Cass. crim., 29 avril 1996, n° 95-82.823
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocat général :
M. Cotte
Avocats :
Me Brouchot, SCP Celice, Blancpain
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Michèle, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 14 avril 1995, qui, pour infraction à la réglementation de la publicité pharmaceutique et exercice illégal de la pharmacie, l'a condamnée à 20 000 francs d'amende, a rejeté sa demande de dispense d'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 551, L. 552, L. 554 du Code de la santé publique, 2 du décret du 23 septembre 1987, de la loi du 3 janvier 1972 et de l'article 42 de la loi du 3 janvier 1978 , défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré Michèle X coupable d'avoir prêté à des produits autres que des médicaments une action préventive ou curative, sans avoir sollicité l'attribution d'un visa de publicité ;
"aux motifs que l'article L. 551 du Code de la santé publique soumet à visa préalable "la publicité ou la propagande sous quelque forme que ce soit, en faveur des produits autres que les médicaments, présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques ; que la prévenue soutient à tort que l'utilisation d'expressions comme "gomme à cellulite" et "pour gommer les capitons" ne correspondent pas à cette définition alors qu'elle donne elle-même, dans un livre qu'elle a signé, intitulé "La Beauté, c'est naturel", la définition suivante de la cellulite : "la cellulite commence par un odème, suivi de la perte de l'élasticité du tissus conjonctif, finit à un stade avancé par une véritable sclérose tissulaire qui perturbe les systèmes vasculaire et neuro-sensitif", décrivant ainsi une véritable affection physiologique ; que, par ailleurs, le capiton est considéré comme un amas adipeux visible ; que ces définitions décrivent bien des dérèglements physiologiques ; que la publicité pour des produits présentés comme devant assurer leur traitement doit donc être soumise au visa préalable, pour permettre à la Commission de contrôle d'évaluer la conformité des assertions soutenues avec les propriétés réelles du produit ; que la prévenue ne peut prétendre que l'emploi des termes "gomme à cellulite" ou "gomme à capitons" ne relève que de l'esthétique ou de l'hygiène corporelle ; qu'en outre, elle n'établit pas que les publicités concurrentes citées n'aient pas fait l'objet d'un visa ; que, si tel avait été le cas, elles seraient d'ailleurs passibles de tomber sous le coup de la loi ; que le tribunal a jugé à bon droit que l'infraction prévue à l'article 2 du décret n° 87-772 du 23 septembre 1987 était constituée pour les produits A et B ;
"alors que sont soumises au visa préalable les publicités ou propagandes, sous quelque forme que ce soit, en faveur de produits autres que les médicaments présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques ; que, pour retenir à l'encontre de Michèle X le délit de défaut de visa, la cour s'est bornée à affirmer que celle-ci ne peut prétendre que l'emploi des termes "gomme à cellulite" ou "gomme à capitons" ne relèvent que de l'esthétique ou de l'hygiène corporelle sans préciser en quoi le terme "gomme à cellulite" ou "gomme à capitons" utilisé pour vanter les vertus des [produits] "A" et "B", était de nature à présenter ces produits comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement de maladie ou d'affection, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 512, L. 514 et L. 517 du Code de la santé publique, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré Michèle X coupable d'avoir exercé illégalement la profession de pharmacien en prêtant à certains produits des vertus thérapeutiques conférant la qualité de médicament ;
"aux motifs que le médicament par fonction concerne toutes les substances pouvant avoir un effet réel ou supposé sur le fonctionnement de l'organisme, aux termes de la jurisprudence récente tant de la Cour de cassation (Assemblée plénière) que de la Cour de justice des Communautés européennes ; que tel est bien le cas de plusieurs substances vendues par la société Y et vantées par la prévenue dans ces articles ; qu'en particulier l'affirmation aux lecteurs d'une revue de télévision selon laquelle une cure d[u produit D] "restructure le coeur et débouche sur une véritable guérison" de l'angine de poitrine et de l'hypertension assimile incontestablement ce produit à un médicament capable de modifier, corriger ou restaurer le fonctionnement de l'organisme, sans en préciser les limites et les contre-indications ; que ce produit a fait l'objet d'une demande d'inscription dans la liste des additifs à but nutritionnel, mais ne semble pas avoir bénéficié d'un agrément ; qu'en tout cas, celui-ci n'est pas versé aux débats par la prévenue ; que le fait qu'il soit vendu par d'autres sociétés ne saurait exonérer la prévenue de sa responsabilité ;
"alors, d'une part, que pour caractériser l'infraction, la cour a relevé que les produits litigieux "ne semblent pas avoir bénéficié d'un agrément" en vue de leur "inscription dans la liste des additifs à but nutritionnel" ; que la cour a ainsi statué par des motifs purement dubitatifs et violé les textes susvisés et la présomption d'innocence ;
"alors, d'autre part, qu'en faisant peser sur Michèle X la charge de prouver que les produits litigieux avaient bénéficié d'un agrément en vue de leur inscription sur la liste des additifs à but nutritionnel, la cour a inversé la charge de la preuve, violant ainsi le texte susvisé et la présomption d'innocence" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 551, L. 552, L. 554 du Code de la santé publique, 2 du décret du 23 septembre 1987, de la loi du 3 janvier 1972 et de l'article 42 de la loi du 10 janvier 1978, des articles L. 512, L. 514 et L. 517 du Code de la santé publique, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré Michèle X coupable, tout à la fois, d'avoir prêté à des produits autres que des médicaments une action préventive ou curative, sans avoir sollicité l'attribution d'un visa de publicité, et coupable d'avoir exercé illégalement la profession de pharmacien en prêtant à certains produits des vertus thérapeutiques conférant la qualité de médicaments ;
"aux motifs que l'article L. 551 du Code de la santé publique soumet à visa préalable "la publicité" ou la propagande, sous quelque forme que ce soit, en faveur des produits autres que les médicaments, présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques ; que la prévenue soutient à tort que l'utilisation d'expressions comme "gomme à cellulite" et "pour gommer les capitons" ne correspond pas à cette définition, alors qu'elle donne elle-même, dans un livre qu'elle a signé, intitulé "La Beauté, c'est naturel", la définition suivante de la cellulite : "La cellulite commence par un odème, suivi de la perte de l'élasticité du tissu conjonctif, finit à un stade avancé par une véritable sclérose tissulaire qui perturbe les systèmes vasculaire et neuro-sensitif", décrivant ainsi une véritable affection physiologique ; que, par ailleurs, le capiton est considéré comme un amas adipeux visible ; que ces définitions décrivent bien des dérèglements physiologiques ; que la publicité pour les produits présentés comme devant assurer leur traitement doit donc être soumise au visa préalable, pour permettre à la Commission de contrôle d'évaluer la conformité des assertions soutenues avec les propriétés réelles du produit (arrêt page 7 in fine et page 8) ; que le contrôleur de la répression des fraudes a constaté dans les rubriques "Forme et santé" de TV Magazine que la prévenue faisait état des propriétés thérapeutiques de divers produits agissant sur des dérèglements physiologiques : - "mauvaise circulation" : C" (arrêt page 10) ;
"alors que, en relevant que Michèle X se serait tout à la fois rendue coupable du délit de publicité sans visa pour un produit non qualifié de médicament en l'espèce, [le produit C], et à raison des mêmes faits, coupable du délit d'exercice illégal de la pharmacie en prêtant au même produit des vertus lui conférant la qualité de médicament, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction privant sa décision de motifs en violation des textes sus-visés" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts de caractère dubitatif ou de contradiction, et sans inverser la charge de la preuve, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'exercice illégal de la pharmacie dont elle a déclaré la prévenue coupable, et ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité qu'elle a estimée propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction ;
Attendu, en outre, que la déclaration de culpabilité du chef d'exercice illégal de la pharmacie justifie la peine prononcée pour infraction à la réglementation de la publicité pharmaceutique ; d'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.