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Décisions

CCE, 30 juillet 1996, n° 97-21

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide d'État accordée à la Compañía Española de Tubos por Extrusión SA, située à Llodio (Álava)

CCE n° 97-21

30 juillet 1996

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, et notamment son article 4 point c), vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa, vu la décision n° 3855-91-CECA de la Commission, du 27 novembre 1991, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (1), et notamment son article 6 paragraphe 4, après avoir mis les intéressés en demeure de lui présenter leurs observations, conformément aux dispositions de l'article 93 paragraphe 2 et de l'article 6 paragraphe 4 de la décision n° 3855-91-CECA et après examen de ces observations, considérant ce qui suit:

I

La Compañía Española de Tubos por Extrusión SA (ci-après dénommée "Tubacex") est une société de droit privé établie à Llodio (Álava) qui produit des tubes d'acier sans soudure et possède également une filiale qui produit de l'acier, Acería de Álava, établie à Amurrio (Álava).

En juin 1992, après plusieurs années de graves difficultés financières, Tubacex a été déclarée insolvable à titre provisoire conformément à la législation espagnole en la matière (Ley española de Suspensión de Pagos) et a suspendu ses paiements. En octobre 1993, un accord avec les créanciers qui prévoyait principalement l'émission d'obligations convertibles en échange de la dette a permis de lever cette suspension.

Le 25 février 1995, après avoir procédé à des vérifications préliminaires poussées sur les divers éléments de la restructuration financière de l'entreprise et sur d'autres aspects liés, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité CE et à l'article 6 paragraphe 4 de la décision n° 3855-91-CECA (règles communautaires pour les aides à la sidérurgie) en ce qui concerne:

i) les éléments d'aide éventuellement contenus dans la vente d'un terrain au Gouvernement basque (levée de la saisie en faveur de la sécurité sociale et prix d'achat versé par le Gouvernement basque - plus de 220 millions de pesetas espagnoles);

ii) les éléments d'aide éventuellement contenus dans les arrangements de crédit avec le Fondo de Garantía Salarial (FOGASA)

et

iii) la restructuration financière de Tubacex, en particulier les éléments d'aide éventuellement contenus dans la participation de la sécurité sociale et d'autres organismes publics à la levée de la suspension du remboursement de la dette, plus précisément au niveau de la conversion des dettes en capital et de la levée des hypothèques et des saisies grevant des biens fonciers, qui ont ainsi pu servir de garantie à l'émission obligataire.

Par lettre datée du 10 mars 1995, la Commission a notifié au Gouvernement espagnol sa décision d'ouvrir la procédure. Les autres États membres et les tiers intéressés en ont été informés par la publication de la lettre au Journal officiel des Communautés européennes (2).

II

Le 10 avril 1995, le Gouvernement espagnol a répondu à la lettre de la Commission relative à l'ouverture de la procédure, en fournissant de nouveaux éléments à l'appui de sa position, selon laquelle aucun des différents aspects examinés ne constituait une aide d'État (on trouvera une description plus détaillée de l'argumentation du Gouvernement espagnol aux chapitres III et IV de la présente décision).

Au cours de la procédure, plusieurs États membres et tiers intéressés ont fait parvenir leurs observations à la Commission. Ces observations provenaient d'Autriche (un fabricant de tubes), d'Allemagne (association nationale de fabricants de tubes et ministère de l'économie), de France (association nationale de fabricants de tubes), d'Italie (association nationale de sidérurgistes), d'Espagne (association nationale de sidérurgistes) et du Royaume-Uni (un fabricant de tubes). Le Gouvernement britannique a également formulé des observations, mais celles-ci, parvenues après l'expiration du délai fixé pour leur présentation, n'ont pas pu être prises en considération.

À l'exception de l'association espagnole de sidérurgistes, qui a nié l'existence de tout élément d'aide, tous les intéressés ont approuvé la décision de la Commission d'ouvrir la procédure. À leur avis, les différents aspects soumis à vérification constituaient bien des aides d'État. Selon eux, il n'était pas non plus exclu que l'entreprise ait reçu d'autres aides n'entrant pas dans le champ d'application de la procédure.

Effectivement, les observations du fabricant autrichien de tubes mentionnaient les activités d'une autre entreprise, extérieure à la procédure.

Le ministère allemand de l'Economie a mis en cause l'attitude de la sécurité sociale, notamment ses décisions de ne pas exercer ses droits de créancier privilégié et de permettre la levée des saisies conservatoires et, tout particulièrement, d'accepter la vente d'un terrain au Gouvernement basque. Il s'interrogeait également sur le bien-fondé de la décision du FOGASA d'accepter des biens hypothéqués comme sûretés sur des prêts. Tous ces éléments ne pouvaient, à son avis, que confirmer l'existence d'éléments constitutifs d'aides d'État illicites faussant la concurrence.

L'association allemande de fabricants de tubes a affirmé que, depuis les années 1990-1991, Tubacex avait fortement augmenté sa part de marché dans la Communauté, y compris en Allemagne, en pratiquant des prix inférieurs à ses coûts de production, une stratégie qui, à son avis, ne pouvait se concevoir qu'avec le renfort des aides perçues ou à percevoir.

L'association française de producteurs de tubes a souligné la détérioration de la situation financière de Tubacex depuis 1990 et s'est demandée comment elle avait pu poursuivre ses activités: selon elle, seul l'octroi d'aides avait pu permettre à l'entreprise d'éviter la faillite. Du point de vue de l'association, il était essentiel que la Commission détermine qui étaient les actionnaires et les créanciers de l'entreprise. L'association a également soutenu que la nouvelle filiale de Tubacex, Tubacex Tubos Inoxidables, avait perçu des aides illicites. Elle s'est enfin inquiétée des informations dont ont fait Etat les médias à de multiples reprises, selon lesquelles les autorités publiques soutiendraient financièrement un processus plus large de restructuration du secteur des tubes sans soudure autour d'un nouveau groupe, Unión de Tubos Vascos (UTV) qui, outre Tubacex, engloberait Tubos Reunidos et Productos Tubulares.

L'association italienne des sidérurgistes a mentionné les pertes de Tubacex au cours de ces dernières années et allégué que, par le biais de prix de dumping, l'entreprise avait pu augmenter significativement sa part de marché en Italie sur la période 1991 à 1993, une tendance qui s'était maintenue après la restructuration financière de l'entreprise. À son avis, cette stratégie n'aurait pu être mise en œuvre sans soutien financier public.

Le fabricant britannique s'est plaint lui aussi d'avoir été lésé par la concurrence exercée par Tubacex, les aides d'État permettant à celle-ci de vendre à bas prix. De son point de vue, le comportement de la sécurité sociale pouvait être assimilé à une aide puisqu'elle avait appliqué un taux d'intérêt non commercial à la dette accumulée; elle n'avait pas exercé ses droits de créancier privilégié et avait renoncé au bénéfice des saisies, ce qui compromettait ses chances de recouvrer ses créances sur l'entreprise. Enfin, en acceptant des obligations convertibles, elle n'avait pas récupéré la totalité du montant des dettes. Ce fabricant a également estimé que les rééchelonnements de la dette qui avaient eu lieu par le passé, de même que celui qui avait été réalisé après la suspension du remboursement, contenaient des éléments d'aide, car les taux d'intérêt appliqués étaient inférieurs à ceux du marché. Il a aussi estimé que les conditions dont étaient assortis les prêts du FOGASA n'étaient pas conformes à celles du marché.

En ce qui concerne la vente d'un terrain au Gouvernement basque, le fabricant britannique s'est demandé comment la saisie de la sécurité sociale et les hypothèques du Banco de Crédito Industrial (BCI) avaient pu être levées avant la vente et pourquoi des enchères publiques n'avaient pas été organisées.

Le même fabricant a en outre signalé que d'autres mesures, en particulier certains prêts de banques publiques apparaissant dans la comptabilité de la période 1986 à 1989, pouvaient constituer des aides d'État. Il a en particulier contesté les conclusions auxquelles était parvenue la Commission au terme de ses vérifications préliminaires, selon lesquelles aucune aide n'aurait été accordée en ce qui concerne les autres mesures internes de restructuration; il s'est aussi inquiété, sur la base de nouvelles informations parues dans les médias, des projets de restructuration plus large du secteur, en faveur desquels le Gouvernement basque aurait décidé d'octroyer des aides sociales d'un montant de 3 306 millions de pesetas espagnoles.

Les observations reçues ont été communiquées au Gouvernement espagnol dans la lettre de la Commission datée du 24 janvier 1996.

III

Le Gouvernement espagnol a répondu, par lettre du 16 février 1996, en réaffirmant sa position selon laquelle il n'y avait pas eu versement d'aide publique puisque le traitement dont avaient bénéficié Tubacex et Acería de Álava était strictement conforme aux règles d'application générale. À l'appui de son argumentation, le Gouvernement espagnol a fourni un certain nombre d'informations, en particulier sur la nature de l'endettement de Tubacex auprès du secteur public, l'identité des créanciers privilégiés, le rôle de la sécurité sociale dans la conclusion de l'accord entre créanciers (y compris les raisons pour lesquelles elle avait renoncé à ses droits privilégiés et accepté la levée des saisies frappant les biens de Tubacex), le taux d'intérêt appliqué aux dettes envers la sécurité sociale, la levée des hypothèques de la BCI/BEX (Banco Exterior de España), la vente d'un terrain au Gouvernement basque, les conventions de prêt du FOGASA et les remboursements effectués (les informations portant sur ces points sont analysées en détail au chapitre IV de la présente décision). Le Gouvernement espagnol formulait en outre un certain nombre de commentaires sur les observations communiquées par les parties intéressées. D'une manière générale, il a contesté les affirmations selon lesquelles Tubacex aurait connu des difficultés financières graves et aurait pratiqué des prix dumping grâce aux aides publiques pour accroître sa part de marché. Pour les autorités espagnoles, la croissance de la part de marché de Tubacex est fondamentalement le fruit d'une politique commerciale dynamique; quant aux comparaisons sur les prix, elles ont souligné leur caractère particulièrement problématique eu égard à la diversité des nuances et des qualités d'aciers inoxydables et aux écarts de prix correspondants.

Les informations fournies demeurant incomplètes sous certains aspects, la Commission a demandé de nouveaux éclaircissements dans sa lettre datée du 5 mars 1996. En réponse à cette lettre et aux autres demandes d'informations formulées postérieurement, le Gouvernement espagnol a communiqué des informations complémentaires dans ses lettres des 26 mars, 30 mai, 13 juin et 24 juin 1996.

IV

Sur la base des informations disponibles, les éléments de fait concernant les points soumis à vérification au cours de la procédure peuvent être résumés comme suit:

Vente d'un terrain au Gouvernement basque

Lors de l'ouverture de la procédure, la Commission, s'appuyant sur des informations parues dans la presse, avait souligné que la vente semblait avoir été conclue dans un laps de temps très bref, sans avoir donné lieu à une enchère publique, alors même que le terrain, jusqu'à peu avant la vente, était grevé d'hypothèques de la BCI et faisait l'objet d'une saisie en faveur de la sécurité sociale. On ignorait en outre ce qu'il était advenu du terrain par la suite. La Commission exprimait en conséquence des doutes quant à la valeur réelle du terrain et s'interrogeait sur les raisons pour lesquelles la sécurité sociale avait accepté la vente d'actifs saisis à son profit sans engager d'action pour recouvrer les montants qui lui étaient dus. Sa conclusion était que le prix de vente contenait vraisemblablement des éléments d'aides d'État.

Dans ses observations, le Gouvernement espagnol a précisé que les négociations sur la vente du terrain avaient commencé dès le début de 1993 et que l'opération avait donc pris plus de temps que ce qui ressortait des informations parues dans la presse. Le terrain vendu (69 555 m²) provenait de la scission d'une parcelle plus grande (243 629 m²) située à Amurrio, qui appartenait à Tubacex et était soumise dans son intégralité à la saisie conservatoire effectuée au profit de la sécurité sociale. Le terrain était également grevé d'hypothèques servant de garantie aux prêts contractés auprès de la banque publique BCI.

Postérieurement à sa vente, le 1er juin 1993, le terrain a été transféré à Amurrioko Industrialdea, une société spécialement créée pour l'aménagement d'un parc industriel. Une parcelle de 4 000 m² a été vendue à une entreprise privée, Hormigones Alaveses, en juillet 1994. Les travaux de la première phase de développement du reste du terrain ont été engagés en janvier 1995 (construction de bâtiments industriels et de bureaux, pour une superficie d'environ 3 000 m²). Les travaux se sont poursuivis cette année avec la construction de 5 400 m² de bâtiments industriels supplémentaires.

Le Gouvernement espagnol affirme que le prix payé pour le terrain était inférieur au prix du marché. Bien que les documents établis au moment de la scission de la parcelle évaluassent le terrain à 70 millions de pesetas espagnoles, ce montant ne correspondait qu'à la valeur comptable historique prise en compte à des fins d'enregistrement foncier. Des documents attestant des évaluations largement supérieures ont été communiqués. La première évaluation était une évaluation indépendante commandée par Tubacex pour protéger ses intérêts au cours des négociations. Cette évaluation, datée du 24 mai 1993, excluait involontairement, par erreur, une frange de terrain située de l'autre côté de la route, mais les limites des terrains évalués correspondaient bien aux 69 555 m² qui ont été vendus postérieurement, le 1er juillet 1993, pour 220,35 millions de pesetas espagnoles. Le 9 novembre 1993, une nouvelle évaluation a été réalisée par des experts indépendants, pour le compte du registre du commerce de Álava, afin d'établir, conformément à la loi sur les sociétés anonymes, la valeur de l'apport en nature (le terrain) effectué lors de la constitution de Amurrioko Industrialdea. À cette occasion, le terrain a été évalué à 260 millions de pesetas espagnoles.

Enfin, les autorités espagnoles ont aussi fourni des documents sur l'évaluation du terrain réalisée en février 1995, à des fins fiscales, par la municipalité de Amurrio, ainsi que sur le prix payé par Hormigones Alaveses en juillet 1994 pour une parcelle de 4 000 m² de ce terrain.

Le tableau qui suit permet de comparer les différentes évaluations:

>EMPLACEMENT TABLEAU>

En ce qui concerne l'absence d'organisation d'enchères publiques, le Gouvernement espagnol soutient qu'il s'agit là de la méthode habituelle de vente aux entreprises privées et qu'elle bénéficie tant à l'acheteur qu'au vendeur. Il considère en conséquence que la procédure a été tout à fait régulière, d'autant qu'elle a été réalisée avec l'approbation des administrateurs judiciaires désignés par le juge lors de l'ouverture de la procédure de suspension des remboursements.

Selon le Gouvernement espagnol, les hypothèques de la BCI sur la parcelle la plus grande du terrain ont été levées le 21 mai 1993 parce que les prêts couverts par ces hypothèques (principal et intérêts) avaient déjà été remboursés dans leur intégralité. Les remboursements se sont étalés sur une période de plusieurs années, avant la suspension du remboursement de la dette de juin 1992, à l'exception des trois derniers remboursements sur un prêt de 960 millions de pesetas espagnoles, contracté en 1986, qui ont été versés respectivement les 1er juillet 1992, 1er octobre 1992 et 1er janvier 1993 (ils n'étaient pas concernés par la procédure de suspension). Le 3 juin 1993, la sécurité sociale a accepté la levée de la saisie sur le terrain vendu parce qu'elle avait obtenu (avec l'accord des administrateurs judiciaires) le remboursement partiel de ses créances antérieures à la suspension du remboursement moyennant le versement du produit de la vente; les saisies sur la partie plus vaste du terrain qui n'avait pas été vendue et sur d'autres propriétés de l'entreprise avaient été maintenues comme garantie sur la dette non encore remboursée.

Prêts du FOGASA

Lors de l'ouverture de la procédure, la Commission n'était pas certaine que les conditions dont étaient assortis les deux prêts du FOGASA, octroyés en juillet 1992 (après la suspension du remboursement de la dette) et en 1994, fussent conformes aux conditions du marché. Elle estimait également que les clauses des accords portant sur les garanties couvrant ces prêts (hypothèques immobilières) exigeaient des investigations plus poussées.

Dans les observations qu'il a communiquées, le Gouvernement espagnol affirme que ces prêts avaient été accordés dans le strict respect de la réglementation encadrant l'activité du FOGASA et qu'ils ne contenaient aucun élément d'aide d'État.

Le FOGASA est un organisme indépendant placé sous la tutelle du ministère du Travail et de la Sécurité sociale et financé par les cotisations des entreprises. Sa principale fonction consiste à verser des salaires et des aides aux travailleurs d'entreprises en faillite ou en difficulté, incapables de leur payer leur dû. Le FOGASA ne consent pas de prêts aux entreprises concernées, mais il satisfait toutes les demandes légitimes présentées par les travailleurs avec l'argent qu'il verse et récupéré ensuite auprès des entreprises.

Dans la présente affaire, les travailleurs des entreprises concernées se sont adressés au FOGASA, dès l'ouverture de la procédure de suspension du remboursement, pour solliciter le paiement des salaires qui leur étaient dus. Après avoir engagé des négociations, le FOGASA, Tubacex et Acería de Álava ont conclu, le 10 juillet 1992, un accord en vertu duquel le FOGASA verserait aux salariés des salaires dont le montant total avait été provisoirement fixé à 444 327 300 pesetas espagnoles. Les deux entreprises se sont engagées, pour leur part, à rembourser ce montant, majoré de 211 641 186 pesetas espagnoles d'intérêts sur une période de huit ans et à un taux d'intérêt annuel simple de 10 %, par échéances semestrielles de 40 998 011 pesetas espagnoles. Une fois les salariés payés, l'arrangement de crédit a fait l'objet d'une révision, le 8 février 1993, aux termes de laquelle les sommes dues s'élevaient en définitive à 376 194 837 pesetas espagnoles (principal) plus 183 473 133 pesetas espagnoles (intérêts), un montant remboursable en seize échéances semestrielles, à un taux d'intérêt de 9 %, à compter du 1er août 1993. Le montant des échéances (y compris les intérêts) passait progressivement de 33 millions de pesetas espagnoles (début de la période de remboursement) à 37 millions de pesetas espagnoles en fin de période (les intérêts étant réduits progressivement).

Le 10 mars 1994, un nouvel arrangement de crédit a été signé pour tenir compte d'un plan social conclu avec les salariés. Le montant à rembourser s'élevait à 465 727 750 pesetas espagnoles (principal), plus 197 580 900 pesetas espagnoles (intérêts), remboursables sur huit ans à un taux d'intérêt simple de 9 %, à compter du 30 décembre 1994. Les intérêts ne se payeraient qu'au cours des trois dernières années de la période et les remboursements sur 71 % du montant du principal ne seraient exigibles qu'à compter du 30 décembre 1998. D'après les autorités espagnoles, après la signature de ce deuxième arrangement, l'entreprise a proposé le paiement immédiat de 4 194 839 pesetas espagnoles, montant correspondant au premier arrangement de crédit et à plusieurs nouveaux accords de garantie hypothécaire qui lui étaient liés (voir ci-dessous).

Ce deuxième arrangement de crédit a lui aussi été révisé, le 3 octobre 1994. En vertu de cette révision, le montant dû s'élevait en définitive à 496 491 521 pesetas espagnoles au titre du principal, plus 205 335 378 pesetas espagnoles d'intérêts, remboursables en huit ans à compter du 30 décembre 1994. Les intérêts ne seraient payables qu'au cours des trois dernières années et les remboursements sur 70 % du montant du principal n'interviendraient qu'à compter du 30 décembre 1998.

Le premier arrangement de crédit était à l'origine garanti par une hypothèque, datée du 5 août 1992, sur un terrain de Tubacex d'une superficie de 56 627,64 m², situé à Llodio, déjà grevé par des hypothèques au profit de la BCI et faisant l'objet d'une saisie de la sécurité sociale. Les saisies et hypothèques grevant ce terrain ayant été levées par la suite, l'hypothèque d'origine a été remplacée, le 16 février 1994, par une hypothèque sur un terrain appartenant à Tubacex Taylor Accesorios SA (TTA), estimé à 800 millions de pesetas espagnoles (évaluation indépendante) et sur un terrain appartenant à Acería de Álava, évalué à 310 millions de pesetas espagnoles. Les autorités espagnoles affirment que la valeur des deux terrains (1,11 milliard de pesetas espagnoles) offrait une garantie plus que suffisante pour les deux prêts.

Le tableau ci-dessous reprend les éléments essentiels des arrangements de crédit successifs:

>EMPLACEMENT TABLEAU>

Les autorités espagnoles affirment que les prêts du FOGASA ont été consentis conformément aux dispositions du décret royal 505-85, du 6 mars 1985, et de l'arrêté ministériel du 20 août 1985, arrêté qui précise les conditions d'application de l'article 32 du décret royal autorisant le FOGASA à conclure des accords couvrant le remboursement des sommes payées aux salariés.

Selon l'interprétation donnée par la Commission à ce type d'arrangements, le FOGASA a toute latitude pour différer les remboursements ou en aménager les échéances, dans la limite d'une période de huit années et sous réserve que le délai de grâce ne dépasse pas six mois. Les paiements différés produisent un intérêt égal au "taux d'intérêt légal".

Au moment où ont été conclus les premiers arrangements, en 1992 et 1994, le taux d'intérêt légal était de 9 %, ce qui correspond au taux qui a finalement été appliqué. D'après les autorités espagnoles, les entreprises ont respecté les calendriers de remboursement prévus dans les versions révisées des deux arrangements de crédit. Elles n'ont par contre donné aucune information en ce qui concerne le respect des échéances de remboursement prévues par les versions initiales de ces arrangements.

Levée de la suspension du remboursement de la dette

Lorsqu'elle a décidé d'ouvrir la procédure, la Commission a estimé que le comportement des créanciers publics lors de la levée de la suspension des remboursements tendait à indiquer l'existence d'une aide publique. Concrètement, elle se basait sur les éléments suivants: d'une part, la décision de la sécurité sociale de renoncer à ses droits privilégiés et son mode de gestion des dettes à son égard; d'autre part, le rôle qu'elle avait joué (aux côtés de la banque publique BCI) dans la levée des saisies ou des hypothèques grevant les biens ayant servi de garantie pour l'émission d'obligations convertibles, alors même que Tubacex devait accumuler de nouvelles dettes à l'égard de la sécurité sociale postérieurement à la suspension du remboursement, ce qui a entraîné la réalisation de nouvelles saisies (levées par la suite) et imposé la négociation d'un nouvel accord rééchelonnant ces nouvelles dettes.

Dans ses observations, le Gouvernement espagnol a fourni des informations établissant, sur la base de la liste définitive des créanciers dressée par les administrateurs judiciaires désignés par le juge en avril 1993, que la dette totale de Tubacex s'élevait à 16 932 977 026 pesetas espagnoles et celle de Acería de Álava à 3 501 435 639 pesetas espagnoles. Les dettes à l'égard des créanciers privilégiés des deux entreprises s'élevaient respectivement à 2 107 068 319 pesetas espagnoles et à 1 065 845 399 pesetas espagnoles; sur ces montants, près de 2,115 milliards de pesetas espagnoles (soit environ 12,5 % du montant total des créances) étaient dus à des organismes publics, au premier rang desquels figurait la sécurité sociale. Les dettes à l'égard de celle-ci s'élevaient à 1 017 877 003 pesetas espagnoles pour Tubacex et à 129 521 620 pesetas espagnoles pour Acería de Álava.

D'après les autorités espagnoles, la sécurité sociale a toujours appliqué le taux d'intérêt légal aux dettes à son égard, plus les pénalités prévues par la réglementation en cas de retard dans les remboursements.

La dette à l'égard de la sécurité sociale se composait donc des éléments suivants: dettes du passé (antérieures à 1991), majorées des intérêts et des pénalités de retard; dettes de 1991 (incluant un certain nombre de majorations) et endettement de 1992 - jusqu'à la date de la cessation de paiements. Ces éléments sont repris dans le tableau qui suit:

>EMPLACEMENT TABLEAU>

C'est le 30 septembre 1993 que la sécurité sociale a adhéré à l'accord entre créanciers, après que d'autres créanciers eurent accepté les propositions contenues dans cet accord, au cours de la période du 15 juin au 2 septembre 1993. Comme on l'a signalé au moment de l'ouverture de la procédure, la majeure partie des dettes prises en compte dans l'accord avaient été contractées auprès de créanciers privés, en particulier auprès de plusieurs détenteurs d'obligations non identifiés dont les créances s'élevaient à 3 621 198 pesetas espagnoles. Les autorités espagnoles ont fourni un certain nombre d'informations sur ces créanciers, qui paraissent montrer qu'au moins 85 % de l'endettement avait été contracté auprès de créanciers privés.

Sur la base de ces éléments, les autorités espagnoles affirment que la sécurité sociale n'a pas pu jouer un rôle significatif dans la négociation de cet accord.

La dette à l'égard de la sécurité sociale a été amortie selon les modalités suivantes:

>EMPLACEMENT TABLEAU>

Les autorités espagnoles ont précisé que les obligations de Tubacex ont été vendues en juillet 1994, ce qui a permis à la sécurité sociale de récupérer cette partie de ses créances (le produit de la vente s'est élevé à 772 186 789 pesetas espagnoles). Le reste de la dette de Tubacex, à savoir 64 067 714 pesetas espagnoles, doit être remboursé entre 2005 et 2008, en quatre versements annuels du même montant.

Quant aux interrogations sur les raisons pour lesquelles la sécurité sociale a choisi de renoncer à ses droits privilégiés et d'accepter l'arrangement, les autorités espagnoles apportent la réponse suivante:

- la sécurité sociale peut prendre l'initiative de participer à de tels arrangements (elle y est habilitée par le décret royal 1517-91) et elle l'a déjà fait dans d'autres situations similaires,

- la position de créancier privilégié n'est que relative,

- la sécurité sociale a estimé qu'il était préférable, pour recouvrer les montants qui lui étaient dus, de participer à l'arrangement plutôt que d'exercer ses droits, une solution qui aurait pu provoquer la liquidation des entreprises, avec les problèmes sociaux qui s'en seraient suivis;

- aucune partie de la dette à son égard n'a été annulée,

- elle espérait ainsi récupérer les montants qui lui étaient dus (comme cela s'est d'ailleurs produit).

Au cours de la procédure, un certain nombre de questions ont également été posées au sujet de la décision de la sécurité sociale (et d'autres créanciers publics comme BEX/BCI et le FOGASA) d'autoriser la levée des saisies conservatoires et des hypothèques sur les biens de Tubacex, décision qui a permis à l'entreprise d'offrir ces biens comme garantie pour l'émission des obligations convertibles, ouvrant ainsi la voie à l'acceptation de l'arrangement (sur une valeur d'émission de 11,5 milliards de pesetas espagnoles, 10 milliards de pesetas espagnoles d'obligations ont été garanties par ces biens).

Sur la base de l'analyse des informations disponibles effectuée par la Commission, il apparaît que les biens concernés par les saisies/hypothèques ont été les suivants:

>EMPLACEMENT TABLEAU>

Les obligations convertibles (garanties à hauteur de 10 milliards de pesetas espagnoles) ont été émises le 6 mai 1994. Les garanties ont été complétées par une série d'hypothèques grevant la totalité des biens cités ci-dessus, plus un terrain de 12 400 m² situé à Amurrio, et par un droit de saisie des actions de Tubacex Comercial et d'Acería de Álava (jusqu'à concurrence d'un montant combiné de 3 milliards de pesetas espagnoles).

Selon les autorités espagnoles, les hypothèques en faveur de la BCI ont été levées en raison du remboursement des prêts qu'elles garantissaient (y compris, en 1992 et 1993, celles couvrant un prêt de 960 millions de pesetas espagnoles, non soumis à la suspension du remboursement). En ce qui concerne la levée des saisies en faveur de la sécurité sociale, les autorités espagnoles ont expliqué que c'est en application de la clause n° 5 de l'accord passé entre les créanciers que la sécurité sociale a dû lever les saisies correspondant aux dettes couvertes par l'accord. En fait, c'est l'hypothèque servant de garantie à l'émission d'obligations convertibles qui s'est substituée à ces saisies, de sorte que la protection des intérêts de la sécurité sociale restait assurée.

En ce qui concerne la question de savoir pourquoi la sécurité sociale a agi comme elle l'a fait, alors même que Tubacex avait contracté de nouvelles dettes après la suspension du remboursement, forçant la sécurité sociale à rétablir certaines saisies (à nouveau levées par la suite), les autorités espagnoles ont expliqué que ces nouvelles saisies correspondant à la dette accumulée postérieurement à la suspension avaient été remplacées par un nantissement, daté du 22 mars 1994, portant sur la totalité des actions de Tubacex Tubos Inoxidables SA (TTI), société dans laquelle avaient été regroupés tous les éléments d'actif et de passif de Tubacex liés à la fabrication de tubes en acier inoxydable, dont la valeur nette avait été évaluée (par un expert indépendant) à plus de 2,5 milliards de pesetas espagnoles, soit un montant supérieur à ce qui était nécessaire pour couvrir la dette.

Enfin, en ce qui concerne le rééchelonnement de l'endettement postérieur à la suspension du remboursement, les autorités espagnoles ont fait valoir que le décret royal 1517-91, du 11 octobre 1991, portant adoption de la loi générale sur la sécurité sociale, habilitait cet organisme à différer le paiement des sommes qui lui étaient dues, leur remboursement pouvant s'effectuer par échéances, porteuses d'un intérêt égal au taux légal. Des accords de ce type ont été conclus avec Acería de Álava et Tubacex, les 25 mars et 12 avril 1994 respectivement. Les conditions dont ils étaient assortis ont été les suivantes:

>EMPLACEMENT TABLEAU>

Outre les informations concernant les différents aspects examinés dans le cadre de la procédure, le Gouvernement espagnol a fourni un certain nombre de précisions en réponse aux observations formulées par des tiers, selon lesquelles l'entreprise aurait bénéficié d'autres aides. Il a notamment souligné que ces aspects n'étaient pas couverts par la procédure en cours et nié que de telles aides aient été octroyées. Les autorités espagnoles ont, en particulier, insisté sur le fait que le coût des mesures de rationalisation (réduction des effectifs, etc.) avait été financé sur les ressources propres de l'entreprise (l'augmentation de capital de 2,251 milliards de pesetas espagnoles de décembre 1993 et la vente d'éléments d'actif). Elles ont également précisé que, même si le Gouvernement basque examinait actuellement la possibilité d'accorder à Tubacex des aides sociales dans le cadre d'une restructuration plus vaste impliquant Tubacex, Tubos Reunidos et Productos Tubulares, aucune décision n'avait encore été adoptée à ce sujet. Enfin, les accusations selon lesquelles TTI aurait bénéficié d'aides illicites ont été rejetées.

Sur la base des informations dont elle dispose, la Commission reconnaît que les observations complémentaires formulées par les tiers intéressés n'entrent pas dans le cadre de la procédure qui a été ouverte. De plus, les éléments de preuve fournis sont pour l'instant insuffisants pour justifier des vérifications plus poussées.

V

La Commission doit déterminer si les différents aspects faisant l'objet de la procédure contiennent des aides d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CE et des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie. Sur la base des informations en sa possession, la Commission est parvenue aux conclusions suivantes:

Vente d'un terrain au Gouvernement basque

Considérant, d'une part, que les hypothèques de la BCI et les saisies en faveur de la sécurité sociale ont été levées soit en raison du remboursement des dettes qu'elles garantissaient, soit moyennant leur substitution par d'autres sûretés, et d'autre part, que la vente a été autorisée par les administrateurs judiciaires (qui représentaient notamment les intérêts des créanciers), la Commission est disposée à accepter que ces aspects de la vente n'ont pas donné lieu à l'octroi d'aides d'État.

En ce qui concerne le prix de vente final, on doit néanmoins regretter la non-organisation d'une enchère publique qui aurait permis de garantir que le prix payé correspondait bien au prix du marché. Toutefois, sur la base des divers documents faisant Etat d'évaluations du terrain supérieures au prix versé, la Commission estime que les éléments dont elle dispose l'autorisent à conclure que le prix du terrain n'a pas été supérieur, et qu'il a peut-être même été inférieur, au prix du marché. On peut en conséquence affirmer que la transaction n'a conféré aucune sorte d'avantage financier indu à l'entreprise et que le prix de vente ne contient aucun élément d'une aide d'État.

Prêts du FOGASA

Comme cela a été précisé lors de l'ouverture de la procédure, l'intervention du FOGASA n'a pas à être mise en cause, dans la mesure où elle visait à satisfaire les demandes légitimes des travailleurs qui, sans celle-ci, n'auraient pas perçu leurs salaires. Sous cet aspect, les arrangements ne contiennent pas d'éléments d'aides d'État et l'intervention est conforme à l'article 3 point j) du traité CE. Toutefois, les coûts financés par cette intervention font partie des coûts normaux de fonctionnement qu'une entreprise est, en principe, tenue de financer sur ses propres ressources. Toute contribution publique destinée à financer ces coûts devra donc être considérée comme une aide chaque fois qu'elle aboutira à conférer un avantage financier à l'entreprise, que les paiements soient effectués directement à l'entreprise ou qu'ils soient versés aux travailleurs par le biais d'un organisme public.

Comme on l'a signalé au chapitre IV, les deux arrangements de prêt prévoient l'application du taux d'intérêt légal, qui est de 9 %. Pour pouvoir déterminer si ce taux légal correspond aux conditions normales du marché, la Commission, dans plusieurs affaires similaires concernant également des prêts du FOGASA, à savoir la décision 91-1-CEE de la Commission (3) et le dossier d'aide d'État n° C 56-94 (4), a comparé ce taux légal avec le taux d'intérêt moyen appliqué par les banques privées d'Espagne aux prêts d'une durée supérieure à trois ans.

Pour la période considérée dans la présente affaire et sur la base des statistiques publiées par la Banque centrale, les taux d'intérêt moyens appliqués par les banques privées aux prêts d'une durée supérieure à trois ans ont été les suivants: 17,28 % en 1992; 16,19 % en 1993 et 12,51 % en 1994. Ces taux d'intérêt, en particulier le premier, sont considérablement supérieurs à ceux qui ont été appliqués en vertu des arrangements. Les autres conditions dont étaient assortis les prêts (en particulier le rééchelonnement évident du premier, probablement causé par l'incapacité d'honorer les échéances de remboursement de l'accord initial) et le fait que la majeure partie du remboursement du principal et du paiement des intérêts aient été programmés en fin de période dans les deux accords (apparemment pour faciliter le sauvetage de l'entreprise), ne sont pas non plus conformes aux modalités dont auraient été assortis des prêts accordés aux conditions normales du marché, d'autant plus que la dette de l'entreprise était garantie par une hypothèque sur un terrain, ce qui aurait permis au FOGASA de faire valoir sa position de créancier privilégié en cas de faillite ou d'autres difficultés financières graves.

On est en conséquence amené à conclure que les arrangements de crédit contiennent des éléments d'aide d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CE et des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie qui sont illégaux (aide octroyée n'ayant pas été notifiée à la Commission conformément à l'article 93 paragraphe 3 du traité CE et à l'article 6 des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie).S'il est difficile de déterminer avec exactitude le montant de l'aide illégale concernée, on peut néanmoins estimer qu'il est au moins égal à l'avantage financier consécutif à l'application du taux d'intérêt réduit, taux qui a en fait été appliqué dès le départ, au moment où les prêts ont été accordés.

Levée de la suspension des remboursements de la dette

Sur la base des informations en sa possession, la Commission est en mesure de conclure que la suspension des remboursements, en juin 1992, puis leur levée de la suspension, en octobre 1993, sont des mesures qui ont été adoptées conformément à la réglementation générale applicable en Espagne en matière d'insolvabilité. Ces informations confirment également que les créanciers publics, y compris la sécurité sociale, étaient minoritaires et qu'en approuvant l'accord entre créanciers, qui prévoyait un abandon partiel des créances en échange de l'émission d'obligations convertibles, ils n'ont fait qu'emboîter le pas aux créanciers privés. En outre, même si la sécurité sociale était un créancier privilégié et n'était pas tenue d'adhérer à l'accord (conclu conformément à la législation en vigueur), elle était habilitée à renoncer à ses droits préférentiels et à participer à l'accord. La Commission constate que la décision de la sécurité sociale n'a apparemment pas exercé d'influence sur le choix des créanciers privés d'accepter l'arrangement; elle observe en outre que cette décision ne supposait aucun aménagement ou réduction du montant des dettes dont le remboursement avait été suspendu et que, depuis lors, ledit montant avait été récupéré dans sa quasi-totalité, par paiement direct ou moyennant la vente des obligations convertibles.

La levée des saisies opérées en faveur de la sécurité sociale doit donc être interprétée comme une suite logique et nécessaire de l'adhésion à l'arrangement, et non comme une initiative prise pour soutenir l'entreprise. En outre, il apparaît également que les hypothèques de la BCI ont été levées parce que les prêts qu'elles garantissaient avaient été remboursés.

En conséquence, la Commission est en mesure de conclure que l'intervention des créanciers publics, de la sécurité sociale en particulier, a été conforme à la réglementation d'application générale et qu'elle n'a pas, de ce fait, conféré d'avantages financiers particuliers à Tubacex. Cette intervention n'est donc pas assimilable à une aide d'État.

Les raisons pour lesquelles la sécurité sociale a agi comme elle l'a fait, malgré les dettes accumulées postérieurement à la suspension du remboursement, ont également fait l'objet d'explications satisfaisantes. Toutefois, les modalités de gestion de cet endettement dans le cadre de l'accord de rééchelonnement, même si elles sont conformes à la réglementation en vigueur, ne paraissent pas avoir été ajustées aux conditions du marché. Comme on l'a déjà signalé à propos du FOGASA et sur la base des statistiques publiées par la Banque centrale d'Espagne, le taux d'intérêt moyen appliqué par les banques privées aux prêts d'une durée supérieure à trois ans s'élevait à 12,51 % au moment où le rééchelonnement a été accepté (1994), alors que le taux appliqué en l'occurrence a été le taux d'intérêt légal, soit 9 %. Conformément à l'analyse déjà effectuée pour le FOGASA, il convient donc de conclure que l'accord de rééchelonnement contient des éléments d'aide d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CE et des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie, et que ces aides sont en outre illégales puisqu'elles n'ont pas été notifiées à la Commission. Comme pour les prêts du FOGASA, il est difficile d'évaluer le montant exact des aides illégalement perçues, mais on peut considérer que ce montant est au moins équivalent à l'avantage financier résultant du fait que le taux d'intérêt retenu dans les accords de rééchelonnement n'a été que de 9 %.

VI

Après avoir démontré que les arrangements de crédit avec le FOGASA et le rééchelonnement des dettes à l'égard de la sécurité sociale accumulées postérieurement à la suspension des remboursements contiennent des éléments d'aide d'État illicites, la Commission doit se prononcer sur leur compatibilité éventuelle avec le Marché commun.

Acería de Álava est une entreprise qui fabrique des produits énumérés dans l'annexe I du traité CECA et relève donc du champ d'application de l'article 80 dudit traité. Il convient en conséquence d'appliquer les dispositions du traité CECA et des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie aux interventions précitées, dans la mesure où elles ont bénéficié à l'entreprise concernée.

L'article 4 point c) du traité CECA interdit les subventions ou les aides accordées par les États, sous quelque forme que ce soit. Toutefois, les règles communautaires sur les aides à la sidérurgie, adoptées à l'unanimité par le Conseil sur la base de l'article 95 du traité CECA, définissent un certain nombre d'exceptions à l'interdiction générale édictée à l'article 4 point c) dudit traité en prévoyant la possibilité de déclarer certains types d'aide compatibles avec le Marché commun tels que les aides à la recherche et au développement (article 2), les aides en faveur de la protection de l'environnement (article 3), les aides à la fermeture (article 4) et les aides régionales aux investissements prévues par des régimes généraux applicables dans certaines zones de la Communauté n'incluant pas le territoire espagnol (article 5). Les aides au fonctionnement et les aides au sauvetage et à la restructuration sont par contre interdites. Il apparaît en conséquence qu'aucune des interventions en cause ne correspond aux catégories d'aides autorisables.

On rappellera par ailleurs que les mesures en faveur de Tubacex relèvent des articles 92 et 93 du traité CE, car les activités de cette société (fabrication de tubes d'acier inoxydable sans soudure) sont considérées comme des activités hors CECA. Comme cela a été signalé lors de l'ouverture de la procédure, les États membres sont tenus de notifier préalablement à la Commission tous les régimes d'aide concernant le secteur des tubes sans soudure conformément à l'encadrement de certains secteurs sidérurgiques hors CECA (5), qui a été adopté en raison de la sensibilité particulière de la situation de concurrence dans les secteurs sidérurgiques hors CECA et du lien étroit qui existe entre la première transformation de l'acier et la sidérurgie (étant donné que les aides versées à des filiales de groupes sidérurgiques peuvent bénéficier en définitive à des activités sidérurgiques et donc avoir une incidence sur la politique d'aide à la sidérurgie CECA).

L'article 92 paragraphe 1 du traité CE établit le principe selon lequel, sauf dérogations prévues par le traité, les aides accordées par les États qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres.

Comme l'a signalé la Commission lors de l'ouverture de la procédure, les produits fabriqués par Tubacex font l'objet d'échanges entre États membres et toute aide en faveur de cette entreprise renforcerait sa position face à ses concurrents, ce qui affecterait les échanges entre États membres et fausserait la concurrence.

Eu égard à la nature et aux objectifs des aides examinées, les dérogations au principe consacré à l'article 92 paragraphe 1, énumérées à son paragraphe 2, ne sont pas applicables.

L'article 92 paragraphe 3 énumère, pour sa part, certaines catégories d'aide qui peuvent être considérées, sous certaines conditions, comme compatibles avec le Marché commun. En ce qui concerne la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point a), l'entreprise est implantée dans une province qui ne peut bénéficier de ce type d'aides et, de toute manière, les autorités espagnoles n'ont pas sollicité l'application de cette dérogation. Quant à la dérogation prévue au point b), il est évident qu'elle est également inapplicable puisque l'aide en cause n'était manifestement pas destinée à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie espagnole.

Enfin, l'article 92 paragraphe 3 point c) ménage la possibilité d'une dérogation pour "les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités", quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Compte tenu de la situation financière de Tubacex au moment de l'octroi de l'aide en cause, cette aide pourrait être assimilée à une aide en faveur d'une entreprise en difficulté, ce qui permettrait de l'apprécier au regard de la disposition précitée.

La Commission estime que les aides en faveur d'entreprises en difficulté comportent un risque élevé de déplacer les problèmes d'emploi et de travail d'un État membre à l'autre. En effet, ces aides contribuent à entraver le jeu normal de l'économie de marché, qui se caractérise par un processus continu d'adaptation aux changements des conditions de concurrence qui entraîne la disparition des entreprises non compétitives. Ces aides peuvent en outre produire des effets de distorsion de la concurrence et des échanges en permettant à leurs bénéficiaires de mener des politiques de prix bradés pour se maintenir sur le marché.

Pour ces raisons, la Commission a progressivement développé une approche spécifique pour l'évaluation des aides en faveur des entreprises en difficulté, dont les éléments ont été précisés dans son huitième rapport sur la politique de concurrence (point 227), puis dans les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (6). Conformément à cette approche, les aides doivent se limiter dans leur montant à ce qui est nécessaire pour permettre à l'entreprise de poursuivre ses activités jusqu'à l'adoption des mesures destinées à rétablir sa viabilité, et leur octroi doit être subordonné à la mise en œuvre d'un plan de restructuration à même d'assurer le rétablissement de la viabilité à long terme de l'entreprise, plan qui pourra notamment comporter des mesures de réduction des capacités destinées à compenser les effets négatifs sur les concurrents (tout particulièrement dans les secteurs enregistrant des surcapacités, comme dans la présente affaire).

Les autorités espagnoles n'ont pas cherché à démontrer que les mesures en cause constituaient des aides au sauvetage ou à la restructuration et elles n'ont, de toute manière, apporté aucun élément attestant l'existence d'un plan de restructuration ou de réduction de la présence de Tubacex sur le marché en cause. Cela confirme donc que la seule et unique finalité de l'aide octroyée était de permettre à l'entreprise de poursuivre ses activités (aides au fonctionnement).

VII

La Commission est en conséquence amenée à conclure que les aides en faveur de Tubacex et de sa filiale Acería de Álava, à savoir les deux prêts du FOGASA et le rééchelonnement de la dette à l'égard de la sécurité sociale contractée postérieurement à la suspension des remboursements, ont été octroyées de manière illégale, sans avoir été notifiées préalablement à la Commission, en violation des dispositions des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie et de l'article 93 paragraphe 3 du traité CE, et qu'elles sont en outre incompatibles avec le Marché commun au motif que:

- l'aide octroyée à Acería de Álava est incompatible avec les règles communautaires sur les aides à la sidérurgie et enfreint, de ce fait, l'article 4 point c) du traité CECA,

- l'aide octroyée à Tubacex est incompatible avec le Marché commun en vertu de l'article 92 du traité CE.

Eu égard à leur caractère illicite et à leur incompatibilité avec le Marché commun, les aides en cause devront être récupérées, de manière à supprimer leurs effets économiques et à revenir à la situation antérieure,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Les mesures adoptées par l'Espagne en faveur de la Compañía Española de Tubos por Extrusión SA (Tubacex) et de Acería de Álava contiennent des éléments d'aide qui ont été octroyés illégalement et sont incompatibles avec le Marché commun en vertu de l'article 92 du traité CE et de la décision n° 3855-91-CECA, dans la mesure où le taux d'intérêt appliqué est inférieur aux taux pratiqués sur le marché. Les mesures concernées sont les suivantes:

1) l'arrangement de crédit conclu, le 10 juillet 1992, entre le Fonds de garantie salariale (FOGASA), d'une part, et Tubacex et Acería de Álava, d'autre part, pour un montant de 444 327 300 pesetas espagnoles au titre du principal, modifié par les accords du 8 février 1993 et du 16 février 1994 (portant respectivement sur des montants de 376 194 872 pesetas espagnoles et 372 millions de pesetas espagnoles au titre du principal);

2) l'arrangement de crédit conclu, le 10 mars 1994, entre le FOGASA, d'une part, et Tubacex et Acería de Álava, d'autre part, pour un montant de 465 727 750 pesetas espagnoles au titre du principal, modifié par l'accord du 3 octobre 1994 (portant sur un total de 469 491 521 pesetas espagnoles au titre du principal);

3) l'accord conclu, le 25 mars 1994, entre la sécurité sociale et Acería de Álava, prévoyant le rééchelonnement des dettes de cette entreprise, pour un montant de 274 409 604 pesetas espagnoles;

4) l'accord conclu, le 12 avril 1994, entre la sécurité sociale et Tubacex, prévoyant le rééchelonnement des dettes de cette entreprise, pour un montant de 1 409 957 329 pesetas espagnoles.

Article 2

L'Espagne est invitée à supprimer les éléments d'aide contenus dans les mesures visées à l'article 1er en retirant ces mesures ou en appliquant un taux d'intérêt correspondant aux conditions normales du marché à compter des dates d'octroi des crédits du FOGASA et de rééchelonnement de la dette à l'égard de la sécurité sociale postérieure à la suspension du remboursement. Le montant correspondant à la différence entre ce taux et le taux qui a effectivement été appliqué jusqu'à la date de suppression de l'aide est récupéré auprès des entreprises concernées.

Ce montant est restitué conformément aux procédures et aux dispositions de la législation espagnole, majoré des intérêts correspondants. Le taux d'intérêt appliqué est le taux normal du marché visé à l'alinéa précédent; les intérêts sont perçus sur la période de la date d'octroi de l'aide à la date de sa restitution effective.

Article 3

En ce qui concerne les autres aspects ayant motivé l'ouverture de la procédure en application de l'article 93 paragraphe 2 du traité CE et de l'article 6 paragraphe 4 de la décision n° 3855-91-CECA, à savoir la vente d'un terrain au Gouvernement basque et le rôle des organismes publics (la sécurité sociale en particulier) dans la levée de la suspension des remboursements, ces mesures ne sont pas assimilables à des aides et il convient donc de clore la procédure pour ce qui les concerne.

Article 4

L'Espagne informe la Commission des mesures qu'elle adopte pour se conformer à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Article 5

Le Royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.

(1) JO n° L 362 du 31. 12. 1991, p. 57.

(2) JO n° C 282 du 26. 10. 1995, p. 3.

(3) JO n° L 5 du 8. 1. 1991, p. 18.

(4) JO n° L 298 du 22. 11. 1996, p. 14.

(5) JO n° C 320 du 13. 12. 1988, p. 3.

(6) JO n° C 368 du 23. 12. 1994, p. 12.