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Décisions

Cass. crim., 26 octobre 1999, n° 98-87.256

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Avocat général :

M. de Gouttes.

Conseillers :

Mme Mazars, M. Roman

Avocats :

SCP Thomas-Raquin, Benabent, Me Cossa

Rennes, 3e ch., du 15 oct. 1998

15 octobre 1998

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par B Charles contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 15 octobre 1998, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, l'a condamné à 150 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 355-25, L. 355-26, L. 355-31 du Code de la santé publique, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Charles B coupable d'avoir effectué une propagande ou une publicité indirecte en faveur du tabac en exposant à Plomeur du 19 au 25 octobre 1993 des panneaux et drapeaux et en décorant un stand sur le site où se déroulait une épreuve du championnat du monde de fun-board, en y faisant figurer le sigle 'P", a en conséquence condamné Charles B à la peine d'amende de 150 000 francs et à payer au CNCT la somme de 69 912 francs à titre de dommages et intérêts;

"aux motifs propres que, "Charles B se prévaut par ailleurs de la dérogation de l'article L. 355-2 6 du Code de la santé publique pour soutenir que, les voyages P étant commercialisés depuis 1982 et étant des produits différents du tabac, les mesures d'interdiction ne s'appliquaient pas ce produit mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement et financièrement distincte de celle commercialisant le tabac ; qu'à ce moyen déjà soutenu en première instance, le tribunal a pertinemment répondu que l'activité de voyage exercée par P était une prestation de service et non un produit et qui existait des liens financiers ou juridiques entre le GIE X et le groupe Y qui commercialise les cigarettes P1";

"et aux motifs adoptés, que "la marque P étant un service et non un produit puisque la société P BV a une activité d'agences de voyages, ne peut prétendre bénéficier de la dérogation prévue à l'article 3, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1976 modifiée ; qu'en tout état de cause, l'instruction a révélé qu'il existe des liens juridiques ou financiers entre le GIE X et le groupe Y qui commercialise les cigarettes P1, dont il convient d'observer que les sièges sociaux sont respectivement situés au <adresse>à Paris 16e et au <adresse>de cette même rue qui était l'ancien siège du GIE; que les deux membres du GIE sont P et Z, importateur de cigarettes de la firme Y, dont Charles B était le directeur marketing-export; que l'existence d'un tel lien exclut toute application des dispositions dérogatoires précitées";

"alors, d'une part, que si la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme interdit l'utilisation d'une marque qui rappelle le tabac à titre de "publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre que le tabac", l'atteinte qui résulte de cette disposition aux droits résultant de marques antérieurs e été limitée pour respecter les droits acquis pour des produits "mis sur le marché avant le 1er janvier 1990"; que ce respect doit pareillement bénéficier aux marques couvrant des services mis sur le marché avant la même date; qu'en refusant à la marque P le bénéfice de cette limitation pour le motif qu'elle couvrait "un service et non un produit", la cour d'appel a violé l'article L. 355-26 du Code de la santé publique;

"alors, d'autre part, qu'en application de la loi du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités des agences de voyages, les voyages sont des produits et non des services, le législateur qualifiant les contrats conclus par les agences de voyages de "vente", contrat qui ne peut porter que sur une chose et donc un produit; qu'en retenant néanmoins que les voyages P étaient des services et non des produits et en refusant en conséquence de les faire bénéficier de la dérogation de l'article L. 355 26 du Code de la santé publique, la cour d'appel e violé les textes visés au moyen;

"alors enfin, qu'en retenant l'existence d'un lien juridique ou financier entre la société P qui commercialise les produits objet de la publicité incriminée avec une entreprise qui commercialise ou importe des produits du tabac, en raison de l'appartenance de la société P à un GIE dont l'autre membre aurait pour actionnaire unique une société importatrice de tabac, sans constater que le GIE était ainsi composé à l'époque des faits incriminés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que lors d'une épreuve sportive, les services de gendarmerie ont constaté la présence d'un stand publicitaire décoré de drapeaux et de panneaux sur lesquels figuraient le sigle "P", semblable à celui de la marque de cigarettes du même nom ; que Charles B, dirigeant du GIE X, organisateur de cette opération publicitaire pour l'agence de voyages dénommée P, a été poursuivi pour publicité indirecte en faveur de la marque de cigarettes P1;

Attendu que le prévenu a invoqué le bénéfice de la dérogation prévue par l'alinéa 2 de l'article 3 de la loi du 9 juillet 1976, devenu l'alinéa 2 de l'article L. 355-26 du Code de la santé publique, en faveur des produits mis sur le marché avant le 1er septembre 1990 par des entreprises juridiquement et financièrement distinctes de toute entreprise qui fabrique, importe ou commercialise du tabac ou un produit du tabac;

Attendu que pour écarter ce moyen de défense et déclarer Charles B coupable du délit, les juges d'appel retiennent qu'il existe des liens financiers et juridiques entre le GIE X et le groupe Y, importateur de cigarettes, dont Charles B est aussi le directeur du marketing, ce groupement d'intérêt économique comprenant la société P et la société Z, filiale de l'une des firmes Y;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a fait l'exacte application des dispositions de l'article L. 355-26, alinéa 2, du Code de la santé publique; qu'en effet, la dérogation au régime de la publicité indirecte en faveur du tabac au sens de ce texte, est exclue pour les produits commercialisés, même avant le 1er janvier 1990 par les entreprises qui se rattache à une entreprise qui fabrique, importe et commercialise du tabac ou un produit du tabac par un lien juridique et financier fut-il indirect ou occasionnel; d'où il suit que le moyen, inopérant en ses deux premières branches, n'est pas fondé;

Et attendu que l'arrêt est régulier en ta forme;

Rejette le pourvoi.