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Décisions

Cass. crim., 1 mars 1983, n° 82-91.320

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

TGI Rouen, ch. corr., du 21 oct. 1981

21 octobre 1981

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par D Michel, contre un arrêt de la Cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 18 mars 1982, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 15 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a statué sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit; - Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1 et suivant 6-28 de la loi d'amnistie du 4 août 1981;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Michel D à une peine d'amende de 15 000 francs ainsi qu'à l'affichage et à la publication de la décision dans deux journaux locaux, alors que compte tenu de la nature et du montant de la peine prononcée, il appartient aux juges du fond de constater l'amnistie qu'aucun texte spécifique n'excluait en la cause;

Attendu que l'amnistie prévue par l'article 6 de la loi du 4 août 1981, dont le bénéfice est invoqué par le demandeur, est subordonnée d'une part au caractère définitif de la peine prononcée, et d'autre part, aux termes de l'article 19 de ladite loi, au paiement de l'amende quand celle-ci, comme c'est le cas en l'espèce, est supérieure à 5 000 francs; qu'elle ne peut dès lors qu'être consécutive à la décision sur le pourvoi dont la Cour de cassation est présentement saisie, et en cas de rejet, au versement de l'amende; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 44-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 1793 du code civil, 485, 593 du code de procédure pénale,

"en ce que la cour d'appel a déclaré D coupable du délit de diffusion de publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les prix et conditions de vente des maisons qu'il vend;

"aux motifs que les allégations contenues dans les documents publicitaires étaient de nature à induire en erreur leurs lecteurs en leur laissant croire que l'annonceur pratiquait des prix fermes et définitifs; que la possibilité dont dispose le client éventuel, une fois attiré par les annonces et prospectus, de voir rectifier, s'il se documente, les indications inexactes fournies par la publicité ne fait pas disparaître le caractère mensonger de celle-ci; qu'il importerait peu qu'en fait la clause d'actualisation n'ait jamais été appliquée puisqu'elle était effectivement stipulée et restait parfaitement applicable;

"alors que la cour d'appel ne pouvait, sans dénaturation et sans entacher l'arrêt d'une erreur de droit manifeste, considérer que les mentions contenues à la publicité incriminée étaient de nature à induire en erreur les éventuels clients, sur les prix pratiqués dès lors que les documents publicitaires ne stipulaient pas que ces prix étaient nets et fixés d'avance mais bien au contraire précisaient, notamment par la mention "une signature ça se respecte" que les prix retenus étaient ceux fixés en accord avec le client au moment de la passation du contrat, le dit client étant par avance parfaitement informé de l'existence d'une clause d'actualisation;

Attendu que pour déclarer D Michel coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur, l'arrêt relève que D président directeur général de la société du même nom, construisant des maisons individuelles, a fait insérer dans un journal d'annonces distribué gratuitement, une publicité comprenant en gros titre les mots: "imprévus compris" et les mentions "le prix d'achat d'une maison D est sans surprise et ne gonflera pas au fur et à mesure des travaux", alors que les contrats de construction de cette firme prévoyaient une actualisation du prix à la date du démarrage des travaux, puis une révision au moment de chaque paiement partiel, et que la notice descriptive que recevaient les candidats acquéreurs exclut du prix convenu un certain nombre de travaux pouvant être indispensables; que les juges d'appel ajoutent que la documentation publicitaire distribuée à la même époque à la foire exposition de Rouen, mentionnait que les papiers peints et les peintures intérieures étaient compris dans le prix, alors que dans la notice descriptive, ils figurent comme restant à la charge de l'acquéreur;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations exemptes d'insuffisance et de contradiction et déduites des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit prévu par l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 et a ainsi donné une base légale à sa décision;d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 44-2 de la loi du 27 décembre 1973, 1er et 7 de la loi du 1er août 1905-485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale,

"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné l'affichage du jugement" à la porte de la société Michel D pendant une semaine, alors que si l'article 44-II de la loi du 27 décembre 1973 punit les infractions prévues à l'article 44-I des peines de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 relative à la répression des fraudes, aucun texte ne rend applicable à ces infractions, les dispositions de l'article 7 de ladite loi prévoyant l'affichage de la décision de condamnation, seules étant prévues en matière d'infraction aux règles de la publicité les peines complémentaires de publication de la décision et facultativement de diffusion aux frais du condamne d'une ou plusieurs annonces rectificatives;

Vu lesdits articles; - attendu qu'aucune peine autre que celle appliquée par la loi à la nature de l'infraction ne peut être prononcée;

Attendu qu'après avoir déclare D coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur, la cour d'appel a ordonné l'affichage de l'arrêt pendant une semaine à la porte de l'entreprise;

Attendu cependant que si l'article 44-II de la loi du 27 décembre 1973, punit les infractions prévues par l'article 44-I des peines édictées à l'article 1er de la loi du 1er août 1905 relative à la répression des fraudes, aucun texte ne rend applicable à ces infractions les dispositions de l'article 7 de ladite loi prévoyant l'affichage de la décision;qu'en matière d'infractions aux règles de la publicité, les peines complémentaires de publication de la décision et facultativement, de diffusion aux frais du condamné d'une ou plusieurs annonces restificatives peuvent seules être prononcées;qu'il suit de là qu'en ordonnant l'affichage de la condamnation, l'arrêt attaqué a violé le principe ci-dessus énoncé;

Par ces motifs: casse et annule par voie de retranchement et sans renvoi, mais seulement en celles de ses dispositions relatives à l'affichage de la décision, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Rouen, en date du 18 mars 1982.