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Décisions

CE, 2e et 6e sous-sect. réunies, 7 juillet 1995, n° 138840

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Tour Pol (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Rapporteur :

M. Groshens

CE n° 138840

7 juillet 1995

LE CONSEIL : - Vu le jugement du 2 juin 1992 par lequel le Tribunal administratif de Nice a transmis au Conseil d'Etat la demande présentée à ce Tribunal par la société Tour Pol ; Vu la requête enregistrée le 19 juin 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Tour Pol dont le siège est 61, Bd de la Madeleine à Nice (06000), représentée par son gérant ; la société Tour Pol demande l'annulation de l'arrêté du 9 avril 1987 par lequel le ministre d'Etat, ministre des Affaires sociales et de l'Emploi lui a interdit toute publicité sous quelque forme que ce soit reprenant, pour les objets et méthodes vendus par la société et dénommés "méthode Zéro-3", "pansement Pak-Heat", "méthode Body-Choc" et "pansement magnétique Taiki", les propriétés bénéfiques pour la santé énumérés par ledit arrêté ; (...) ; Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 552 du Code de la santé publique : "La publicité ou la propagande sous quelque forme que ce soit, relative aux objets, appareils et méthodes présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie médicale et des dérégulations physiologiques, le diagnostic ou la modification de l'état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques peut être interdite par le ministre chargé de la Santé lorsqu'il n'est pas établi que lesdits objets, appareils ou méthodes possèdent les propriétés annoncées. L'interdiction est prononcée après avis d'une commission et après que le fabricant, importateur ou distributeur desdits objets et appareils ou le promoteur desdites méthodes aura été appelé à présenter ses observations" ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que, conformément aux prescriptions de l'article R. 5055-3 du Code de la santé publique, la société requérante a bénéficié d'un délai de trois semaines au moins pour produire ses observations et a été convoquée plus de 15 jours avant la date fixée pour la réunion de la commission prévue à l'article L. 552 précité ;qu'à sa demande, et pour lui permettre de produire des éléments relatifs aux effets des enveloppements corporels Body-Choc, l'examen de son dossier par la commission a été reporté du 5 février au 19 mars 1987 ;que, dans ces conditions et bien qu'un nouveau report lui ait été refusé, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été mise à même d'apporter la preuve des effets allégués de cette méthode ;que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit ainsi être écarté ;

Considérant que les méthodes, "Body-Choc" et "Zéro-3" étaient présentées comme ayant une action amaigrissante ;que s'il était précisé que les pansements Pack-Heat ne "guérissaient" pas, ils étaient présentés comme soulageant toutes sortes de souffrances "durant 10 à 15 heures" ;qu'ainsi les publicités en cause étaient relatives à des méthodes et à un produit "favorisant la modification de l'état physique ou physiologique" ;que, par suite, et contrairement à ce que soutient la société requérante, ils entraient dans le champ d'application de l'article L. 552 précité ;

Considérant que si la société fait valoir que la publicité incriminée concernant la méthode "Zéro-3" portait seulement sur un résultat attesté par un utilisateur et n'attribuait pas à ladite méthode la propriété de permettre ce résultat dans tous les cas, il ne ressort pas du dossier que le ministre se serait mépris sur la portée de la publicité en cause ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, qui interdit à la société de faire état du résultat d'une perte de poids de "26 kilos en moins de trois mois", reposerait sur un motif matériellement inexact, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte des dispositions sus rappelées de l'article L. 552 qu'il incombait à la société de fournir des preuves à caractère scientifique des effets sur l'état physique et physiologique mentionnés dans les publicités en cause ;qu'il ne ressort pas du dossier qu'en estimant que ces preuves n'avaient pas été fournies le ministre ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 552, qui permettent au ministre chargé de la santé d'interdire les publicités attribuant à des objets, appareils ou méthodes des effets sur la santé ou des actions sur l'état physiologique lorsque ces effets ou actions ne sont pas établis, s'appliquent de la même façon, que les objets, appareils ou méthodes en cause soient d'origine nationale ou aient été importés ;que, par suite, les décisions prises en application de cet article, qui ne font pas obstacle à la commercialisation des produits considérés, ne sont pas susceptibles d'entraver le commerce entre les Etats membres de la Communauté européenne et de constituer des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation prohibées par l'article 30 du traité instituant la Communauté européenne, selon l'interprétation donnée de cette dernière disposition par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 24 novembre 1993 sur les affaires C-267 et C-268-91 ;qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article 30 du traité susvisé doit être écarté ;

Considérant que la circonstance que des publicités comparables, faites par d'autres sociétés, n'aurait pas fait l'objet de mesures d'interdiction est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Tour Pol n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué, en date du 9 avril 1987, du ministre des Affaires sociales et de l'Emploi ;

Article 1er : La requête de la société Tour Pol est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Tour Pol et au ministre de la Santé publique et de l'Assurance maladie.