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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 21 mars 1995, n° 94-07112

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris et Ile-de-France, Fédération des industries de la parfumerie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Conseillers :

M. Guilbaud, Mme Penichon

Avocats :

Mes Fourgoux, Verniau, Henriot-Bellargent

CA Paris n° 94-07112

21 mars 1995

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré F Marcel coupable de vente, prestation de service ou offre à un consommateur avec prime illégale, le 11 juin 1993, à Paris, infraction prévue par l'article 33 al. 124 décret 86-1309 du 29/12/1986, L. 121-35 Code de la consommation et réprimée par l'article 33 al. 1 décret 86-1309 du 29/12/1986

Et, en application de ces articles, la condamnée à 50 amendes de 1 000 F chacune,

Décision assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F, dont est redevable chaque condamné.

Sur les intérêts civils :

A reçu la Fédération des industries de la parfumerie dans son action et la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France et la FNPD, parties civiles, en leur constitution,

A dit que la Fédération des industries de la parfumerie et la FNDP n'ont pas apporté la preuve d'un préjudice qui leur ait été propre et les a débouté de leur action.

A condamné Monsieur Marcel F à payer à la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France la somme de 185 000 F à titre de dommages-intérêts outre la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

A condamné F aux dépens de l'action civile, dont le montant n'est pas précisé au jugement.

Les appels :

Appel a été interjeté par : Monsieur F Marcel, le 7 octobre 1994

M. le Procureur de la république, le 7 octobre 1994 contre Monsieur F Marcel

Fédération des industries de la parfumerie, le 12 octobre 1994

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels du prévenu, de la Fédération des industries de la parfumerie (FIP) et du Ministère public du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention ;

Par voie de conclusions Marcel F, sollicite, par infirmation, sa relaxe.

Subsidiairement, il demande à la cour de dire qu'il n'est pas pénalement responsable des infractions visées à la prévention en application de l'article L. 122-3 du Code pénal et de déclarer irrecevables et mal fondées les parties civiles. Plus subsidiairement encore, il sollicite la cour de prononcer une seule amende, la publicité litigieuse étant constitutive d'un seul fait et de surseoir à statuer sur la demande de la chambre syndicale des parfumeurs détaillants (CSPD) de l'Ile-de-France ;

Reprenant l'argumentation développée en première instance, le prévenu fait valoir plus spécialement qu'il ne peut être tenu de l'erreur de droit commise par l'administration qui a donné son aval au principe de l'opération. Il affirme, également que les prix sur lesquels sont accordées les remises, calculés par application au prix d'achat hors taxes d'un coefficient multiplicateur de 1,96 et diffusé par la Banque de données Parkod aux parfumeurs, sont couramment pratiqués dans la profession et constituent une référence déterminée par un tiers, licite au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Sur l'action civile, il souligne plus spécifiquement que le discompte n'est pas un facteur de dévalorisation de la marque pour les consommateurs et n'entrave en rien la croissance des ventes de parfums à l'exportation.

Il conteste également le nombre des adhérents de la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France, sur lequel est assise la condamnation civile dont appel et précise qu'une plainte avec constitution de partie civile pour faux a été déposée devant le doyen des juges d'instruction de Paris à l'encontre de ce syndicat.

Par voie de conclusions, la Fédération des industries de la parfumerie, partie civile appelante, reprenant l'argumentation développée devant le tribunal souligne qu'elle a pour mission de défendre l'intérêt collectif de la profession, en entreprenant toute action commune jugée utile pour les syndicats adhérents et soutient qu'en l'espèce les pratiques dont s'agit, outre leur impact négatif sur la concurrence et la consommation, nuisent l'image de marque des produits de luxe concernés et portent préjudice à l'ensemble du secteur de la parfumerie. Elle demande, en conséquence, à la cour, de confirmer la décision critiquée sur l'action publique mais de l'infirmer sur les intérêts civils et de condamner Marcel F à lui payer, outre la somme d'un franc à titre de dommages-intérêts, celle de 20 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Par voie de conclusions la CSPD Paris Ile-de-France, partie civile, intimée, sollicite la confirmation du jugement attaqué sur l'action publique. Sur les intérêts civils, réitérant les demandes formées en première instance, elle demande à la cour de condamner le prévenu et la société Parfumerie Luxembourg, solidairement responsable à lui verser la somme de 185 000 F à titre de dommages-intérêts et de 15 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, arguant que les parfumeries qu'elle représente subissent une concurrence déloyale qui procure au prévenu des avantages injustifiés ;

Monsieur l'Avocat général estime, pour sa part, que les faits sont établis, et requiert la confirmation du jugement entrepris ;

Considérant qu'à juste titre le premier juge a retenu Marcel F dans les liens de la prévention ;

Considérant que la cour relève, pour sa part, que le prévenu n'a pu justifier d'un prix de référence au sens de l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977 ;qu'il a été constaté par l'administration que les prix marqués n'étaient pas conformes à la définition donnée à l'alinéa 1 de ce texte, les rabais pratiqués étant permanents, et qu'ils ne coïncidaient pas davantage avec les prix conseillés par les fournisseurs dans la mesure où les tarifs indicatifs versés au dossier, pour la plupart, postérieurs aux faits, concernent des produits cosmétiques non visés par les poursuites, centrées sur la parfumerie alcoolique, ou des marques qui n'ont pas fait l'objet de constatations par l'administration, ou font état de prix sans relation avec les prix de référence pratiqués par le prévenu ;

Considérant, par ailleurs que le prévenu ne saurait se prévaloir, en invoquant la jurisprudence de la Cour de cassation, d'un prix de référence distinct de ceux prévus par l'arrêté du 2 septembre 1977 et calculé par application au prix d'achat hors taxes d'un coefficient multiplicateur de 1,96 ; qu'en effet cette référence, dont le caractère usuel dans la profession n'est pas établi, l'administration et les syndicats de parfumeurs faisant état de coefficients sensiblement inférieurs, demeure en tout état de cause inaccessible au consommateur qui n'est pas en mesure de vérifier la véracité des promesses de rabais formulées ;

Considérant enfin que le prévenu ne peut utilement invoquer l'erreur de droit résultant d'une prise de position dominante prétendument erronée de la DGCCRF dès lors que la question soumise à l'administration visait des rabais touchant une partie de la clientèle alors que les pratiques mises en œuvre dans la présente affaire concernent l'ensemble de cette dernière, par suite du faible montant du seuil d'achats donnant droit à réduction ;

Considérant, en conséquence, que la cour estime, comme le tribunal, que l'infraction visée à la prévention est caractérisée ;qu'il convient de confirmer le jugement entreprise sur la déclaration de culpabilité ;

Sur les peines :

Considérant que le prévenu n'a pu justifier des prix de référence pour cinquante des produits vendus dans son magasin ; qu'il s'est donc rendu coupable, contrairement à ce qu'il soutient, de cinquante contraventions, constituant autant de fautes distinctes ;

Considérant, en conséquence, que la cour confirmera le jugement déféré sur les peines d'amende infligés qui sont adaptées tant à la gravité des faits reprochés qu'à la personnalité de Marcel F.

I - La fédération des industries de la parfumerie :

Considérant que les faits réels que visés à la prévention et dont Marcel F s'est rendu coupable, outre leur impact négatif sur la concurrence, altèrent l'image de marque des produits concernés dont la renommée est internationale et portent atteinte à l'intérêt collectif des fabricants et des parfumeurs détaillants, unis par des liens de distribution sélective ;

Qu'en conséquence, la cour estime que la Fédération des industries de la parfumerie, qui en tant qu'union de syndicats, a en charge sur le plan national la défense des industries de la parfumerie est fondée à demander réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession occasionné par les agissements commis par le prévenu ;

Considérant qu'il convient - infirmant le jugement dont appel - de recevoir la Fédération des industries de la parfumerie en sa constitution de partie civile ;

Considérant que la cour qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour évaluer le préjudice subi par la partie civile, condamnera Marcel F à verser un franc à la Fédération des industries de la parfumerie à titre de dommages-intérêts et la somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

- la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants (CSPD) de Paris Ile-de-France

Considérant que la cour observe que les faits visés à la prévention ont porté un préjudice direct aux intérêts des parfumeurs détaillants représentés par la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France en confrontant leurs membres à une concurrence déloyale, se traduisant par un détournement de clientèle, et en les contraignant à exercer une action commune à l'encontre de ces pratiques :

Considérant qu'il échet de confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a déclaré la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants Paris Ile-de-France recevable et bien fondée en sa constitution de partie civile ; que cependant, la cour, estimant avoir des éléments nécessaires et suffisants pour évaluer le préjudice direct subi par a partie civile du fait des agissements du prévenu, minorera, par infirmation, à 10 000 F le montant des dommages-intérêts à lui allouer.

Considérant que la cour confirmera le jugement critiqué sur les frais irrépétibles alloués à la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants Ile-de-France, et y ajoutant, condamnera le prévenu à lui verser la somme supplémentaire de 2 000 F au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Considérant que la cour rejettera le surplus des conclusions tant du prévenu que de la partie civile ;

Considérant que plus particulièrement, la cour estime qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Marcel F sollicitant le sursis à statuer concernant la demande de la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Sur l'action publique : Rejette les conclusions de relaxe de Marcel F, Confirme la décision dont appel sur la déclaration de culpabilité et sur les peines d'amende infligées, Rejette le surplus des conclusions de Marcel F ; Sur l'action civile : la Fédération des industries de la parfumerie infirme le jugement entrepris, Déclare recevable et bien fondée la constitution de partie civile de la Fédération des industries de la parfumerie, Condamne Marcel F à payer à titre de dommages-intérêts un franc à la Fédération des industries de la parfumerie en réparation du préjudice par elle subi. Condamne Marcel F à payer à la Fédération des industries de la parfumerie la somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants Ile-de-France : Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur la demande la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France, Confirme la décision dont appel en ce qu'elle a reçu la constitution de partie civile de la chambre syndicale des parfumeurs détaillants de paris Ile-de-France. L'infirme pour le surplus, Condamne Marcel F à verser à titre de dommages-intérêts à la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France, la somme de 10 000 F en réparation du préjudice par elle subi, Confirme la décision dont appel en ce qu'elle a alloué à la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Et y ajoutant, condamne Marcel F à lui payer la somme supplémentaire de 2 000 F au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ; Rejette le surplus des conclusions de la Fédération des industries de la parfumerie et de la Chambre syndicale des parfumeurs détaillants de Paris Ile-de-France. Rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.