CA Grenoble, 1re ch. corr., 19 janvier 2000, n° 99-01387
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Union Fédérale des Consommateurs de l'Isère
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fayol-Noireterre
Conseillers :
MM. Balmain, Garrabos
Avocats :
Mes Fleuriot, Brasseur
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement
Par jugement du 18 janvier 1999 du Tribunal correctionnel de Grenoble, Joël P a été condamné à 20 000 F d'amende, 249 amendes de 100 F et publication du jugement dans un journal, pour avoir à Saint-Martin d'Hères
* le 19 décembre 1997 et le 14 janvier 1998 effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et les conditions de vente de biens, en l'espèce en annonçant par voie d'affichettes, une réduction de prix de 50 à 60 % sans référence de prix réellement pratiqués en magasin,
* le 14 janvier 1998 étant vendeur de produits, omis d'informer le consommateur, selon les modalités fixées par arrêté, par voie de marquage, étiquetage, affichage ou tout autre procédé approprié, sur les prix, ou les conditions particulières de la vente, en l'espèce, en affichant sur 249 articles, des prix de référence qui n'étaient pas les plus bas pratiqués 30 jours avant l'opération commerciale intitulée "remise de 60 % à la caisse".
La constitution de partie civile de I'UFC de l'Isère était déclarée recevable, et le prévenu condamné à lui payer 5 000 F à titre de dommages-intérêts, outre 2 500 F au titre de l'article 475- 1 du Code de procédure pénale.
Le prévenu, la partie civile faisaient appel, ainsi que le Ministère public.
Faits et prétentions des parties :
Le tribunal, en un énoncé dont la cour adopte la teneur, a très exactement exposé les faits poursuivis.
Il sera rappelé qu'il est reproché au prévenu, selon deux procès-verbaux des 19 décembre 1997 et 14 janvier 1998 de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes:
- d'avoir offert à la vente, avec une remise de 50 % des vêtements, les étiquettes indiquant des prix de référence, non pratiqués dans ce magasin, sur lesquels était calculée la remise, mais résultant des catalogues des fournisseurs de l'année précédente, ou utilisés par d'autres commerçants,
- d'avoir le 14 janvier 1998 mis en vente, avec les mêmes étiquettes que ci-dessus, 249 articles avec une réduction de 60 % se substituant à la remise de 50 %, les prix de référence n'étant pas les prix les plus bas dans les trente jours précédant la vente.
Le prévenu conclut à sa relaxe. Il fait valoir qu'il achète des articles à des bas prix, dont il n'est pas démontré qu'ils ne sont plus commercialisés, et qu'il a la liberté de vendre au prix de son choix, sous réserve du prix de référence pour le calcul de la baisse.
Il allègue, sur ce point, qu'il estime commun aux deux infractions retenues, que les revendeurs écoulent leurs stocks, invendus, sans qu'il soit démontré que les articles sont alors sans valeur. Il se réfère d'autre part à l'arrêté du 2 septembre 1977 qui, dans son article 3, vise deux prix de référence possibles: soit le prix des trente derniers jours, soit le prix conseillé par les fabricants; il précise qu'il a remis aux agents verbalisateurs les justifications de ces prix. Il estime, en conséquence que l'article L. 121-1 du Code de la consommation ne peut lui être appliqué.
Le Ministère public requiert la confirmation de la décision sur le délit de publicité mensongère; concernant les contraventions, il estime les poursuites non fondées, l'arrêté du 2 septembre 1997 ayant été abrogé, et non repris dans la législation actuellement en cours.
La partie civile conclut à l'infirmation du jugement, demandant 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour le préjudice collectif, 15 000 F pour le préjudice associatif; outre 10 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
L'UFC fait valoir que les infractions sont constituées; que la réparation de son préjudice ne doit pas être symbolique, mais doit correspondre au préjudice subi par l'ensemble des consommateurs, et en relation avec l'importance des faits litigieux; que d'autre part le préjudice associatif correspond à son activité de police, de prévention des infractions et de protection des victimes.
Motifs de la décision :
Attendu que le prévenu, cité pour le 5 janvier 2000 accepte, ainsi que la partie civile, que l'affaire soit examinée à l'audience du 1er décembre 1999;
Sur le délit de publicité mensongère:
Attendu que, selon le premier procès-verbal de délit de la DGCRF, Joël P a offert à la vente des articles avec une "remise de 50 % minimum" puis avec une "remise de 60 % à la caisse", constatée le 14 janvier 1998; que cette dernière remise de 60 % était calculée sur le prix de référence servant au calcul de la première remise;
Attendu que les pièces justificatives fournies par le prévenu permettent de connaître le prix d'achat des articles, mais que ces prix, affectés éventuellement d'un coefficient multiplicateur, n'ont jamais été pratiqués dans l'établissement de Joël P; qu'ils correspondraient, selon ses allégations non démontrées, aux prix conseillés par les fournisseurs, ou aux prix résultant d'un mode d'acquisition particulier;
Attendu que ces éléments, non portés à la connaissance du consommateur dans la publicité, et l'affichage sur le lieu de vente ne permettent pas à ce dernier de savoir l'origine du prix de référence lui permettant de connaître le bénéfice qu'il peut tirer de la remise de 50 %; qu'il en est de même pour la remise de 60 %;
Attendu que par suite l'annonce de réduction est fausse, ou tout au moins illusoire, en l'absence de précision sur les prix auxquels sont appliquées les réductions; qu'en tout état de cause, le consommateur est induit en erreur, notamment sur les prix et les conditions de vente des biens qui font l'objet de la publicité; qu'en effet les remises offertes sont un élément déterminant de l'achat dans un établissement qui a une pratique habituelle de réductions; que le consommateur doit, d'autant plus, être informé avec exactitude par le vendeur sur le prix avant remise; que l'absence d'éléments précis constitue une publicité mensongère, dont le prévenu avait consenti par l'affichage d'un prix de référence qu'il savait inexact;
Attendu que les premiers juges ont fait une analyse exacte des faits en déclarant le prévenu coupable des faits visés dans les poursuites; qu'il y a lieu de confirmer sur ce point leur décision; que la peine prononcée apparaît proportionnée à la gravité des faits poursuivis, et à la personnalité de l'intéressé; que la cour estime également devoir la confirmer;
Sur les contraventions de non-respect du prix de référence:
Attendu que le deuxième procès-verbal de la DGCRF a relevé l'existence de 249 contraventions à l'article 3 de l'arrêté n° 77-105 du 2 septembre 1977, qui précise les conditions d'établissement du prix de référence en cas de réduction de prix, contraventions de cinquième classe réprimée par l'article R. 113-1 du Code de la consommation;
Attendu que cet arrêté a été pris en application de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945; que cette ordonnance a été abrogée par l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986; mais que l'article 61 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 a maintenu en vigueur à titre transitoire les arrêtés pris en application de l'ordonnance du 30 juin 1945; que cet arrêté n'était donc pas, au jour des infractions relevées, abrogé;
Attendu que, sur la pénalité, l'article R. 113-1 du Code de la consommation réprime les contraventions concernant, notamment la vente des biens ou produits, faits visés dans la prévention; que s'agissant d'une contravention de cinquième classe, le texte de répression peut relever d'un décret, comme en l'espèce;
Attendu au fond, que le texte visé précise en son alinéa 1er que le prix de référence doit être calculé en fonction du prix "effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail"; que ce texte ouvre une option entre le prix pratiqué au cours des trente derniers jours, ou, selon l'article 3, le prix conseillé par le fabricant ou l'importateur; que le sens clair du texte signifie que le prix de référence est un prix utilisé par l'annonceur;
Attendu qu'en l'espèce il résulte du dossier et des propres déclarations du prévenu qu'il n'a jamais vendu au prix de référence affiché les articles offerts; que par suite l'option que le prévenu déclare avoir respectée n'est pas applicable aux faits de la cause, l'infraction visée résultant de l'absence de mise en vente aux prix sur lesquels sont appliqués les remises indiquées; que par suite, il a commis les contraventions reprochées; que les premiers juges ont fait une analyse exacte des faits en déclarant le prévenu coupable; qu'il y a lieu de confirmer sur ce point leur décision:
Attendu que les peines contraventionnelles prononcées apparaissent proportionnées à la nature des faits poursuivis; que la cour estime également devoir les confirmer;
Attendu qu'une mesure de publication paraît opportune pour l'information des consommateurs, que la décision des premiers juges sera également confirmée sur ce point;
Sur l'action civile :
Attendu que la partie civile appelante demande la réparation d'un préjudice collectif subi par les consommateurs, distinct d'un préjudice associatif, dont il est demandé une augmentation;
Attendu que la partie civile n'établit pas de manière précise et circonstanciée un préjudice collectif des consommateurs qu'elle représenterait, distinct d'un préjudice associatif, alors que I'UFC est précisément une union fédérale de consommateurs;
Attendu que sur l'évaluation du préjudice subi, la cour estime, au vu du dossier, que les premiers juges ont correctement évalué le préjudice subi, de manière non symbolique; que la somme de 5 000 F sera confirmée; qu'il n'y a pas lieu à affichage, la publication étant ordonnée par ailleurs;
Attendu qu'il y a lieu de fixer à 2 000 F la somme due par le prévenu à la partie civile au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Par ces motifs: Reçoit les appels comme réguliers en la forme, Confirme les dispositions du jugement déféré en toutes ses dispositions, tant pénales que civiles, sauf à condamner Joël P à verser 2 000 F à la partie civile au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Le condamne aux frais de l'action civile, Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 800 F résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale, Le tout par application des dispositions des articles L. 121-5, L. 121-6, L. 121-4 du Code de la consommation, R. 113-1, L. 113-3 du Code de la consommation, 3 de l'arrêté n° 77-105 du 2 septembre 1977, 496 à 520, 749 à 751 du Code de procédure pénale.