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Décisions

Cass. crim., 30 mai 1989, n° 88-82.364

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Union fédérale des consommateurs de l'Isère

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonneau

Rapporteur :

M. Maron

Avocat général :

M. Lecocq

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, SCP Defrénois, Levis.

Grenoble, ch. corr., du 18 mars 1988

18 mars 1988

Cassation sur le pourvoi formé par l'union fédérale des consommateurs de l'Isère, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 18 mars 1988, qui a dit que les faits reprochés à H Jean-Claude n'étaient pas constitutifs de publicité fausse ou de nature à induire en erreur

LA COUR : - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite du chef de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, et en conséquence débouté l'union fédérale des consommateurs de l'Isère de sa constitution de partie civile et mis hors de cause la banque X, civilement responsable ;

"aux motifs que le document distribué mentionnait : "Tu peux déposer toi-même tes économies ou ton argent de poche et tu peux retirer ce que tu veux, sans rien demander à personne" ; que la distribution du dépliant se faisait avec l'accord des chefs d'établissements scolaires ; que l'enfant se rendait à l'agence X et gagnait un livret, un poster, un document d'information pour les parents et une autorisation d'ouverture ou un compte Y approvisionné de 100 francs, somme qui leur restait acquise ; que rien n'était ni inexact, ni dissimulé ; que, s'il était vrai que le jeune pouvait gérer son compte à sa convenance, le document qu'il recevait par la suite était destiné aux parents et qu'il y était précisé que l'autorisation de ceux-ci n'était nécessaire que pour l'ouverture du compte ; que le consommateur même, compte tenu de son jeune âge, ne pouvait être trompé ; que cette publicité n'était pas faite pour laisser penser aux destinataires qu'ils pourraient eux-mêmes ouvrir un compte, le tract distribué ne traitant que de la gestion du compte et les conditions d'ouverture tenant à l'autorisation parentale pour l'ouverture du compte étant bien précisées par le document qu'ils découvraient par la suite ;

"alors qu'est interdite toute publicité comportant sous quelque forme que ce soit des allégations ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, notamment lorsqu'elles portent sur les conditions d'utilisation du service faisant l'objet de la publicité ; qu'il importe peu que parallèlement à une publicité, mais par des voies différentes, il soit donné des explications susceptibles d'amener, mais uniquement ceux qui en auraient eu connaissance, à interpréter différemment le sens de la publicité qui s'adresse à l'ensemble du public ; que la cour d'appel ne pouvait sans contradiction constater, d'une part, que les documents distribués aux jeunes en vue de promouvoir les nouveaux comptes Y par la banque X, indiquaient que ces jeunes pouvaient déposer eux-mêmes leurs économies ou leur agent de poche et retirer ce qu'ils voulaient "sans rien demander à personne", et, d'autre part, que l'autorisation des parents était nécessaire à l'ouverture du compte ;

"alors au demeurant qu'il importait peu que dans un document diffusé par des voies différentes, le jeune consommateur ait ultérieurement été avisé de la nécessité de ladite autorisation ;

"et alors au surplus que la cour s'est abstenue de répondre au moyen selon lequel l'affirmation que l'enfant pouvait gérer son compte sans rien demander à personne était fausse, dès lors que le montant des retraits devait au préalable être fixé par les parents" ;

Vu lesdits articles ; - Attendu que l'infraction prévue par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 est un délit instantané ;qu'il en résulte qu'une fois la publicité diffusée, la publication d'informations rétablissant la réalité est sans effet sur l'existence de ladite infraction ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Jean-Claude H, directeur de la communication à la banque X, a fait diffuser devant certaines écoles des dépliants publicitaires destinés à promouvoir les comptes "Y" et s'adressant aux enfants en ces termes : "Tu peux déposer toi-même tes économies ou ton argent de poche et tu peux retirer ce que tu veux, sans rien demander à personne" ; que la cour, qui relève qu'en réalité l'autorisation des parents était nécessaire pour l'ouverture du compte, déclare cependant que les faits reprochés à H n'étaient pas constitutifs de publicité punissable au motif notamment que cette dernière précision était apportée par la suite dans un document destiné aux parents, que recevaient ceux des enfants qui se rendaient à l'agence X ;

Attendu qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus énoncé ; que la cassation est dès lors encourue ;

Par ces motifs : casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble en date du 18 mars 1988, Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi : Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Chambéry.