Livv
Décisions

Cass. crim., 14 novembre 2000, n° 99-84.523

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Mazars

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan.

TGI Grasse, ch. corr., du 13 juin 1997

13 juin 1997

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Bernard, contre l'arrêt n° 316 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 29 avril 1999, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, escroquerie et infractions à la législation sur les loteries publicitaires l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, 5 ans d'interdiction d'exercice des fonction de direction d'une entreprise commerciale, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X coupable du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, et l'a condamné de ce chef, en le condamnant également à indemniser les parties civiles ;

"aux motifs que l'envoi publicitaire adressé par Bernard X indique sans équivoque aux clients qu'ils ont bien gagné un prix qui peut consister soit en une voiture de marque Renault Laguna, soit en une somme en espèces dont il n'est spécifié nulle part qu'elle puisse être inférieure à 150 000 francs ; que Bernard X ne peut se prévaloir du règlement officiel précisant que le grand prix du jeu est une Renault Laguna ou un chèque de 150 000 francs, et garantissant à chaque participant une remise de prix ne pouvant être inférieure à 5 francs, dès lors que ce règlement est imprimé à l'intérieur de l'enveloppe destinée à être jetée ; que cette publicité axée uniquement sur une loterie constituait un artifice de vente puisqu'elle n'avait pour objet que d'inciter les consommateurs à commander un lot "multi-marchandises" sans qu'il soit clairement indiqué qu'il s'agissait d'une commande ; que, dès lors, la publicité incriminée ne pouvait qu'induire en erreur un consommateur moyen tant sur la réalité de son gain à une loterie que sur la finalité réellement recherchée par l'annonceur ;

"alors, d'une part, que le caractère trompeur d'une publicité s'apprécie au regard du discernement d'un consommateur moyen, lequel est réputé lire le message publicitaire dans son intégralité ; que le rapprochement des mentions "Vous avez gagné un montant en espèces ou une Renault Laguna", "Grand prix Renault Laguna ou 150 000 francs, et : "(...) si le prix en espèces qui vous est attribué et autre que le grand prix" (...) fait apparaître sans ambiguïté qu'il s'agissait d'une loterie dans laquelle il n'y avait qu'un grand prix à gagner (Renault Laguna ou 150 000 francs), mais où chaque participant recevait néanmoins un prix "en espèces", étant précisé que le règlement officiel, figurant à l'intérieur de l'enveloppe et donc immédiatement visible lors de l'ouverture de celle-ci, ajoutait qu'il ne pouvait être inférieur à 5 francs ; que la seule certitude que le participant pouvait avoir était donc de recevoir 5 francs, de sorte qu'il n'y avait pas la moindre tromperie, cette somme ayant été réellement envoyée ; qu'en concluant néanmoins à l'existence d'une tromperie, la cour d'appel a dénaturé le message publicitaire et violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que l'organisation de loteries publicitaires pour promouvoir des ventes par correspondance, y compris pour écouler des stocks, n'est pas en soi illicite ; qu'en fondant sa déclaration de culpabilité sur le fait que la loterie ne constituait qu'un "artifice de vente" ayant pour objet "d'inciter les consommateurs à commander un lot surprise", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, enfin, que le message ainsi rédigé : "Urgent, un lot multi-marchandises est actuellement stocké dans notre entrepôt, prêt à être expédié par la route. Pour recevoir cet envoi de marchandises, veuillez répondre sous 10 jours", suivi d'indications relatives au contenu du colis, à sa valeur et au prix de vente (99 francs + 20 francs pour envoi rapide), était parfaitement clair et constituait manifestement une offre de vente ; qu'en concluant à l'existence d'une tromperie, au motif que le consommateur était induit en erreur sur la finalité de l'opération, la cour d'appel a violé les textes susvisés";

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X coupable d'escroqueries, et l'a condamné de ce chef, en le condamnant également à indemniser les parties civiles ;

"aux motifs que chacun des très nombreux envois publicitaires incriminés était rédigé de façon personnalisée ; que le recours massif à cette publicité personnalisée comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur a eu pour objet et résultat de donner force et crédit aux allégations faisant faussement croire au consommateur qu'il avait gagné à une loterie, et le déterminant à envoyer la somme de 119 francs ;

"alors, d'une part, que des messages publicitaires qualifiés d'allégations trompeuses ne constituent que de simples mensonges écrits, et ne sauraient, faute de faits extérieurs de nature à leur donner force et crédit, constituer des manœuvres frauduleuses constitutives du délit d'escroquerie ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité n'est pas légalement justifiée ;

"alors, d'autre part, que le caractère personnalisé de la publicité n'est pas un fait extérieur, pouvant donner force et crédit à des affirmations qualifiées de mensongères ; qu'il s'ensuit que, faute de manœuvres frauduleuses, le délit d'escroquerie ne pouvait être constitué ;

"alors, enfin, que le caractère intensif de la campagne publicitaire n'est pas un fait pouvant être perçu par le destinataire isolé comme pouvant donner force et crédit aux allégations qualifiées de trompeuses ; que, dès lors, le délit d'escroquerie, faute de manœuvres frauduleuses, ne pouvait être constitué";

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-36, L. 121-37 et L. 121-41 du Code de la consommation, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X coupable d'infractions à la législation sur les loteries publicitaires, et l'a condamné de ce chef, en le condamnant également à indemniser les parties civiles ;

"aux motifs que le bon de commande du lot "multi-marchandises" n'était pas nettement distinct du bon de participation à la loterie ; que le document envoyé ne comportait aucun renvoi au règlement ; que le règlement expliquant la façon de procéder pour participer à la loterie sans faire de commande se trouvait à un endroit quasi confidentiel (à l'intérieur de l'enveloppe) ; que, même si des clients ont effectivement pu participer sans commander, il n'en reste pas moins que cette loterie publicitaire ne répondait pas aux conditions posées par la loi ;

"alors qu'il n'y a pas de délit sans l'intention de le commettre ; qu'en se bornant à caractériser l'élément matériel du délit de non-respect de la législation sur les loteries publicitaires, sans constater que c'est de façon consciente, volontaire ou délibérée que Bernard X a méconnu cette législation, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit";

Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.