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Décisions

CA Paris, 14e ch. A, 12 décembre 1990, n° 90-5277

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Syndicat des opticiens français indépendants

Défendeur :

Gillet, Olivier, Optique du Parvis (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rabate

Conseillers :

Mmes Edin, Collomp

Avoués :

SCP Duboscq Pellerin, SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Flecheux, Bouaziz.

TGI Fontainebleau, ord. réf., du 24 oct.…

24 octobre 1990

LA COUR:

Statue sur l'appel interjeté par le Syndicat des opticiens français indépendants dit par abréviation SOFI dans la suite de cet arrêt à l'encontre d'une ordonnance de référé rendue le 24 octobre 1989 par le président du Tribunal de grande instance de Fontainebleau qui a:

- débouté le Syndicat des opticiens français indépendants de l'ensemble de ses demandes,

- alloué à la SARL Optique du Parvis à Daniel Olivier et Renée Gillet une somme de 600 F chacune sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans le courant de l'année 1989, Renée Gillet, Daniel Olivier et la SARL Optique du Parvis qui exploitent les uns et les autres des commerces d'optique à Nemours ont fait paraître soit en vitrine de leurs magasins soit par divers supports publicitaires des annonces de rabais sur les prix des montures et des verres de lunette qu'ils commercialisaient ; qu'ainsi Daniel Olivier a fait paraître sur des véhicules de transport en commun d'une part, sur des "sets de table en papier" distribués au public d'autre part des annonces publicitaires conçues respectivement comme suit: "en 1989, moins 50 % sur montures optiques prix nets" "moins 20 % net sur montures et verres" que de leur côté Renée Gillet et la SARL Optique du Parvis ont fait publier dans le journal l'Eclaireur du Gatinais un encart où il était indiqué: "Durant toute l'année, sur toutes les montures de qualité optique, sur tous les verres correcteurs organiques et minéraux sans limitation de puissance, remise de 20 %" ;

Qu'enfin la SARL Optique du Parvis a affiché sur la vitrine de son magasin la mention suivante: "mutualistes, - 20 % verres et monture".

Faisant valoir que ces annonces étaient irrégulières au regard des prescriptions édictées par l'arrêt 77-105 P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité sur les prix, le SOFI a demandé au Juge des référés de Fontainebleau d'ordonner la cessation de leur diffusion.

C'est dans ces conditions, le premier juge ayant estimé qu'il n'y avait pas de trouble manifestement illicite, que l'ordonnance déférée a été rendue.

A l'appui de son appel le SOFI soutient que les annonces incriminées qui ne comportent ni l'indication du prix de référence ni la durée pour laquelle l'offre de réduction est faite contrevient manifestement aux dispositions des articles 2.1 et 3 de l'arrêté précité ainsi qu'aux circulaires ministérielles des 4 mars 1978, 22 septembre 1980 et 26 février 1981.

Il demande d'infirmer l'ordonnance déférée, de constater que les publicités faites par les opticiens lunetiers et établissements d'optique lunetterie G. Legros, Optique du Parvis et Daniel Olivier soit en vitrine de leurs magasins soit par voie de tracts ou par affichage mobile sont contraires aux textes précités, d'ordonner la cessation de ces agissements sous astreinte de 1 000 F par infraction constatée et de condamner solidairement les intimés à lui payer 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SARL Optique du Parvis, Daniel Olivier et Renée Gillet répliquent que contrairement à ce que prétend le SOFI toutes les annonces litigieuses indiquaient bien l'importance de la réduction proposée et les produits concernés et que si certaines d'entre elles avaient effectivement omis de mentionner la durée de l'offre cette circonstance avait pour seule conséquence d'obliger l'annonceur à accorder la remise promise aussi longtemps que la publicité était faite sans rendre pour autant l'annonce irrégulière.

Ils ajoutent que les dispositions de l'arrêt du 2 septembre 1977 sont inapplicables lorsque l'avantage n'est pas offert à l'ensemble de la clientèle mais seulement à certaines catégories de clients tel celui organisé par la SARL Optique du Parvis au profit des mutualistes et concluent au principal au mal fondé des prétentions adverses.

A titre subsidiaire, ils font valoir que ces prétentions se heurtent à l'existence d'une contestation sérieuse, les textes invoqués par le SOFI n'étant pas aussi clairs que celui-ci le prétend et soutiennent à titre infiniment subsidiaire que le SOFI n'a plus intérêt à agir, les publicités critiquées ayant cessé.

Ils demandent au principal de confirmer l'ordonnance déférée, à titre subsidiaire de dire n'y avoir lieu à référé, à titre infiniment subsidiaire, de constater que les demandes sont devenues sans objet et sollicitent en tout état de cause l'allocation d'une somme de 3 000 F pour chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Après avoir relevé au principal que le référé était devenu sans objet puisque les annonces litigieuses avaient cessé de paraître, le Ministère public conclut subsidiairement à la confirmation de l'ordonnance déférée, les publicités incriminées n'étant pas à son sens contraires aux prescriptions édictées dans l'intérêt exclusif des consommateurs par l'arrêté du 2 septembre 1977.

Conformément à l'autorisation qui avait été donnée aux parties, le Conseil du SOFI a répondu par une note en délibéré aux conclusions du Ministère public.

Il fait valoir que les prix, en optique lunetterie, ne sont pas réglementés mais librement fixés par chaque opticien, qu'un offre de publicité imprécise ne peut dans ces conditions profiter au consommateur car sans indication du prix de référence elle n'a qu'un caractère fictif et trompeur et que même si les publicités litigieuses ont cessé, le SOFI garde un intérêt évident à obtenir l'infirmation d'une ordonnance selon laquelle il serait irrecevable à invoquer les dispositions de l'arrêté numéro 77-105 P au motif qu'il ne profite qu'aux consommateurs.

SUR CE,

LA COUR:

Considérant que les intimés indiquent sans être contredits que les publicités litigieuses ont à ce jour cessé de paraître, que les demandes du SOFI sont donc devenues sans objet en ce qu'elles tendent à faire cesser un trouble qui n'existe plus, l'appel ne conservant plus d'intérêt que pour l'appréciation de la charge des dépens et le sort des demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu'il convient donc de statuer ;

Considérant que sur le fondement de l'article 809 du nouveau Code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse prescrire les mesures qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Que le litige se limite en conséquence à la seule question de savoir si les publicités publiées par les intimés contrevenaient au non manifestement aux textes applicables ;

Considérant que l'article 2.1 de l'arrêté du 2 septembre 1977 relatif à la publicité sur les prix dispose que lorsqu'elle est faite hors des lieux de vente, toute publicité comportant une annonce de réduction de prix doit préciser:

- l'importance de la réduction soit en valeur absolue soit en pourcentage par rapport au prix de référence, ce dernier ne pouvant excéder selon l'article 3 du texte, le prix le plus bas pratiqué par l'annonceur au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité,

- les produits ou services concernés,

- les modalités suivant lesquelles sont consentis les avantages annoncés et notamment la période pendant laquelle le produit est offert à prix réduit ;

Que le SOFI fait précisément grief aux intimés d'avoir omis d'indiquer dans les annonces et publicités sus-décrites le prix de référence et la période pour laquelle l'offre promotionnelle était faite ;

Mais considérant d'une part que s'il exige bien l'indication de l'importance de la réduction proposée, l'article 2.1 du texte précité ne dispose pas expressément que le prix de référence doive aussi et de manière impérative figurer dans l'annonce, ce prix devant surtout selon l'article 3 de l'arrêté pouvoir être justifié en cas de contrôle administratif.

Considérant d'autre part que la circulaire ministérielle du 10 janvier 1978 prise pour l'application de l'arrêté du 2 septembre 1977 mentionné dans son chapitre IV section II B, qu'à défaut d'indication de la période pendant laquelle le produit ou le service est offert à prix réduit, l'annonceur est tenu de fournir le produit ou le service aux conditions indiquées aussi longtemps que persiste la publicité ;

Qu'enfin la circulaire du 4 mars 1978 précise pour sa part que les dispositions de l'arrêt ne sont pas applicables si l'avantage n'est pas offert à tous mais seulement à certaines catégories de clientèles tels en l'espèce "les mutualistes" ;

Considérant que les textes n'imposant pas à peine d'irrégularité de préciser la période pour laquelle est faite l'offre de réduction il n'apparaît pas dans ces conditions que les publicités incriminées, qui comportaient toutes l'indication en pourcentage du rabais proposé et la mention des produits concernés par la promotion et dont certaines n'étaient pas même soumises à la réglementation invoquée, aient été manifestement illicites ni par suite qu'elles aient généré un trouble qu'il aurait convenu de faire cesser immédiatement ;que c'est à bon droit par suite que le premier juge a statué comme il l'a fait ;

Considérant qu'il aurait été inéquitable de laisser à la charge de la SARL Optique du Parvis, de Daniel Olivier et de Renée Gillet les sommes exposées par eux en première instance ;

Que l'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle leur a alloué 600 F à chacun sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, qu'il serait de même inéquitable de leur laisser la charge des frais exposés par eux en appel, et non compris dans les dépens ; qu'il doit leur être accordé 1 500 F à chacun sur le fondement du texte précité ;

Qu'étant pour sa part condamné aux dépens le SOFI ne peut prétendre au bénéfice de ces mêmes dispositions.

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 24 octobre 1989 par le président du Tribunal de grande instance de Fontainebleau. Y ajoutant: Constate qu'au jour où la cour statue le trouble allégué a cessé. Dit qu'il n'y a plus lieu à référé sur les demandes du Syndicat des opticiens français indépendants. Condamne le Syndicat des opticiens français indépendants à payer à la SARL Optique du Parvis, à Daniel Olivier, et à Renée Gillet une somme supplémentaire de 1 500 F pour chacun sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre des frais exposés en appel. Le condamne aux dépens d'appel. Accorde à la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué, le droit prévu à l'article 699 du Code susvisé.