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Décisions

Cass. crim., 19 décembre 1988, n° 87-91.379

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Tachella

Avocat général :

M. Robert

Avocats :

SCP Tiffreau, Thouin-Palat.

Poitiers, du 6 nov. 1987

6 novembre 1987

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par C Michel, contre l'arrêt, en date du 6 novembre 1987, rendu par la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Poitiers qui, pour infractions à la législation sur le prix du livre, l'a condamné à 7 amendes contraventionnelles de 100 francs chacune, Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation proposé et pris de la violation de la loi n° 81-766 du 10 août 1981, de la loi n° 85-500 du 13 mai 1985, du décret n° 85-556 du 29 mai 1985, de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, des articles 3(f, 5, 7 et 30 du Traité du 25 mars 1957 ayant institué la Communauté économique européenne, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" En ce que la cour d'appel déclare le prévenu coupable de contraventions à la législation sur le prix unique du livre et le condamne à 7 amendes de 100 francs chacune ; aux motifs que dans un arrêt du 23 octobre 1986, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit qu'aucune disposition au principe du Traité CEE ne s'oppose à ce que le prix du livre soit imposé par l'éditeur, lorsqu'il s'agit de livres n'ayant pas franchi une frontière intracommunautaire au cours de leur commercialisation ; qu'une telle décision, qui se réfère à toute disposition ou principe du Traité et qui a donc la portée la plus générale, ne permet pas de soutenir utilement que la loi du 10 août 1981 modifiée est incompatible avec le traité de Rome et notamment avec les articles 85 et 86 ; que la jurisprudence dite de " l'interdiction de la discrimination à rebours " ne peut trouver ici son application alors que l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 16 juin 1983 concernait une matière très particulière (la publicité sur les alcools) au sujet de laquelle la Cour de justice des Communautés européennes avait considéré la réglementation française comme constitutive d'une restriction quantitative à l'importation interdite par l'article 30 du traité de Rome, qu'en l'état actuel des textes, la Cour doit appliquer le droit interne " (v. arrêt attaqué p. 3/4) ;

" alors que le juge national chargé d'appliquer, dans les limites de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, notamment celles qui seraient de nature à entraîner des restrictions discriminatoires par rapport au régime applicable au commerce des produits concurrents, tant nationaux que provenant des Etats membres, lorsque ces produits présentent des caractéristiques comparables ; qu'en l'espèce, il résulte de la loi n° 85-500 du 13 mai 1985 ayant modifié, en application de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 10 janvier 1985, la loi n° 81-766 du 10 août 1981 sur le prix du livre, qu'une discrimination est réalisée entre les livres édités et vendus en France à un prix unique fixé par l'éditeur dans la limite d'un rabais maximum de 5 %, et les mêmes livres issus de la même édition en France, mais exportés puis réimportés pour être offerts à la vente à un prix librement fixé par l'importateur ; que la même discrimination est réalisée entre les livres édités et vendus en France et les livres importés d'un autre Etat membre et vendus sur le territoire national ; que la cour d'appel avait donc l'obligation, en application des principes susvisés, de tenir pour inapplicables les dispositions législatives et réglementaires ayant institué le régime du prix unique du livre et au nombre desquelles figure le décret n° 85-556 du 29 mai 1985 ayant institué une peine d'amende sur le fondement de la loi n° 85-500 du 13 mai 1985 ; que dès lors, en retenant la culpabilité du prévenu, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que les services de police ont constaté le 4 juin 1985, qu'au magasin géré par Cognet, 7 livres avaient été vendus à 2 acheteurs distincts pour les prix respectifs de 147,20 francs et de 239,60 francs, alors que le total des prix fixés par l'éditeur était respectivement de 184 et de 299,5O francs ; que ces faits constituant les infractions contraventionnelles prévues par la loi du 10 août 1981, modifiée par celle du 13 mai 1985, Cognet a été cité devant le tribunal de police compétent et qu'il n'a pas nié la matérialité des faits ;

Attendu qu'en réponse aux conclusions du prévenu qui soutenaient que les infractions poursuivies n'étaient pas constituées au regard du droit communautaire, les juges du second degré, après avoir constaté que les éditeurs des sept livres achetés étaient français et que lesdits livres avaient été édités en France, sans jamais avoir franchi une frontière intracommunautaire, ont, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, jugé que la loi modifiée du 10 août 1981 n'était pas incompatible avec les articles 85 et 86 du traité de Rome et que le principe de " l'interdiction de la discrimination à rebours " ne trouvait donc pas son application en l'espèce ;

Attendu qu'en cet état la cour d'appel a donné une base légale à sa décision, sans encourir les griefs du moyen, qui doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme, que l'article 2912° de la loi du 20 juillet 1988 a exclu du bénéfice de l'amnistie ces infractions punies de peines contraventionnelles ;

Par ces motifs, rejette.