CE, 16 février 1996, n° 159225
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Incen AG (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Gaeremynck
Avocat :
Me Choucroy.
LE CONSEIL : - Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février 1994 et 17 août 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société INCEN AG, dont le siège est en Suisse, 15 Blumenfesstrasse, Goldach (9403) ; la société INCEN AG demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêté du 28 mars 1994 par lequel le ministre délégué à la Santé a interdit toute publicité en faveur du filtre à air ICLEEN produit par la société INCEN AG ; - Vu les autres pièces du dossier ; - Vu le Code de la santé publique, notamment son article L. 552 ; - Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; - Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 552 du Code de la santé publique : "La publicité ou la propagande, sous quelque forme que ce soit, relative aux objets, appareils et méthodes, à l'exclusion des objets visés au troisième alinéa de l'article L. 551, présentée comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques, la réanimation, la correction ou la modification des fonctions organiques peut être interdite par le ministre chargé de la Santé lorsqu'il n'est pas établi que lesdits objets, appareils et méthodes possèdent les propriétés annoncées. L'interdiction est prononcée après avis d'une commission et après que le fabricant, importateur ou distributeur desdits objets et appareils ou le promoteur desdites méthodes aura été appelé à présenter ses observations" ;
Considérant que l'arrêté du 28 mars 1994 par lequel le ministre délégué à la Santé a interdit la publicité en faveur du filtre à air "ICLEEN" porte la signature d'Alice Sloninski, administrateur civil hors classe chargé de la sous-direction de la pharmacie, qui, par un décret du 22 décembre 1993, avait reçu délégation, en cas d'absence ou d'empêchement simultané du directeur général de la santé et du chef de service, à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et au nom du ministre d'Etat, ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ;
Considérant que l'arrêté attaqué mentionne l'avis de la commission obligatoirement consultée en application des dispositions de l'article L. 552 du Code de la santé publique précitées ; qu'il ne ressort pas du dossier que cet avis ait été émis suivant une procédure irrégulière ; qu'en l'absence de demande présentée au titre de la loi du 17 juillet 1978, aucune disposition n'imposait à l'autorité administrative d'adresser à la société INCEN AG, laquelle commercialise le filtre à air ICLEEN, le procès-verbal de la séance au cours de laquelle la commission a rendu son avis ;
Considérant que l'arrêté du 28 mars 1994, pour interdire toute publicité, sous quelque forme que ce soit en faveur du filtre à air ICLEEN relève que ce filtre a été présenté comme ayant entraîné "dans de nombreux cas une disparition ou une diminution des symptômes suivants : douleurs oculaires, éternuements, nez bouché, douleur dans le cou, maux de tête et somnolence" ou encore des "rhumes des foins, nausées, fatigue, léthargie toux, éternuements et troubles respiratoires, asthme" ;qu'est également imputée à ce filtre la propriété d'éliminer des virus et des bactéries et de jouer un rôle significatif dans la prévention des allergies ; que cet arrêté, pour justifier l'interdiction, affirme qu'aucune preuve scientifique n'a été apportée à l'appui de ces affirmations ;qu'ainsi le ministre a suffisamment motivé sa décision, conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant que la circonstance que les messages de publicité ayant fait l'objet de la mesure d'interdiction n'étaient plus diffusés à la date à laquelle l'arrêté a été pris, est sans effet sur la légalité de cet arrêté qui en interdit la rediffusion pour l'avenir ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en estimant qu'il n'a pas été établi scientifiquement que l'appareil ICLEEN possède les propriétés mentionnées dans la publicité qui fait l'objet de l'arrêté contesté, le ministre d'Etat, ministre des Affaires sociales et de la Ville n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en interdisant toute publicité faisant état de ces propriétés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société INCEN AG n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du ministre délégué à la santé en date du 28 mars 1994 ;
Article 1er : La requête de la société INCEN AG est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société INCEN AG et au ministre du Travail et des Affaires sociales.