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Décisions

Cass. crim., 13 mai 1996, n° 95-83.057

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Dintilhac.

TGI Lyon, 5e ch., du 2 juill. 1993

2 juillet 1993

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par D Gabriel, la société X civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon, 7e chambre, du 3 mars 1995, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, a condamné le premier à 50 000 francs d'amende et a ordonné une mesure de publication; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905, L 121-1 et suivants du Code de la consommation, 6, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation de la chose jugée et du principe "non bis in idem";

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de chose jugée régulièrement soulevée par le prévenu;

"aux motifs que "Gabriel D a été poursuivi devant le Tribunal de police de Lyon pour avoir, à Champagne au Mont d'Or (Rhône), en octobre et novembre 1991, en tant que gérant de la société à responsabilité limitée X, offert une prime différente du produit mis en vente, en l'espèce en proposant "un canapé trois places cuir à valoir sur l'achat de deux fauteuils"; que cette juridiction l'a, par jugement du 17 mars 1993, relaxé des fins de la poursuite au motif qu'il était démontré que Gabriel D avait délégué ses pouvoirs à Jean-Noël H, responsable du magasin; "que le parquet a relevé appel de cette décision le 29 mars 1993; que Gabriel D soutient que, depuis cette date, aucun acte de poursuite n'a été exercé, qu'ainsi la prescription est acquise et que ce jugement, qui est définitif, possède l'autorité de la chose jugée; qu'il estime que les faits reprochés dans les deux procédures étant identiques puisque procédant de la même campagne publicitaire et ayant le même objet, la Cour ne peut, compte tenu de la relaxe définitive intervenue, rejuger une deuxième fois l'infraction qui lui est soumise; qu'enfin cette relaxe ayant été motivée par l'existence d'une délégation de pouvoirs, la Cour ne peut plus dire qu'il n'y a pas eu une telle délégation sous peine de violer le principe de l'autorité de la chose jugée; mais attendu, sur le caractère définitif du jugement du Tribunal de police de Lyon, que Gabriel D procède par affirmation; qu'en effet, il n'est pas démontré qu'aucun acte de poursuite n'ait été exercé depuis l'appel du ministère public; qu'ainsi ce jugement ne peut être considéré, en l'état, comme étant devenu définitif et ayant acquis l'autorité de la chose jugée; que sur l'identité des poursuites exercées devant le tribunal de police et devant le tribunal correctionnel, que les infractions poursuivies devant ces deux juridictions, si elles ont été commises pendant la même campagne publicitaire, ont néanmoins été relevées à des dates différentes puisque la contravention a été commise en octobre et novembre 1991, et le délit le 4 février 1992; que, de plus, les éléments constitutifs de chacune de ces infractions sont totalement différents, les poursuites exercées devant le tribunal de police concernant une vente avec prime, celles engagées devant le tribunal correctionnel ayant trait à une publicité mensongère relative à un prix de référence qui n'avait pas été pratiqué; qu'en conséquence, la relaxe prononcée par le tribunal de police n'empêche pas à la Cour de statuer sur l'infraction qui lui est soumise et d'apprécier à nouveau la validité de la délégation de pouvoirs" (arrêt p 3 et 4);

"1°) alors que, d'une part, l'autorité de la chose jugée liée à l'existence d'une délégation de pouvoirs exonératoire pour le prévenu s'imposait à la cour d'appel en vertu du jugement de relaxe du 17 mars 1993 dont le caractère définitif a été méconnu par la Cour en conséquence d'une erreur de droit;

"2°) alors que, d'autre part, l'exception "non bis in idem", s'opposait en tout état de cause à de nouvelles poursuites relativement à des faits matériellement identiques quoique susceptibles de recevoir des qualifications différentes et, en tous les cas, connexes";

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905, de l'arrêté n° 77-105 P du 4 mars 1978, L 121-1 et suivants du Code de la consommation, 111-5, 121-1 du Code pénal, 591 à 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que la cour d'appel, après avoir exclu l'existence d'une délégation de pouvoirs susceptible d'exonérer le prévenu, a retenu celui-ci dans les liens de la prévention de publicité irrégulière et l'a condamné à une amende et à la publication de l'arrêt, la société X étant civilement responsable;

"aux motifs que "Gabriel D est président-directeur général de la société anonyme Y, centrale d'achats de huit magasins exploités à Paris, Lyon, Grenoble et Marseille, sous la forme de sociétés à responsabilité limitée; qu'il soutient dans ses écritures qu'il a un rôle d'orientation stratégique de son entreprise et de coordination de ses différents services, qu'il ne s'occupe pas personnellement de la vie de chacun de ses magasins dont la gestion quotidienne est dévolue à un responsable en vertu d'une délégation de pouvoirs; qu'en l'espèce, Jean-Noël H a reçu une telle délégation le 1er mai 1989 aux termes de laquelle Gabriel D a délégué "ses pouvoirs de contrôle, de direction et de discipline" en vue d'assurer et de faire assurer par le personnel le strict respect des dispositions légales et réglementaires dans les domaines suivants: - détermination des conditions de ventes promotionnelles locales sous leurs différents aspects; - étiquetage des produits (caractéristiques, prix) et affichage des prestations de service et de leurs prix; - effectivité des prix de référence en cas de vente avec rabais (promotions, soldes, liquidations); qu'il est précisé dans cette délégation que Jean-Noël H devra veiller au respect de la réglementation concernant la publicité fausse ou de nature à induire en erreur et la publicité des prix et des produits; que Jean-Noël H a déclaré que toutes les opérations publicitaires étaient décidées avec le directeur général du groupe et son président-directeur général, Gabriel D; que Gabriel D a déclaré qu'il réunissait chaque mois ses directeurs de magasin afin de fixer les prix des marchandises; qu'il a précisé, concernant les opérations publicitaires, qu'elles étaient décidées de la même manière et que la décision finale lui appartenait; que s'agissant de cette opération publicitaire, il a reconnu avoir loué un fichier correspondant à un certain type de clientèle et avoir adressé près de cent mille invitations, cette opération étant organisée avec une société D; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les modalités de cette opération ont été décidées par Gabriel D lui-mêmeet qu'en l'espèce, la délégation de pouvoirs faite à Jean-Noël H, qui n'a été qu'un simple exécutant, ne disposant pas de pouvoirs réels, ne peut être invoquée; "que la décision qui a relaxé ce dernier des fins de la poursuite sera en conséquence confirmée; que le prix de référence du canapé de 24 000 francs qui était indiqué sur les bons de commande et affiché sur l'article concerné, avant réduction et avant le prix réduit de 9 500 francs pour l'achat d'un salon, n'a jamais été pratiqué et constitue un prix fictif; que, dans ces conditions là, le consommateur est induit en erreur sur la portée des engagements pris dans la mesure où on lui laisse croire que le prix de référence est un prix pratiqué avant la réduction, ce qui est faux; qu'il pense ainsi bénéficier d'une réduction de prix importante alors qu'elle est en réalité illusoire; qu'une telle pratique constitue une publicité mensongère; qu'en conséquence, la décision, qui a maintenu Gabriel D dans les liens de la prévention et a déclaré la société à responsabilité limitée X civilement responsable, sera confirmée; que la peine principale a été justement appréciée par le tribunal et sera confirmée ainsi que la publication qui sera effectuée dans le journal Le Progrès" (arrêt p 4);

"1°) alors, d'une part, qu'en se déterminant ainsi à la faveur de motifs généraux sur la politique publicitaire du groupe pour denier toute portée à la délégation de pouvoirs consentie au préposé relativement aux faits incriminés, la cour d'appel a privé sa décision de motifs;

"2°) alors que, d'autre part, en présence d'un prix de lancement qui était aussi un prix d'ouverture pour le magasin lequel venait d'être créé, aucune infraction ne pouvait être déduite à partir d'un prix de référence qui n'avait par hypothèse pas encore été pratiqué par le magasin";

Les moyens étant réunis; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, après avoir à bon droit écarté l'exception d'autorité de chose jugée et la délégation de pouvoirs invoquées par le prévenu, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit dont elle l'a déclaré coupable;d'où il suit que les moyens, qui pour le second remet en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.