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Décisions

TPICE, 3e ch. élargie, 12 décembre 2000, n° T-296/97

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Alitalia - Linee aeree italiane SpA

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, Air Europe SpA, Air One SpA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenaerts

Juges :

MM. Azizi, Moura Ramos, Jaeger, Mengozzi

Avocats :

Mes Sciaudone, Roberti, Siragusa, Scassellati Sforzolini, Beretta, Moretti, Tizzano, Abate, Cappelli, Pierallini, Costantini, Merola.

TPICE n° T-296/97

12 décembre 2000

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES (troisième chambre élargie),

Faits à l'origine du litige

1. La requérante est une compagnie aérienne dont le capital était détenu, au 1er juillet 1996, à concurrence de 90 % environ, par la société financière d'État italienne Istituto per la ricostruzione industriale SpA (ci-après l'"IRI"), le reste étant détenu par des investisseurs privés.

2. La requérante occupe la cinquième place parmi les compagnies aériennes européennes en termes de passagers-kilomètres transportés, derrière British Airways, Lufthansa, Air France et KLM. Son chiffre d'affaires, de l'ordre de 7 830 milliards de lires italiennes (ITL) en 1996 (environ 4 milliards d'euros), est comparable à celui de SAS et légèrement inférieur à celui de Swissair. Si le réseau de la requérante couvre principalement l'Italie et l'Europe, il s'étend également à près de 40 dessertes intercontinentales situées en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Afrique, au Moyen-Orient et en Extrême-Orient.

3. La requérante possède des participations dans le capital d'autres compagnies aériennes. Ainsi, elle contrôle à 100 % la compagnie Avianova, transformée, au mois de juillet 1996, en Alitalia Team SpA (ci-après "Alitalia Team"), et détient des participations à hauteur de 45 % dans le capital de la compagnie charter Eurofly et de 27,61 % dans celui d'Air Europe. Au moment de l'introduction du recours, elle possédait encore une participation de 30 % dans la compagnie nationale hongroise Malev.

4. La requérante détient aussi un nombre limité de participations dans le capital de sociétés dont l'activité est connexe à celle du transport aérien. Toutefois, le transport aérien de passagers et de marchandises représente 92 % de l'ensemble du chiffre d'affaires du groupe.

5. Au début des années 90, la requérante a souffert d'une sous-capitalisation. Pendant cette même période, la requérante a dû faire face à des difficultés liées à la guerre du Golfe, à la récession des années 1992 et 1993 dans le secteur aérien et à la concurrence accrue découlant du processus de libéralisation du marché du transport aérien. Par voie de conséquence, la recette unitaire moyenne de la requérante (yield) a diminué de 22 % entre 1990 et 1995. Ces événements ont amené la requérante à réduire ses coûts et à améliorer sa productivité, notamment en réduisant les effectifs au sol. Ainsi, le coût d'exploitation par tonne-kilomètre offerte a diminué de 13 % et le nombre de tonnes-kilomètres offertes par employé s'est accru de 60 % pendant la période 1990-1995.

6. En dépit de ces efforts, la requérante n'a pu retrouver le chemin de la rentabilité. Son endettement est passé de 653 milliards de ITL en 1990 à 3 420 milliards en 1995, générant d'importants frais financiers.

7. Le 31 mars 1996, les pertes cumulées de la requérante atteignaient 905 milliards de ITL et le patrimoine net de la compagnie était réduit à 150 milliards. Cette situation a conduit la requérante à adopter, en juillet 1996, un plan de restructuration pour la période 1996-2000, accompagné du projet d'importantes injections de capital de la part de l'IRI.

8. Le plan de restructuration comprenait deux phases, une phase d'assainissement (1996-1997) et une phase de développement (1998-2000).

9. La phase d'assainissement visait à réduire les coûts d'exploitation de la requérante et à ramener à un niveau raisonnable le ratio "endettement sur fonds propres". Elle comprenait, en conséquence, un volet financier et un volet de gestion. Le volet de gestion tendait à rendre l'entreprise compétitive à court terme à travers la poursuite de trois objectifs principaux : la réduction des coûts, l'optimisation des recettes et la vente des activités non stratégiques.

10. En ce qui concerne en particulier la réduction des coûts, celle-ci serait réalisée par des améliorations de productivité et une modération salariale. L'accord auquel l'entreprise et les représentants syndicaux sont parvenus le 19 juin 1996 entraînerait, au cours de la période quinquennale 1996-2000, des économies de plus de 1 000 milliards de ITL. En contrepartie de cette baisse des charges salariales, le personnel de la requérante recevrait des actions Alitalia pour une valeur de 310 milliards de ITL (ce qui représente pour la compagnie un coût de 520 milliards de ITL avec les charges fiscales et les cotisations sociales), correspondant à l'économie annuelle réalisée à terme en matière de coût du travail. Le plan prévoit aussi la constitution d'une société autonome, entièrement contrôlée par la requérante, qui embaucherait le nouveau personnel de cabine à des conditions moins onéreuses. Cette nouvelle société, Alitalia Team, a été constituée le 23 juillet 1996.

11. Le volet financier du plan communiqué à la Commission en juillet 1996 prévoyait des injections de capital d'un montant total de 3 310 milliards de ITL : 1 500 milliards à apporter par l'IRI avant la fin de 1996, 1 500 milliards faisant l'objet d'une deuxième tranche à verser en 1997 et 310 milliards correspondant à la participation du personnel au capital de l'entreprise telle qu'indiquée au point 10 ci-dessus. Parmi les 1 500 milliards correspondant à la première tranche, 1 000 milliards avaient déjà été avancés à la requérante par l'IRI en juin 1996.

12. La phase de développement se fondait principalement sur la mise en service de la plate-forme de correspondances de Malpensa à partir de 1998. Selon le plan, le développement de l'aéroport de Malpensa permettrait à la requérante de se repositionner sur l'un des marchés les plus importants et les plus riches d'Europe : celui du nord de l'Italie. La création de la plate-forme de Malpensa s'accompagnerait d'une restructuration du terminal de l'aéroport de Rome-Fiumicino qui constituait, à l'époque, le pivot du réseau de la requérante. En outre, durant la phase de développement, la requérante entendait mettre en œuvre des services de navettes sur les liaisons intérieures italiennes les plus importantes, réorganiser son réseau international, développer une stratégie d'alliances avec des partenaires extérieurs et augmenter sa flotte.

Procédure administrative

13. Par lettre du 29 juillet 1996, les autorités italiennes ont informé la Commission du plan de restructuration. Il s'agissait, selon les autorités italiennes, d'un plan essentiellement destiné à préparer la privatisation de la requérante. Il ne contiendrait pas d'éléments d'aide.

14. Par courrier du 9 août 1996, la Commission a indiqué aux autorités italiennes que l'opération serait examinée au regard des dispositions de l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et dans le cadre de la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE).

15. La Commission a décidé, le 9 octobre 1996, d'ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité au sujet des augmentations de capital prévues par le plan. Elle en a informé les autorités italiennes par une lettre du 21 octobre 1996, qui a fait l'objet d'une communication publiée, le 16 novembre 1996, au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 346, p. 13, ci-après la "communication du 16 novembre 1996").

16. Dans la communication du 16 novembre 1996, la Commission a expliqué que l'ouverture de la procédure était motivée par la nature des injections de capital effectuées par l'IRI, qui peuvent être qualifiées de ressources d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, et par les doutes sérieux de la Commission au sujet de :

- l'existence d'une aide, compte tenu des faibles chances de rémunérer d'une manière satisfaisante l'effort financier de l'IRI ;

- la possibilité d'accorder à une aide éventuelle le bénéfice de l'une des dérogations prévues par l'article 92, paragraphes 2 et 3, du traité.

17. La Commission a fait appel à une entreprise de consultants indépendante (Ernst & Young) afin de recueillir des informations sur plusieurs questions sur lesquelles elle avait exprimé des doutes.

18. Par courrier du 21 novembre 1996, les autorités italiennes ont présenté leurs observations concernant l'ouverture de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

19. Les Gouvernements britannique, danois, norvégien et suédois, huit compagnies aériennes concurrentes de la requérante et deux associations ont présenté des observations à la suite de l'ouverture de la procédure.

20. Le 11 décembre 1996, les consultants de la Commission ont remis un rapport sur le plan initial. Ils estiment que le plan de restructuration s'apparente davantage à un turnaround plan (ci-après "plan de redressement") qu'à un business plan (ci-après "plan stratégique"), de sorte que le taux annuel de rendement minimal requis ou hurdler rate (ci-après le "taux minimal") par un investisseur dans une telle situation s'échelonnerait entre 30 et 40 %. Le taux de rendement interne (ci-après le "taux interne") de l'injection de capital de 3 000 milliards de ITL, tel qu'il a été recalculé après un ajustement des éléments présentés par la requérante, varie entre - 12,5 % et + 25,7 % en fonction des différents scénarios retenus (inclusion ou exclusion des coûts d'insolvabilité, financement du programme de mises à la retraite anticipée par l'État ou par la compagnie, hypothèses divergentes sur le taux de croissance des flux de trésorerie après l'an 2000 et sur la part détenue par l'IRI dans le capital de la requérante à l'horizon 2000). Il reste donc, selon les consultants, inférieur au taux minimal compte tenu des risques encourus par l'investisseur.

21. Dans leur rapport, les consultants de la Commission soutiennent aussi que le programme de mises à la retraite anticipée prévu en faveur des employés de la requérante, à la charge du budget de l'État italien pour un montant de quelque 160 milliards de ITL, pourrait inclure des éléments d'aide d'État.

22. Le rapport des consultants a été communiqué au Gouvernement italien le 12 décembre 1996. Dans un document daté du 20 décembre 1996, les autorités italiennes ont formulé des observations sur ce rapport.

23. Les commentaires des États et des tierces parties intéressées, déposés à la suite de la communication du 16 novembre 1996, ont aussi été transmis aux autorités italiennes, qui y ont répondu par lettre du 15 janvier 1997. Dans cette lettre, les autorités italiennes soulignent encore une fois que le plan de restructuration de la requérante ne comprend aucun élément d'aide d'État.

24. Sur la base de l'ensemble des informations en sa possession et notamment du rapport fourni par les consultants, le 11 décembre 1996, la Commission a informé les autorités italiennes et les dirigeants de la requérante, par une lettre du 22 janvier 1997, que le plan de restructuration de la compagnie n'apparaissait pas suffisant pour envisager l'adoption d'une décision positive et qu'il s'avérait indispensable d'obtenir des éléments d'information supplémentaires afin d'examiner les adaptations nécessaires. Une réunion s'est, à cet égard, tenue à Rome le 24 janvier 1997 entre la Commission, la requérante et leurs consultants respectifs.

25. Au cours du mois de février 1997, la requérante a remis à la Commission une version adaptée du plan de restructuration. Il comportait principalement les éléments suivants :

- une réduction, dès 1997, de près de 10 % du nombre de liaisons et de fréquences exploitées par la requérante, le total des vols ainsi supprimés s'établissant à quelque 27 000 par an ;

- le maintien de la flotte au niveau existant jusqu'à la fin du plan de restructuration ;

- la diminution du montant total de l'augmentation de capital prévue de 3 000 milliards à 2 800 milliards de ITL en raison, essentiellement, d'une réduction des investissements ;

- la cession des parts que la requérante détient dans le système de réservations Galileo ;

- l'alignement de la méthode d'amortissement des aéronefs sur celle appliquée par les autres grandes compagnies communautaires.

26. Le 21 février 1997, les consultants de la Commission ont remis un projet de rapport sur le plan modifié. Ce projet conclut que, si le plan de février 1997 semble effectivement plus prudent que le plan initial et présente un caractère beaucoup moins expansionniste, il repose encore sur plusieurs hypothèses optimistes. Les consultants sont, en conséquence, d'avis que le taux minimal ne saurait être inférieur à 30 % en raison de la persistance de risques importants liés à l'opération. Toujours selon les consultants, ce taux reste largement supérieur au taux interne bien que celui-ci, qui se situe entre 13,2 et 26,9 %, ait été sensiblement amélioré par les adaptations effectuées.

27. Les autorités italiennes ont présenté des commentaires sur le projet de rapport des consultants du 21 février 1997, dans un document remis à la Commission le 25 mars 1997 ainsi que dans un courrier du 3 avril 1997.

28. Au cours d'une réunion qui s'est tenue à Bruxelles le 8 avril 1997 entre la Commission et la requérante, cette dernière s'est déclarée prête à prendre à sa charge les coûts directs afférents au programme de mises à la retraite anticipée si la Commission considérait que l'opération répondait au critère de l'investisseur en économie de marché (lettre de la requérante à la Commission du 15 avril 1997). Par lettre du 17 avril 1997, le ministère des Transports italien a encore confirmé que "Alitalia avait indiqué à la Commission européenne qu'elle était disposée à prendre en charge la totalité du programme de mises à la retraite anticipée s'étalant sur la période 1995-1997, si telle est la condition pour voir l'augmentation de capital approuvée en tant qu'opération répondant au critère de l'investisseur en économie de marché".

29. Par courrier du 18 avril 1997, la Commission a indiqué à la requérante et au Gouvernement italien qu'elle n'était pas en mesure d'adopter une décision positive fondée sur le principe de l'investisseur en économie de marché dans cette affaire. Postérieurement à cette correspondance, plusieurs réunions se sont déroulées entre les autorités italiennes, la requérante et la Commission.

30. En vue de la réunion du 16 mai 1997, la Commission a remis à la requérante, le 14 mai 1997, un document informel contenant, d'une part, des orientations envisageables pour améliorer le plan de restructuration de cette dernière afin d'atteindre un degré raisonnable de certitude quant à sa viabilité et, d'autre part, des indications des conditions auxquelles serait subordonnée l'autorisation d'une aide d'État à la requérante. Une des "questions à résoudre" mentionnée par ce document était "le traitement des coûts de départs en préretraite" Il précisait dans ce cadre : "Le Gouvernement italien doit donner l'assurance que ces coûts seront pris en charge directement par Alitalia pour la période 1995-2001 inclus. Les sommes déjà versées à ce titre par l'État italien lui seront remboursées avec les intérêts avant la décision de la Commission."

31. Les réunions qui ont eu lieu en mai et juin 1997 portaient, notamment, sur les modifications suivantes du plan de restructuration :

- une accélération du processus de réduction des coûts de travail par un transfert de personnel de la requérante vers Alitalia Team plus rapide que ce qui était précédemment envisagé ;

- une réduction du montant de l'augmentation de capital prévue à 2 750 milliards de ITL. De plus, l'augmentation de capital serait divisée en trois tranches : la première, d'un montant de 2 000 milliards de ITL (y compris les 1 000 milliards octroyés à titre d'avance en juin 1996), à verser immédiatement après l'adoption d'une décision positive ; la deuxième, d'un montant de 500 milliards de ITL, à verser en mai 1998 ; la troisième, d'un montant de 250 milliards de ITL, à verser en mai 1999 ;

- la cession des parts détenues par la requérante dans la compagnie hongroise Malev ainsi que dans six aéroports régionaux italiens (Gênes, Naples, Rimini, Florence, Lamezia Terme et Turin).

32. Le 18 juin 1997, les consultants de la Commission ont remis un rapport à celle-ci sur le plan de restructuration modifié. Il s'agit de la version définitive du rapport du 21 février 1997 (voir ci-dessus point 26).

33. Le 26 juin 1997, les autorités italiennes ont transmis à la Commission la version définitive du plan de restructuration de la requérante, "qui contient les adaptations supplémentaires demandées par la Commission". Le plan définitif comprend toutes les adaptations décrites au point 31 ci-dessus. Dans sa lettre du 26 juin 1997, "le Gouvernement italien reconnaît que le plan [de restructuration] s'accompagne de mesures d'aides d'État" et s'engage à respecter certaines conditions.

34. Le 4 juillet 1997, les consultants de la Commission ont remis un rapport complémentaire qui prend en considération les dernières modifications apportées au plan de restructuration ainsi que la lettre des autorités italiennes du 26 juin 1997. Dans leur rapport, les consultants concluent que "le plan ne contient pas d'éléments de nature à le rendre irréaliste [...], qu'il peut être considéré comme viable et qu'il autorise la compagnie à retrouver une rentabilité satisfaisante". Ils considèrent, en outre, que le montant de l'injection de capital "peut être considéré comme indispensable et adéquat au regard des objectifs du plan et des besoins générés par l'effort de restructuration".

35. Le 4 juillet 1997, la requérante a crédité la somme de 56,6 milliards de ITL sur un compte bloqué ouvert auprès de la Banca nazionale del lavoro, en exécution de l'engagement pris par le Gouvernement italien à l'égard de la Commission concernant le programme de mises à la retraite anticipée. Le 14 juillet 1997, elle a désigné deux notaires de Rome en qualité de séquestres avec mission de verser cette somme à l'État italien à titre de restitution des incitations à la retraite anticipée versées à 700 salariés au cours de la période 1995-1997.

Décision attaquée

36. Le 15 juillet 1997, la Commission a adopté la décision 97-789-CE concernant la recapitalisation de la compagnie Alitalia (JO L 322, p. 44, ci-après la "décision attaquée"), qui peut être résumée comme suit.

37. Après avoir décrit la situation financière préoccupante dans laquelle la requérante se trouvait en 1996, qui a donné lieu à l'adoption du plan de restructuration, la Commission décrit les lignes de ce plan et les modifications qui y ont été apportées au cours de la procédure administrative.

38. La Commission relève que, au cours de ses négociations avec le Gouvernement italien, ce dernier a formulé une série d'engagements concernant la mise en œuvre du plan de restructuration de la requérante. Ces engagements sont repris, sous forme de conditions, dans le dispositif de la décision attaquée.

39. La Commission estime que la dotation en capital d'un montant total de 2 750 milliards de ITL que l'IRI se propose d'effectuer au profit de la requérante constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après l'"accord EEE"). La décision attaquée mentionne, à cet effet, que "le [taux interne] de l'investissement de 2 750 milliards [de ITL] dans le capital d'Alitalia s'établit pour l'IRI à un pourcentage proche de 20 %, en tenant compte de la prise en charge directe par Alitalia du coût des départs en préretraite. Ce [taux interne] reste en dessous du [taux minimal] qu'exigerait un investisseur agissant selon les lois du marché pour procéder à l'apport en capital en question. Dans ces conditions, la Commission est d'avis qu'il n'est pas satisfait en l'espèce au principe de l'investisseur en économie de marché" (point VII, huitième alinéa).

40. Après avoir exclu l'application d'autres dispositions dérogatoires du traité et de l'accord EEE, la Commission vérifie dans quelle mesure il est satisfait aux critères fixés par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et par l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE.

41. À cet effet, elle examine si l'augmentation du capital de la requérante de 2 750 milliards de ITL remplit les différentes conditions prévues dans la communication de la Commission concernant l'application des articles 92 et 93 du traité et de l'article 61 de l'accord EEE aux aides d'État dans le secteur de l'aviation (JO 1994, C 350, p. 5, ci-après la "communication pour l'aviation").

42. La Commission constate que l'objectif du plan de restructuration dont les autorités italiennes se sont engagées à assurer une complète mise en œuvre consiste à restaurer la compétitivité de la requérante et à permettre sa privatisation. Selon la Commission, l'augmentation de capital se traduira par une forte réduction de l'endettement et par une structure financière comparable à celle de la plupart des concurrents de la compagnie. La Commission ajoute que le plan est en lui-même suffisant pour garantir la survie et la prospérité de la requérante. En outre, la Commission estime que l'ensemble des engagements pris par les autorités italiennes répond aux préoccupations qu'elle a exprimées lors de l'ouverture de la procédure administrative.

43. La Commission est d'avis que l'aide n'entraînera pas une surcapitalisation de la requérante. Le montant total de 2 750 milliards de ITL s'avérerait, en effet, nécessaire à la fois pour couvrir les coûts de la restructuration prévue par le plan, estimés à 900 milliards de ITL, et pour réduire à un niveau raisonnable l'endettement de la compagnie, lequel atteignait 3 420 milliards de ITL à la fin de l'année 1995 contre 422 milliards de capitaux propres. La Commission considère, en outre, qu'il ne ressort pas des éléments en sa possession que l'octroi de l'aide puisse aboutir à un résultat qui serait contraire à des dispositions du traité.

44. Enfin et de façon générale, s'agissant de l'intérêt communautaire, la Commission estime que "la recapitalisation et la restructuration d'Alitalia contribueront au développement de l'activité du secteur du transport aérien à l'intérieur de la Communauté et de l'EEE dès lors notamment que, d'une part, Alitalia apparaît comme le principal transporteur dans une importante partie de la Communauté, d'autre part, l'existence de plusieurs grandes compagnies communautaires constitue une garantie du maintien d'une situation de concurrence équilibrée" (décision attaquée, point VIII, dernier alinéa).

45. Aux termes de l'article 1er de la décision attaquée, l'aide accordée par l'État italien à la requérante sous la forme d'une dotation en capital d'un montant total de 2 750 milliards de ITL visant à assurer la restructuration de la compagnie conformément au plan communiqué à la Commission le 29 juillet 1996 et adapté le 26 juin 1997 est considérée comme compatible avec le Marché commun et l'accord EEE en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE, à condition que les autorités italiennes respectent dix engagements énumérés dans ledit article. La Commission regrette toutefois que, en méconnaissance de l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE), le Gouvernement italien ait accordé à la requérante en juin 1996 une avance de 1 000 milliards de ITL, à valoir sur la première tranche de 2 000 milliards de ITL.

46. L'article 2 de la décision attaquée subordonne le versement des deuxième (500 milliards de ITL) et troisième (250 milliards de ITL) tranches de l'aide au respect de ces engagements et à la réalisation effective du plan de restructuration ainsi que des résultats prévus dans ce plan. Il est enjoint au Gouvernement italien de soumettre à la Commission, avant la libération des deuxième et troisième tranches d'aide en mai 1998 et en mai 1999, un rapport permettant à la Commission de formuler des observations avec l'assistance d'un consultant indépendant.

47. L'article 3 de la décision attaquée dispose que les engagements et conditions visés à l'article 1er concernent tant la requérante qu'Alitalia Team.

48. La décision attaquée a été notifiée au Gouvernement italien par lettre du 31 juillet 1997 et a été publiée au Journal officiel du 25 novembre 1997.

Procédure et conclusions des parties

49. Par requête déposée au greffe du Tribunal, le 26 novembre 1997, la requérante a introduit un recours en annulation de la décision attaquée.

50. Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 1997, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité en vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

51. Par ordonnance du 15 juillet 1998, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé de joindre au fond cette exception.

52. Par ordonnance du président de la troisième chambre élargie du Tribunal du 18 mai 1999, Air Europe, Air One et Lauda Air ont été admises à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission. Toutefois, par ordonnance du président de la troisième chambre élargie du Tribunal du 1er février 2000, Lauda Air a été radiée comme partie intervenante.

53. Par lettre du 16 juillet 1999, Air One a informé le greffe du Tribunal qu'elle n'envisageait pas de déposer des observations écrites. Air Europe a déposé son mémoire en intervention le 11 octobre 1999, au sujet duquel les parties principales ont présenté leurs observations.

54. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure, a posé différentes questions écrites, auxquelles il a été répondu dans le délai imparti.

55. Les parties principales ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal, lors de l'audience qui s'est déroulée le 27 juin 2000. Les parties intervenantes Air Europe et Air One ne se sont pas présentées à l'audience, à laquelle elles avaient été convoquées.

56. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée dans son intégralité ;

- à titre subsidiaire,

- annuler les conditions de l'autorisation de l'aide visées à l'article 1er, points 2 à 8, de la décision attaquée ;

- annuler la condition lui imposant de prendre à sa charge les frais découlant du régime de mises à la retraite anticipée prévu par le décret n° 546-1996 ;

- condamner la Commission aux dépens.

57. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- déclarer le recours irrecevable ou dénué de fondement ;

- condamner la requérante aux dépens.

58. Air Europe conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- accueillir les conclusions de la Commission ;

- condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par la partie intervenante.

Sur la recevabilité

59. À l'appui de son exception d'irrecevabilité, la Commission soutient que la requête a été introduite tardivement. Elle rappelle qu'il ressort d'une jurisprudence constante, d'une part, qu'il appartient à celui qui a connaissance de l'existence d'un acte qui le concerne d'en demander le texte intégral dans un délai raisonnable et, d'autre part, que le délai de recours commence à courir à partir du moment où le tiers concerné a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l'acte en cause de manière à pouvoir faire fruit de son droit de recours (arrêt de la cour du 6 juillet 1988, Dillinger Hüttenwerke/Commission, 236-86, Rec. p. 3761 ; ordonnance de la cour du 5 mars 1993, Ferriere Acciaierie Sarde/Commission, C-102-92, Rec. p. I-801, point 19 ; conclusions de l'avocat général M. Cosmas sous l'arrêt de la cour du 19 février 1998, Commission/Conseil, C-309-95, Rec. p. I-655, I-657, points 35 et 38 ; arrêt du Tribunal du 19 mai 1994, Consorzio gruppo di azione locale "Murgia Messapica"/Commission, T-465-93, Rec. p. II-361).

60. Quant à la connaissance exacte par la requérante du contenu et de la motivation de la décision attaquée, il ressortirait d'une lettre du 1er août 1997 de la représentation permanente italienne à la Commission se rapportant aux informations confidentielles contenues dans la décision attaquée et concernant la requérante que celle-ci a dû avoir, à cette époque, une connaissance du texte intégral de la décision attaquée. Cette connaissance exacte du contenu et des motifs de ladite décision ressortirait encore de la lettre de la requérante adressée à la représentation permanente italienne, le 9 septembre 1997. À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que la requérante n'a pas demandé communication de la décision attaquée dans un délai raisonnable. La Commission rappelle qu'elle a diffusé un communiqué de presse le 15 juillet 1997. Comme il y avait des raisons impératives dictées par l'urgence de la réalisation du plan de restructuration, la requérante aurait dû demander immédiatement communication de la décision attaquée, en s'adressant, le cas échéant, aux services de la Commission.

61. À cet égard, le Tribunal rappelle que, conformément au libellé même de l'article 173, cinquième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, cinquième alinéa, CE), le critère de la date de prise de connaissance de l'acte attaqué en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification (arrêt de la cour du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C-122-95, Rec. p. I-973, point 35 ; arrêt du Tribunal du 6 octobre 1999, Salomon/Commission, T-123-97, Rec. p. II-2925, point 42).

62. Il y a lieu de rappeler que la Commission s'est engagée à publier au Journal officiel, série L, le texte complet des décisions d'autorisations conditionnelles des aides d'État prises, comme en l'espèce, à l'issue de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité [voir "Règles applicables aux aides d'État", Droit de la concurrence dans les Communautés européennes, volume II A, 1995, p. 43, point 53, et p. 55, point 90, sous d)].

63. En l'espèce, la Commission n'a pas notifié la décision attaquée à la requérante. La décision attaquée ayant fait l'objet d'une publication au Journal officiel du 25 novembre 1997, c'est cette dernière date qui a fait courir le délai à l'égard de la requérante.

64. Il s'ensuit que le présent recours, déposé le 26 novembre 1997, a été introduit dans le délai prévu à l'article 173, cinquième alinéa, du traité.

65. Il y a donc lieu d'écarter l'argumentation développée à l'encontre de la recevabilité du recours.

Sur le fond

66. La requérante invoque trois moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré d'une application erronée par la Commission du principe de l'investisseur en économie de marché (ci-après le "critère de l'investisseur privé"). Le deuxième moyen est tiré du caractère excessif des conditions imposées par l'article 1er de la décision attaquée. Le troisième moyen est pris d'une violation des droits de la défense.

Sur le moyen tiré d'une application erronée du critère de l'investisseur privé

Observations liminaires

67. Il doit être rappelé d'abord que l'IRI, qui a procédé à la recapitalisation de la requérante, est une société financière d'État italienne. La requérante ne conteste pas que les pouvoirs publics italiens ont directement participé à l'augmentation du capital prévu dans son plan de restructuration. Toutefois, elle soutient que la Commission a erronément qualifié d'aide d'État l'apport de capital de l'IRI à concurrence de 2 750 milliards de ITL. La requérante estime, en effet, que l'investissement de l'IRI respecte le critère de l'investisseur privé ou, en d'autres termes, que, dans des conditions similaires, un investisseur privé aurait été amené à procéder à un apport financier d'une telle importance.

68. Il y a donc lieu d'apprécier, en l'espèce, si la Commission a pu conclure à bon droit que l'apport de capital de 2 750 milliards de ITL que l'IRI se proposait d'effectuer au moment de l'adoption de la décision attaquée, et qui avait déjà été partiellement versé à ce moment (voir ci-dessus point 11), constituait une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

69. Le moyen comporte trois branches. Dans la première branche, la requérante fait valoir que l'investissement de l'IRI respecte en soi le critère de l'investisseur privé du fait d'une participation d'investisseurs privés à son capital. Dans la deuxième branche, la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation dans le calcul du taux minimal et du taux interne entraînant une violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité et du principe d'égalité de traitement et n'a pas suffisamment motivé sa décision à cet égard. Dans la troisième branche, la requérante dénonce l'approche purement mathématique par la Commission du critère de l'investisseur privé en violation des principes de la communication de la Commission, du 13 novembre 1993, aux États membres sur l'application des articles 92 et 93 du traité CEE et de l'article 5 de la directive 80-723-CEE de la Commission aux entreprises publiques du secteur manufacturier (JO C 307, p. 3).

70. Sans formellement contester la recevabilité du présent moyen, la Commission estime que la requérante ne saurait remettre en question la qualification de l'apport de capital de l'IRI d'aide d'État, dès lors que les autorités italiennes elles-mêmes, dans leur lettre du 26 juin 1997, ont reconnu que le financement du plan de restructuration de la requérante par l'IRI comporte des éléments d'aide (voir ci-dessus point 33).

71. À cet égard, il y a lieu d'abord de replacer cette déclaration du 26 juin 1997 dans son contexte. Dans leur lettre à la Commission du 29 juillet 1996 (voir ci-dessus point 13), les autorités italiennes avaient soutenu que l'investissement prévu par l'IRI dans le capital de la requérante ne constituait pas une aide d'État, car il satisfaisait, selon elles, au critère de l'investisseur privé. Jusqu'au 26 juin 1997, les autorités italiennes ont maintenu cette position [lettre du ministère des Transports italien à la Commission du 23 décembre 1996, lettre des autorités italiennes à la Commission du 15 janvier 1997 (décision attaquée, point IV, onzième et dernier alinéas), document remis par les autorités italiennes à la Commission le 25 mars 1997 (décision attaquée, point VI, troisième alinéa), lettre des autorités italiennes à la Commission du 3 avril 1997 (décision attaquée, point VI, troisième alinéa)]. En outre, tout au long de la procédure administrative, la requérante a fait valoir que l'investissement de l'IRI satisfaisait au critère de l'investisseur privé.

72. Ce n'est qu'à la fin de la procédure administrative que les autorités italiennes ont reconnu que le plan comportait des éléments d'aide en vue d'obtenir une décision d'approbation de la part de la Commission et de pouvoir procéder à l'apport de capital. En effet, il ressort de la lettre du 26 juin 1997 que les autorités italiennes ont fait cette déclaration "aux fins de réaliser la recapitalisation d'Alitalia" ("allo scopo di conseguire la ricapitalizzazione dell'Alitalia").

73. En tout état de cause, l'exercice par la Commission de ses compétences en vertu de l'article 92, paragraphe 3, du traité présuppose l'existence d'une mesure d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Dès lors, indépendamment de la qualification donnée par l'État membre concerné à la mesure notifiée, la Commission est tenue, avant d'adopter une décision en vertu de l'article 92, paragraphe 3, du traité, de vérifier si la mesure constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

74. Or, en l'espèce, le fait que la Commission a qualifié d'aide d'État, dans la décision attaquée, l'investissement de l'IRI dans le capital de la requérante fait manifestement grief à cette dernière. En effet, cette qualification a permis à la Commission d'examiner, dans la décision attaquée, la compatibilité de la mesure avec le Marché commun et d'imposer des conditions affectant directement les opérations de la requérante. En plus, cette qualification a amené la Commission à constater une violation de l'article 93, paragraphe 3, du traité et, partant, l'illégalité du versement de 1 000 milliards de ITL effectué en juin 1996.

75. Il s'ensuit donc que la requérante est en droit de soumettre au contrôle du juge communautaire la qualification que la Commission a portée dans la décision attaquée sur l'investissement de l'IRI. L'argumentation de la Commission doit donc être rejetée et il y a lieu d'examiner le bien-fondé des différentes branches du présent moyen.

Première branche : la participation d'investisseurs privés à la recapitalisation

76. La requérante soutient que la participation des investisseurs privés dans l'effort de sa recapitalisation démontre en soi que cette recapitalisation respecte le critère de l'investisseur privé. La Commission aurait méconnu ce point d'une manière manifeste. La décision attaquée mentionne en effet qu'"aucun investisseur privé ne participe [...] à l'augmentation de capital en question d'un montant total de 2 750 milliards [de ITL]" (point VII, cinquième alinéa).

77. D'une part, la requérante rappelle que les salariés de la compagnie, qui sont des investisseurs privés, avaient accepté de souscrire à l'augmentation de capital pour un montant égal à 310 milliards de ITL, ce qui représente environ 20 % de son capital. D'autre part, elle relève qu'elle est une société cotée à la Bourse des valeurs italienne dans laquelle les actionnaires privés détenaient déjà 13,6 % du capital au 1er juillet 1996. Elle insiste sur le fait que, en vertu du droit italien, les actions qui n'ont pas fait l'objet d'une option par les actionnaires existants doivent être offertes en bourse. Eu égard au fait que l'IRI, à l'exception de l'avance de 1 000 milliards déjà versés au 1er juillet 1996, se serait simplement déclaré disposé à participer aux différentes phases de la recapitalisation de la requérante, l'IRI ne souscrirait dans son intégralité à l'augmentation de capital prévue que dans l'hypothèse où aucune personne privée ne participerait à celle-ci.

78. En outre, le Gouvernement italien aurait exprimé sa ferme intention de procéder à la privatisation de la requérante à brève échéance, une fois obtenue l'autorisation d'augmenter le capital (lettre du 20 décembre 1996 du président du Conseil de ministres italien au président de la Commission ; annexe 13 à la requête), en supprimant, au cours de l'année 1996, la disposition légale prévoyant que 51 % du capital de la compagnie doivent être détenus par le secteur public.

79. La requérante explique ensuite que l'IRI lui a versé 2 000 milliards de ITL (1 000 milliards en juin 1996 et 1 000 milliards en 1997). L'IRI aurait ensuite perçu le produit de la vente de 18,4 % du capital de la compagnie à des investisseurs privés pour un montant de 787 milliards de ITL environ. Une autre augmentation du capital qui a été souscrit à concurrence de 1 000 milliards par des investisseurs privés aurait été décidée en janvier 1998. La requérante soutient dès lors que, même sans tenir compte de l'apport des salariés, l'investissement total de l'IRI (1 213 milliards de ITL) dans sa restructuration est inférieur à l'apport des actionnaires privés (1 787 milliards de ITL). La requérante ajoute que, au moment du dépôt de la réplique, l'IRI détenait 53 % de son capital et les actionnaires privés 47 %. Enfin, la requérante souligne que le succès de la participation privée dans l'augmentation de son capital a été tel que le versement par l'IRI des deuxième (500 milliards de ITL) et troisième (250 milliards de ITL) tranches autorisées par la décision attaquée n'ont pas eu lieu. Elle se réfère encore au rapport des consultants de la Commission du 27 mai 1998 dans lequel ceux-ci observent que "le montant investi par l'IRI s'est avéré inférieur et la rentabilité proportionnellement supérieure aux prévisions du plan". La Commission aurait donc commis une erreur manifeste dans l'appréciation du plan de restructuration dans la mesure où ce dernier, dès sa première version, et compte tenu de la situation existante à l'époque et des développements prévisibles à court terme, aurait été apte à satisfaire au critère de l'investisseur privé.

80. Le Tribunal rappelle que le critère relatif au comportement d'un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché est une émanation du principe d'égalité de traitement entre les secteurs public et privé, principe selon lequel les capitaux mis à la disposition d'une entreprise, directement ou indirectement, par l'État, dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché, ne sauraient être qualifiés d'aides d'État(arrêt de la cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303-88, Rec. p. I-1433, ci-après l'"arrêt ENI-Lanerossi", point 20 ; arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Air France/Commission, T-358-94, Rec. p. II-2109, point 70).

81. Il doit ainsi être considéré qu'un apport de capitaux sur fonds publics satisfait au critère de l'investisseur privé et n'implique pas l'octroi d'une aide d'État, entre autres, si cet apport a lieu concomitamment avec un apport significatif de capital de la part d'un investisseur privé effectué dans des conditions comparables(voir, en ce sens, arrêt Air France/Commission, cité au point 80 ci-dessus, points 148 et 149).

82. En ce qui concerne d'abord la participation des salariés au capital de la requérante, la Commission a pu raisonnablement décider qu'elle "ne saurait être [...] prise en considération dès lors qu'elle intervient dans des conditions très différentes" de celles de l'apport de l'IRI (décision attaquée, point VII, cinquième alinéa).

83. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'accord qui a été conclu le 19 juin 1996, les salariés de la requérante ont donné leur consentement à une modération salariale. En contrepartie, les salariés allaient recevoir des actions d'Alitalia pour un montant total de 310 milliards de ITL correspondant à l'économie annuelle réalisée à terme en matière de coût du travail.

84. Dans ces circonstances, la prise de participation des salariés dans le capital de la requérante, qui a effectivement eu lieu, ne démontre pas, en soi, que l'apport de capital effectué par l'IRI satisfait au critère de l'investisseur privé. Il doit être souligné, à cet égard, que le comportement d'un investisseur privé en économie de marché est guidé par des perspectives de rentabilité(arrêts de la cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305-89, Rec. p. I-1603, ci-après l'"arrêt Alfa Romeo", point 20, et du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278-92, C-279-92 et C-280-92, Rec. p. I-4103, points 20 à 22 ; arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission, T-126-96 et T-127-96, Rec. p. II-3437, point 79). Or, la prise de participation des salariés a été inspirée par des considérations de maintien d'emploi et donc, surtout, par des considérations de viabilité et de survie de la requérante plutôt que par des perspectives de rentabilité.

85. En ce qui concerne, ensuite, la participation d'investisseurs privés, la Commission a considéré dans la décision attaquée : "À supposer même que la part [...] du capital d'Alitalia détenue par des investisseurs privés puisse être considérée comme présentant une signification économique réelle, aucun investisseur privé ne participe en tout état de cause à l'augmentation de capital en question d'un montant de 2 750 milliards [de ITL]." (Point VII, cinquième alinéa.)

86. Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d'un recours en annulation en vertu de l'article 173 du traité, la légalité d'un acte communautaire doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l'acte a été adopté. En particulier, les appréciations complexes portées par la Commission doivent être examinées en fonction des seuls éléments dont celle-ci disposait au moment où elle les a effectuées (arrêt de la cour du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C-288-96, non encore publié au Recueil, point 34 ; arrêts du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T-371-94 et T-394-94, Rec. p. II-2405, point 81, et Salomon/Commission, cité au point 61 ci-dessus, point 115).

87. Or, tout au long de la procédure administrative, les autorités italiennes et la requérante se sont fondées, aux fins du calcul du rendement de l'investissement, sur l'hypothèse selon laquelle l'IRI allait souscrire seul aux augmentations de capital prévues.

88. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le plan initial prévoyait une injection de capital de 3 000 milliards de ITL à effectuer par l'IRI et une participation à concurrence de 310 milliards de ITL dans le capital de la part des salariés de la requérante. Vu la part déjà détenue par les actionnaires minoritaires, il était estimé que la part de l'IRI dans le capital, à la fin de l'opération, serait d'environ 80 %. Ce point a d'ailleurs été confirmé dans la réponse des autorités italiennes du 6 septembre 1996 à une demande d'informations de la Commission, dans laquelle il est expliqué :

"Pour simplifier le calcul, on est parti de l'hypothèse que, à l'issue du processus de recapitalisation, les actionnaires minoritaires actuels détiendront une partie très faible du capital de la compagnie. Les salariés recevront des actions en contrepartie des réductions salariales et des augmentations de productivité. Dans ce contexte, on peut prévoir que les salariés détiendront 20 % des actions environ et l'IRI, les 80 % restants."

89. Il y a encore lieu d'ajouter que, selon la requérante, une participation de l'IRI dans son capital à concurrence de 80 % à la fin de sa restructuration était une estimation minimale. La requérante a expliqué au cours d'une présentation qu'elle a faite à la direction générale Transport (DG VII), le 23 octobre 1996 : "[L]'hypothèse de 80 % constitue le scénario le plus pessimiste." Au cours de cette même présentation, elle a, en outre, affirmé : "la présence des actionnaires minoritaires existants (environ 10 % actuellement) sera massivement diluée, probablement en-dessous de 1 % [...] les employés auront environ 20 % des actions ordinaires mais il est attendu qu'ils auront seulement une participation effective de 12 à 15 %."

90. Sur la base des données qui ont été communiquées à la Commission, les consultants de celle-ci ont rappelé, dans leur rapport du 11 décembre 1996 : "le plan suppose que la recapitalisation totale de 3 000 milliards de ITL sera uniquement souscrite par l'IRI." (Section IV, C, 2.) Ils ont, en outre, considéré ce qui suit : "selon le plan, la participation de l'IRI dans le capital était censée être de 80 % [...] Il semble plus probable qu'en l'an 2000, la participation de l'IRI dans le capital d'Alitalia sera plus élevée que la participation de 80 % initialement prévue." (Section IV, C, 2.)

91. Loin de contredire ces affirmations, la requérante, dans un document du 19 décembre 1996 communiqué par les autorités italiennes à la Commission par lettre du 20 décembre 1996, a reconnu comme acceptable le point de vue des consultants de la Commission selon lequel "le taux de participation de l'IRI dans le capital d'Alitalia à l'issue du plan serait vraisemblablement plus élevé que prévu dans la submission de juillet dernier". Elle a encore informé la Commission, par lettre du 15 avril 1997, que l'IRI allait souscrire à l'intégralité de l'augmentation de capital, qui était à cette époque fixée à 2 800 milliards de ITL. En effet, la lettre mentionne : "[L]'IRI prévoit de payer 2 800 milliards de ITL selon le schéma suivant : 1 000 milliards de ITL en juillet 1996, 500 milliards de ITL en juillet 1997 et le solde de 1 300 milliards de ITL en décembre 1997. Aucun autre apport sur fonds publics n'est prévu."

92. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la Commission a considéré, dans la décision attaquée : "[...] aucun investisseur privé ne participe [...] en tout état de cause à l'augmentation de capital en question d'un montant de 2 750 milliards [de ITL]." Même si, selon les dires du Gouvernement italien, "l'objectif prioritaire du plan de restructuration [était] de créer le fondement pour un processus de privatisation de la société" et que, à cette fin, il était considéré comme possible que des investisseurs privés pourraient souscrire à une partie de la deuxième tranche de la recapitalisation prévue (plan de restructuration de juillet 1996), il s'agit d'une simple hypothèse dont la requérante n'a elle-même pas tenu compte dans le calcul du rendement de l'investissement effectué par l'IRI.

93. Enfin, le fait que le plan de restructuration visait à créer des conditions favorables à la privatisation de la requérante ne démontre pas que l'investissement de l'IRI satisfaisait au critère de l'investisseur privé. Même si la possibilité d'une participation de la part d'investisseurs privés était prévue dans le plan de restructuration et si, effectivement, une telle prise de participation dans le capital de la requérante a eu lieu après l'adoption de la décision attaquée, de telles circonstances, en l'absence de l'existence, au moment de l'adoption de la décision attaquée, d'un engagement formel d'un investisseur privé d'effectuer un apport de capital ayant une signification économique réelle, ne démontrent pas, à la lumière de ce qui a été explicité au point 86 ci-dessus, que le comportement de l'IRI satisfait au critère de l'investisseur privé.

94. Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

Deuxième branche : erreurs manifestes d'appréciation dans le calcul du taux minimal et du taux interne entraînant une violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité ainsi que du principe d'égalité de traitement et insuffisance de motivation

- Observations liminaires

95. Il doit être rappelé que la notion d'aide d'État, telle qu'elle est définie dans le traité, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d'éléments objectifs. Pour cette raison, le juge communautaire doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité (arrêt de la cour du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C-83-98 P, non encore publié au Recueil, point 25).

96. Il a été jugé que, afin d'évaluer si l'intervention d'un investisseur public dans le capital d'une entreprise constitue une aide étatique, il y a lieu d'apprécier si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé d'une taille qui puisse être comparée à celle de l'investisseur public aurait pu être amené à procéder à des apports de capitaux de cette importance. À cet égard, il a été précisé que, si le comportement de l'investisseur privé, auquel doit être comparée l'intervention de l'investisseur public poursuivant des objectifs de politique économique, n'est pas nécessairement celui de l'investisseur ordinaire plaçant des capitaux en vue de leur rentabilisation à plus ou moins court terme, il doit, au moins, être celui d'un holding privé ou d'un groupe privé d'entreprises poursuivant une politique structurelle, globale ou sectorielle et être guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme (arrêts Alfa Roméo, cité au point 84 ci-dessus, point 20, Espagne/Commission, cité au point 84 ci-dessus, points 20 à 22, et BFM et EFIM/Commission, cité au point 84 ci-dessus, point 79).

97. Conformément à ces principes, la Commission a explicité dans sa communication pour l'aviation sa méthodologie pour trancher la question de savoir si des fonds publics accordés à des compagnies aériennes constituent des aides d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Ainsi, au point 28 de la communication pour l'aviation, la Commission explique :

"Normalement [...] le [critère de l'investisseur privé ] a été respecté si la structure et les perspectives futures de la société sont telles que, par référence à une entreprise privée comparable, un profit normal, sous forme de versement de dividendes ou de plus-value du capital, peut être escompté dans un délai raisonnable."

La Commission ajoute également au point 28 de ladite communication :

"Normalement, un investisseur en économie de marché procède à un apport de fonds si la valeur actualisée des cash-flows futurs escomptés du projet (revenant à l'investisseur sous forme de versements de dividendes et/ou de plus-value du capital et ajustés en fonction des risques) est supérieure à la mise de fonds."

98. Il doit être constaté, ensuite, que la Commission, pour évaluer si l'investissement de l'IRI satisfait au critère de l'investisseur privé et donc pour apprécier si celui-ci comporte des éléments d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité,s'est inspirée des principes de sa communication pour l'aviation. En effet, la Commission a, dans la décision attaquée (point VII), comparé le montant de l'investissement de l'IRI à la valeur des cash-flows futurs escomptés du projet actualisée au moyen du taux minimal qu'exigerait un investisseur privé. Elle a conclu que, dans le cas d'espèce, le taux interne restait en-dessous du taux minimal et que, par voie de conséquence, l'investissement ne satisfaisait pas au critère de l'investisseur privé.

99. La méthode appliquée par la Commission dans la décision attaquée ne saurait être critiquée en tant que telle. Il ressort, en effet, d'une jurisprudence constante que la Commission peut s'imposer des orientations pour l'exercice de ses pouvoirs d'appréciation par des actes comme la communication pour l'aviation, dans la mesure où ils contiennent des règles indicatives sur l'orientation à suivre par cette institution et qu'ils ne s'écartent pas des normes du traité (arrêt de la cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313-90, Rec. p. I-1125, points 34 et 36 ; arrêts du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T-380-94, Rec. p. II-2169, point 57, du 5 novembre 1997, Ducros/Commission, T-149-95, Rec. p. II-2031, point 61, et du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T-214-95, Rec. p. II-717, point 79).

100. Il doit d'ailleurs être constaté que la requérante ne conteste pas la méthode appliquée par la Commission pour apprécier si l'investissement de l'IRI satisfait au critère de l'investisseur privé. En effet, la Commission et la requérante s'accordent à reconnaître que la question de savoir si l'investissement de l'IRI répond au critère de l'investisseur privé doit être appréciée en comparant le taux interne au taux minimal.

101. Afin de fixer le taux minimal et le taux interne, la Commission a fait appel à des consultants indépendants, à savoir Ernst & Young (décision attaquée, point V, premier alinéa), qui ont rédigé différents rapports (voir ci-dessus points 20, 26, 32 et 34).

102. Sur la base des informations ainsi recueillies, la Commission a retenu, dans la décision attaquée, un taux minimal de 30 %. Même si, comme le fait valoir la requérante, l'appréciation juridique de la décision attaquée ne quantifie pas le taux minimal, il ressort de la partie intitulée "Les faits" dans ladite décision (points V, second alinéa, et VI, second alinéa), ainsi que des mémoires déposés au cours de l'instance, que la Commission a fixé celui-ci à 30 %.

103. En ce qui concerne le taux interne, la Commission explique dans la décision attaquée que celui-ci s'établit pour l'investissement de 2 750 milliards de ITL "à un pourcentage proche de 20 %" (point VII, huitième alinéa). À la suite d'une question écrite du Tribunal, la Commission a expliqué qu'"[i]l s'agit d'une valeur moyenne, comprise entre les taux de 13,1 % et de 24,8 %, taux qui représentent les valeurs minimales et maximales du [taux interne] calculées par [Ernst & Young] : voir p. 13 et 14 du rapport du 18 juin 1997, Section IV-A. Calculation of the IRR".

104. Toutefois, selon la requérante, la Commission n'aurait pas correctement fixé le taux interne et le taux minimal dans la décision attaquée de sorte que la conclusion à laquelle la Commission est parvenue, à savoir que l'investissement de l'IRI ne satisfait pas au critère de l'investisseur privé, est entachée d'illégalité.

105. À cet égard, il doit être rappelé que l'appréciation, par la Commission, de la question de savoir si un investissement satisfait au critère de l'investisseur privé implique une appréciation économique complexe (arrêt de la cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56-93, Rec. p. I-723, points 10 et 11 ; arrêts Air France/Commission, cité au point 80 ci-dessus, point 71, et BFM et EFIM/Commission, cité au point 84 ci-dessus, point 81). Or, la Commission, lorsqu'elle adopte un acte impliquant une appréciation économique aussi complexe, jouit d'un large pouvoir d'appréciation et le contrôle juridictionnel dudit acte, même s'il est en principe "entier" pour ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité (arrêt France/Ladbroke Racing et Commission, cité au point 95 ci-dessus, point 25), se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir (arrêt Belgique/Commission, précité, point 11, et jurisprudence citée). En particulier, il n'appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l'auteur de la décision (arrêts AIUFFASS et AKT/Commission, cité au point 99 ci-dessus, point 56, BFM et EFIM/Commission, cité au point 84 ci-dessus, point 81, et British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, cité au point 86 ci-dessus, point 79).

106. C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'apprécier les arguments avancés en l'espèce par les parties.

- En ce qui concerne les griefs relatifs aux éléments sur lesquels la Commission et ses consultants se sont fondés pour fixer le taux minimal

107. Il doit être rappelé que la décision attaquée, pour ce qui concerne la fixation du taux minimal, renvoie aux rapports des consultants de la Commission (points V et VI). La motivation de la décision attaquée coïncide donc avec la motivation des rapports des consultants sur ce point.

108. Il y a lieu de constater que les consultants de la Commission affirment, dans leurs rapports des 11 décembre 1996 et 18 juin 1997, avoir fixé le taux minimal de la façon suivante :

"Pour déterminer le taux de rendement qu'un investisseur rationnel en économie de marché attendrait de son investissement dans le capital d'Alitalia, nous avons

- révisé les caractéristiques du plan en vue d'apprécier si les actions prévues avaient la nature d'un plan de redressement ou d'un plan stratégique, ainsi que le niveau des risques associés à ces actions

- interviewé différents investisseurs et analystes, et

- lu des décisions antérieures de la Commission (affaire Iberia)."

109. La requérante critique chacun des éléments sur lesquels les consultants de la Commission se sont fondés pour retenir un taux minimal de 30 % et souligne que ce taux ne saurait excéder 20 % en l'espèce.

110. Il doit être souligné d'abord que la Commission ne saurait prétendre que la requérante, en considérant que le taux minimal fixé à 30 % est disproportionné, se contredit puisque, dans le rapport du 9 septembre 1996 qu'elle avait adressé à la Commission, elle aurait expliqué : "Il ressort d'entretiens avec des analystes financiers et des investisseurs dans des compagnies aériennes que, dans le cas d'une compagnie aérienne type en difficulté, le rendement exigé pour une nouvelle injection de capitaux se situe entre 30 et 40 %." En effet, la Commission isole cet extrait de son contexte. La requérante avait souligné dans son rapport que, du fait que sa restructuration présentait une faible probabilité d'échec, le taux minimal en l'espèce se rapprochait plus du taux de rendement normal de 14,78 % que du taux de rendement "de restructuration" requis pour un investissement dans une compagnie aérienne en difficultés, qui se situe, selon la requérante, entre 30 et 40 %.

111. En premier lieu, la requérante fait valoir que la qualification du plan de restructuration de plan stratégique ou de plan de redressement est dépourvue de pertinence pour fixer le taux minimal. Les risques inhérents à un tel plan ne dépendraient pas de sa qualification.

112. Cependant, il doit être constaté que l'argument de la requérante repose sur une lecture erronée des rapports des consultants et de la décision attaquée.

113. En effet, il ressort des rapports des consultants que ceux-ci ont "révisé les caractéristiques du plan en vue d'apprécier si les actions prévues avaient la nature d'un plan de redressement ou d'un plan stratégique" (rapports de décembre 1996 et de juin 1997, section IV, point E.1). La Commission souligne, à cet effet, que le plan de restructuration de la requérante prévoyait plus de trente projets significatifs et importants de "rupture" ou d'optimisation, ou combinant ces deux caractères. Ensuite, les consultants de la Commission affirment qu'ils ont examiné pour chacune des différentes actions prévues par le plan "le niveau de risque associé avec ces actions" (rapports de décembre 1996 et de juin 1997, section IV, point E.1).

114. Dès lors, la requérante ne saurait prétendre que les consultants de la Commission ont, après avoir "aveuglément" qualifié le plan de restructuration de la requérante de plan de redressement, fixé le taux minimal à un niveau élevé en raison de cette qualification. Au contraire, la Commission et ses consultants ont procédé à une analyse des différents éléments du plan et des risques associés à ces éléments avant de décider que le plan constituait un plan de redressement et ont ensuite fixé un taux minimal élevé qui tenait compte des risques associés aux différentes actions prévues dans le plan.

115. L'argument de la requérante doit donc être rejeté.

116. En second lieu, la requérante soutient que les investisseurs et analystes qui ont été consultés par Ernst & Young n'avaient pas une connaissance suffisante de sa situation financière et de son plan de restructuration pour pouvoir donner une opinion fondée concernant le taux minimal de l'investissement de l'IRI. Afin de pouvoir vérifier, d'une part, si les personnes consultées par les consultants de la Commission ont pu se former une opinion fondée et fiable sur le taux minimal à appliquer et, d'autre part, l'exactitude et l'exhaustivité de l'enquête menée, la requérante estime indispensable que le Tribunal demande aux consultants de la Commission de préciser le type d'experts consultés, les questions posées, les renseignements fournis aux personnes interrogées et les réponses reçues.

117. La requérante affirme encore qu'elle avait spécialement préparé pour les consultants de la Commission un document comprenant les informations non confidentielles nécessaires à une évaluation correcte de son plan de restructuration. Elle aurait suggéré de communiquer ces informations aux investisseurs consultés. Elle s'indigne donc du fait que les consultants de la Commission n'ont pas pris en considération ce document.

118. En réponse à l'argumentation de la requérante, la Commission a produit une lettre de ses consultants du 28 octobre 1998, dans laquelle ceux-ci affirment avoir contacté leurs collègues à Londres, Paris, Madrid et Francfort afin de fixer le taux minimal pour l'investissement de l'IRI. À leur tour, les représentants locaux d'Ernst & Young auraient contacté des "investisseurs de réputation mondiale et des banques qui sont souvent impliqués dans de telles évaluations". Les investisseurs consultés auraient fondé leurs réponses "sur la connaissance qu'ils avaient de la société et sur les informations que les consultants étaient autorisés à dévoiler". La Commission dit ne pas se souvenir avoir reçu le document que la requérante aurait préparé pour Ernst & Young.

119. Au titre des mesures d'organisation de la procédure adoptées le 25 avril 2000, le Tribunal a demandé à la requérante de produire le document qu'elle prétend avoir préparé pour les consultations d'investisseurs par Ernst & Young.

120. Par lettre du 24 mai 2000, la requérante a communiqué un document intitulé "note préparant les discussions avec les investisseurs à propos d'Alitalia". Ce document, d'une page seulement, comprend d'abord les "chiffres clés" de la requérante pour les années 1995 (chiffres actuels) et 2000 (chiffres estimés) et mentionne ensuite les "éléments clés" du plan, à savoir l'installation d'une nouvelle direction, l'augmentation du capital de 3 300 milliards de ITL, la plate-forme de Malpensa, la création d'Alitalia Team et l'accord historique conclu avec les syndicats.

121. Toutefois, aucun élément avancé par la requérante ne permet de mettre en doute que les experts qui ont été consultés par Ernst & Young ne disposaient pas des informations nécessaires pour évaluer le taux minimal en l'espèce.

122. À cet égard, il doit être rappelé que, dans sa communication du 16 novembre 1996 qui avait été publiée au Journal officiel (voir ci-dessus points 15 et 16), la Commission avait annoncé qu'elle allait "faire appel à un ou plusieurs consultants indépendants" afin de vérifier si le plan de restructuration satisfaisait au critère de l'investisseur privé (JO C 346, spécialement p. 22). Les investisseurs qui ont été consultés par Ernst & Young ont donc dû avoir connaissance du contenu de ladite communication au moment où ces consultations ont eu lieu.

123. Il doit être constaté que la communication du 16 novembre 1996 comporte cinq pages d'informations sur la structure de la requérante, l'évolution de sa situation financière entre 1990 à 1995, les chiffres pour 1995 (qui, en tout état de cause, étaient déjà publics à cette époque), les grands axes du plan de restructuration et l'évolution prévue pour la période allant de 1996 à 2000. Les informations contenues dans la communication du 16 novembre 1996 concernant la situation financière de la requérante et son plan de restructuration sont beaucoup plus détaillées que les informations contenues dans le document "note préparant les discussions avec les investisseurs à propos d'Alitalia". Or, selon la requérante, ce document contenait déjà "les informations nécessaires à une évaluation correcte du plan de la compagnie". Dans ces conditions, l'argument de la requérante doit être rejeté, sans qu'il y ait besoin de prendre d'autres mesures d'organisation de la procédure.

- En ce qui concerne le défaut de motivation relatif à la fixation du taux minimal

124. La requérante prétend que la Commission n'a pas motivé à suffisance de droit l'application du taux minimal retenu dans la décision 96-278-CE de la Commission, du 31 janvier 1996, concernant la recapitalisation de la compagnie Iberia (JO L 104, p. 25, ci-après la "décision Iberia"), à l'investissement de l'IRI. La requérante souligne, à cet effet, que la situation d'Iberia au moment de l'adoption de la décision Iberia était totalement différente de sa propre situation au moment de l'adoption de la décision attaquée.

125. La Commission rétorque que l'argumentation de la requérante doit être déclarée irrecevable dès lors qu'elle est fondée sur des informations confidentielles qu'auraient obtenues les consultants de la requérante au cours de la procédure administrative précédant l'adoption de la décision Iberia. Les consultants de la requérante auraient été, en effet, dans l'affaire Iberia, les consultants de la Commission. En tout état de cause, la Commission n'aurait pas été tenue de fournir, dans la décision attaquée, des explications spécifiques sur la comparaison du plan de restructuration de la requérante avec celui d'Iberia (arrêt British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, cité au point 86 ci-dessus, point 443).

126. Le Tribunal estime que l'argument de la Commission tiré de l'irrecevabilité de l'argumentation de la requérante est sans objet dès lors que, aux fins de l'examen de celle-ci (voir ci-après points 127 à 137), il conviendra de se baser uniquement sur des éléments n'ayant aucun caractère confidentiel à l'égard de la requérante, à savoir des extraits de la décision Iberia, qui a été publiée au Journal officiel (voir ci-dessus, point 124), et des passages des rapports des consultants de la Commission, qui ont été communiqués par cette dernière à la requérante.

127. Le Tribunal considère d'abord que la Commission ne saurait prétendre que, du fait que la requérante et Iberia sont deux compagnies différentes restructurées à des époques différentes, elle n'aurait pas été tenue de fournir dans la décision attaquée des explications spécifiques sur la comparaison du plan de restructuration de la requérante avec celui d'Iberia. En effet, la Commission elle-même et ses consultants se sont référés, aux fins de fixer le taux minimal pour l'investissement de l'IRI, à la décision Iberia (voir ci-dessus points 107 et 108) et ont ainsi souligné la pertinence de la comparaison entre la situation de la requérante et celle d'Iberia à cet égard.

128. Ensuite, il doit être relevé que, dans la décision Iberia, la Commission a fixé le taux minimal à un niveau de 30 % sur la base des considérations suivantes :

"[...] la Commission est d'avis que le taux minimal qu'exigerait un investisseur agissant selon les lois du marché pour procéder à l'injection de capital en question est au moins de 30 % en raison de l'importance de la somme engagée et surtout des risques présentés par l'opération. Ce taux d'au moins 30 %, apparemment très élevé et bien supérieur aux taux constatés sur le marché, intègre en effet les probabilités non négligeables que le programme ne se déroule pas comme prévu et que le rendement réel ne se révèle en fin de compte plus faible. Du reste, le taux ne peut qu'être supérieur au coût des capitaux propres dès lors que ce dernier ne prend pas en compte tous les risques liés à la compagnie. Or, en dépit de la quasi-disparition des risques liés à son engagement dans Arsa et de l'amélioration substantielle de son résultat d'exploitation au cours de l'année 1994 et durant le premier semestre de l'année 1995, Iberia est une entreprise dont le risque spécifique demeure très élevé. Les incertitudes suivantes pèsent en particulier sur la poursuite du redressement de la compagnie, sur sa rentabilité à long terme et sur les projections financières à l'horizon 1999 sur lesquelles reposent les calculs de la valeur de l'entreprise à cette date :

- le programme d'adaptation n'est pas achevé ; en particulier, les réductions d'effectifs prévues n'ont pas encore commencé ;

- la compagnie a récemment connu des difficultés sociales, qui se sont traduites notamment par des grèves fréquentes des pilotes. Ces mouvements sociaux, outre leur coût direct sur les comptes d'Iberia, nuisent à l'image de la compagnie auprès de la clientèle et pourraient entraver les possibilités de réaliser les gains de productivité envisagés par les programmes ;

- le programme, dans sa forme présente, se termine à la fin de l'année 1996. À cette date, Iberia n'aura pas atteint les niveaux de productivité et d'efficience de ses principaux concurrents communautaires. Un nouveau plan de réduction des coûts devra alors être élaboré et négocié avec les partenaires sociaux. Le résultat de ces négociations ne peut être prévu à l'heure actuelle ;

- les doutes quant à l'existence et aux modalités d'intervention de futurs partenaires extérieurs qui restent à choisir ;

- les effets de la libéralisation des activités de transport aérien et de l'assistance en escale (handling) en Europe, sur la rentabilité à long terme d'Iberia, ne peuvent encore être appréhendés dans leur totalité."

129. Dans la décision Iberia, la Commission a ensuite décidé que l'investissement dans le capital de cette société satisfaisait au critère de l'investisseur privé dès lors que le taux interne de 30 % était égal au taux minimal.

130. La Commission reconnaît que, au moment de la procédure administrative précédant l'adoption de la décision attaquée, la décision Iberia était la seule décision dans laquelle elle avait appliqué le critère de la comparaison entre le taux interne et le taux minimal afin d'apprécier si un investissement dans une compagnie aérienne satisfaisait au critère de l'investisseur privé. La Commission explique à cet effet qu'il s'agissait de la seule autre affaire dans laquelle les parties concernées contestaient la qualification de la mesure. Dans ces circonstances, la décision Iberia avait manifestement vocation à constituer un précédent pour le calcul du taux minimal en l'espèce.

131. Consciente de ce fait, la requérante a, tout au long de la procédure administrative, soutenu que sa situation n'était pas comparable à celle d'Iberia telle que décrite dans la décision Iberia et que, par voie de conséquence, le taux minimal élevé retenu dans cette dernière décision ne pouvait pas lui être appliqué [présentation de la requérante à la DG VII de la Commission, le 23 octobre 1996 (p. 80) ; document de la requérante du 19 décembre 1996, transmis par les autorités italiennes à la Commission, le 20 décembre 1996 ; lettre des consultants de la requérante à la Commission du 31 janvier 1997 ; document envoyé à la Commission en vue de la réunion du 8 avril 1997 ; études de la requérante en préparation de la rencontre du 8 avril 1997]. La requérante a notamment insisté sur le fait que les éléments d'incertitude qui caractérisaient l'affaire Iberia ne se présentaient pas dans son cas.

132. Quant au devoir de motivation incombant à la Commission vis-à-vis de la requérante qui, en tant que bénéficiaire de la mesure contestée, est une partie intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, il y a lieu de rappeler que, même si la Commission n'est pas tenue de répondre à tous les arguments invoqués au cours de la procédure administrative par une partie intéressée, elle est néanmoins tenue d'exposer de manière suffisante, dans sa décision, les raisons pour lesquelles les éléments essentiels de l'argumentation d'une telle partie ne peuvent pas être retenus (voir, en ce sens, arrêt de la cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, points 63 et 64). Eu égard au fait - reconnu par la Commission (voir ci-dessus point 130) - que la décision Iberia constituait le seul précédent dans sa pratique décisionnelle pour ce qui concerne le calcul du taux minimal pour un investissement fait par les autorités publiques dans une compagnie aérienne, il doit être considéré que l'argumentation de la requérante cherchant à distinguer sa situation de celle d'Iberia revêtait un caractère essentiel dans sa démonstration que l'investissement de l'IRI satisfaisait au critère de l'investisseur privé. Dans ces conditions, la Commission était tenue d'y répondre dans la décision attaquée.

133. Or, il doit être constaté que, dans la décision attaquée et dans les rapports des consultants de la Commission, auxquels ladite décision renvoie, il est pris acte de certaines particularités de la situation de la requérante, qui avaient notamment été mises en exergue par cette dernière pour distinguer sa situation de celle de la compagnie Iberia.

134. Ainsi, le rapport des consultants de décembre 1996 souligne, dans le cadre de l'évaluation du taux minimal, l'existence d'un accord qui a été conclu avec les syndicats et le fait que certains projets importants, dont notamment celui relatif au "transporteur hautement compétitif", à savoir Alitalia Team, ont déjà démarré (point IV.E.2).

135. En outre, dans la décision attaquée, il est confirmé que "le plan [de restructuration] a reçu l'approbation des partenaires sociaux de la compagnie" (point II, troisième alinéa ; voir aussi point II, sixième alinéa) et que "Alitalia Team a été constituée le 23 juillet 1996" (point II, sixième alinéa). La décision attaquée fait encore état de ce qui suit : "L´objectif [du plan de restructuration] consiste à restaurer la compétitivité d'Alitalia et à permettre sa privatisation dans le nouveau contexte du marché communautaire libéralisé. À cette double fin, l'augmentation de capital se traduira par une forte réduction de l'endettement et par un retour à une structure financière comparable à celle de la plupart des concurrents de la compagnie. L'assainissement de la structure du passif du bilan entraînera également une diminution substantielle des frais financiers. Par ailleurs, le plan prévoit la poursuite des efforts déjà entrepris par Alitalia en matière de productivité et des coûts. La Commission remarque, du reste, que la productivité du personnel de l'entreprise se situe actuellement au même niveau que celle de ses principaux concurrents communautaires [...]" (Point VIII, septième alinéa.) Il est, en outre, expliqué dans la décision attaquée : "Le plan tel qu'il a été amélioré et adapté depuis le mois de janvier 1997, présente un caractère réaliste et autorise Alitalia à retrouver une rentabilité satisfaisante à l'horizon 2000." (Point VI, septième alinéa ; voir aussi point VIII, onzième alinéa.) De plus, la Commission souligne :

"[L]es résultats fortement positifs attendus à l'horizon 2000 devraient à la fois satisfaire les besoins en fonds de roulement, le financement des investissements indispensables à l'activité à long terme de la compagnie et offrir des perspectives de viabilité à long terme. Ils devraient aussi inspirer confiance aux investisseurs et ouvrir la voie au développement d'alliances avec d'autres compagnies." (Point VIII, neuvième alinéa.)

136. Il résulte de ce qui précède que la motivation de la décision attaquée concernant le calcul du taux minimal ne fait pas apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de la Commission de façon à permettre à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre ses droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Cityflyer Express/Commission, T-16-96, Rec. p. II-757, points 64 et 65, et jurisprudence citée). En effet, la Commission n'a pas expliqué dans la décision attaquée pourquoi elle estimait nécessaire d'appliquer à l'investissement de l'IRI le même taux minimal de 30 % qu'elle avait retenu dans la décision Iberia, alors que des constatations faites dans la décision attaquée donnent à penser, notamment, que plusieurs des facteurs de risque qui ont amené la Commission, dans la décision Iberia, à fixer le taux minimal à ce niveau "très élevé et bien supérieur aux taux constatés sur le marché" n'étaient pas présents ou présents dans une moindre mesure dans le cas d'Alitalia (comparer les points 128 et 135 ci-dessus).

137. Il y a donc lieu de conclure que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation pour autant qu'elle retient pour l'investissement de l'IRI le même taux minimal que celui déterminé dans la décision Iberia.

- En ce qui concerne les griefs relatifs aux éléments de calcul du taux interne

138. En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en excluant, dans le calcul du taux interne, les coûts d'insolvabilité. Les coûts d'insolvabilité s'obtiendraient par le calcul de la différence entre le montant des prêts accordés, qui seront remboursés dans leur totalité dans le cas d'une nouvelle injection de capital, et la valeur de remboursement de ces mêmes prêts en cas d'insolvabilité. La Commission, en ne tenant pas compte de ces coûts, se serait ainsi écartée des règles financières ordinairement suivies par les entreprises, de l'avis de ses consultants ainsi que de sa propre pratique décisionnelle. La requérante explique que la Cofiri, une société du groupe IRI, lui avait consenti des prêts aux conditions du marché de l'ordre de 1 600 milliards de ITL. Les coûts d'insolvabilité pour les prêts accordés par la Cofiri s'élèveraient ainsi à 1 140 milliards de ITL. Pour le calcul des coûts d'insolvabilité, il y aurait aussi lieu de tenir compte de la dégradation de la notation de l'IRI en conséquence d'une éventuelle liquidation de la requérante.

139. La requérante soutient que le fait que 900 milliards de ITL ont été remboursés immédiatement à la Cofiri, et donc à l'IRI, grâce au versement de la première tranche de 1 000 milliards de ITL en juin 1996 par l'IRI (voir ci-dessus point 11) est un élément significatif pour le calcul du taux interne. Même si cette opération constituait une conversion de dette en capital, une telle constatation serait dépourvue de toute incidence aux fins de l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

140. La Commission rétorque que la question de l'inclusion ou de l'exclusion des coûts d'insolvabilité est sans objet pour la qualification de l'investissement d'aide d'État. Elle souligne à cet effet que, selon les calculs de ses consultants, le taux interne le plus favorable à la requérante, coûts d'insolvabilité inclus, serait de 24,8 %. Quant aux justifications de l'exclusion des coûts d'insolvabilité dans le calcul du taux interne, la Commission se réfère au point VII, septième alinéa, de la décision attaquée. La Commission estime que l'avance d'un montant de 1 000 milliards de ITL payée par l'IRI en juin 1996 (voir ci-dessus point 11), qui a été utilisée pour rembourser les prêts consentis par la Cofiri, doit être assimilée à une conversion de prêts en capital.

141. La Commission fait encore valoir que l'octroi des prêts à la requérante, même aux conditions normales du marché, par la Cofiri, une entreprise publique, soulève des questions sur leur nature d'aide d'État dès lors que la requérante, elle aussi une entreprise publique, jouit d'une garantie implicite et illimitée de l'État. La Commission explique qu'elle ne pouvait intégrer dans la valeur actuelle des flux de trésorerie des subventions dont la légalité est incertaine.

142. Le Tribunal constate d'abord que, dans la décision attaquée, la Commission affirme que, aux fins du calcul du taux interne, elle a exclu les coûts d'insolvabilité. Elle explique en effet "qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de prendre en compte, au titre des revenus attendus, les coûts que l'IRI serait amené à supporter dans le cas de la liquidation d'Alitalia" (point VII, septième alinéa).

143. La requérante ne saurait prétendre que, en agissant ainsi, la Commission s'est écartée de l'opinion exprimée par ses consultants. Il doit, en effet, être constaté que les consultants de la Commission n'ont, à aucun moment de la procédure administrative, prétendu que les coûts d'insolvabilité devaient être inclus dans le calcul du taux interne. Dans leur rapport du 18 juin 1997, ils ont indiqué (p. 23) : "Les taux de rendement peuvent être calculés en incluant la rémunération des prêts de l'IRI." Les consultants ont alors évalué le taux interne une fois en excluant (p. 13) et l'autre fois en incluant (p. 14) les coûts d'insolvabilité dans leurs calculs.

144. La Commission motive sa décision d'exclure les coûts d'insolvabilité du calcul du taux interne de la façon suivante :

"[C]es coûts d'insolvabilité découlent pour l'essentiel de la perte de prêts à court terme consentis à Alitalia par la société financière Cofiri, filiale de l'IRI, avant le mois de juin 1996. Ils ont été remboursés en juin et juillet 1996 grâce au versement au même moment de l'avance d'un montant de 1 000 milliards [de ITL], ce qui permet d'ailleurs de considérer en pratique cette double opération comme une conversion de prêts en capital. Or, un investisseur privé guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme ne baserait pas sa décision sur la prise en compte d'un éventuel avantage immédiat si la véritable situation de l'entreprise n'est pas suffisamment bonne pour justifier des engagements durables." (Point VII, septième alinéa.)

145. Il n'est pas contesté que la majeure partie de l'injection de capital de 1 000 milliards de ITL effectuée en 1996 a servi à rembourser à l'IRI des prêts d'un montant de 900 milliards de ITL environ et que cette opération peut être considérée comme une conversion de prêts en capital.

146. Il doit ensuite être constaté que cette conversion de prêts en capital cadre parfaitement avec les objectifs du plan de restructuration de la requérante. En effet, l'un des objectifs principaux poursuivi par le plan était de réduire le ratio "endettement sur fonds propres" (point II, quatrième, onzième et douzième alinéas, et point VIII, septième alinéa, de la décision attaquée).

147. La Commission ne saurait toutefois prétendre qu'une telle "conversion" ne rapporte qu'un avantage immédiat. En effet, comme elle le reconnaît dans la décision attaquée, une réduction de l'endettement réduit les frais financiers de la requérante (point II, douzième alinéa, et point VIII, septième alinéa). Or, la réduction des frais financiers augmente la rentabilité de la requérante, ce qui contribue au financement des investissements indispensables à l'activité à long terme de celle-ci.

148. L'argument de la Commission tiré de l'éventuelle nature d'aide d'État des prêts accordés par la Cofiri doit aussi être rejeté. En effet, la décision attaquée n'avance pas ce motif pour justifier l'exclusion des coûts d'insolvabilité du calcul du taux interne. En outre, dans leur rapport du 18 juin 1997, les consultants de la Commission ont constaté que, pendant la période allant de mars 1994 à mars 1996, la requérante "était en mesure d'obtenir de nouvelles lignes de crédit auprès d'institutions financières privées" et que les "conditions appliquées par la Cofiri", pendant cette période, ne présentaient "pas de différences substantielles avec le marché" (section IV, F.2).

149. En outre, il doit être constaté que le raisonnement de la Commission concernant les coûts d'insolvabilité est circulaire. Il doit être rappelé à cet effet que, dans la décision attaquée, la Commission procède au calcul du taux interne pour apprécier si un investisseur privé aurait pu être amené à effectuer un investissement à concurrence de 2 750 milliards de ITL dans le capital de la requérante. Toutefois, l'explication avancée par la Commission pour justifier sa décision d'exclure les coûts d'insolvabilité du calcul du taux interne est déjà fondée sur la prémisse qu'un investisseur privé ne ferait pas l'investissement en question. En effet, il ressort de cette explication que la Commission considérait que "la véritable situation de l'entreprise n'[était] pas suffisamment bonne pour justifier des engagements durables" de la part d'"un investisseur privé guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme" (point VII, septième alinéa).

150. Il doit donc être constaté que, en l'espèce, la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant, sur la base des motifs avancés dans la décision attaquée, que les coûts d'insolvabilité relatifs aux prêts accordés par la Cofiri devaient être exclus du calcul du taux interne.

151. Enfin, l'argument de la Commission selon lequel la question de l'inclusion ou de l'exclusion des coûts d'insolvabilité serait dépourvue de pertinence (voir ci-dessus point 140) doit être rejeté. Le fait que la Commission explique dans le cadre de l'appréciation du critère de l'investisseur privé (point VII de la décision) que, dans le cas d'espèce, les coûts d'insolvabilité doivent être exclus constitue un indice suffisant de ce que cette question est pertinente pour l'évaluation du point de savoir si l'investissement de l'IRI constitue une aide d'État. En outre, dans le cadre du contentieux de l'annulation, il n'appartient pas au Tribunal de réévaluer le taux interne pour l'investissement et d'apprécier si ledit taux, dans l'hypothèse où les coûts d'insolvabilité auraient été inclus dans son calcul, resterait inférieur au taux minimal (arrêts AIUFFASS et AKT/Commission, cité au point 99 ci-dessus, point 56, BFM et EFIM/Commission, cité au point 84 ci-dessus, point 81, et British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, cité au point 86 ci-dessus, point 79).

152. En second lieu, la requérante fait valoir que la Commission l'a arbitrairement contrainte à prendre à sa charge le coût, incombant à l'État en vertu du décret-loi n° 546, du 23 octobre 1996 (converti en loi n° 640, du 20 décembre 1996), de la mise à la retraite anticipée de 700 de ses travailleurs, réduisant de deux points au moins, selon les calculs des consultants de la Commission, le taux de rentabilité de l'investissement de l'IRI.

153. Toutefois, comme le souligne à juste titre la Commission, la requérante s'est engagée irrévocablement, avant l'adoption de la décision attaquée, à prendre à sa charge les coûts de la mise à la retraite anticipée de 700 salariés (voir ci-dessus points 28 et 35). Pour cette raison, l'appréciation juridique et le dispositif de la décision attaquée ne contiennent aucune trace de la décision de la requérante de supporter ces coûts. La Commission en prend uniquement acte dans la partie intitulée "Les faits" dans la décision attaquée.

154. Même si, initialement, la requérante a pris l'engagement en question à condition que la décision finale reconnaisse que la recapitalisation constitue un investissement conforme au critère de l'investisseur privé, il doit être constaté que, par la constitution d'un séquestre, en juillet 1997, cet engagement est devenu irrévocable (voir ci-dessus point 35). La Commission devait alors vérifier si l'investissement satisfaisait au critère de l'investisseur privé en tenant compte de cette nouvelle réalité.

155. Enfin, la requérante aurait pu résister, au cours de la procédure administrative, à la prétendue pression de la part de la Commission de prendre l'engagement en question ou, alternativement, elle aurait pu, comme pour les autres "conditions", éviter de prendre un engagement unilatéral irrévocable. Si la requérante s'était comportée d'une telle façon au cours de la procédure administrative, la Commission aurait pris position sur la question des coûts de mises à la retraite anticipée de 700 salariés dans la décision attaquée ou dans une autre décision dont la légalité aurait pu être appréciée par le Tribunal.

156. Il s'ensuit que l'argument de la requérante tiré du calcul prétendument erroné du taux interne en raison du fait que la Commission l'aurait contrainte à prendre à sa charge le coût de la mise à la retraite anticipée de 700 de ses travailleurs doit être rejeté.

- En ce qui concerne le grief relatif à la non-prise en compte de la dernière version du plan de restructuration pour le calcul du taux minimal et du taux interne

157. La requérante dénonce le fait que les dernières modifications qui ont été apportées au plan de restructuration, en juin 1997, n'ont pas amené les consultants de la Commission et cette dernière à recalculer le taux minimal et le taux interne. Elle estime que les dernières modifications ont eu un effet direct sur les risques liés à l'investissement et sur sa rentabilité.

158. Il y a lieu de rappeler que, dans leur premier rapport de décembre 1996 préparé sur la base du plan de restructuration qui avait été communiqué à la Commission en juillet 1996, les consultants ont calculé un taux minimal qui s'échelonnait entre 30 et 40 %. Ils estimaient que le taux minimal se rapprochait plutôt de la partie inférieure de cette fourchette. Selon les consultants, le taux interne variait entre - 12,5 % et + 25,7 % (rapport du 11 décembre 1996, section IV ; décision attaquée, point V, second alinéa).

159. En ce qui concerne le plan de restructuration modifié de février 1997, ce dernier a fait l'objet d'une analyse dans le projet de rapport du 21 février 1997, dont la version définitive date du 18 juin 1997 (voir ci-dessus point 32). Dans ce rapport, les consultants expliquent que le taux minimal devait être fixé à 30 %. Le taux interne variait entre + 13,1 % et + 24,8 % (rapport du 18 juin 1997, section IV ; voir aussi décision attaquée, point VI, deuxième alinéa, et point VII, huitième alinéa).

160. Ensuite, comme la Commission le souligne dans la décision attaquée, plusieurs réunions ont eu lieu au cours des mois de mai et de juin 1997 qui ont donné lieu à une amélioration supplémentaire du plan de restructuration sur les points suivants : une accélération du processus de réduction des coûts par un transfert de personnel d'Alitalia vers Alitalia Team plus rapide que ce qui était précédemment envisagé ; une réduction du montant de l'augmentation de capital prévue qui passait à 2 750 milliards de ITL ; la cession des parts détenues par Alitalia dans la compagnie hongroise Malev ainsi que dans six aéroports régionaux italiens (décision attaquée, point VI, cinquième alinéa). Ces dernières adaptations du plan de restructuration ont été communiquées à la Commission par les autorités italiennes par lettre du 26 juin 1997. Toutefois, les consultants de la Commission n'ont pas, dans leur rapport complémentaire du 4 juillet 1997, recalculé le taux minimal et le taux interne sur la base des dernières adaptations apportées au plan de restructuration en juin 1997.

161. Il est constant entre les parties que le taux minimal et le taux interne qui ont été retenus dans la décision attaquée sont ceux qui avaient été calculés par les consultants de la Commission dans leur rapport du 18 juin 1997 sur la base de l'avant-dernière version du plan de restructuration. La Commission a, en effet, fixé le taux minimal à 30 % (décision attaquée, point VI, second alinéa, et point VII, huitième alinéa). Le taux interne, qui a été fixé à "un pourcentage proche de 20 %" (décision attaquée, point VII, huitième alinéa), constitue, comme la Commission l'a confirmé en réponse à une question écrite, la moyenne des valeurs avancées dans le rapport du 18 juin 1997 (voir ci-dessus point 103).

162. Il s'ensuit donc que, dans la décision attaquée, la Commission n'a pas réévalué le taux minimal et le taux interne sur la base de la dernière version du plan de restructuration de la requérante.

163. La Commission explique toutefois dans son mémoire en défense : "Par leur nature même, les dernières modifications apportées au plan de restructuration ne pouvaient avoir une incidence décisive sur les inconnues de l'investissement d'un capital-risque dans l'optique d'un investisseur privé opérant selon les lois de l'économie de marché [...] À la suite des modifications apportées en juin 1997, les conditions permettant de réduire ultérieurement le taux minimal n'étaient pas réunies ; en effet, celui-ci avait déjà été réduit de 30-40 %, d'après les estimations de la première version du plan, à un niveau minimum de 30 % dans la deuxième version." Afin de souligner les risques associés au plan de restructuration, la Commission signale que les contrôles effectués en avril 1998 ont fait apparaître le non-respect du plan de restructuration pour ce qui concerne la productivité du personnel et les modalités de réduction des effectifs. En outre, la requérante n'aurait pas respecté différentes conditions imposées par la décision attaquée [voir la décision de la Commission du 3 juin 1998 concernant la deuxième tranche de l'aide à la restructuration d'Alitalia, approuvée par la Commission le 15 juillet 1997 (JO C 290, p. 3)]. Quant au taux interne, la Commission affirme, dans sa duplique, que ce taux recalculé sur la base de la dernière version du plan atteint au maximum un niveau de 26,1 %, incluant même les coûts d'insolvabilité (points 58 à 60 et annexe III à la duplique). Le taux interne resterait ainsi toujours inférieur au taux minimal. La Commission se réfère aussi aux mauvais résultats obtenus par la requérante en 1999.

164. Il y a lieu de rappeler que, afin d'apprécier la légalité de la décision attaquée, le Tribunal prend en considération les seuls éléments dont la Commission disposait au moment où elle a adopté la décision attaquée (arrêts Allemagne/Commission, cité au point 86 ci-dessus, point 34, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, cité au point 86 ci-dessus, point 81, et Salomon/Commission, cité au point 61 ci-dessus, point 115). Toute argumentation de la Commission se rapportant à des événements qui se sont produits après l'adoption de la décision attaquée doit donc être écartée.

165. Il doit être rappelé, ensuite, que la Commission, en pleine conformité avec les lignes directrices qu'elle avait édictées dans sa communication pour l'aviation (voir ci-dessus points 96 à 99), a considéré dans la décision attaquée que la méthode à appliquer afin d'évaluer si l'investissement de l'IRI satisfaisait au critère de l'investisseur privé consistait à comparer le taux interne au taux minimal de l'investissement (point VII, septième et huitième alinéas).

166. Le taux minimal, comme le décrit la Commission dans son mémoire en défense, "comprend la prime de risque exigée par l'investisseur privé pour assumer un certain engagement financier. Ce taux est donc directement proportionnel au risque inhérent à l'investissement". En ce qui concerne le taux interne, la Commission explique qu'il exprime "la rentabilité fondamentale de l'opération" (décision attaquée, point VI, second alinéa).

167. Or, la Commission elle-même a constaté dans la décision attaquée que les dernières améliorations apportées au plan de restructuration en juin 1997 "réduisent encore les risques inhérents au plan de restructuration et accroissent encore la rentabilité de l'injection de capital" (point VI, septième alinéa). Il apparaît donc que ces dernières modifications sont de nature à faire augmenter le taux interne (rentabilité accrue) et à faire descendre le taux minimal (risques réduits).

168. Dans ces conditions, la Commission aurait dû réévaluer le taux minimal et le taux interne sur la base de la dernière version du plan de restructuration pour pouvoir apprécier correctement si l'investissement de l'IRI satisfaisait au critère de l'investisseur privé.

169. Il s'en suit donc que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que les modifications apportées au plan de restructuration en juin 1997, qui, de son propre aveu, réduisaient encore les risques inhérents à ce plan et amélioraient la rentabilité de l'entreprise, n'avaient aucune incidence sur le calcul du taux minimal et du taux interne et, partant, sur l'appréciation du point de savoir si l'investissement de l'IRI satisfaisait au critère de l'investisseur privé.

170. Quant à l'argument de la Commission selon lequel une réévaluation du taux minimal et du taux interne sur la base de la dernière version du plan de restructuration démontrerait qu'un investisseur privé n'aurait pas fait l'investissement en question, il doit être rappelé que, dans le cadre du contentieux de l'annulation, le Tribunal se prononce sur la légalité des appréciations portées par la Commission dans la décision attaquée. Il n'appartient pas au Tribunal, dans le cadre d'un tel contentieux, de réévaluer le taux minimal et le taux interne pour l'investissement et de se prononcer sur le point de savoir si un investisseur privé aurait été amené à faire l'investissement que l'IRI se proposait d'effectuer au moment de l'adoption de la décision attaquée (arrêts AIUFFASS et AKT/Commission, cité au point 99 ci-dessus, point 56, BFM et EFIM/Commission, cité au point 84 ci-dessus, point 81, et British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, cité au point 86 ci-dessus, point 79).

171. Eu égard au défaut de motivation constaté au point 137 ci-dessus et aux erreurs manifestes d'appréciation constatées aux points 150 et 169 ci-dessus, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la requérante et d'annuler la décision attaquée, sans qu'il soit besoin de se prononcer encore sur les autres arguments relatifs au premier moyen et sur les autres moyens de la requête.

Sur les dépens

172. En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de décider qu'elle supportera, outre ses propres dépens, ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

173. Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

déclare et arrête :

1) La décision 97-789-CE de la Commission, du 15 juillet 1997, concernant la recapitalisation de la compagnie Alitalia, est annulée.

2) La Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la partie requérante.

3) Air One SpA et Air Europe SpA supporteront leurs propres dépens.