CA Rouen, 2e ch. civ., 25 avril 1991, n° 2323-89
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Image de France (Sté)
Défendeur :
Leblay (ès qual.), Adragon ITS Communication (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Magendie
Conseillers :
MM. Bouche, Grégoire
Avoués :
SCP Colin Voinchetr Adiguet, Me Reybel
Avocats :
Mes Pointel, Porchy.
Il suffit de rappeler, pour la bonne compréhension du litige, que la SARL Image de France qui s'était constituée le 21 décembre 1987, avait pour objet les éditions d'art, la création, conception, diffusion, vente, achat, distribution par tous moyens d'objets ou supports du domaine artistique..'.
La première opération qu'elle a envisagée consistait à vendre 450 lithographies du peintre normand Gaston Sébire, suivant la technique de vente par correspondance. Pour ce faire, elle s'est adressée à la société ITS Communication laquelle a établi un mailing destiné à toucher 15 000 membres des professions libérales de santé de plus de 40 ans. Le coût de cette opération s'élevait à la somme de 100 914,81 F TTC dont 17 871 F HT à titre d'honoraires revenant à ITS Communication.
Image de France ne devait régler qu'une partie de la facture dont le paiement lui était réclamé par ITD, qu'elle assignait finalement en paiement d'une somme de 370 000 F, réparant son préjudice commercial découlant de l'absence de résultat de l'opération qui ne s'était soldée que par 3 ventes, soit 0,02 % de retombées.
Le tribunal l'ayant par jugement du 25 septembre 1989 déboutée de sa demande de dommages-intérêts et ayant fait droit à la demande reconventionnelle de la société ITS - déclarée depuis on liquidation judiciaire - la société Image de France a interjeté appel.
La société Image de France, appelante, reprenant l'essentiel de son argumentation développée devant les premiers juges soutient que, débutant son activité, elle avait fait confiance à un de ses associés, Monsieur Valois, qui n'est autre que le gérant d'ITS Communication. Cette société, professionnelle de marketing, si elle n'est pas responsable des résultats, l'est des techniques mises en œuvre et doit répondre de ses manquements. L'échec ne pouvant venir du produit vendu - G. Sébire est un peintre normand réputé - seule la technique de vente utilisée par ITS, qui a conduit à 0,02 de retombées alors que le taux habituel en matière de vente par correspondance est de 2 à 3 % doit être incriminée.
Son préjudice résulte non seulement de la non-réalisation d'un chiffre d'affaires qu'elle pouvait raisonnablement escompter, mais également de son préjudice commercial.
Elle sollicite la réformation du jugement entrepris, et la condamnation de ITS Communication à lui payer 370 000 F à titre de dommages-intérêts, somme qui sera admise à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de cette société.
Me Leblay, ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société ITS Communication s'attache à réfuter point par point l'argumentation de l'appelante en faisant notamment valoir que ITS Communication a parfaitement exécuté son obligation de moyen en concevant le "mailing", en le faisant imprimer et en le faisant "router ".
Il sollicite, outre la confirmation du jugement entrepris, la condamnation de la société Image de France à lui verser, es qualité, 10 000 F à titre de dommages-intérêts, 2 000 F au titre de l'article 700 du NCPC pour frais irrépétibles en première instance et 3 000 F pour frais irrépétibles en appel.
Sur ce, LA COUR,
Attendu qu'en sa qualité d'agence conseil de publicité ITS Communication n'est tenue à l'égard de l'annonceur, qu'à une obligation de moyens et non à une obligation de résultats ;que sa responsabilité ne peut en conséquence être retenue que s'il est démontré qu'elle n'a pas joué son rôle de conseil ;
Attendu que l'appelant fait valoir que, du fait de la particularité du produit, il apparaît que le choix aurait dû s'orienter "vers un fichier d'acheteurs habitués à la vente par correspondance, comme ayant déjà réalisé ce type d'opération" ; qu' il ne démontre cependant pas qu'il en ait été autrement en l'espèce, la consultation du Groupe Michel Frain qu'il produit, rédigée dans des termes très prudents et très généraux se bornant à énoncer quelques pétitions de principes non étayés par une démonstration et se gardant bien d'indiquer quelle aurait été la bonne cible ;
Attendu que la société Image de France entend enfermer le débat dans une alternative : - ou la technique de vente utilisée a été mauvaise ou le produit vendu n'était pas bon, - puis par élimination de la deuxième branche, apporter la preuve de la faute commise ; qu'une telle problématique ne peut être acceptée dès lors qu elle confond sous le vocable du produit l'auteur en effet connu, et le support de son œuvre, la lithographie, dont on sait qu'elle connaît une certaine crise par suite de la saturation du marché, en sorte que l'on ignore si 1'insuccès n'est pas imputable à la nature même de ce support ;
Attendu que la société Image de France ne peut tirer enfin un quelconque argument d'une insuffisance de la répercussion de la publicité auprès de la clientèle alors qu'aucune faute n'est démontrée à la charge de l'annonceur ;
Attendu que si la société ITS ne prouve pas que la société Image de France ait commis un abus en usant des voies de droit mises à sa disposition, il apparaît par contre conforme à 1'équité de condamner celle-ci à payer à la première 3 000 F au titre de l'article 700 du NCPC pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel ;
Par ces motifs, Dit la société Image de France recevable mais mal fondée en son appel Confirme le jugement entrepris on toutes ses dispositions à l'exception de celle condamnant Image de France à 5 000 F à titre de dommages-intérêts, Y ajoutant : Condamne cette dernière à payer à la société ITS Communication trois mille francs (3 000 F) au titre de l'article 700 du NCPC, La condamne aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Reybel, avoué, selon l'article 699 du NCPC.