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Décisions

Cass. crim., 30 mars 1994, n° 93-82.611

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Souppe

Rapporteur :

M. Jorda

Avocat général :

M. Monestié

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan

TGI Bayonne, ch. corr., du 22 oct. 1992

22 octobre 1992

Rejet du pourvoi formé par C Jean-Marie, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, du 27 avril 1993, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et a ordonné la publication de la décision.

LA COUR : - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 437, 446 et 591 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense :

"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que Mme Dupuy, représentant la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, partie poursuivante, a prêté le serment des témoins prévu par l'article 446 du Code de procédure pénale ;

"alors que l'audition des parties poursuivantes est exclusive de tout serment ; qu'en faisant prêter le serment des témoins au représentant de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, partie poursuivante, la cour d'appel a porté atteinte à une règle de procédure fondamentale en même temps qu'aux droits de la défense " ;

Attendu qu'il ne saurait être reproché à la cour d'appel d'avoir fait prêter le serment des témoins au représentant de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, dès lors qu'il résulte des mentions de l'arrêt que, malgré la qualité à lui conférée de "partie jointe au Ministère public ", cet agent, qui ne tient d'aucun texte la possibilité d'intervenir comme partie à l'instance, n'a pas été entendu en cette prétendue qualité mais seulement comme témoin conformément aux dispositions de l'article 446 du Code de procédure pénale ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 44-I, 44-II, alinéas 6, 7, 8, 9 et 10 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de publicité de nature à induire en erreur ;

"aux motifs qu'il était essentiellement perçu, à la lecture du message incriminé, que l'ensemble des risques relatifs à la maladie et à la chirurgie étaient entièrement couverts ; que les réserves apportées dans le texte et notamment "votre complémentaire à partir de 19 francs par mois selon votre âge et les garanties choisies" sont en petits caractères dans le but d'éviter de capter l'attention du consommateur afin de ne pas contrarier le message publicitaire tel que le laisse apparaître la conception de l'annonce ; que, sans contrevenir aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, il convenait de constater que le montage publicitaire conçu par la Z était de nature à induire en erreur le consommateur ;

"alors, d'une part, que le juge correctionnel ne peut prononcer de peine à raison d'un fait qualifié délit qu'après avoir caractérisé les circonstances de fait exigées par la loi pour que ce fait soit punissable ; que la publicité de nature à induire en erreur n'est constituée que si le fait annoncé est contraire à la réalité ; que le fait, pour une mutuelle dont l'objet est de couvrir les risques maladie et chirurgie, d'annoncer "vous pouvez compter sur nous à 100 %" signifie simplement que ses adhérents peuvent faire toute confiance à leur mutuelle, et ne laisse nullement entendre à un consommateur moyen que la couverture desdits risques est prise, elle-même, en charge à 100 % ; qu'en affirmant, sans s'en expliquer autrement, que ce montage publicitaire était de nature à induire en erreur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à la déclaration de culpabilité ;

"alors, d'autre part, que l'appréciation du caractère mensonger ou de nature à induire en erreur d'une publicité doit être faite à partir du sens littéral des termes employés et non à partir d'une interprétation subjective que ces termes ne comportent pas en eux-mêmes ; qu'en retenant, de façon tout à fait arbitraire, que la publicité incriminée était "essentiellement perçue" comme signifiant que l'ensemble des risques relatifs à la maladie et à la chirurgie étaient entièrement couverts, cependant que le message ne laissait en aucun cas entendre assurer aux adhérents une couverture intégrale des risques maladie et chirurgie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité ;

"alors, enfin, que, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, les réserves apportées dans le texte publicitaire qui figurent dans le corps même du message, immédiatement à côté du prix annoncé, et sont livrées à l'attention du consommateur en même temps que le message lui-même, sont éditées en caractères normaux, parfaitement lisibles, et non en "petits caractères", ainsi que l'a faussement affirmé l'arrêt attaqué ; qu'il s'ensuit que ces énonciations en contradiction avec les éléments du dossier ne donnent pas davantage de base légale à la déclaration de culpabilité " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt attaqué est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.