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Décisions

CA Rouen, ch. corr., 14 mai 1992, n° 339

ROUEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Champeval

Conseillers :

M. Vandeville, M. Solle Tourette

Avocats :

Mes Casanova, Martin

T. corr. Le Havre, du 30 sept. 1991

30 septembre 1991

Jean-Claude T a été cité directement par exploit délivré à domicile le 8 août 1991 (AR signé le 12 août 1991) devant le Tribunal correctionnel du Havre pour avoir du 21 août au 23 septembre 1990 à Gonfreville L'Orcher :

1/ procédé à une vente de marchandises neuves sous forme de déballage sans autorisation spéciale du maire,

2/ diffusé une publicité portant sur ladite opération commerciale soumise à l'autorisation (elle-même non sollicitée),

Faits prévus et réprimés par les articles 1, 2 de la loi du 30 décembre 1906 et 8 de la loi du 31 décembre 1989.

Le Tribunal correctionnel, par jugement contradictoire du 30 septembre 1991 a condamné Jean Claude Touluch à la peine de 8 000 F d'amende.

Le 3 octobre 1991, le prévenu et le Ministère public ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

Cité à sa personne par exploit du 20 février 1992, l'appelant qui ne comparait pas a donné pouvoir à son conseil de le représenter. L'arrêt à intervenir sera déclaré contradictoire à son égard conformément à l'article 411 du Code de procédure pénale.

Il fait plaider sa relaxe aux motifs d'une part que la société C étant spécialisée dans le commerce d'articles d'ameublement et d'équipement de la maison, il ne s'agissait pas d'une vente d'articles de literie présentant un caractère exceptionnel ou occasionnel et que d'autre part, cette vente s'étant réalisée sur une extension de la surface de vente du magasin parfaitement licite, le chapiteau sous lequel elle s'est déroulée ne pouvait en conséquence être assimilé à un emplacement ou local non habituellement destiné au commerce. Il fonde notamment ses arguments sur la jurisprudence qui aurait distingué les ventes pratiquées par des commerçants non sédentaires et non assujettis à une patente dans la localité considérée de celles habituellement réalisées par des magasins de grande surface dont c'est pratique courante ainsi que sur un avis de la direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes d'Eure et Loire qui a exclu de l'application de la loi les produits qui, compte tenu de leur caractère saisonnier, font partie de l'assortiment classique offert à la clientèle, la durée demandée par les magasins, à savoir cinq mois, conférant par ailleurs à cette opération un caractère quasi permanent incompatible avec le caractère occasionnel ou exceptionnel requis par le texte légal.

Le Ministère public requiert la confirmation du jugement déféré.

Il résulte de la procédure et des débats qu'au début de l'année 1990, en prévision de différentes opérations promotionnelles à réaliser, Jean Claude T, directeur du magasin C à Gonfreville L'orcher (76) prenait la décision d'implanter un chapiteau d'une surface de 200 m², aucune autorisation d'implantation n'était sollicitée auprès de la commission départementale d'urbanisme commercial. Par contre, une demande d'autorisation de mise en place du chapiteau était demandée auprès du maire de la commune qui l'accordait pour une période allant du 30 mai au 31 octobre 1990. C'est dans ces conditions qu'une vente promotionnelle de literie effectuée dans les locaux habituels du magasin et sous le chapiteau était organisée du 21 août au 23 septembre 1990. Une publicité préalable dans un journal d'annonces locales avait été effectuée sous la forme suivant : " C, c'est le grand spécialiste de la literie de votre ville, du 21 août au 23 septembre 1990, vente massive de literie sous chapiteau ! Actuellement : literie, matelas et sommiers moins 25 % "

Le 21 septembre 1990, sur plainte d'un concurrent, des agents contrôleurs des services de la direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes constataient que 26 références d'articles de literie étaient présentés sous le chapiteau et que 22 références d'articles distincts étaient exposés dans le magasin. A la date du contrôle environ 1 000 articles avaient été vendus.

Entendu, le directeur prétendait qu'il s'agissait d'une extension de vente autorisée par la loi et considérée licite par les services de la sous préfecture et qu'il avait été procédé ainsi depuis 1984. La venue d'un camion ambulant était en outre envisagée pour la durée d'une fin de semaine en vue de la vente d'articles de jardin. Il précisait également que dans la perspective de cette vente, il avait été procédé à des approvisionnements exceptionnels du magasin.

Il doit être observé que le prévenu a admis avoir " demandé à la mairie une autorisation d'ouverture sans toutefois spécifier qu'il s'agissait d'une vente au déballage ".

Aux termes de l'article 4 du décret du 26 novembre 1962, une vente au déballage requiert trois critères :

Une publicité préalable ou concomitante dont l'existence n'est pas contestée en l'espèce et qui résulte notamment de l'annonce jointe à la procédure et précédemment rappelée,

" Une vente pratiquée dans des locaux non habituellement destinés au commerce considéré ". Il ne peut être soutenu qu'une tente installée provisoirement sur ce qui est utilisé normalement comme aire de stationnement de véhicules automobiles, puisse constituer un emplacement réservé au commerce. Celui-ci est en effet pratiqué habituellement et normalement par l'entreprise C dans ses locaux construits durablement et affectés à cet usage, y compris en ce qui concerne la vente de literie qui fait l'objet d'un secteur déterminé à l'intérieur de la surface de vente. Le chapiteau incriminé ne peut constituer une extension de celle-ci compte tenu de son utilisation particulière qui a présenté :

Un caractère occasionnel ou exceptionnel résultant en l'espèce, indépendamment de la vente habituelle d'une telle marchandise par le magasin, en la commande préalable massive d'objets de literie en vue d'une promotion à prix réduits de 25 % annoncée pour une durée limitée (en tous cas inférieure aux deux mois visés au décret du 22.09.89) par voie de presse, ensemble d'éléments visés dans l'article 4 du décret du 26.11.62 portant définition de la vente au déballage.

Il ne pouvait donc s'agir que d'une vente exceptionnelle et qui ne pouvait qu'être considérée comme telle par le public.

Dans ces conditions, il importait pour le prévenu de solliciter l'autorisation requise puisque celle délivrée par la mairie ne concernait uniquement que l'implantation d'un chapiteau et non une vente au déballage proprement dite.

La publicité effectuée en l'absence de ladite autorisation enfreint en conséquence les dispositions de l'article 8 a1 1 de la loi du 31 décembre 1989.

Titulaire d'une délégation de pouvoir régulière et non contestée, Jean Claude T doit donc être reconnu responsable des faits ainsi établis et tels que visés à la prévention. Il n'est pas indifférent de remarquer que le magasin s'était vu refuser une extension de sa surface de vente par la commission départementale d'urbanisme commercial. Le recours à l'installation d'un chapiteau d'une superficie égale à 200 m² (auquel il était en outre envisagé d'adjoindre un camion de vente), et donc non soumise à autorisation de la commission départementale d'urbanisme commercial, installé pendant cinq mois afin de procéder à une succession de ventes prétendument saisonnières d'une durée chacune inférieure à deux mois mais dont le caractère de vente à déballage bien que dénié est démontré, constitue par le caractère durable de cette pratique illégale un trouble certain à la libre concurrence commerciale qui justifie pleinement l'amende prononcée, laquelle doit donc être confirmée.

La Société C prise en la personne de son Président en exercice domicilié 80 boulevard du Maudinet à Lognes 77432 Marne La Vallée Cedex 2 intervient volontairement pour se voir déclarer civilement responsable de son préposé Jean Claude T. Cette intervention qui avait déjà eu lieu en première instance, mais sur laquelle le tribunal avait omis de statuer, est bien fondée et il convient de faire droit à la demande.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme : reçoit les appels, Au fond : confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré. Déclare la Société C civilement responsable de Jean Claude T ; Liquide les frais dus au Trésor à la somme de 140,48 Frs en ce compris ceux de première instance et d'appel mais en ce non compris le coût du présent arrêt et ses suites, Fixe la durée de la contrainte par corps conformément à l'article 750 du Code de procédure pénale.