le Procureur de la République, le 3 avril 2001, contre Monsieur B Jean-Claude,

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne Sud Finistère, le 4 avril 2001, contre Monsieur B Jean-Claude,

La CNAMTS, le 4 avril 2001, contre Monsieur B Jean-Claude,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par les parties civiles et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré,

A l'audience du 19 octobre 2001 la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val de Marne et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne, représentées par leur conseil, demandent à la cour, par voie de conclusions conjointes:

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a relaxé M. B des fins de la poursuite, de dire que les faits qui lui sont reprochés sont constitués, de l'en déclarer coupable, et de faire application de la loi pénale,

- de les déclarer bien fondées en leur constitution de parties civiles et, en conséquence, de condamner M. B à payer:

- à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne la somme de 166 888,48 F soit 25 441,98 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice outre une somme de 10 000 F soit 1 524,49 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

- à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val de Marne la somme de 1 630 768,85 F soit 248 609,11 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice outre une somme de 10 000 F soit 1524,49 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

- de condamner également M. B en tous les dépens.

Les parties civiles rappellent que les articles R. 5274 et suivants du Code de la santé publique, issus du décret du 1er octobre 1990 et de l'arrêté du 4 février 1991 qui a soumis les prothèses de hanche à l'homologation, ont été pris en application de la loi du 24 juillet 1987, qu'à compter du 9 février 1991 toutes les prothèses de hanche devaient être homologuées pour être commercialisées.

En réponse à l'argument de M. B selon lequel le décret et l'arrêté susvisés seraient caducs pour avoir été remplacés par le décret du 16 mars 1995, elles font valoir que ces textes n'ont pas été abrogés et sont restés en vigueur après le décret du 16 mars 1995, qui ne dispose que pour l'avenir. Que c'est donc à tort que le tribunal a dit que la procédure d'homologation était devenue caduque.

Elles rappellent que la Cour de justice des Communautés européennes, dans sa décision du 16 juin 1998, a précisé qu'un citoyen communautaire ne pouvait se prévaloir de l'inopposabilité de règles techniques non notifiées pour échapper à une procédure pénale dans laquelle la preuve est obtenue grâce à un instrument de mesure conforme à ces règles techniques.

Elles soutiennent que les deux infractions visées à la prévention sont constituées dès lors qu'il y a eu mise sur le marché d'un produit non homologué sous la fausse appellation et à la référence d'un produit homologué, ce qui a amené les caisses à rembourser des prothèses non remboursables.

Elles demandent, dès lors, à être indemnisées des prestations qu'elles ont effectuées et qui étaient indues, ce préjudice résultant directement des infractions reprochées au prévenu.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Sud Finistère représentée par son conseil, demande à la cour, par voie de conclusions:

- de dire et juger que le prévenu s'est rendu coupable des délits poursuivis;

- de condamner M. B à lui payer la somme de 121 924,91 F soit 18 587,33 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'Assurance Maladie;

- de condamner en outre M. B à payer à la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés la somme de 20 000 F, soit 3 048,98 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

- de condamner M. B en tous les dépens.

Elle fait valoir que M. B a mis sciemment sur le marché des produits faussement dénommés, de qualité moindre, en laissant croire aux chirurgiens et aux services hospitaliers et médicaux qu'ils possédaient les qualités requises pour être homologués. Qu'il résulte du procès-verbal d'audition dressé par la gendarmerie le 14 mars 1995, versé au dossier, qu'ont été placés sous scellés 53 factures émanant de la société X payées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Sud Finistère; qu'il résulte également du dossier que la fraude a permis de surfacturer des cotyles cimentés en polymère avec armature d'un montant de 3 000 F au lieu et place de cotyles simples d'un montant de 699,53 F.

Elle en conclut qu'elle est bien fondée à réclamer le remboursement des prestations indûment versées, c'est à dire la différence entre le coût total des cotyles simples et le coût total des cotyles avec armatures, soit (3 000 F - 699,53 F) x 53 = 121 924, 91 F.

La Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), représentée par son conseil, demande à la cour, par voie de conclusions:

- de juger que le prévenu s'est rendu coupable des délits poursuivis,

- de condamner M. B à lui payer la somme de 41 millions de francs, soit 6 millions 250 409, 70 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé à l'Assurance Maladie, et celle de 30 000 F, soit 4 573,47 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- de condamner M. B en tous les dépens;

Elle fait valoir que, selon l'article L. 221 du Code de la sécurité sociale, elle a pour rôle, notamment d'assurer le financement sur le plan national, en deux gestions distinctes, d'une part des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, d'autre part des accidents du travail et maladies professionnelles, et de maintenir l'équilibre financier de chacune de ces deux gestions. Que trois Caisses Primaires d'Assurance Maladie se sont constituées parties civiles pour réclamer la réparation de leurs préjudices propres, résultant directement des infractions commises par M. B. Que, le préjudice global étant fixé à 43 millions de francs, en l'absence de constitution de partie civile d'autres Caisses Primaires d'Assurance Maladie, l'Assurance Maladie qu'elle représente, de par la mission qui lui est impartie par la loi, subit un préjudice par ricochet dont le montant peut être évalué à la différence entre le montant du préjudice global et celui de la réparation demandée par les Caisses Primaires qui se sont constituées parties civiles, soit 41 millions de francs.

M. Jean-Claude B, assisté de son conseil, demande à la cour, par voie de conclusions:

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- en conséquence, de dire et juger que les poursuites pour tromperie et escroquerie fondées sur la non-homologation des produits résultant du décret de 1990 et de l'arrêté de 1990, procédure d'homologation devenue caduque suite au décret du 16 mars 1995, se trouvent dépourvues de base légale; de prononcer sa relaxe et déclarer les parties civiles irrecevables en leurs demandes.

Il fait valoir qu'il a déposé 14 dossiers de demandes d'homologation le 22 septembre 1991 et 21 dossiers le 16 septembre 1991, postérieurement au délai de trois mois expirant le 10 mai 1991 qui avait été accordé aux entreprises fabriquant des prothèses pour présenter leurs demandes, le respect de ce délai permettant de continuer la fabrication et la commercialisation jusqu'à ce qu'une décision d'homologation ou de rejet soit prise par le Ministère. Que, toutefois, la directive européenne n° 83-189 de la CEE prévoit que les Etats membres doivent notifier à la Commission européenne les textes adaptant nationalement les directives générales; que, si les projets du décret de 1990 et de l'arrêté du 4 février 1991 ont été notifiés à la Commission, ils ont été publiés avec des modifications substantielles, ce qui a contraint les autorités françaises à publier au JO du 17 mars 1995 un nouveau décret du 16 mars 1995 relatif aux dispositifs médicaux définis à l'article L. 665-3 du Code de la santé publique.

Il déduit de l'article 5 de ce décret d'application immédiate, que la procédure d'homologation prévue par le décret de 1990 et l'arrêté de 1991 est devenue caduque.

Il observe également que la société X a déposé une plainte auprès de la Commission européenne enregistrée le 12 avril 1994; que, dans un courrier du 25 mai 1994, la Commission a indiqué que, si les projets de décret n° 90-899 et de l'arrêté du 4 février 1991 lui avaient été notifiées "ceux-ci avaient fait l'objet de modifications substantielles qui nécessitaient leur abrogation et leur renotification au stade de projet", que les autorités françaises s'étaient engagées à procéder à la notification de nouveaux textes conformes au droit communautaire et contenant une disposition abrogeant les textes incriminés, qu'elle entendait engager à l'encontre de l'Etat français la procédure d'infraction au titre de l'article 169 du traité de Rome tout en rappelant l'inopposabilité aux tiers des règles adoptées en infraction à la directive 83-189-CEE.

Il soutient que le décret n° 95-292 du 16 mars 1995 a permis à la société X d'engager les démarches nécessaires à l'obtention de l'autorisation d'apposée du marquage CE sur ses produits et leur mise subséquente sur le marché, et que la procédure d'homologation se trouve ainsi caduque en droit en fait, puisqu'elle est remplacée par les dispositions du décret de 95, qui transpose en droit interne la directive 93-42.

Il en conclut que les poursuites pour tromperie et escroquerie fondées sur la non-homologation des produits résultant du décret de 1990 et de l'arrêté de 1990, procédure d'homologation devenue caduque suite au décret du 16 mars 1995, se trouvent dépourvues de base légale.

Sur ce, LA COUR,

I. Sur l'action publique:

1°) Rappel des faits:

Le 2 août 1993, M. Pasco Bruno se présentait à la Brigade de gendarmerie de Marolles en Hurepoix (91). Il avait été licencié, selon lui abusivement, de la SARL X où il avait été employé comme secrétaire de janvier 1987 au 30 septembre 1991.

Au cours de son audition, il dénonçait certaines pratiques de cette société, créée le 1er avril 1984 et dont le gérant est M. Jean-Claude B.

Il déclarait notamment que cette société commercialisait des prothèses de hanche non homologuées.

Une information était ouverte au Tribunal de grande instance d'Evry le 16 septembre 1993 des chefs de faux en écriture privée et usage, tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise, reproduction d'une marque en violation des droits conférés par son enregistrement, détention de vente et mise en vente de produits revêtus d'une marque contrefaite.

Le juge d'instruction délivrait une commission rogatoire aux services de gendarmerie de Palaiseau afin de poursuivre l'enquête.

Lors d'une perquisition au siège de la société X à Brétigny-sur-Orge (91), les enquêteurs découvraient une circulaire du 13 février 1991 émanant du ministère des Affaires sociales concernant l'homologation de produits ou appareils médicaux, deux dossiers d'homologation de prothèses de hanches, des courriers émanant du ministère de la Santé.

Placé en garde à vue, M. B reconnaissait qu'il avait déposé entre juillet et septembre 1991, 35 demandes d'homologation de prothèses de hanche au ministère de la Santé et n'avait obtenu que 4 homologations, mais qu'il continuait à commercialiser l'ensemble des prothèses qu'il fabriquait.

Or un décret du 1er octobre 1990 avait soumis à homologation les dispositifs médicaux implantables, et l'arrêté du 10 février 1991 pris pour son application avait fixé la liste des produits soumis à homologation, dont les prothèses de hanche. Le décret du 1er octobre 1990 prévoyait des dispositions transitoires pour les prothèses qui étaient déjà sur le marché avant son entrée en vigueur, à savoir que les sociétés qui les commercialisaient pouvaient continuer à le faire si elles déposaient leurs demandes d'homologation dans un délai de 3 mois. Or, M. B avait déposé ses demandes hors de ce délai faute, avait-il expliqué, de disposer du temps nécessaire pour constituer 35 dossiers.

Entendu par le juge d'instruction, le prévenu déclarait qu'il avait obtenu l'homologation de 4 de ses prothèses début 1993 (sauf, toutefois, en ce qui concernait les têtes de prothèse en céramique) qu'une demande avait été refusée et que les autres étaient toujours en cours d'instruction. Il reconnaissait qu'il avait commercialisé une quinzaine de modèles de prothèses non homologuées, soit environ 75 prothèses par an pour les années 91, 92 et 93.

M. Grimaud, chef de service au ministère de la Santé, confirmait que la société X avait été informée des textes relatifs à l'homologation et qu'elle n'avait déposé 35 demandes qu'à la fin de l'année 91.

Il précisait que fin juin 92, le ministère de la Santé avait été informé de nombreuses ruptures de têtes de prothèses de hanches fabriquées par cette société et fait connaître aux établissements de soin que ces prothèses n'étaient pas homologuées.

Le 1er mars 1993, 4 homologations étaient accordées sur les 35 demandées.

Le 28 octobre 1994, le parquet délivrait un réquisitoire supplétif pour tromperie sur les qualités substantielles ayant eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marche dangereuse pour la santé de l'homme.

Sur commission rogatoire du juge d'instruction, il était procédé à l'audition de nombreux chirurgiens ayant utilisé les prothèses, qu'ils aient ou non déposé un brevet d'invention déposé à l'INPI pour certains modèles fabriqués et commercialisés par la société X.

Toutes les Caisses Primaires d'Assurance Maladie de France étaient également consultées par circulaire pour recenser le nombre de prothèses non homologuées commercialisées. Le préjudice total était évalué à 31 millions 235 525 F.

Entendu par le juge d'instruction sur les faits visés par le réquisitoire supplétif, M. B reconnaissait qu'il avait modifié sa tarification au 1er mars 1993 de manière à faire apparaître pour un produit non homologué une appellation correspondant à un produit homologué (par exemple les tiges Orion III apparaissant comme des tiges Orion II), afin de continuer à pouvoir commercialiser ces prothèses, seules les prothèses homologuées étant remboursées par la Sécurité Sociale.

2°) Discussion

Considérant que le décret n° 90-864 du 1er octobre 1990 a défini une procédure d'homologation de certains produits et appareils à usage préventif, thérapeutique et de diagnostic utilisés en médecine humaine.

Que l'arrêté du 4 février 1991 a fixé la liste des produits ou appareils devant être homologués, dont les prothèses de hanche, précisant que les produits qui étaient déjà sur le marché avant son entrée en vigueur (ce qui était le cas des prothèses fabriquées par la société X) pourraient continuer à être commercialisés si les demandes d'homologation étaient présentées dans un délai de 3 mois suivant son entrée en vigueur, ce délai expirant le 10 mai 1991.

Considérant qu'il est constant que M. B a déposé 35 demandes d'homologation postérieurement au délai imparti, les 16 et 22 septembre 1991. Que, le 1er mars 1993, 4 homologations étaient accordées sur les 35 demandées, les autres restant en cours d'instruction.

Considérant que si les projets de décret et d'arrêté ont bien été notifiées à la Commission européenne en application de la Directive n° 83-189 CEE qui prévoit que les Etats membres doivent lui notifier les textes adaptant les directives générales, le décret a été publié après avoir fait l'objet de modifications postérieures. Qu'en conséquence, le ministère de la Santé a publié au Journal Officiel du 17 mars 1995 un décret n° 95-292 du 16 mars 1995 relatif au dispositif médicaux définis à l'article L. 661-3 du Code de la santé publique.

Que l'article 5 de ce texte dispose que: les produits et appareils présents sur le marché à la date des faits de l'arrêté qui a inclus la catégorie dont ils relèvent dans la liste prévue à l'article R. 5274 du Code de la santé publique peuvent être commercialisés sans avoir fait l'objet et ni de l'homologation prévue par l'article L. 655.1 de ce Code, ni de la certification de conformité prévue par l'article L. 655-4 du même Code jusqu'à l'expiration d'un délai de 6 mois à compter de la publication du présent décret ou si une demande d"homologation est présentée dans ce délai jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande. Toutefois, cette possibilité n'est pas ouverte si le produit ou l'appareil a fait l'objet d'un refus d'homologation;

Considérant que ce texte a eu pour effet de permettre la commercialisation des produits et appareils présents sur le marché à la date de l'arrêté du 14 février 1991 (ce qui est le cas des prothèses de hanche en cause) jusqu'au 17 septembre 1995 ou, en cas de demande d'homologation présentée dans le délai de 6 mois, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande.

Que ce décret, qui précise que cette possibilité n'est pas ouverte si le produit ou l'appareil a fait l'objet d'un refus d'homologation, n'a pas eu pour effet de rendre caduque les dispositions du décret relatives à la procédure d'agrément, ni de remettre en cause les agréments déjà accordés.

Considérant qu'il n'est pas reproché à M. B, dans la présente procédure, d'avoir continué à commercialiser des appareils non homologués, mais d'avoir vendu des prothèses non homologuées sous l'appellation et la référence des quatre appareils homologués.

Qu'en effet, l'arrêté notifiant le tarif ministériel publié au Journal Officiel du 13 avril 1992 (qui a créé des obligations pour les Caisses d'Assurance Maladie et des droits pour les assurés) précisait que seraient seules prises en charge les prothèses de hanche ayant reçu soit un numéro d'homologation, soit un numéro de dossier pour les implants présentés sur le marché avant le 10 février 1991, ou dont le dossier d'homologation avait été déposé avant le 10 mai 1991.

Que le prévenu a reconnu qu'il avait modifié sa tarification au 1er mars 1993 de manière à faire apparaître pour les prothèses non homologuées une appellation et une référence correspondant aux 4 appareils homologués par le ministère de la Santé, pour continuer à vendre des prothèses qui n'étaient plus remboursables.

Considérant que, ce faisant, il a sciemment trompé ses cocontractants (chirurgiens, services hospitaliers ou médicaux, organismes de sécurité sociale) sur la nature, l'identité, les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi des dites prothèses, puisque le cocontractant pensait que les appareils avaient été contrôlés par la commission technique compétente.

Que les éléments constitutifs de la tromperie sont donc réunis en l'espèce. Que, toutefois, l'infraction reprochée ne peut avoir été commise avant le 1er mars 1993, date à laquelle M. B a modifié son tarif, et qu'il convient donc de réduire la période de prévention qui s'étend de cette date au 28 octobre 1994, date du réquisitoire supplétif.

Considérant qu'en revanche il ne saurait être reproché à M. B d'avoir fait usage de la fausse qualité de fabriquant de produits homologués, ce qui n'est pas démontré, ni d'avoir employé des manœuvres frauduleuses pour tromper ses co-contractants, le fait de présenter dans son tarif des prothèses non homologuées sous la référence d'appareils qui ne l'étaient pas constituant un simple mensonge écrit.

Qu'il convient, dès lors, mais pour d'autres motifs, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a relaxé le prévenu du chef d'escroquerie.

Que la cour fera application au prévenu, du chef de tromperie, d'une amende de 50 000 F.

II. Sur les actions civiles:

Considérant que les Caisses Primaires d'Assurance Maladie du Sud Finistère, de l'Essonne et du Val de Marne ont subi des préjudices certains résultant directement des faits reprochés à Jean-Claude B, puisqu'elles ont remboursé des prothèses qui n'étaient pas homologuées, donc non soumises à remboursement.

Que, compte tenu de la réduction de la période de prévention et des pièces versées aux débats, il convient de condamner M. B à verser à titre de dommages-intérêts:

- à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Sud Finistère, la somme de 500 000 F (cinq cent mille)

- à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne, la somme de 70 000 F (soixante dix mille)

- à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val de Marne la somme de 700 000 F (sept cent mille)

Que l'équité commande de condamner également M. B à verser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et du Val de Marne, chacune la somme de 5 000 F (cinq mille) en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Considérant que la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) fait valoir que le préjudice global (pour toutes les CPAM ayant été amenées à rembourser indûment des prothèses de hanche commercialisées par la société X) étant de 43 millions de francs, l'Assurance Maladie qu'elle représente subit de par la mission qui lui est impartie par la loi un préjudice par ricochet dont le montant peut être évalué à la différence entre le montant du préjudice global et celui de la réparation octroyée aux 3 Caisses qui se sont constituées parties civiles, soit 41 millions de francs.

Que, toutefois, la CNAMTS ne démontre pas qu'elle ait subi un préjudice résultant directement de l'infraction reprochée à M. B et qu' il convient, dès lors, de la débouter de ses demandes.

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du Ministère public, des Caisses Primaires d'Assurance Maladie de l'Essonne, du Val de Marne, du Sud Finistère, de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés; Réformant le jugement déféré sur l'action publique et sur les actions civiles, Relaxe Jean-Claude B du chef d'escroquerie, Modifiant les termes de la prévention s'agissant de l'infraction de tromperie; Déclare Jean-Claude B coupable d'avoir, à Bretigny-sur-Orge (91), en tout cas sur le territoire national, du 1er mars 1993 au 28 octobre 1994, trompé ses co-contractants sur la nature, l'identité, les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi des produits objets du contrat, faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation; Le condamne à 50 000 F (cinquante mille) d'amende; Le condamne à payer: - à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Sud Finistère, la somme de 500 000 F (cinq cent mille) à titre de dommages-intérêts; à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne, la somme de 70 000 F (soixante dix mille) à titre de dommages-intérêts, et celle de 5 000 F (cinq mille) en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val de Marne, la somme de 700 000 F (sept cent mille) à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F (cinq mille) en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Déboute la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés, de ses demandes; Condamne Jean-Claude B aux dépens des actions civiles; Informons la partie civile de la possibilité pour elle de saisir dans le délai d'un an la commission d'indemnisation des victimes d'infractions dans le cadre des conditions visées aux articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale.