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Décisions

Cass. crim., 1 février 2000, n° 99-80.825

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocat :

Me de Nervo.

Chambéry, ch. corr., du 2 déc. 1998

2 décembre 1998

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par Q Francis, P Irène, épouse Q, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 2 décembre 1998, qui, pour tromperie et publicité de nature à induire en erreur, les a condamnés chacun à 6 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 510, 486 et 592 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué ne mentionne pas la composition de la Cour lors du délibéré ;

"alors que les décisions correctionnelles doivent indiquer, à peine de nullité, la composition des juridictions qui les ont rendues lors des débats, du délibéré et lors du prononcé et que la composition doit être identique lors des débats et du délibéré, faute de quoi le droit à un procès équitable et impartial ne peut être garanti ; que dès lors, en ne mentionnant pas quelle était la composition de la Cour lors du délibéré, la décision attaquée ne permet pas de contrôler la régularité de cette composition";

Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que les magistrats, composant la juridiction d'appel lors des débats, ont statué après en avoir délibéré conformément à la loi ; d'où il suit que le moyen manque en fait ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et du principe de légalité des délits et des peines, de l'article 111-3 du nouveau Code pénal, des articles L. 213-1 et L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 du Code de la consommation, 591 à 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables des délits de publicité mensongère et de tromperie sur la marchandise ;

"1°) aux motifs que, selon le procès-verbal dressé le 22 mai 1995 par le service de la répression des fraudes, les prévenus vendaient dans leur magasin des produits faisant explicitement référence à l'alimentation du sportif et présentant les étiquettes suivantes : 1) "supplément nutritionnel 100% naturel pour sportifs", "complément alimentaire pour sportif", "complément alimentaire de nutrition pour le sportif" dont la composition nutritionnelle était soit inconnue, soit erronée, par exemple : - teneur en vitamines pour 15,5 g au lieu de 10(7) g annoncés pour le produit A, - teneur en acides aminés du produit B pour 375 g au lieu des 100 g de protéine annoncés, - présence d'huile d'écorce de riz, et de triglycérides dans le produit B présenté comme ayant 0 % de matière grasse, - étiquetage nutritionnel du produit C totalement indéchiffrable, 2) - "100 % naturel", "les produits Z sont certifiés par le laboratoire pour leur pureté et leur efficacité" alors que les analyses du service de la répression des fraudes révélaient : - d'une part, que ces produits, élaborés après transformation et fractionnement des constituants d'aliments de base (le lait ou l'oeuf) pour en isoler la seule partie protéique, ou qui ont subi d'autres traitements, tels l'hydrolyse des protéines par voie enzymatique et la supplémentation en quantité importante de vitamines, minéraux et autres nutriments, ne peuvent prétendre au qualificatif de 100 % naturel, - d'autre part, que les produits contenant des hydrolysats de protéine ne justifiaient pas d'un dénombrement conforme aux exigences de l'arrêté du 21 décembre 1988, étant, par ailleurs relevé que les bulletins établis par un laboratoire américain du New Jersey ne présentaient aucune concordance avec les produits détenus dans le magasin ; que par "produits diététiques de l'effort" dont la teneur calorique et la composition sont fixées par l'arrêté du 20 juillet 1987, il faut entendre, aux termes de ce texte, "les produits alimentaires présentés comme répondant aux besoins nécessités par un effort physique particulier ou effectué dans des circonstances spéciales" ; que les étiquettes, dont le contenu est rappelé au 1 ci-dessus, font toutes référence aux "sportifs" donc à ceux qui font des "efforts physiques particuliers" ; que l'étiquette du produit C jointe au dossier (cote 6) mentionne que "bien que conçu spécialement pour les sportifs de haut niveau, C peut venir en aide à tous ceux qui se dépensent physiquement chaque jour, les adultes en activité de tous âges découvriront que C non seulement leur apportera l'énergie pour une journée de travail mais bien au-delà", et qu'ainsi, outre la référence au complément nutritif que tous les adultes peuvent utiliser, il est fait expressément référence aux "sportifs de haut niveau" à qui le produit est avant tout destiné ; que la plaquette signée de Francis Q éditée par "X" à l'occasion de la nouvelle année 1998, même si elle évoque la qualité de "centre de nutrition sportive", énumère bon nombre de champions sportifs qui "préfèrent (lui) confier leur préparation nutritionnelle", savoir, par exemple "Dominique Martino vainqueur du défi mondial de l'endurance", "Patrice Buet vainqueur de l'étape du tour de France", "Didier Miranda vainqueur de la Megève Mont-Blanc", etc... et fait expressément référence aux "exploits qu'ils ont accomplis", sous-entendu après absorption des produits de la société en cause ; qu'il en est de même pour la plaquette également éditée par "X" et jointe à son dossier, laquelle plaquette, si elle propose un "programme nutritionnel personnalisé", n'en fait pas moins référence aux sportifs de haut niveau énumérés par la plaquette précédente, et évoque, entre autres, la possibilité, en ingérant ses produits, de "favoriser vos performances en compétition" ; que les produits ayant fait l'objet du procès-verbal susvisés entrent donc bien dans la catégorie des produits diététiques de l'effort, contrairement à ce que prétendent les prévenus à l'audience ; qu'en ce qui concerne le produit B, présenté par la défense comme un exemple des erreurs commises par le verbalisateur - que le prévenu fait plaider, d'une part, l'existence d'une erreur de calcul du verbalisateur, lequel aurait fondé ses calculs sur 100 g de produit, et non sur 100 g de protéines, d'autre part, que ce produit est "de qualité loyale et marchande", ainsi qu'il est attesté par l'Institut Scientifique d'Hygiène Alimentaire " enfin, que l'erreur d'étiquetage sur la teneur en lipides provient d'une mauvaise traduction du mot "fat", qui dans les pays anglo-saxons signifie "mauvaises graisses", non contenues dans ledit produit ; que cependant, - même si l'on tient compte de l'analyse de l'Institut Scientifique d'Hygiène Alimentaire (cote B) du dossier de Maître Chevassus, il apparaît que la teneur en lipides de ce produit est de + ou - 3 % (0.57 g), alors qu'elle devrait être de 27 à 33 % selon l'arrêté du 20 juillet 1987 ; - la mention "produit de qualité loyale et marchande, conforme à la réglementation française en vigueur, de libre vente en France"ne permet certainement pas d'en conclure qu'il s'agit d'un produit "naturel" au sens de l'arrêté du 21 décembre 1988 relatif aux hydrolysats de protéine contenus dans ledit produit ; - les subtilités de la traduction du mot "fat" quant aux mauvaises graisses (que le produit ne contient surtout pas), et les bonnes graisses (qu'il contient évidemment), échappent certainement à la compréhension des acheteurs, fussent-ils sportifs de haut niveau ... ; qu'en conséquence, rien ne permet de mettre en doute la fiabilité des constatations et des conclusions du procès-verbal du service de la répression des fraudes ;

2°) alors que l'incrimination légale doit être précise ; que l'article 49 de l'arrêté du 20 juillet 1977 prévoit que sont soumis aux dispositions du décret du 24 janvier 1975 les "produits alimentaires présentés comme répondant aux besoins nécessités par un effort physique particulier ou effectué dans des circonstances spéciales" ; qu'une telle définition, qui se réfère à des besoins nécessités par l'effort physique particulier et aux circonstances spéciales, ne contient pas de précision sur le produit réglementé, de sorte que l'incrimination de la vente de tels produits est imprécise ; qu'en prononçant une condamnation sur un tel fondement, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

3°) alors que l'arrêté du 21 décembre 1988 ne définit pas le produit "naturel", mais prévoit, dans son annexe IV, que la qualité du lot est considérée comme conforme ou acceptable selon certaines valeurs observées ; qu'en affirmant, dès lors, que la mention "produit de qualité loyale et marchande, conforme à la réglementation française en vigueur, de libre vente en France" ne permet certainement pas d'en conclure qu'il s'agit d'un produit "naturel" au sens de l'arrêté du 21 décembre 1988 sans préciser pourquoi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

4°) alors que les énonciations des juges du fond ne sont souveraines qu'autant qu'elles ne comportent aucune contradiction de motifs ; qu'en acceptant de tenir compte de l'analyse de l'institut scientifique qui a attesté de la qualité loyale et marchande du produit, analyse de laquelle les prévenus déduisait les erreurs de l'agent verbalisateur, la cour d'appel a bien admis la thèse du doute sur les calculs opérés par cet agent ; qu'en décidant toutefois que "rien ne permettait de mettre en doute la fiabilité des conclusions et constatations du service de la répression des fraudes", la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt que les époux Q, gérants de fait et de droit de la société "X", sont poursuivis pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et publicité de nature à induire en erreur ;

Attendu que, pour les déclarer coupables des infractions, les juges relèvent, sur la tromperie, que les prévenus ont offert à la vente des produits étiquetés comme complément alimentaire pour sportif ; qu'ils en déduisent que ces produits ont été présentés comme répondant aux besoins nécessités par un effort particulier ou effectué dans des circonstances spéciales, au sens de l'article 49 de l'arrêté du 20 juillet 1977, et qu'ils sont, dès lors, soumis à la réglementation concernant les produits destinés à une alimentation particulière, en application de laquelle a été pris cet arrêté ; qu'ils énoncent que la composition nutritionnelle des produits en cause n'est pas conforme aux prescriptions des articles 50 et 51 de cet arrêté, relatives aux apports caloriques et en substances de protection ;

Attendu que l'arrêt retient, en ce qui concerne la publicité de nature à induire en erreur, que les prévenus ont annoncé sur l'étiquetage que les produits étaient "100% naturel" et "certifiés par le laboratoire pour leur pureté et leur efficacité", alors qu'en raison de leur mode d'élaboration, du traitement des ingrédients et de l'addition en quantité importante de vitamines et minéraux, ils ne pouvaient prétendre au qualificatif de naturel,que les demandeurs n'ont pas été en mesure de produire des certificats d'analyse de laboratoire correspondant aux produits venduset qu'au regard de la pureté bactériologique, les hydrolysats de protéine, entrant dans la composition de certains produits, n'avaient pas fait l'objet des vérifications analytiques prescrites par l'arrêté du 21 décembre 1988 ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des preuves contradictoirement débattues, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le principe de légalité des délits et des peines, a justifié sa décision ;d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.