CCE, 18 janvier 2000, n° 2000-524
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aide d'État accordée par l'Allemagne en faveur de Linde AG
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément à l'article précité (1), considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) Au mois de mai 1998, dans le cadre de ses contacts avec les autorités allemandes, la Commission a pris connaissance de plusieurs opérations auxquelles ont pris part la Treuhandanstalt (THA) et l'organisme qui lui a succédé, la Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben (BvS), ainsi que les sociétés UCB Chemie GmbH (UCB) et Linde AG (Linde). Ces opérations ont essentiellement porté sur les conditions auxquelles devait être livré l'oxyde de carbone (CO) destiné à la production d'amines qu'UCB avait rachetée à Leuna Werke GmbH (LWG) à l'issue d'une procédure de privatisation.
(2) Ensuite, par lettre du 7 août 1998 (A-36142), les autorités allemandes ont communiqué à la Commission les motifs de ces opérations et les mesures d'aide s'y rapportant. Par lettre du 18 septembre 1998 (D-16578), la Commission a demandé des renseignements complémentaires, lesquels lui ont été fournis par lettre datée du 3 décembre 1998 (A-38804). L'affaire a été enregistrée le 10 février 1999 sous le numéro NN 16-99.
(3) Par courrier du 30 mars 1999 [SG (99) D-2353, JO C 194 du 10.7.1999, p. 15], la Commission a informé l'Allemagne de sa décision d'ouvrir une procédure au titre de l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, en raison des mesures suivantes:
- une subvention de 9 millions de marks allemands (DEM) en faveur de Linde pour la construction d'une nouvelle installation de production de CO,
- les conditions auxquelles le CO est actuellement fourni à UCB.
(4) Par lettre du 25 mai 1999 (A-33985), les autorités allemandes ont communiqué leurs observations.
(5) La Commission n'a pas reçu d'observations des autres intéressés.
II. DESCRIPTION DE L'AIDE
II.1. Bénéficiaire de l'aide
(6) La société Linde fait partie du groupe Linde, un conglomérat multinational qui compte plus de 120 filiales et emploie plus de 32000 salariés. En 1998, le groupe Linde a réalisé un chiffre d'affaires de 10 738 000 000 de DEM et a enregistré un résultat net de 9 371 000 000 de DEM. Le groupe opère dans quatre secteurs de base: la construction d'installations technologiques, les convoyeurs, le froid et les gaz industriels.
(7) La société Linde a son siège social à Höllriegelskreuth (Munich). En 1998, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 4 554 000 000 de DEM, avec un effectif de 12 499 salariés. Actuellement, Linde est le deuxième fournisseur de gaz industriels d'Europe. Ces gaz sont livrés à l'utilisateur final en quantités relativement importantes, souvent par gazoduc directement depuis l'usine. Ils servent de produits intermédiaires dans la fabrication de nombreux produits chimiques ainsi qu'en médecine et pour la recherche et le développement.
II.2. Privatisation de la production chimique de Leuna (Saxe-Anhalt)
(8) En 1993, la THA a décidé de vendre l'installation de production d'amines de LWG située à Leuna à UCB, une filiale d'Union chimique belge, un groupe pharmaceutique et chimique belge présent dans le monde entier. Le groupe Union chimique belge emploie plus de 8000 salariés, dont près de la moitié dans le secteur pharmaceutique et le reste dans le secteur de la chimie et de la pellicule. Un tiers environ de cet effectif est employé en Belgique. En 1998, la société UCB a réalisé un chiffre d'affaires de 66,9 millions de DEM, avec 79 salariés.
(9) La production d'amines ne représente qu'une petite partie des activités du groupe chimique de Leuna. D'après les indications des autorités allemandes, cette activité a été vendue à l'issue d'une procédure d'adjudication publique, transparente et sans réserves. Seul soumissionnaire, UCB a déboursé 6,6 millions de DEM pour ce rachat, la THA ayant pris en charge l'élimination des dommages écologiques hérités du passé et la rénovation du site (2).
(10) Comme pour beaucoup d'autres produits chimiques, la production d'amines nécessite l'emploi de CO. C'est pourquoi UCB a subordonné le rachat de cette activité à l'engagement de la THA de garantir l'approvisionnement en CO.
(11) La THA (3) s'est engagée à fournir du CO à un prix du marché convenu pour dix ans, à condition qu'UCB:
- ne signe pas de contrat de fourniture de CO avec un autre fournisseur,
- ne construise pas d'installation de production de CO pour ses propres besoins. Dans le cas contraire, la THA accorderait une subvention de 5 millions de DEM dans le cadre du contrat de privatisation.
(12) Aucune indication n'a été fournie au sujet des modalités de calcul de ce prix du marché. Il faut cependant remarquer que la THA avait, en son temps, signé des contrats de fourniture de longue durée avec de nouveaux investisseurs, car la situation des approvisionnements pour le secteur de la chimie était de toute évidence relativement précaire. D'après les indications des autorités allemandes, si ce genre de garantie d'approvisionnement n'avait pas existé, les producteurs n'auraient pas été disposés à s'installer sur les sites concernés et la THA n'aurait pas été en mesure d'accomplir sa mission de privatisation.
(13) Lorsqu'elle a signé avec UCB le contrat relatif à l'installation de production d'amines, la THA espérait trouver un repreneur pour l'installation de production de CO, mais en vain. Comme cette dernière n'avait été ni restructurée ni modernisée, les coûts de production étaient nettement supérieurs au niveau du marché. Les pouvoirs publics ont donc exploité l'établissement, enregistrant une perte annuelle de l'ordre de 3,5 millions de DEM. En 1996, la BvS a décidé de résilier le contrat pour le CO qui se traduisait par des pertes et a proposé à UCB de produire elle-même le CO nécessaire à la production d'amines, moyennant quoi elle percevrait une subvention de 5 millions de DEM conformément au contrat de privatisation.
(14) Mais UCB a décliné cette proposition et la BvS a dû se mettre en quête d'un autre repreneur. Le seul investisseur ayant manifesté de l'intérêt pour la reprise de la production a été la société Linde, déjà implantée dans la région depuis 1994. De fait, au mois de juin 1997, un accord relatif à l'approvisionnement en CO a été conclu entre la BvS, LWG, UCB et Linde.
II.3. Accord entre la BvS, LWG, UCB et Linde
(15) Cet accord prévoyait que Linde devait construire, en l'espace de dix-huit mois, une nouvelle installation de production de CO à intégrer ensuite à son entreprise de Leuna. Le coût de la construction avait été estimé à 12 millions de DEM, Linde devant apporter 3 millions sur ses fonds propres. Pendant la durée des travaux, Linde utiliserait les installations existantes et fournirait du CO à UCB aux mêmes conditions que celles qui avaient été convenues par la THA et UCB dans le cadre du contrat de privatisation de 1993.
(16) En vertu de cet accord, la BvS a participé au coût de construction de la nouvelle installation à hauteur de 9 millions de DEM. D'après les indications des autorités allemandes, cette somme se compose de la subvention de 5 millions de DEM convenue entre la THA et UCB dans le cadre du contrat de privatisation et d'un complément de 4 millions de DEM.
(17) Soupçonnant fortement que, d'une part, la subvention de 9 millions de DEM octroyée à Linde pour la production de CO et, d'autre part, le "prix du marché" convenu entre UCB et Linde étaient susceptibles de contenir des éléments d'aide d'État, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure visée à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE.
III. RÉPONSE DE L'ALLEMAGNE À L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE AU SENS DE L'ARTICLE 88, PARAGRAPHE 2, DU TRAITÉ CE
(18) Par lettre du 25 mai 1999, les autorités allemandes ont réagi comme suit à l'ouverture de la procédure:
- en raison de la nature particulière de l'oxyde de carbone, ce gaz doit être fabriqué sur le lieu même de son utilisation. En conséquence, le commerce d'un produit de ce type ne peut être affecté,
- étant donné qu'il n'existe pas de marché du CO au sens habituel du terme, le prix de vente ne peut être calculé qu'à partir des dépenses courantes des usines existantes. Une usine de CO totalement séparée serait beaucoup plus coûteuse,
- Linde ne bénéficie d'aucun traitement privilégié, pour les raisons suivantes:
i) l'ancienne installation de CO n'a pas été vendue et appartient toujours à LWG. Il n'y avait donc aucune obligation d'adjudication. Étant donné que Linde a construit sa propre installation de CO, il n'y avait pas non plus obligation d'adjudication;
ii) les prix de Linde sont calculés à partir du coût de l'investissement et d'un rendement raisonnable;
iii) étant donné que Linde n'était pas obligée de construire une installation de CO et compte tenu du fait qu'aucun autre repreneur ne s'est manifesté, il ne saurait être question de traitement privilégié;
- il ne saurait davantage être question d'un traitement privilégié d'UCB, puisque celle-ci achète le CO à Linde pour un prix plus élevé qu'à la BvS. Au demeurant, ce prix est supérieur à celui qui est pratiqué dans d'autres pays (États-Unis d'Amérique) (4),
- la reprise de la production d'amines par UCB était subordonnée à la garantie de livraison. En raison de cette garantie, le prix du CO devait s'élever à [...] (5) pendant dix ans, sans révision. Pour la BvS, ce prix n'était plus acceptable en termes économiques,
- LWG avait étudié la possibilité de disposer de sa propre production de CO, mais le coût de l'investissement était trop élevé. Étant donné que le CO est fabriqué avec un gaz de synthèse qui doit être purifié dans un système de reformage à la vapeur, la seule autre possibilité consistait à utiliser l'un des reformeurs existant alentour. Comme Linde en avait acheté un à LWG autrefois, elle a proposé "à la BvS et à UCB" de devenir le fournisseur de CO d'UCB, auquel cas le CO serait vendu à cette dernière au prix de [...] (6). Ce prix devait s'appliquer de la date de signature de l'accord entre la BvS, UCB et Linde (juin 1997) jusqu'à la mise en service effective de la nouvelle installation de CO de Linde, puis passer à [...] (7). Il serait révisé selon les modalités usuelles. D'après les indications des autorités allemandes (lettre A-33985 du 25 mai 1999, arrivée le 28 mai 1999), UCB a décidé d'accepter l'offre de Linde, car, grâce à sa nouvelle installation, celle-ci était en mesure de livrer plus de CO que LWG, et la possibilité d'accroître la production ultérieurement était un aspect important pour UCB. Linde a donc proposé à UCB un contrat pour [...] (8),
- le prix de [...] (9) a été convenu pour une durée de [...] (10). Étant donné qu'il n'existe pas de prix du marché proprement dit, aucun mécanisme de contrôle n'est prévu,
- Linde a investi 12,586 millions de DEM, dont 9 millions ont été apportés par l'État (0,45 million à titre de prime fiscale à l'investissement et le solde à titre de subvention ad hoc de la BvS). Le coût de l'investissement a concerné essentiellement la construction d'une nouvelle installation de production de CO.
IV. APPRÉCIATION DES MESURES
IV.1. Marché concerné
(19) Sur le marché concerné, des gaz industriels, et notamment de l'hydrogène, de l'oxygène et de l'azote, sont transportés par gazoduc jusqu'à l'usine utilisatrice ou à proximité de celle-ci. Cette livraison directe constitue un marché en soi, car, en général, les camions-citernes et les bouteilles ne permettent pas de livrer le gaz en quantités suffisantes pour les gros utilisateurs.
(20) Les installations d'alimentation en gaz peuvent être construites n'importe où. Dans ce domaine, les gros producteurs opèrent à l'échelle mondiale. Le marché géographique concerné est au moins le marché communautaire.
(21) Linde a pour activité l'alimentation directe en gaz industriels. Ces produits font l'objet d'échanges intracommunautaires (11). Les chiffres qui suivent montrent que d'autres concurrents sont présents sur ce marché:
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(22) Le CO est un gaz fortement toxique utilisé dans l'industrie chimique. La quantité de CO dont UCB a besoin ne peut être livrée que par des canalisations ou par une alimentation directe. Le transport étant onéreux, le CO doit être fabriqué à proximité de l'utilisateur.
(23) En 1994, Linde a inauguré à Leuna le plus grand de ses centres de gaz industriels et, en 1998, la société a racheté l'intégralité du système d'alimentation en gaz industriels de la raffinerie Mitteldeutsche Erdölraffinerie (MIDER) de Leuna. MIDER, qui appartient au groupe pétrolier français Elf Aquitaine, achète à Linde de l'hydrogène, de l'oxygène et de l'azote. Le contrat de fourniture s'élève à plus de 1 milliard de DEM.
(24) Compte tenu du coût excessif de la construction d'installations séparées, Linde s'est trouvée dans une situation avantageuse, puisqu'elle a pu intégrer la production de CO à ses installations de production d'hydrogène existantes et reliées à MIDER.
(25) Bien que, pour l'heure, UCB soit le seul client de Linde pour le CO, on ne peut exclure qu'un jour Linde fournisse également ce gaz à d'autres entreprises implantées dans le même triangle industriel. À ce propos, il faut noter que Buna, Leuna et Bitterfeld s'efforcent d'attirer des investissements dans l'industrie chimique. C'est ainsi qu'y sont implantées, outre UCB, Linde et Elf Aquitaine, les sociétés Elf Atochem SA, Rhône-Poulenc SA et Domo SA.
(26) Linde est en mesure de fournir du gaz à des prix avantageux, et il se peut que les entreprises privilégient cette source par rapport à d'autres parce qu'elle est fiable et économique.
(27) Pour ces raisons, toute aide accordée à Linde pour la construction d'une installation de production de CO est de nature à fausser le jeu de la concurrence.
IV.2. Mesure constituant une aide d'État: la subvention de 9 millions de DEM en faveur de Linde
IV.2.1. Nature d'aide d'État
(28) La subvention de 9 millions de DEM que la BvS a accordée à Linde constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, car elle a permis à l'entreprise de compléter son installation d'hydrogène existante par une installation de production de CO, sans avoir à en supporter le coût. Même si, pour certaines raisons, il est préférable que le CO soit produit sur le lieu de son utilisation, cette appréciation se justifie, d'abord, parce que Linde est avantagée par rapport à ses concurrents en raison de meilleures conditions d'investissement pour la construction d'une installation de production de CO; ensuite, pour les raisons susmentionnées, tout soutien apporté à l'unique fournisseur de CO de Leuna aura des effets directs sur les produits finis des autres fabricants pour lesquels le CO est nécessaire (par exemple, pour la production d'amines d'UCB). Or, ces produits font l'objet d'échanges intracommunautaires.
(29) Les autorités allemandes prétendent que seule la garantie de fourniture de CO à UCB a permis de vendre l'activité de production d'amines.
(30) Il faut répondre à cela que cette formule était monnaie courante au début des années 90, car c'était la seule façon de vendre par éléments des conglomérats totalement intégrés qui ne pouvaient être privatisés dans leur globalité. S'il n'avait pas été procédé de la sorte, la situation de l'alimentation des usines chimiques en gaz aurait été précaire. En effet, en l'absence de telles garanties, la plupart des producteurs n'auraient pas été disposés à reprendre une partie d'un site de production et la THA n'aurait donc pas été en mesure de remplir sa mission de privatisation.
(31) Toutefois, la garantie de fourniture assurée à UCB en 1993 ne justifie pas l'octroi d'une aide d'État à Linde en 1997 dans le cadre de la construction d'une installation de production de CO.
(32) Tout d'abord, la Commission a peine à voir dans l'octroi de la subvention de 5 millions de DEM (aux termes du contrat de privatisation de 1993) un élément de la garantie de fourniture. En effet, une telle subvention ne s'imposait pas vis-à-vis d'UCB dans le cadre de la garantie de fourniture assumée par la THA, car, même en l'absence de cette subvention, UCB aurait eu le droit contractuel à une alimentation normale en CO. Ce type de garantie peut encore moins servir à justifier l'octroi de la subvention de 9 millions de DEM à Linde. Par ailleurs, l'accord initial de 1993 ne prévoyait pas la possibilité qu'un tiers fût chargé de la construction de nouvelles installations et obtînt pour cela une subvention de 9 millions de DEM. En fait, l'accord prévoyait seulement qu'UCB avait le droit de rechercher des conditions de fourniture présumées plus avantageuses, y compris la construction de ses propres installations. En revanche, il n'a nullement été songé à une troisième possibilité que les autorités allemandes - dans leurs observations relatives à l'ouverture de la procédure au titre de l'article 88, paragraphe 2, du traité CE - appellent à juste titre une solution de rechange. Cette troisième voie aurait consisté à apporter un soutien à une tierce entreprise chargée de la construction d'une installation de CO. L'accord signé en juin 1997 entre la BvS, LWG, UCB et Linde doit donc être considéré comme un nouvel accord, distinct du contrat de privatisation de 1993.
(33) Enfin, il faut observer que les autorités allemandes n'ont pas fourni de preuves concrètes ni suffisantes qu'aucune autre entreprise que Linde n'a accepté d'approvisionner UCB. Elles affirment seulement que Linde a été le seul investisseur intéressé.
IV.2.2. Appréciation de la compatibilité de l'aide d'État
(34) Après avoir constaté que la subvention de 9 millions de DEM en faveur de Linde constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, la Commission doit vérifier si cette aide est compatible avec le Marché commun.
(35) En ce qui concerne la nature de l'aide octroyée à Linde, il faut dire que, à l'exception de la prime fiscale à l'investissement de 0,45 million de DEM, ce n'est pas un régime d'aides antérieurement approuvé par la Commission qui a été appliqué, mais des mesures nationales qui n'ont pas été approuvées par la Commission et auraient dû lui être notifiées préalablement, conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité CE. Il s'agit donc d'une aide illégale.
(36) L'article 87, paragraphe 1, du traité CE prévoit que les aides qui répondent aux critères qu'il énonce sont en principe incompatibles avec le Marché commun.
(37) Dans le cas présent, les dérogations énoncées à l'article 87, paragraphe 2, du traité CE ne sont pas applicables, car aucun des objectifs prévus dans cette disposition n'est poursuivi avec l'aide en question. Du reste, les autorités allemandes n'ont pas pris ces dérogations comme justification.
(38) L'article 87, paragraphe 3, du traité CE précise les types d'aides qui peuvent être considérés comme compatibles avec le Marché commun. La compatibilité doit être établie par rapport à l'ensemble de la Communauté et pas seulement par rapport à un État membre ou au territoire d'un État membre.
(39) Pour garantir le fonctionnement normal du Marché commun et respecter le principe énoncé à l'article 3, point g), du traité CE, les dérogations visées à l'article 87, paragraphe 3, du traité doivent faire l'objet d'une interprétation étroite lors de l'examen de régimes d'aides ou d'une aide individuelle. Ainsi, les dérogations s'appliquent seulement s'il peut être prouvé que, en l'absence de l'aide, les forces du marché auraient été insuffisantes pour permettre aux entreprises bénéficiaires de réaliser l'un des objectifs cités dans les dispositions dérogatoires.
(40) En ce qui concerne les dérogations visées à l'article 87, paragraphe 3, points b) et d), du traité CE, l'aide en question n'est pas destinée à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ni à remédier à une perturbation grave de l'économie allemande et ne présente aucune de ces caractéristiques. Elle n'est pas davantage destinée à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.
(41) En ce qui concerne la dérogation visée à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, la Saxe-Anhalt ne se trouve pas dans une région éligible au titre de cette dérogation.
(42) Dans certaines conditions, la Commission peut, en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, approuver des aides au sauvetage ou à la restructuration accordées à des entreprises en difficulté, conformément aux lignes directrices communautaires relatives aux aides d'État pour le sauvetage et la restructuration des entreprises en difficulté (12), qui étaient en vigueur au moment de l'octroi de l'aide. Linde n'est pas une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices, et la subvention de 9 millions de DEM ne constitue pas une aide au sauvetage ou à la restructuration.
(43) Les zones d'un État membre éligibles aux aides d'État à finalité régionale ainsi que les plafonds d'intensité applicables aux aides à l'investissement initial ou à la création d'emplois figurent sur la carte des aides à finalité régionale de l'État membre concerné. D'après la carte des aides à finalité régionale de l'Allemagne, la Saxe-Anhalt est une région éligible au titre de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE.
(44) L'article 87, paragraphe 3, point a), prévoit que les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun.
(45) Pour garantir un contrôle efficace des aides à finalité régionale tout en favorisant la réalisation des objectifs de l'article 3 du traité CE, et notamment des points g) et k), la Commission fixe, pour chaque État membre, des plafonds de population pour les zones éligibles. Pour la Saxe-Anhalt, le plafond est fixé à 35 % des coûts pouvant bénéficier d'une aide.
(46) L'aide à l'investissement initial est calculée en pourcentage de la valeur de l'investissement. Cette valeur est établie sur la base d'un ensemble uniforme de dépenses (assiette type) correspondant aux éléments suivants: terrains, bâtiments et équipements. Pour Linde, cette base de mesure est la suivante:
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(47) La Commission doit vérifier si l'aide octroyée pour ce montant au titre de la dérogation visée à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE peut être considérée comme compatible avec le Marché commun.
(48) Étant donné que, sur les 12,586 millions de DEM d'investissements éligibles, les autorités allemandes apportent 9 millions de DEM, le plafond autorisé est largement dépassé. D'après les renseignements fournis par le Gouvernement allemand, une somme de 0,45 million de DEM a été accordée au titre de la loi sur les primes fiscales à l'investissement (13), de sorte que la Commission n'a pas besoin de la réexaminer. En outre, les autorités allemandes ont indiqué que des aides directes aux investissements ont été accordées au titre de la tâche d'intérêt commun "Amélioration de la structure économique régionale". Enfin, le Gouvernement allemand constate que les aides aux investissements accordées par la BvS ne s'élèvent pas à plus de 8,55 millions de DEM (9 millions moins 450 000 DEM).
(49) Exception faite de la prime fiscale à l'investissement de 0,45 million de DEM, l'aide en question n'a pas été octroyée en vertu de regimes d'aides à finalité régionale déjà approuvés par la Commission, mais de décisions ad hoc des autorités compétentes. Dans ces cas-là, l'effet de l'aide doit être examiné par rapport à l'ensemble de la Communauté. La Cour de justice des Communautés européennes a confirmé cette interprétation dans l'affaire Hytasa (arrêt du 14 septembre 1994 dans les affaires jointes C-278-92, C-279-92 et C-280-92, Espagne contre Commission) (14) et dans l'affaire Pyrsa (arrêt du 14 janvier 1997 dans l'affaire C-169-95, Espagne contre Commission) (15).
(50) Une aide individuelle peut être assimilée à une aide à finalité régionale compatible avec le Marché commun si elle favorise effectivement le développement durable de la zone concernée et si elle n'est pas préjudiciable à l'intérêt commun et au jeu de la concurrence dans la Communauté. Par conséquent, une aide de ce type peut être considérée comme compatible avec le Marché commun dès lors qu'elle n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
(51) Étant donné que la subvention accordée à Linde est liée à un projet d'investissement concret, à savoir la construction d'une installation de production de CO à Leuna, et qu'elle représente un pourcentage des dépenses d'investissement éligibles, elle peut être considérée comme une aide à l'investissement.
(52) Les dépenses d'investissement sont éligibles en vertu des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (16) (les lignes directrices), parce qu'elles concernent un investissement initial et que l'aide afférente est calculée en pourcentage de la valeur de l'investissement sur la base de l'assiette type (17). Étant donné que la participation de Linde au financement du projet s'élève à plus de 25 % du coût total du projet, l'investissement répond aux critères énoncés dans les lignes directrices.
(53) Par ailleurs, la Commission estime que la nouvelle installation de production de CO contribue au développement de la région Saxe-Anhalt et stimule plus particulièrement la ville de Leuna, qui, avec Buna et Bitterfeld, constitue la plus grande zone industrielle de Saxe-Anhalt. En outre, cet investissement va rendre la production chimique régionale plus performante. Enfin, la Commission n'a constaté aucune surcapacité de CO sur le plan communautaire. Le marché va aisément absorber la production de CO de Linde.
(54) Il en résulte que la partie de l'aide à examiner qui, en conformité avec les dispositions relatives au cumul (18), ne dépasse pas le plafond d'aide régionale de 35 % des dépenses éligibles n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun et peut donc être considérée comme conforme à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE.
(55) C'est pourquoi, compte tenu du fait que le coût total de l'investissement s'élève à 12,586 millions de DEM, le montant de l'aide à l'investissement (y compris la prime fiscale à l'investissement de 0,45 million de DEM) ne peut pas être supérieur à 35 % de ce montant, soit 4404750 DEM. La Commission estime donc que cette partie de l'aide est compatible avec le Marché commun.
(56) La partie restante de l'aide, à savoir le solde de 4395250 DEM, qui, d'après les dispositions relatives au cumul (19), dépasse le plafond d'intensité de 35 % des dépenses d'investissement éligibles constitue une aide d'État qui est incompatible avec le Marché commun et ne remplit aucune des conditions d'application des dérogations visées à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité CE.
IV.3. Mesure pour laquelle la Commission n'a constaté aucun élément d'aide: le "prix du marché" payé par UCB à Linde
(57) En ce qui concerne le prix qu'UCB paie actuellement à Linde pour les livraisons de CO [...] (20), la Commission constate, selon les renseignements fournis par le Gouvernement allemand, que ce prix a été calculé d'après les frais réels et qu'il est supérieur à celui qu'UCB s'était engagée à payer à LWG aux termes du contrat de privatisation de 1993.
(58) De plus, le Gouvernement allemand a indiqué que, en raison des propriétés particulières de l'oxyde de carbone, il est impossible de vérifier si ce prix correspond à un prix du marché.
(59) Par ailleurs, les autorités allemandes se sont référées aux prix pratiqués actuellement aux États-Unis d'Amérique (21) et qui sont très inférieurs au prix convenu entre UCB et Linde.
(60) Dans ce contexte, il faut noter que ces deux acteurs du marché étaient obligés, en fin de compte, de se mettre d'accord sur le prix. Les autorités allemandes ont confirmé que le prix est fondé sur les coûts de production majorés d'une "marge bénéficiaire normale". Malgré ses efforts pour obtenir des renseignements sur le prix du marché du CO, la Commission a eu du mal à trouver des indications fiables. C'est pourquoi, dans sa notification d'ouverture de la procédure, elle a mis les tiers en demeure de lui communiquer des renseignements sur la question.
(61) Bien que, dans cette transaction, la Commission n'ait décelé aucun élément d'aide d'État, force est de constater que le prix ainsi convenu faisait partie d'un accord global, lequel stipule pour l'essentiel que Linde approvisionne UCB à un certain prix et obtiendrait, pour la construction d'une installation de production de CO, une subvention de 9 millions de DEM (22).
V. CONCLUSION
(62) En conséqence, il faut constater que la partie de l'aide qui, en conformité avec les dispositions relatives au cumul, ne dépasse pas le plafond d'aide régionale de 35 % des dépenses éligibles n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun et peut donc être considérée comme conforme à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE.
(63) La partie restante de l'aide, soit 4395250 DEM, qui, d'après les dispositions relatives au cumul, dépasse le plafond d'aide régionale de 35 % des dépenses d'investissement éligibles constitue une aide d'État incompatible avec le Marché commun qui ne remplit aucune des conditions permettant l'application des dérogations visées à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité CE.
(64) En ce qui concerne le prix du CO facturé à UCB, la Commission n'a décelé aucun élément d'aide d'État.
(65) Si une aide est considérée comme incompatible avec le Marché commun, la Commission impose aux États membres d'en réclamer la restitution auprès du bénéficiaire (23). En conséquence, le montant de l'aide qui, d'après les dispositions relatives au cumul, dépasse le plafond d'aide régionale de 35 % des dépenses d'investissement éligibles, à savoir 4395250 DEM, et faisant l'objet de la présente décision doit être restitué.
(66) L'aide doit être restituée conformément aux procédures et aux dispositions de la législation allemande, y compris les intérêts à compter de la date de l'octroi illégal jusqu'au remboursement effectif de l'aide, calculés sur la base du taux de référence applicable du calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale en Allemagne (24).
(67) Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, les procédures et dispositions susmentionnées doivent être appliquées de telle sorte que l'aide soit effectivement recouvrable. Toutes les difficultés de procédure ou autres survenant en cours d'exécution ne modifient en rien la validité de la décision (25),
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
L'aide d'État accordée par l'Allemagne sous forme de subvention à la construction d'une installation de production de CO à Leuna (Saxe-Anhalt) en faveur de Linde AG est compatible avec le Marché commun pour sa partie qui, conformément aux dispositions relatives au cumul, n'excède pas le plafond de 35 % fixé pour les aides d'État à finalité régionale en Saxe-Anhalt.
Article 2
L'aide d'État accordée par l'Allemagne sous forme de subvention à la construction d'une installation de production de CO à Leuna (Saxe-Anhalt) en faveur de Linde AG est incompatible avec le Marché commun pour sa partie qui, conformément aux dispositions relatives au cumul, excède le plafond de 35 % fixé pour les aides d'État à finalité régionale en Saxe-Anhalt, au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
Article 3
1. L'Allemagne prend toutes les mesures qui s'imposent pour recouvrer auprès du bénéficiaire l'aide visée à l'article 2, qui a été accordée illégalement.
2. Le recouvrement de l'aide intervient immédiatement, conformément aux procédures nationales si celles-ci permettent l'exécution immédiate et effective de la décision. L'aide à rembourser comprend les intérêts à compter de la date de remise de l'aide illégale au bénéficiaire, jusqu'à son remboursement effectif. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence applicable au calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale.
Article 4
La Commission demande à l'Allemagne de lui faire connaître, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, les mesures qu'elle a prises pour exécuter celle-ci.
Article 5
La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 194 du 10.7.1999, p. 15.
(2) Dans ses décisions (voir décisions dans les affaires NN 108-91, E 15-92 et NN 768-94 - Allemagne - Treuhand), la Commission a admis le contexte exceptionnel, sans précédent, de l'activité antérieure de la THA dans le cadre du passage d'une économie dirigée à une économie de marché. C'est pourquoi elle convient que l'élimination des dommages écologiques provoqués avant le 1er juillet 1990 ne constitue pas une aide d'État.
(3) Cette décision n'a pas d'effet de précédent pour les aides éventuelles octroyées dans le cadre du contrat de privatisation du 22 avril 1993.
(4) D'après un rapport plus récent, le prix du CO aux États-Unis s'élève actuellement à 250 DEM-1000 Nm3 (voir European Chemical News du 29 mars 1999, p. 28-29).
(5) Données confidentielles.
(6) Données confidentielles.
(7) Données confidentielles.
(8) Données confidentielles.
(9) Données confidentielles.
(10) Données confidentielles.
(11) En 1997, les échanges intracommunautaires de gaz industriels (NACE 24.11) se sont élevés à 244749400 euros (Eurostat).
(12) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12.
(13) Les mesures d'aide adoptées en vertu de cette loi sont considérées comme des aides aux investissements à finalité régionale entrant dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, et la Commission les a approuvées (régime d'aides N 494-A-95).
(14) Recueil 1994, p. I-4103.
(15) Recueil 1997, p. I-135.
(16) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9.
(17) Voir note 9, point 4.5.
(18) Conformément au point 4.18 des lignes directrices, les plafonds d'intensité de l'aide s'appliquent au total de l'aide, en cas d'intervention concomitante de plusieurs régimes à finalité régionale, que l'aide provienne de sources locales, régionales, nationales ou communautaires.
(19) Voir note 11 de bas de page.
(20) Données confidentielles.
(21) Dans les États membres, les prix pratiqués pour les gaz industriels ne sont pas les mêmes qu'aux États-Unis d'Amérique. Pourtant, les prix pratiqués en Allemagne sont relativement élevés, même au niveau communautaire.
(22) Conformément aux principes généraux du droit, les accords restent en vigueur aussi longtemps que les conditions et les attentes fondamentales qui existaient lors de leur signature ne sont pas modifiées (rebus sic stantibus). Si le montant de la subvention avait influé sur le prix, on pourrait raisonnablement s'attendre à ce que Linde cherche à renégocier ce dernier de façon à prendre en compte la modification des conditions économiques et financières (et notamment ce que les autorités allemandes appellent la "marge bénéficiaire normale") qui résulte de l'obligation de remboursement de l'aide qui n'était pas à convenir.
(23) Communication de la Commission du 24 novembre 1983 (JO C 318 du 24.11.1983, p. 3). Voir aussi arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 juillet 1973 dans l'affaire 70-72, Commission contre Allemagne (Recueil 1973, p. 813), et arrêt du 24 février 1987 dans l'affaire 310-85, Deufil GmbH und Co. KG contre Commission (Recueil 1987, p. 901).
(24) Lettre de la Commission aux États membres SG (91) D-4577 du 4 mars 1991. Voir aussi arrêt du 21 mars 1990 dans l'affaire C-142-87, Belgique contre Commission (Recueil 1990, p. I-959).
(25) Arrêt du 21 mars 1990 dans l'affaire C-142-87, Belgique contre Commission (Recueil 1990, p. I-959), points 58 à 63.