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Décisions

Cass. crim., 23 juillet 1987, n° 86-94.844

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Seda (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ledoux

Rapporteur :

M. Dumont

Avocat général :

M. Clerget

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, Me Choucroy

TGI Bobigny, 16e ch., du 24 oct. 1985

24 octobre 1985

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Seda, partie civile, contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris (13e chambre) du 15 mai 1986 qui, ayant relaxé Bernard Y du chef de publicité de nature à induire en erreur, l'a déboutée de sa demande en réparation. - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 44-1 de la loi du 27 décembre 1973, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré non constitué le délit de publicité mensongère relatif aux articles 2 et 8 du contrat Z proposé par la société X et faisant état de la gratuité de la garantie de deux ans ainsi que de la livraison et de la mise en service ;

"aux motifs que, si au sens propre du terme, ces suppléments ne sont pas gratuits, dans la mesure où leur coût est pris en compte pour le calcul du prix de revient, une telle affirmation, même inexacte, ne saurait induire en erreur un consommateur moyen ; qu'en effet ce dernier est aujourd'hui parfaitement averti des services qu'il peut attendre d'un fournisseur d'appareils ménagers ou de matériel vidéo ou radios et surtout soucieux de savoir quelle prestation il est en mesure d'obtenir sans supplément de prix ; que le contrat Z lui donne sur ce point toute satisfaction dans la mesure où il sait qu'une fois payé le prix affiché il pourra obtenir ce qu'il attend sans davantage bourse délier ;

"alors que le fait pour un vendeur d'affirmer que sont gratuits la garantie ainsi que les frais de livraison et de mise en service, éléments qu'en réalité il inclut dans le prix de vente du bien proposé à l'achat, constitue une allégation mensongère tombant nécessairement sous le coup des dispositions de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 d'autant que, contrairement à ce qu'a décidé la cour par des motifs totalement inopérants, cette allégation induit nécessairement en erreur le consommateur sur les conditions de la vente, faussant ainsi son appréciation et le privant de la possibilité de toute comparaison objective avec les prix pratiqués pour un même objet par d'autres détaillants ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 44-1 de la loi du 27 décembre 1973, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la décision des premiers juges déclarant que la publicité "0 franc égal moins cher" ne caractérisait pas le délit incriminé par l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 ;

"aux motifs adoptés des premiers juges que l'annonce incriminée décrite comporte en bas et à gauche de l'addition 0 franc + 0 franc = 0 franc, un texte écrit dans les mêmes caractères que les mots livraison, garantie, dépannage et réglage qui précèdent les chiffres 0 franc ; que ce texte mentionne "les prix bas tout compris" ; que le terme gratuit n'ayant pas été utilisé dans cette publicité, il n'apparaît que cette annonce ait pu induire le public en erreur sur la portée des engagements X dont les prix sont nettement qualifiés de "tout compris" ; que seul est mis en exergue le fait que rien ne s'ajoutera au prix proposé pour les services énoncés ;

"alors que l'affirmation qu'un service après-vente coûte 0 franc signifiant nécessairement la gratuité de ce service, les juges du fond ne pouvaient dès lors, sans entacher leur décision tant de contradiction que d'insuffisance, considérer qu'une telle affirmation entièrement inexacte ainsi que l'avait démontré l'information dont il ressortait que ces différents services après-vente étaient inclus dans le prix de vente des appareils mis en vente par la société X ne constituait pas une publicité mensongère au seul motif que le terme gratuit n'avait pas été utilisé dans cette publicité ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement partiellement confirmé que la société X, dont Bernard Y est le président-directeur général, a fait imprimer sur ses bons de commande un "contrat Z", dont les termes ont fait l'objet d'une diffusion publicitaire par affichage et par la presse, et qui stipulait que l'acquéreur bénéficierait de la gratuité de la livraison et de la mise en service des appareils vendus ainsi que d'une garantie de pièces et main-d'œuvre pendant deux ans ; qu'elle a en outre procédé à une campagne publicitaire faisant ressortir que la livraison, la mise en service, la garantie, le dépannage sept jours sur sept et le réglage, ne coûtaient que "zéro franc" et qui faisait état de "prix bas tout compris" ; que pour ces faits et sur la plainte avec constitution de partie civile de la société Seda, entreprise concurrente de la société X, le président de cette dernière a été poursuivi du chef de publicité de nature à induire en erreur parce que les garanties et prestations offertes avaient été en réalité incluses dans le prix de vente calculé "tout compris" et se trouvaient de ce fait supportées par le client en dépit de leur gratuité prétendue ;

Attendu que pour relaxer le prévenu les juges ont énoncé d'une part que si les services fournis en sus de l'appareil vendu n'étaient pas gratuits dans la mesure où leur coût était pris en compte pour le calcul du prix de revient, "le consommateur moyen" n'était pas pour autant induit en erreur alors qu'il était "surtout soucieux de savoir quelles prestations" il pouvait obtenir "sans supplément de prix" et que "le contrat de confiance lui donnait sur ce point toute satisfaction" dès lors qu'il savait "que, une fois payé le prix affiché, il pourrait obtenir ce qu'il attendait sans bourse délier" ; qu'ils ont relevé d'autre part que la publicité faisant état de la fourniture des services pour zéro franc n'utilisait pas le terme "gratuit" et insistait seulement sur le fait que rien ne s'ajouterait, pour les services énumérés, au prix proposé ;

Attendu qu'abstraction faite d'un motif surabondant visé par le second moyen la cour d'appel a considéré à bon droit que la prévention n'était pas établie ; qu'en effet il ressort de ses constatations que le consommateur n'a pas été induit en erreur sur l'un des éléments prévus par l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 ; qu'il n'importe que le vendeur ait fait état de services gratuits même si ceux-ci avaient pu être pris en compte pour le calcul du prix de vente, dès lors que l'acquéreur a été exactement informé du prix qu'il aurait à payer ; d'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.