Cass. crim., 20 juin 2000, n° 99-86.431
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
M. Blondet
Avocat général :
M. Launay
Avocats :
SCP Richard, Mandelkern
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par L Charles, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 9 septembre 1999, qui l'a condamné, pour publicité de nature à induire en erreur, infraction à la législation sur le crédit à la consommation, et tromperie, à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, pour infractions à la réglementation de l'étiquetage des objets d'ameublement, à 21 amendes de 500 francs, et a ordonné la publication de la décision ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, L. 213-1, L. 214-1, L. 214-2 du Code de la consommation, 1, 2, 5, 7 et 10 du décret n° 86-583 du 14 mars 1986, 6.3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Charles L coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles d'un produit et l'a condamné à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à 10 000 francs d'amende ;
"aux motifs que, pour retenir Charles L dans les liens de la prévention, le tribunal relevait que le matelas en cause, vendu le 23 août 1996 à Nathalie Chaudet, était accompagné d'un document établi par le vendeur mentionnant qu'il s'agissait d'un matelas "100 % latex" au lieu d'un matelas "100 % couchage latex", faits constitutifs du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue, en l'espèce la composition du matelas ; que c'est justement que le tribunal a retenu la culpabilité de Charles L, le document établi par le vendeur mentionnant bien qu'il s'agit d'un matelas "100 % latex" au lieu d'un matelas "100 % couchage latex" ; que la distinction entre les deux mentions s'avère pour le moins difficile à appréhender pour le consommateur commun, y compris pour celui qui s'est fait expliquer l'ensemble des caractéristiques des produits que lui étaient proposés ;
"1°) alors que la juridiction correctionnelle, saisie par la citation délivrée au prévenu, ne peut, pour retenir la culpabilité de celui-ci, se fonder sur des faits qui ne sont pas visés par la citation ; que la citation délivrée à Charles L le 30 janvier 1998, ne visait pas le fait d'avoir établi un document mentionnant que le matelas vendu à Nathalie Chaudet était "100 % latex", au lieu de "100 % couchage latex" et se bornait à viser la contravention de mise en vente d'objet d'ameublement avec étiquette non conforme ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors légalement retenir à l'encontre de Charles L l'établissement d'un tel document, pour le déclarer coupable non plus de la contravention poursuivie, mais du délit de tromperie sur les qualités substantielles d'un produit ;
"2°) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en déclarant néanmoins Charles L coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles d'un produit au titre d'un document établi par l'un des vendeurs salariés de la société dont il était le gérant, la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation" ;
Attendu qu'appelant du jugement, qui avait énoncé que l'infraction reprochée, commise au préjudice de Nathalie Chaudet, constituait le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, le prévenu n'a pas contesté cette qualification et s'est défendu au fond ; qu'à aucun stade de la procédure il n'a invoqué la délégation de ses pouvoirs ;
Attendu qu'en cet état l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-6 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Charles L coupable du délit de publicité mensongère et l'a condamné à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à une amende de 10 000 francs ;
"aux motifs que le tribunal relevait que la culpabilité de Charles L était établie ; qu'à ce titre, il précisait que le prévenu reconnaissait que cette mention chiffrée ne correspondait pas à la réalité, puisque le consommateur désirant bénéficier de cette offre devant dans toutes les hypothèses remplir un dossier de financement avec un TEG de 17,7 % avec remise d'une carte de crédit, même si l'acquisition était faite à "crédit gratuit" ; que les premiers juges estimaient qu'une telle pratique avait pour objectif de détourner les dispositions législatives sur le crédit gratuit, dont la publicité est interdite en dehors des lieux de vente (art. L. 311-5 du Code de la consommation) et d'éluder les dispositions relatives au montant de l'escompte consenti à l'acquéreur en cas de paiement comptant (art. 311-6 du même Code) ; que Charles L rappelle que la publicité mise en cause porte la mention "payer en 10 fois" assortie d'une astérisque faisant renvoi en marge : "après acceptation du dossier par Y, 10 mensualités TEG 7,8 % perception forfaitaire de 10 %" ; qu'ainsi, le délit de publicité mensongère ne peut être retenu dès lors que l'acquéreur a été exactement informé du prix global qu'il aurait à payer et n'est pas induit en erreur sur l'un des éléments prévus par l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; que les premiers juges, par des motifs exacts en droit et en fait, ont retenu la culpabilité de Charles L constatant, comme le prévenu l'a fait lui-même, que la mention chiffrée ne correspondait pas à la réalité, le consommateur devant dans tous les cas remplir un dossier de financement avec un TEG de 17,7% avec la remise d'une carte de crédit, et ce malgré le fait que le prévenu s'engageait à régler le montant de ces intérêts pour consentir à sa clientèle un crédit gratuit ;
"1°) alors que seule est prohibée la publicité qui comporte des allégations, indications ou présentations de produits ou de prestations plus favorables au client que ceux qui lui sont effectivement proposés ; que la cour d'appel a relevé que la publicité litigieuse faisait état d'une offre de crédit moyennant un taux qu'elle a jugé inexact, tout en admettant que Charles L "s'engageait à régler le montant de ces intérêts pour consentir à sa clientèle un crédit gratuit" ; qu'il en résultait que le financement proposé était plus favorable pour le client que celui ayant fait l'objet de la publicité, ce qui excluait nécessairement tout délit de publicité mensongère ;
"2°) alors que, en toute hypothèse, Charles L faisait valoir que le taux indiqué dans la publicité était de 7,8 %, avec perception forfaitaire de 10 %, soit un taux global de 17,8 %, et que le taux effectivement pratiqué et pris en charge par le vendeur était inférieur, puisqu'il était de 17,7 %, de sorte que la publicité incriminée n'était pas mensongère ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;
Attendu que, pour déclarer Charles L, gérant de la société X, coupable de publicité de nature à induire en erreur, la cour d'appel, après avoir relevé qu'il a fait diffuser dans un hebdomadaire une publicité aux termes de laquelle il s'engageait à assurer à la clientèle la possibilité de payer ses achats en 10 mensualités au taux effectif global de 7, 8 %, sous réserve d'une perception forfaitaire de 10 %, retient que ces indications étaient inexactes, dès lors que l'acheteur qui demandait à bénéficier de ces facilités était invité à souscrire une offre préalable de crédit, assortie de la délivrance d'une carte de crédit, au taux effectif global de 17, 7 %, dont, en réalité, il ne supportait pas le coût, intégralement pris en charge par la société ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a caractérisé le délit de publicité de nature à induire en erreur, sur la portée des engagements pris par l'annonceur, a fait l'exacte application de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 214-1, L. 214-2 du Code de la consommation, 1, 2, 7 du décret n° 86-583 du 14 mars 1986, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Charles L coupable de la contravention de défaut de mention sur l'étiquetage de meubles destinés à être vendus et l'a condamné à vingt amendes de 500 francs ;
"aux motifs que les infractions constatées le 22 octobre 1996 par les services de la DGCCRF, concernant des produits mis en vente et dont l'étiquetage n'était pas conforme aux exigences réglementaires, n'ont jamais été contestées par Charles L, qui a reconnu l'erreur ;
"alors que tout jugement ou arrêt doit énoncer les faits dont le prévenu est jugé coupable et constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction retenue ; que l'aveu du prévenu ne dispense pas les juges du fond de leur obligation de caractériser les éléments constitutifs de l'infraction ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors se borner à affirmer que Charles L avait reconnu l'erreur dans l'étiquetage des produits mis en vente, sans indiquer en quoi cet étiquetage n'était pas conforme aux dispositions réglementaires" ;
Attendu qu'après avoir exactement rappelé les termes de la citation, d'où il résulte qu'à la date des constatations des fonctionnaires de la direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, les étiquettes placées sur vingt objets d'ameublement mis en vente dans les locaux accessibles au public de la société X ne portaient pas l'ensemble des mentions obligatoires énumérées à l'article 2 du décret n° 86-583 du 14 mars 1986, la cour d'appel se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, le moyen manque en fait ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 311-15, L. 311-25 et L. 311-35 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Charles L coupable d'avoir persisté indûment à ne pas rembourser les sommes versées d'avance en exécution d'un achat à crédit ayant fait l'objet d'une rétractation et l'a condamné à une amende de 500 francs ;
"aux motifs que c'est à bon droit que les premiers juges énoncent aux motifs du jugement que la lettre recommandée datant du 16 avril 1997, la cliente n'a été remboursée que le 17 mai suivant, et seulement pour un montant de 608 francs, le prévenu conservant 100 francs comme frais de livraison ; que le délai de plus d'un mois écoulé entre la demande de remboursement et celui-ci effectué de façon partielle, manifeste une certaine obstination ou du moins une volonté d'ignorer les règles de la consommation, et ce d'autant plus qu'il existe une autre condamnation pour des faits similaires ;
"alors que la mise en œuvre de l'article L. 311-35 du Code de la consommation suppose que le vendeur ait persisté indûment à ne pas restituer, à la suite de la décision de l'acheteur de se rétracter, les sommes versées par celui-ci antérieurement ; que le seul fait d'effectuer ce remboursement dans un délai d'un mois ne caractérise pas une persistance à refuser de rembourser ; qu'en se bornant néanmoins à relever que Charles L n'avait exécuté son obligation de remboursement qu'un mois après qu'une demande lui ait été adressée en ce sens par l'acheteur, la cour d'appel n'a pas caractérisé à son encontre une volonté de persister indûment à ne pas payer la somme demandée" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme qu'Andrée Moreau a, le 10 avril 1997, commandé à la société Y un sommier et un matelas, payables, après acceptation d'une offre préalable de crédit, en 10 mensualités de 708 francs chacune ; que, le 16 avril, l'emprunteuse a exercé son droit de rétractation, en adressant notamment une lettre recommandée avec avis de réception à la société X ;
Attendu que, pour déclarer, par motifs propres et adoptés, Charles L coupable d'avoir, en violation des dispositions de l'article L. 311-35, 4, du Code de la consommation, persisté indûment à ne pas rembourser à Andrée Moreau la somme de 708 francs versée à la commande, la cour d'appel relève qu'après avoir refusé la lettre de rétractation, il ne lui a adressé que le 17 mai une somme de 608 francs, déclarant conserver 100 francs à titre de "frais de déplacement" ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.