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Décisions

Cass. crim., 19 février 1997, n° 96-80.591

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blin

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Cotte

Avocat :

Me Blondel.

Orléans, ch. corr., du 4 déc. 1995

4 décembre 1995

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par G Dominique, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, du 4 décembre 1995, qui, dans les poursuites exercées contre elle pour infraction à la publicité des prix, a constaté l'extinction de l'action publique par amnistie et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, de l'article 33 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, violation de l'arrêté du 3 octobre 1983 relatif à la publicité de tous les services, de l'arrêté du 3 décembre 1986 relatif à l'information des consommateurs sur les prix, des articles 1er, alinéas 1, 2, 3 et 4 de l'arrêté du 29 juin 1990 relatif à la publicité des prix pratiqués par des professionnels intervenant dans les transactions immobilières, violation des articles 111-1, 111-3, 111-4 et 131-19 du Code pénal, ensemble méconnaissance des exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale et violation de l'article 1382 du Code civil :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits reprochés et l'a condamné au paiement de diverses sommes au profit de la partie civile ;

"aux motifs qu'en vertu des dispositions de l'article 21, alinéa 3, de la loi du 3 août 1995, si la juridiction de jugement a été saisie de l'action publique avant la publication de la loi, cette juridiction reste compétente pour statuer, le cas échéant, sur les intérêts civils ; qu'en l'espèce, la citation introductive d'instance ayant été signifiée le 2 juin 1994, il convient de statuer sur l'action civile ;

"et aux motifs encore qu'il est reproché à Dominique G, ès qualités de gérante de la SARL X exploitant sous l'enseigne "Y", d'avoir à Orléans, étant vendeur de produits ou prestataire de services, omis d'informer le consommateur selon les modalités fixées par arrêté, par voie de marquage, étiquetage, affichage ou tout autre procédé approprié sur les prix, les limitations éventuelles de responsabilité contractuelle ou les conditions particulières de la vente ; que l'infraction est prévue à l'article 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et réprimée par l'article 33 du décret d'application n° 86-1309 du 29 décembre 1986 et vise en l'espèce le non-respect des modalités fixées par l'arrêté du 29 juin 1990 relatif à la publicité des prix pratiqués par des professionnels intervenant dans les transactions immobilières auxquels ce texte impose d'afficher à l'entrée de leur établissement, de façon visible et lisible de la clientèle, le prix des prestations qu'ils assurent et de mentionner, dans toute publicité relative au prix de location ou de vente d'un bien déterminé, quel que soit le support utilisé, le montant, toutes taxes comprises, de la rémunération de l'intermédiaire lorsqu'elle est à la charge du locataire ou de l'acquéreur et qu'elle n'est pas incluse dans le prix annoncé ; qu'à la demande de plusieurs concurrents de l'Y, des contrôleurs du service de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes se sont présentés au siège de l'établissement où ils ont constaté qu'aucun affichage extérieur ou intérieur précisant le caractère payant de la prestation fournie n'existait ; qu'en l'absence de la gérante une des employées présente à l'accueil leur a déclaré que l'Y était un groupement de propriétaires qui proposaient des offres de location et que les clients intéressés devaient remplir un contrat dont un exemplaire leur a été présenté, qui portait la mention manuscrite des frais prélevés par l'Y, soit 800 francs ; que Dominique G soutient que la SARL X, qui a pour objet social l'édition, la publication et la diffusion d'un quotidien, "Le Journal du locataire", vendu par abonnement semestriel, n'est pas un prestataire de services mais un organe de presse, répertorié comme tel par l'INSEE, et n'est, en conséquence, pas soumise aux dispositions de l'arrêté du 29 juin 1990 ; qu'elle se prévaut de l'article 1, alinéa 2, de cet arrêté selon lequel ces dispositions ne s'appliquent pas aux organes de presse lorsqu'ils interviennent en tant que supports des annonces immobilières ; que, cependant, si la SARL X justifie de l'édition d'une publication quotidienne vendue par abonnement semestriel au coût de 900 francs au titre de laquelle elle est répertoriée par le centre national d'enregistrement de publications en série, il résulte du procès-verbal de constatation du service de la répression des fraudes et des pièces du dossier qu'outre cette publication l'Y exerce une activité de mise en relation de propriétaires et de candidats à la location, nécessitant la conclusion d'un contrat et le prélèvement de frais, ainsi que l'a très bien exposé l'employée de l'établissement présente à l'accueil lors du contrôle ; que cette activité se traduit notamment par des ordres d'insertion donnés à d'autres publications telles que "La République du Centre" et "PUBLI-45" ; que les consommateurs intéressés par ces offres doivent acquitter le prix de l'abonnement à la revue de l'Office, qui correspond à un droit d'accès à la liste détenue par celui-ci et représente la rémunération de la prestation de mise en relation de l'offreur et du demandeur fournie par l'Office ; que, dans ces conditions, l'activité de la SARL X est soumise à l'arrêté du 29 juin 1990 et que le défaut de mention du montant de ces frais dans les annonces ainsi effectuées, comme le défaut d'affichage visible de ce montant à l'entrée de l'établissement constaté par le procès-verbal du 22 novembre 1993 constituent l'infraction reprochée à la prévenue, si bien que la recevabilité de la constitution de partie civile de l'AFOC n'est pas en elle-même contestée par la prévenue et se trouve justifiée par la protection des consommateurs inscrite à l'objet social de l'association ; que l'existence du préjudice subi par la partie civile, du fait des agissements visés à la prévention qui compromettent les intérêts collectifs des consommateurs, et son évaluation par le premier juge ne sont pas davantage critiqués par Dominique G ; que l'AFOC, qui n'est pas appelante du jugement, n'est pas pour sa part recevable à solliciter l'augmentation de la somme qui lui a été allouée à titre de dommages et intérêts ; qu'il lui sera cependant alloué une indemnité complémentaire de 1 000 francs à raison des frais que l'appel de la prévenue l'a contrainte à engager pour la défense des intérêts qu'elle représente ;

"alors que, d'une part, eu égard aux termes des articles 1, 2 et 4 de l'arrêté du 29 juin 1990, ensemble aux dispositions de l'article 28 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, du principe d'interprétation respectif de la loi pénale, les juges du fond se devaient de caractériser à l'endroit de la prévenue une "mise en relation" directe entre bailleurs et locataires ; que tel n'est pas le cas à partir du moment où, comme cela a été soutenu par la demanderesse, l'abonné de l'Y se voit seulement communiquer des renseignements collectés et reste totalement libre de contacter ou non les propriétaires, éventuels bailleurs, et a fortiori de contracter ou non avec lesdits propriétaires ; qu'à aucun moment, et pour cause, n'a été relevée par les juges du fond une mise en relation justifiant l'intervention d'un professionnel dans une transaction immobilière, professionnel assurant une prestation de services, laquelle est antinomique avec la simple vente d'un produit, en l'occurrence d'un bulletin d'information ; qu'ainsi l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié au regard des textes cités au moyen ;

"alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, l'affichage des prix ne peut concerner que les prestations de services et l'étiquetage de la vente de produits ; que l'arrêté du 29 juin 1990, pris spécialement en ses articles 1 et 2, ne peut viser que les prestations de services ; que telle n'est pas l'hypothèse en l'espèce, l'activité de la prévenue consistant uniquement et exclusivement en la vente d'un produit, un journal d'information, son acquéreur étant totalement libre de prendre ou non contact avec les propriétaires bailleurs dont la liste figure dans ledit journal ; qu'en jugeant le contraire sur le fondement de motifs tout à la fois inopérants et insuffisants la Cour viole de plus fort les textes cités au moyen ;

"et alors, enfin, que dans les écritures d'appel il était soutenu que le fait que l'Y ait recours à des organes de presse extérieurs pour sa publicité et qu'y figurent des extraits de ses publications quotidiennes ne soumet pas pour autant la SARL X aux dispositions de l'arrêté du 29 juin 1990 ; que les dispositions de l'article 4 dudit arrêté, qui imposent la mention du montant de la rémunération de l'intermédiaire, ne s'appliquent pas aux organes de presse et que les parutions constituent des sollicitations non à l'acquisition d'un droit d'accès à une liste, mais à un abonnement à un journal intitulé "Le Journal du locataire", étant d'ailleurs souligné que les contrôleurs des fraudes ne se sont pas attachés à préciser quelle était la nature du lien contractuel unissant l'Y à ses lecteurs (cf p 4 des conclusions) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen de nature à avoir une incidence sur la solution du litige la Cour méconnaît ce que postule l'article 593 du Code de procédure pénale " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Dominique G, gérante de la société X, autrement dénommée "Y ", qui édite une publication quotidienne d'annonces immobilières diffusée par abonnement semestriel, a été poursuivie pour avoir contrevenu à l'arrêté du 29 juin 1990 fixant les règles de publicité des prix pratiqués par les professionnels intervenant dans les transactions immobilières, infraction prévue et réprimée par les articles L 113-3 du Code de la consommation et 33 du décret du 29 décembre 1986 ;

Attendu que, pour caractériser cette infraction et allouer des dommages et intérêts à l'association de consommateurs, constituée partie civile, les juges d'appel énoncent que l'Y intervient pour mettre en relation des bailleurs et locataires, activité se traduisant notamment par des ordres d'insertion d'annonces dans d'autres journaux que celui qu'il édite ; que les juges retiennent que les consommateurs intéressés par ces offres doivent souscrire un contrat d'abonnement à la publication éditée par l'Office, le prix correspondant ainsi au droit d'accès à la liste qu'il détient et représentant la rémunération du prestataire de services ; qu'ils en déduisent que la société, qui ne relève pas de l'exclusion prévue par l'article 1er, alinéa 2, de l'arrêté du 29 juin 1990, applicable aux organes de presse intervenant seulement comme support d'annonces immobilières, a méconnu les dispositions de cet arrêté en n'affichant pas le prix de ses prestations à l'entrée de son établissement et en ne le mentionnant pas dans les annonces ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir aucun des griefs allégués ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; rejette le pourvoi.