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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 13 avril 1995, n° 1002-94

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Artault, Badet, Bails (Consorts), Baraba, Bertrand, Billes (Epoux), Bonin, Bonnier, Bordet, Bourdin (Consorts), Boyé, Boyer, Caille (Epoux), Domergue, Dubouchet, Dumoulin (Consorts), Estevan, Etourneau (Epoux), Feldman, Fichère, Foucard, Gérard, Goeury, Grespan, Guy, Hanasz, Hautin, Joubert, Lang, Lapointe, Laporte (Epoux), Leveque (Epoux), Maillach (Consorts), Mangier, Olivier, Picard, Poissenot, Poncet, Prabel, Préditch, Reydon, Ribayne (Epoux), Richard-Chabrol, Soto, Sports, Thomas, Venture, Brard, Fournier, Garcia, Gaspard, Maury, Rey, Therme, Toledano, Vaganay

Défendeur :

Réafin (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mazars

Conseillers :

Mmes Gabet-Sabatier, Martin

Avoués :

SCP Fievet- Rochette-Lafon, SCP Lissarrague & Dupuis

Avocats :

Mes Mateu, Cohen.

TGI Nanterre, du 24 nov. 1993

24 novembre 1993

La société civile de placements immobiliers Eco Invest 1 a été créée le 19 octobre 1987 à l'initiative de la société Vignal SA, société de promotion d'investissement et de diffusion. Elle a pour objet exclusif l'acquisition et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif.

La SA Vignal, ayant Jean-Claude Vignal comme président directeur général, a été désignée comme gérant.

La société Eco Invest étant soumise au régime juridique de la loi n° 70-1300 du 31 décembre 1970 fixant le régime applicable aux sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l'épargne et à au décret n° 71-524 du 1er juillet 1971 relatif à certaines sociétés civiles faisant publiquement appel à l'épargne, la Commission des Opérations de Bourse a contrôlé le document destiné à l'information du public et a accordé son visa le 27 octobre 1987 et les opérations pour la souscription ouverte au public ont été réalisées.

Par une convention du 12 janvier 1988 conclu entre la société Réassurance et Finance SA, dite Réafin, et la société Vignal, la société Réafin s'est engagée, moyennant une rémunération égale à 0,75 % des montants effectivement placés, à délivrer aux préposés ou mandataires de la société Vignal, des cartes de démarchage en vue de la souscription de parts de la SCPI Eco Invest 1.

Monsieur Artault et les autres parties ci-dessus nommées ont souscrit à l'augmentation de capital de la SCPI Eco Invest 1, en 1988, 1989 ou 1990.

Effectuant un contrôle des opérations de la SCPI Eco Invest 1 en août 1992, la Commission des Opérations de Bourse a constaté que diverses infractions avaient été commises. Elle a suspendu son visa et transmis un rapport au parquet du Tribunal de grande instance de Montpellier.

Une information judiciaire a été ouverte notamment pour abus de biens sociaux.

La SA Vignal a démissionné de ses fonctions de gérant et elle a été mise en redressement judiciaire le 16 février 1993, puis en liquidation le 30 mars 1993.

Des expertises ont démontré que les actifs de la SCPI avaient été surévalués. Il est apparu aussi que le taux d'occupation des immeubles n'était que de 20 %. En conséquence, la valeur des parts acquises par les souscripteurs a considérablement diminué et aucun bénéfice ne leur est distribué depuis la fin 1992.

C'est dans ces circonstances que les Consorts Artault et autres ont, par acte du 6 septembre 1993, fait assigner à jour fixe la société Réafin devant le Tribunal de grande instance de Nanterre pour voir annuler les engagements qu'ils ont souscrits dans le cadre de la société Eco Invest 1, dire que la société Réafin est civilement responsable du préjudice qu'ils ont subi et la voir condamner à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts ainsi que 5 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le montant des sommes réclamées par chacun des demandeurs correspond au montant de sa souscription avec les intérêts au taux légal à compter de la date de la souscription. Ils réclament des dommages-intérêts supplémentaires au motif notamment de l'absence de rentabilité des parts qu'ils ont souscrites ou des incidences sur leur situation financière des prêts par eux contractés pour l'acquisition des parts de SCPI.

Par jugement du 24 novembre 1993, le tribunal a déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation à jour fixe soulevée par la société Réafin, déclaré irrecevable la demande tendant à obtenir l'annulation des souscriptions de parts de SCPI, et déclaré mal fondée l'action en responsabilité engagée contre la société Réafin.

Le tribunal a estimé pour l'essentiel que l'examen d'une demande en nullité des souscriptions nécessitait la présence aux débats de la SCPI. Puis il a retenu que les bulletins de souscription ne mentionnaient pas l'identité des démarcheurs; que la convention du 12 janvier 1988 n'interdisait pas que le démarchage soit effectué par d'autres organismes, et qu'en l'absence de tout élément probatoire, la société Réafin ne pouvait être présumée responsable des souscriptions effectuées.

Appelants de cette décision les Consorts Artault et autres concluent à sa réformation.

Ils demandent à la cour de dire que la société Réafin a commis des fautes d'une particulière gravité et qu'elle est responsable civilement du préjudice qu'ils ont subi.

Ils reprennent les demandes qu'ils avaient formées devant le tribunal:

- Monsieur Pierre Artault, les sommes de 870 000 francs avec intérêts de droit à compter du 17 mai 1989 et de 130 500 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Anne-Marie Badet-Denisot, les sommes de 999 000 francs avec intérêts de droit à compter du 23 février 1988 et de 149 850 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur et Madame Raymond Bails, les sommes de 60 000 francs avec intérêts de droit à compter de la date de l'assignation et de 9 000 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur et Madame Jean-Louis Baraban, les sommes de 369 000 francs avec intérêts de droit à compter du 30 septembre 1989 et de 55 350 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Christian Bertrand, les sommes de 174 000 francs avec intérêts de droit à compter du 29 novembre 1989 et de 26 100 francs à titre de dommage-intérêts,

- Monsieur et Madame Georges Billes, les sommes de 120 000 francs avec intérêts de droit à compter du 1er septembre 1988 et 18 000 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Alice Bonnier, les sommes de 345 000 francs avec intérêts de droit à compter du 15 avril 1989 et de 51 750 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Henri Bonin, les sommes de 970 500 francs avec intérêts de droit à compter du 1er décembre 1989 et de 145 575 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Philippe Bordet, les sommes de 921 000 francs avec intérêts de droit à compter du 16 octobre 1989 et de 138 150 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur et Madame Léon Bourdin, les sommes de 405 000 francs avec intérêts de droit à compter du 31 juillet 1988 et de 60 750 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Maurice Boyé, les sommes de 195 000 francs avec intérêts de droit à compter du 31 août 1988 et de 29 250 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Georgette Boyer, les sommes de 499 500 francs avec intérêts de droit à compter du 28 février 1989 et de 74 925 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur et Madame André Caille, les sommes de 120 000 francs avec intérêts de droit à compter du 3 août 1988 et de 18 000 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur et Madame Yves Dubouchet, les sommes de 282 000 francs avec intérêts de droit à compter du 31janvier 1990 et de 42 300 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Mathieu Dumoulin, les sommes de 1 399 500 francs avec intérêts de droit à compter du 27 juillet 1989 et de 209 925 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Pierre Dumoulin, les sommes de 7 500 francs avec intérêts de droit à compter du 9 décembre 1989 et de 1 125 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Denise Estevan, les sommes de 225 000 francs avec intérêts de droit à compter du 6 juin 1988 et de 33 750 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Bernard Etourneau, les sommes de 399 000 francs avec intérêts de droit à compter du 15 mars 1989 et de 59 850 francs et de 59 850 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Yvonne Etourneau, les sommes de 499 500 francs avec intérêts de droit à compter du 1er avril 1989 et de 74 925 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Jean-Pierre Feldman, les sommes de 900 000 francs avec intérêts de droit à compter du 27 avril 1989 et de 135 000 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Jean-Paul Fichère, les sommes de 1 000 500 francs avec intérêts de droit à compter du 30 novembre 1989 et de 150 075 francs à titre de dommages-intérêts

- Monsieur Michel Foucard, les sommes de 1 000 500 francs avec intérêts de droit à compter du 30 octobre 1988 et de 150 075 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Albert Gérard, les sommes de 999 000 francs avec intérêts de droit à compter du 22 juin 1989 et de 149 850 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Denis Goeury, les sommes de 1 000 500 francs avec intérêts de droit à compter du 25 février 1989 et de 150 075 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Suzanne Grespan, les sommes de 90 000 francs avec intérêts de droit à compter du 20 septembre 1989 et de 13 500 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Guy Hubert, les sommes de 1 000 500 francs avec intérêts de droit à compter du 27 février 1989 et de 150 075 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Paulette Hanasz, les sommes de 550 500 francs avec intérêts de droit à compter du 7 février 1990 et de 82 575 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Joël Hautin, les sommes de 270 000 francs avec intérêts de droit à compter du 22 novembre 1988 et de 40 500 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Michel Joubert, les sommes de 576 000 francs avec intérêts de droit à compter du 7 novembre 1989 et de 86 400 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Georges Lang, les sommes de 1 897 500 francs avec intérêts de droit à compter du 26 août 1988 et de 284 625 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Jean-Pierre Lapointe, les sommes de 499 500 francs avec intérêts de droit à compter du 23 septembre 1988 et de 74 925 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur et Madame Robert Laporte, les sommes de 51 000 francs avec intérêts de droit à compter du 24 juin 1988 et de 7 650 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Jean-Pierre Leveque, les sommes de 250 500 francs avec intérêts de droit à compter du 31 mars 1989 et de 37 575 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Pierre Maillach, les sommes de 40 500 francs avec intérêts de droit à compter du 20 septembre 1988 et de 6 075 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur et Madame Roger Maillach, les sommes de 84 000 francs avec intérêts de droit à compter du 7 juin 1988 et de 12 600 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Michel Mangier, les sommes de 330 000 francs avec intérêts de droit à compter du 9 avril 1990 et de 49 500 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Louisette Olivier, les sommes de 111 000 francs avec intérêts de droit à compter du 19 août 1989 et de 16 650 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Nicole Picard, les sommes de 300 000 francs avec intérêts de droit à compter du 28 février 1989 et de 45 000 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Christian Poissenot, les sommes de 231 000 francs avec intérêts de droit à compter du 11 décembre 1989 et de 34 650 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Annick Poncet, les sommes de 225 000 francs avec intérêts de droit à compter du 31 décembre 1989 et de 33 750 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Edouard Prabel, les sommes de 1 150 500 francs avec intérêts de droit à compter du 17 mai 1989 et de 172 575 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Elie Préditch, les sommes de 999 000 francs avec intérêts de droit à compter du 30 juin 1990 et de 149 850 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Odile Reydon, les sommes de 75 000 francs avec intérêts de droit à compter du 6 juillet 1988 et de 11 250 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur et Madame Fernand Ribayne, les sommes de 300 000 francs avec intérêts de droit à compter du 11 avril 1988 et de 45 000 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur et Madame Norbert Soto, les sommes de 105 000 francs avec intérêts de droit à compter du 28 mars 1989 et de 15 750 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Jean Sportes, les sommes de 1 069 500 francs avec intérêts de droit à compter du 29 juillet 1988 et de 160 425 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Prosper Thomas, les sommes de 1 200 000 francs avec intérêts de droit à compter du 23 février 1989 et de 180 000 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Elie Venture, les sommes de 3 000 000 francs avec intérêts de droit à compter du 22 septembre 1989 et de 450 000 francs à titre de dommages-intérêts;

En cours de procédure neuf autres parties sont intervenues volontairement pour se joindre aux demandes des Consorts Artault et autres. Ils demandent:

- Monsieur et Madame Michel Brard, les sommes de 750 000 francs avec intérêts de droit à compter du 22 mars 1989 et de 112 500 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur et Madame Michel Fournier, les sommes de 45 000 francs avec intérêts de droit à compter du 28 décembre 1989 et de 6 750 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Nicole Garcia, les sommes de 199 305 francs avec intérêts de droit à compter du 1er janvier 1991 et de 29 896 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Paulette Gaspard, les sommes de 90 000 francs avec intérêts de droit à compter du 20 février 1989 et de 13 500 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur et Madame Richard Maury, les sommes de 199 500 francs avec intérêts de droit à compter du 25 octobre 1988 et de 29 925 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Jacques Rey, les sommes de 100 500 francs avec intérêts de droit à compter du 27 juillet 1988 et de 15 075 francs à titre de dommages-intérêts,

- Monsieur Jean-Jacques Therme, les sommes de 300 000 francs avec intérêts à compter du 1er août 1988 et de 45 000 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Roselyne Toledano, les sommes de 999 000 francs avec intérêts de droit à compter du 26 juin 1989 et de 148 500 francs à titre de dommages-intérêts,

- Madame Christiane Vaganay, les sommes de 699 000 francs avec intérêts à compter du 1er janvier 1994 et de 104 850 francs à titre de dommages-intérêts

Chacun des porteurs de parts réclame en outre 5 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les appelants soutiennent que le démarchage en vue du placement des parts de SCPI est soumis à deux textes:

- la loi n°72-6 du 3 janvier 1972 relative au démarchage financier et à des opérations de placement et d'assurances

- la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, modifiée pour certaines de ses dispositions par la loi du 3 janvier 1972, relative à l'usure, aux prêts d'argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité.

Ils font valoir qu'au regard de ces deux textes, la société Réafin a commis des fautes engageant sa responsabilité.

Ils soutiennent dans leurs dernières écritures que la société Réafin a persisté à proposer des souscriptions de parts pendant quatre années consécutives alors qu'elle connaissait la gestion "lamentable voire pénalement répréhensible de la société Eco Invest 1" et elle entend le démontrer par les liens existant entre la filiale de Réafin, Scor et une autre filiale Sofrascau laquelle détenait 2 % du capital de la SA Vignal et lui assurait des opérations de financement.

Ils ajoutent que dans le cadre de leurs démarchages, les mandataires préposés de la SA Vignal, porteurs de cartes de démarchage de Réafin, se sont livrés à des allégations mensongères et notamment ont précisé que Monsieur Juste Leblanc, ancien salarié du groupe Pelloux était parmi les dirigeants de la société Eco Invest, alors que le responsable du groupe Pelloux a indiqué qu'il considérait cet individu comme un escroc.

Ils font valoir qu'un tel comportement engage la responsabilité de Réafin.

La société Réafin, intimée, rétorque pour l'essentiel, que la loi n° 72-6 du 3 janvier 1972 n'est pas applicable.

Elle soutient que les parts de sociétés civiles de placements immobiliers ne sont pas des valeurs mobilières et que le démarchage en ce qui les concerne est régi par la loi du 28 décembre 1966 modifiée par la section II de la loi 72-6 du 3 janvier 1972 ainsi que par le décret du 16 juin 1967 modifié par le décret du 8 juin 1977 et qu'elle n'a commis aucune faute qui puisse être génératrice d'un préjudice quelconque à l'encontre des porteurs de parts de la SCPI Eco Invest.

Elle prétend qu'elle tenait de l'article 11 de la loi de 1966 l'autorisation de procéder au démarchage des parts de SCPI puisqu'elle est un établissement financier tel que prévu par l'article 99 de la loi bancaire du 24 juillet 1984.

Enfin elle fait valoir qu'elle ne saurait être tenue pour responsable de la gestion de la société Vignal SA; qu'il appartenait aux porteurs de parts d'exercer leur contrôle sur les comptes, d'assister aux assemblées générales et de ne pas donner quitus au gérant pendant cinq ans.

Qu'en définitive il n'y a aucun lien de causalité entre la délivrance des cartes de démarchage et le préjudice des demandeurs qui est dû aux agissements de Vignal SA et à la conjoncture économique.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris de débouter les appelants de toutes leur demandes et de les condamner in solidum au paiement de 350 000 francs HT sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 1995.

Sur ce,

Considérant qu'il convient tout d'abord de constater qu'en conséquence des fins de non-recevoir soulevées par la société Réafin dans ses écritures, la totalité des bulletins de souscription et certificats de propriété des parts de la SCPI Eco Invest a été versée aux débats par les parties appelantes et intervenantes, et qu'il ne subsiste aucun doute sur la qualité à agir de l'ensemble des porteurs de parts parties à l'instance;

Considérant qu'il n'est pas discuté que si aucune clause d'exclusivité n'a été insérée dans la convention du 12 janvier 1988, la société Réafin a été la seule à délivrer les cartes de démarchage et qu'aucun autre organisme n'est intervenu dans les opérations de démarchage pour le placement des parts de la SCPI Eco Invest 1;

Sur les textes applicables au démarchage effectué pour le placement auprès du public des parts de SCPI :

Considérant que la loi n° 72-6 du 3 janvier 1972 réglemente le démarchage des valeurs mobilières; que la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 (modifiée par la loi n° 726 du 3 janvier 1972) réglemente plus généralement le démarchage des placement de fonds;

Que ces deux textes ne sauraient s'appliquer cumulativement; qu'en effet la réglementation générale qui s'impose en matière de placement de fonds n'est pas applicable lorsqu'il s'agit du placement de valeurs mobilières comme le prévoit l'article 9 alinéa 3 (de la loi du 3 janvier 1972) qui précise "reste régi par la réglementation qui lui est propre le démarchage en vue de la souscription ou de 1 'achat de valeurs mobilières...";

Considérant que pour soutenir que le démarchage pour le placement des parts de SCPI est régi par la loi n° 72-6 du 3 janvier 1972, les Consorts Artault et autres affirment que les parts de SCPI doivent être considérées comme des valeurs mobilières au sens de cette loi, peu important qu'elles ne soient pas susceptibles d'être cotées en bourse; qu'en toute hypothèse l'article 5-5° de la loi de 1972 "tranche de façon indiscutable la question" puisqu'il prévoit:

" est interdit le démarchage... 5 ° - en vue d'opérations sur des valeurs déjà émises par des sociétés et non admises à la cote officielle des bourses de valeurs, à l'exception des opérations sur valeurs de sociétés d 'investissement à capital variable ";

Qu'ils en déduisent que le démarchage portant sur tous les titres non cotés, comme les parts de SCPI est interdit à tous même aux "personnes autorisées", c'est à dire les banquiers, agents de change, établissements financiers de l'article 99 de la loi de 1984;

Qu'ainsi, en assurant le démarchage des parts de la SCPI Eco Invest 1, la société Réafin a commis une faute engageant sa responsabilité civile;

Considérant que la définition communément admise des valeurs mobilières est celle qui a été énoncée dans la circulaire du 8 août 1983 relative au nouveau régime des valeurs mobilières:

" ensemble de titres de même nature, cotés ou susceptibles de l'être, issus d'un même émetteur et conférant par eux-mêmes des droits identiques à leurs détenteurs ";

Que les principales caractéristiques des valeurs mobilières sont les suivantes:

- elles sont fongibles, c'est-à-dire interchangeables,

- elles sont négociables suivant des formes simplifiées,

ces deux caractéristiques les rendant susceptibles d'être cotées en bourse;

Considérant que les parts de sociétés civiles de placements immobiliers sont certes de nature mobilière, s'analysent comme des droits mobiliers incorporels, sont issus d'un même émetteur, et fongibles;

Mais considérant que l'analyse des conditions et formalités de la cession des parts de sociétés civiles de placement immobilier, démontre que les parts ne sont pas des titres négociables selon les procédés usuels du droit commercial et qu'elles ne sont pas susceptibles d'être cotées en bourse;

Que la cession de parts sociales de sociétés civiles de placements immobiliers nécessite, pour être opposable à cette société civile, un transfert sur les registres de la société; que le prix de cession s'établit selon une procédure réglementée, le marché secondaire des parts étant organisé au sein de la société;

Considérant qu'il résulte de ces conditions et modalités de leur cession que ces parts sociales ne peuvent être considérées comme des valeurs mobilières au sens de la loi du 3 janvier 1972 ;

Considérant que c'est à juste titre que la société Réafin fait valoir que le démarchage des parts de sociétés civiles de placements immobiliers est régi par les dispositions de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 (modifiée par la loi du 3 janvier 1972);

Sur la régularité des opérations de démarchage :

Considérant que si l'article 9 de la loi du 28 décembre 1966 interdit le démarchage en vue de proposer des placements de fonds, l'article 11 apporte une dérogation au profit des banques et de certains établissements financiers; que l'article 13 réglemente les possibilités d'intervention des auxiliaires de professions bancaires figurant sur la liste établie par le conseil national du crédit lesquelles peuvent formuler leurs offres de service par lettres ou prospectus;

Considérant qu'il est constant que la société Réafin entre dans la catégorie des sociétés dites de l'article 99 de la loi bancaire du 24 janvier 1984, anciennes maisons de titres ainsi définies:

" établissement qui ont pour activité principale de gérer pour le compte de leur clientèle des portefeuilles de valeurs mobilières en recevant à cet effet des fonds assortis d 'un mandat de gestion ou d 'apporter leur concours au placement de telles valeurs en se portant ducroire ";

Que dès lors, elle est un établissement financier, et non un établissement de crédit, au sens de l'article 11 de la loi du 28 décembre 1966 et ne relève pas de la catégorie des auxiliaires de la profession bancaire;

Qu'il convient du reste de noter que les établissements de l'article 99 de la loi bancaire de 1984 sont devenus par l'effet de la loi du 16 juillet 1992 des sociétés financières;

Considérant que la convention du 12 janvier 1988 qui chargeait la société Réafin de procéder aux opérations permettant le démarchage pour placer les parts de la SCPI Eco Invest 1 n'est donc pas contraire aux dispositions de la loi du 28 décembre 1966;

Sur la fraude à la loi :

Considérant que les Consorts Artault reprochent encore à la société Réafin d'avoir délivré des cartes de démarchage exclusivement à des préposés de la société Vignal;

Mais considérant que la société Réafin a observé, pour la délivrance des cartes de démarchage, les prescriptions précises du décret n° 67-463 du 16 juin 1967 modifié par le décret n° 77-606 du 8 juin 1977, prescriptions qui sont les mêmes que celles de la loi du 3 janvier 1972 sur le démarchage des valeurs mobilières, dont elle a d'ailleurs fait mention matériellement sur les cartes de démarchage;

Qu'elle a effectué la déclaration préalable au parquet compétent;

Qu'ayant mandaté plusieurs démarcheurs, par ailleurs employés de la société Vignal, elle est responsable de leurs agissements;

Que rien ne lui interdisait de délivrer de donner des mandats de démarchage à des personnes qui étaient en même temps salariés de la société Vignal;

Qu'aucune fraude à la loi n'est en l'espèce établie;

Sur les autres fautes et l'action en responsabilité dirigée contre la société Réafin :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Réafin n'a pas procédé à un démarchage illicite;

Qu'il convient d'ailleurs de relever que, le démarchage illicite constituant une infraction pénale, cette société n'a pas fait l'objet de poursuites pénales à l'initiative des éventuelles victimes ou du parquet;

Considérant que pour fonder leur action, les Consorts Artault et autres soutiennent aussi dans leurs dernières écritures que leur consentement a été obtenu grâce à l'affirmation qui leur a été faite par le démarcheur que Monsieur Juste Leblanc, qui venait du Groupe Pelloux, bien connu dans le domaine des SCPI, se trouvait parmi les dirigeants de la société Eco Invest 1, alors qu'ils ont appris que cet homme avait quitté le groupe Pelloux à la suite d'un licenciement;

Mais considérant que les "attestations" rédigées en ce sens par certains souscripteurs parties au litige ne suffisent pas à démontrer la réalité et l'importance, dans la détermination de leur décision d'achat des parts, de l'information selon laquelle Monsieur Juste Leblanc, ayant appartenu au Groupe Pelloux, se trouvait parmi les dirigeants de la SCPI Eco Invest 1; qu'au demeurant cette information reposait sur un fait exact;

Considérant enfin que les demandeurs font valoir que la société Réafin qui entretenait des liens avec la société Vignal par l'intermédiaire de la société Sofrascau filiale du Groupe Scor ne pouvait ignorer la situation réelle et la mauvaise gestion de la société Eco Invest 1 et qu'elle a néanmoins persisté dans les opérations de démarchage;

Mais considérant qu'il est établi par les procès-verbaux d'assemblée générale versés aux débats que la révélation des faits ayant conduit à la situation critique actuelle n'a été faite qu'à la suite de l'intervention de la COB en 1992;

Qu'il existait depuis sa création, conformément aux dispositions légales un conseil de surveillance de huit membres et un commissaire aux comptes, chargés du contrôle de la société;

Que chaque année, les comptes ont été approuvés, et il a été donné quitus à la société Vignal de sa gestion;

Qu'aucun des éléments produits aux débats ne démontre que la société Réafin a, de quelque manière que ce soit, participé à la gestion désastreuse de la société Eco Invest par la société Vignal ou qu'elle ait eu connaissance de ses agissements;

Considérant qu'en revanche, comme ils l'exposent dans leurs écritures déposées le 6 avril 1994, les souscripteurs subissent les conséquences des fautes et des irrégularités commises par la société Vignal ainsi rappelées:

- l'actif immobilier de la SCPI Eco Invest 1 résulte d'achats surévalués de 30 à 40 %, d'une faible rentabilité locative,

- la société Vignal, comme promoteur immobilier, a "écoulé" au prix fort ses réalisations, ou comme marchand de biens a acquis à bas prix des immeubles pour les revendre à la SCPI à un prix très élevé;

Considérant que si le préjudice subi par les porteurs de parts est établi et important, la valeur de leurs parts ayant considérablement diminué et aucun dividende ne leur étant versé depuis la fin 1992, il n'est nullement démontré que l'action de la société Réafin, qui a procédé à des actes de démarchage licite, a joué un rôle causal dans la réalisation de ce préjudice;

Considérant que dans ces conditions les Consorts Artault et autres doivent être déboutés de leurs demandes et condamnés aux dépens d'appel;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la société Réafin la charge de ses frais non répétibles;

Par ces motifs, LA COUR, Et ceux non contraires des premiers juges, Statuant publiquement et contradictoirement ; Confirme le jugement rendu le 24 novembre 1993 par le Tribunal de grande instance de Nanterre; Déboute les parties de toutes leurs demandes; Condamne Messieurs et Mesdames Pierre Artault, Anne-Marie Badet, Raymond, Suzanne et Georgette Bails, Jean-Louis Baraban, Christian Bertrand, Georges et Gisèle Billes, Henri Bonin, Alice Bonnier, Philippe Bordet, Jean-Jacques, Denis, Léon, Pascal et Christophe Bourdin, Maurice Boyé, Georgette Boyer, André et Huguette Caille, Frédérique Domergue, Yves Dubouchet, Mathieu et Pierre-Claude Dumoulin, Denise Estevan, Bernard et Yvonne Etourneau, Jean-Pierre Feldman, Jean-Paul Fichère, Michel Foucard, Albert Gérard, Denis Goeury, Suzanne Grespan, Hubert Guy, Paulette Hanasz, Joël Hautin, Michel Joubert, Georges Lang, Jean-Pierre Lapointe, Robert et Georgette Laporte, Jean-Pierre et Jacqueline Leveque, Pierre, Roger et Andrée Maillach, Michel Mangier, Louisette Olivier, Nicole Picard, Christian Poissenot, Annick Poncet, Edouard Prabel, Elie Préditch, Odile Reydon, Fernand et Jeanne Ribayne, Nicole Richard-Chabrol, Norbert Soto, Jean Sportes, Prosper Thomas, Elie Venture, Michel et Suzanne Brard, Michel et Geneviève Fournier, Nicole Garcia, Paulette Gaspard, Richard et Patricia Maury, Jacques Rey, Jean-Jacques Therme, Roselyne Toledano et Christiane Vaganay aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.