Cass. crim., 20 avril 1988, n° 87-81.851
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Hecquard
Avocat général :
M. Robert
Avocats :
SCP Tiffreau, Thouin-Palat.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : - DG Michel, contre un arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 5 mars 1987, qui, pour infraction à la législation sur le prix du livre, l'a condamné à une amende de 150 francs; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de la loi 81-766 du 10 août 1981, de la loi 85-500 du 13 mai 1985, du décret 85-556 du 29 mai 1985, de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, du décret 86-1309 du 29 décembre 1986, des articles 3 (f), 5, 7 et 30 du traité du 23 mars 1957 ayant institué la Communauté économique européenne, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré le prévenu coupable de contravention à la législation sur le prix du livre et l'a condamné à une peine d'amende de 150 francs ;
"aux motifs que dans un arrêt en date du 23 octobre 1986, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit qu'aucune disposition ou principe du traité CEE ne s'oppose à ce que le prix du livre soit imposé par l'éditeur lorsqu'il s'agit de livres n'ayant pas franchi une frontière intracommunautaire au cours de leur commercialisation ; que le livre litigieux avait été édité en France chez Grasset, et qu'il n'a jamais été prétendu qu'il ait franchi, avant sa commercialisation, une frontière intracommunautaire ; qu'il convient donc d'appliquer le droit interne et d'entrer en voie de condamnation en infligeant au prévenu une amende que la cour a tous éléments pour fixer à 150 francs ; que la jurisprudence dite de " l'interdiction de la discrimination à rebours " déduite d'un arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 1983 ne peut trouver ici son application alors qu'elle concernait une matière (la publicité sur les alcools) dans laquelle la Cour de justice des Communautés européennes avait considéré la réglementation française comme constitutive d'une restriction quantitative à l'importation ;
"alors que le juge national chargé d'appliquer, dans les limites de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, notamment celles qui seraient de nature à entraîner des restrictions discriminatoires par rapport au régime applicable au commerce des produits concurrents, tant nationaux que provenant des Etats membres, lorsque ces produits présentent des caractéristiques comparables ; qu'en l'espèce, il résulte de la loi n° 85-500 du 13 mai 1985 ayant modifié, en application de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 10 janvier 1985, la loi n° 81-766 du 10 août 1981 sur le prix du livre, qu'une discrimination est réalisée entre les livres édités et vendus en France à un prix unique fixé par l'éditeur dans la limite d'un rabais maximum de 5 %, et les mêmes livres issus de la même édition en France, mais exporté puis réimportés pour être offerts à la vente à un prix librement fixé par l'importateur ; que la même discrimination est réalisée entre les livres édités et vendus en France et les livres importés d'un autre Etat membre et vendus sur le territoire national ; que la cour d'appel avait donc l'obligation, en application des principes susvisés, de tenir pour inapplicables les dispositions législatives et réglementaires ayant institué le régime du prix unique du livre et au nombre desquelles figure le décret n° 85-556 du 29 mai 1985 ayant institué une peine d'amende sur le fondement de la loi 85-500 du 13 mai 1985 ; que dès lors, en retenant la culpabilité du prévenu, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ;
Attendu que pour déclarer DG coupable d'une contravention à la législation sur le prix du livre, la cour d'appel expose les circonstances dans lesquelles les services de police ont constaté que des livres étaient mis en vente avec deux étiquettes : "une qui mentionnait un prix conforme à la réglementation et une seconde qui était rayée au stylo-bille et qui indiquait un prix inférieur" ; que l'arrêt attaqué, pour caractériser l'élément matériel de l'infraction, relève que "l'officier de police a vérifié en passant à la caisse que le prix effectivement pratiqué était le prix rayé qui était inférieur à 95 % du prix fixé par l'éditeur"
Attendu qu'en réponse aux conclusions du prévenu, soutenant que l'infraction poursuivie ne pouvait être légalement constituée au regard du droit communautaire, les juges du second degré, après avoir constaté que le livre vendu a été édité en France par un éditeur français, en ont déduit à bon droit qu'il convient d'appliquer le droit interne, dont les dispositions sont conformes à l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 23 octobre 1986 ;
Attendu qu'en cet état la cour d'appel a donné une base légale à sa décision, sans encourir les griefs visés au moyen, qui doit donc être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs, rejette le porvoi.