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Décisions

Cass. crim., 28 octobre 1992, n° 90-86.322

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Procureur général près la Cour d'appel de Douai, Chambre syndicale de l'ameublement de la région du Nord

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Jorda

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

SCP Boré, Xavier, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.

TGI Lille, ch. corr., du 1er sept. 1989

1 septembre 1989

Rejet des pourvois formés par le procureur général près la Cour d'appel de Douai, la Chambre syndicale de l'ameublement de la région du Nord, partie civile, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, du 7 février 1990, qui, dans la procédure suivie contre Giuseppe M pour publicité de nature à induire en erreur, a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite et débouté la partie civile de sa demande.

LA COUR : - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général près la Cour d'appel de Douai et pris de la violation de l'article 44-II de la loi du 27 décembre 1973 :

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé M ;

"au motif notamment que le service verbalisateur ne rapportait pas la preuve de l'inexistence en stock de marchandises faisant l'objet de l'offre publicitaire ou de leur absence de disponibilité, affirmant en outre que les motifs venant au soutien de la décision des premiers juges procédaient d'un renversement de la charge de la preuve, de sorte que les premiers juges auraient fondé la culpabilité sur une absence de preuve ;

"alors que l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 fait à l'annonceur l'obligation de mettre à la disposition des agents verbalisateurs tous les éléments propres à justifier ses allégations, indications ou présentations publicitaires ; qu'il en résulte que c'est à l'annonceur de démontrer que sa publicité est sincère en produisant les éléments de vérité qu'il peut posséder" ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par la Chambre syndicale de l'ameublement de la région du Nord et pris de la violation des articles 44-I et 44-II de la loi du 27 décembre 1973, de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la Chambre syndicale de l'ameublement ;

"aux motifs que la disproportion entre les mentions attractives et les mentions restrictives portées sur l'annonce n'est pas en soi caractéristique d'une publicité mensongère ; qu'il serait déraisonnable d'exiger que puisse être constatée la présence de deux cent quarante cuisines dans chacun des magasins ; qu'il n'y a pas de publicité trompeuse dans le fait pour une entreprise de décrire dans un catalogue des produits qui n'existent pas en stock ; qu'il n'est pas démontré qu'elle n'était pas en mesure de les procurer aux acheteurs ; que le prévenu soutient que ces cuisines pouvaient être acquises dans chaque magasin ; qu'il a versé aux débats le press-book qui avait été envoyé dans chaque point de vente et qui donnait les caractéristiques de cent cinquante-sept cuisines, ce qu'aucun élément de preuve ne vient contredire ; qu'était également disponible à l'usine de fabrication une centaine de cuisines ; que le rapport des agents du service de la Concurrence et de la Consommation procède d'une extrapolation à partir de vérifications faites uniquement dans quelques magasins et n'apparaît pas suffisant pour établir l'infraction ; que le prévenu a offert la preuve de la totale disponibilité des deux cent quarante cuisines ; que cette offre de preuve n'a pas donné lieu aux investigations nécessaires (arrêt attaqué p. 3, alinéas 8 et 10 - p. 4, alinéas 1 et 4) ; que la preuve n'est pas rapportée de l'indisponibilité d'une cuisine façade chêne massif ; que, pour le surplus, on ne peut soutenir que le lecteur moyen de la publicité pouvait imaginer que tout était à 25 000 francs ni que tous les modèles étaient disponibles en solde (arrêt attaqué p. 4, alinéas 5 et 7) ;

"1°) alors que l'indication en caractères peu visibles des restrictions faites à une offre de vente promotionnelle sur une annonce publicitaire est de nature à induire en erreur le lecteur sur l'importance des avantages consentis à la clientèle ; parmi les faits visés à la prévention figurait notamment en l'espèce l'indication, en caractères minuscules, que l'offre était limitée à deux cent quarante cuisines pour trente points de vente d'ailleurs non identifiés ; qu'en se bornant en l'espèce à énoncer que la disproportion entre les mentions attractives et les mentions restrictives n'est pas en elle-même caractéristique d'une publicité mensongère sans rechercher si en l'espèce les consommateurs ne pouvaient pas être induits en erreur par la présentation de l'annonce, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2°) alors qu'il résulte de l'exposé des faits du jugement auquel l'arrêt attaqué se réfère expressément que les trois photographies figurant sur les documents publicitaires représentaient des modèles de cuisine qui n'étaient pas vendues aux conditions promotionnelles indiquées dans l'annonce ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors se borner à affirmer qu'un lecteur moyen ne pouvait raisonnablement imaginer que ces modèles étaient disponibles dans le processus de solde sans indiquer pourquoi un consommateur doit comprendre nécessairement que les photos illustrant une annonce publicitaire n'ont aucun rapport avec celle-ci ;

"3°) alors qu'un message publicitaire ambigu est de nature à induire en erreur ; qu'il résulte des termes du jugement entrepris, auquel se réfère expressément l'arrêt attaqué, que l'annonce publicitaire litigieuse comportait comme seule restriction l'indication que l'offre exceptionnelle portait sur deux cent quarante cuisines sans autre précision sur les modèles concernés ; que la cour d'appel qui constatait par ailleurs que tous les modèles de cuisine proposés à la vente ne faisaient pas l'objet des conditions de vente promotionnelle annoncées aurait dû rechercher si les mentions imprécises de l'annonce publicitaire n'étaient pas susceptibles d'induire en erreur les acheteurs ; qu'en se bornant à relever qu'il n'était pas établi que le prévenu ne disposait pas de deux cent quarante cuisines disponibles à la vente, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, dans une annonce publicitaire, Giuseppe M a offert gratuitement, pour tout achat d'une cuisine, cinq appareils électroménagers, en limitant cette offre à deux cent quarante achats dans trente magasins et en l'accompagnant de photographies de cuisines ne faisant pas l'objet de l'annonce ; que Giuseppe M est poursuivi pour publicité de nature à induire en erreur ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris et renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, la juridiction du second degré relève, en tenant compte de la place des mentions litigieuses dans l'écrit publicitaire, que la disproportion entre les caractères n'est pas de nature à induire en erreur ;qu'elle retient que l'offre exceptionnelle portait sur deux cent quarante cuisines, disponibles sur catalogue ou en usine, sans autre précision sur les modèles concernés ;qu'elle ajoute que le lecteur moyen ne pouvait imaginer que les modèles de cuisine photographiés "étaient tous disponibles dans le processus de solde" ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations procédant d'une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;que, par ailleurs, le pouvoir attribué par l'article 44-II de la loi du 27 décembre 1973 aux agents qu'il désigne, d'exiger de l'annonceur la mise à leur disposition de tous les éléments propres à justifier les allégations, indications ou présentations publicitaires, permet de retenir à charge contre l'annonceur défaillant l'absence de justification et conduit même, selon le dernier alinéa dudit article, à constituer en infraction distincte le refus de communication, mais ne dispense pas la partie poursuivante de rapporter la preuve de tous les éléments constitutifs du délit ;que, dès lors, les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.