CA Nîmes, 2e ch., 4 octobre 1990, n° 89.3358
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sosumar (SA)
Défendeur :
Association ACTISE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Martin
Conseillers :
MM. Siband, Filhouse
Avoués :
Me D'Everlange, SCP Tardieu
Avocats :
Me Balsan, SCP Beraud-Combe-Souleliau
LA COUR,
Expose :
La SA Sosumar qui exploite à Aubenas un hypermarché à l'enseigne de la centrale de distribution E. Leclerc, a organisé entre le 26 octobre et le 4 novembre 1989, dans le cadre d'une semaine promotionnelle, la vente, sur le parking de son établissement, de divers produits présentés dans quatre semi-remorques.
Saisi, à la requête de l'Association Artisanat Commerce Traditionnel Industrie Sauvegarde de l'Economie (ACTISE), le juge des référés commerciaux du Tribunal de commerce d'Aubenas, par ordonnance du 30 octobre 1989, à laquelle la cour se réfère pour un exposé plus complet, a :
- déclaré illicite la vente au regard de la loi du 30 décembre 1906 et du décret du 27 novembre 1962 ;
- ordonné l'arrêt immédiat de la vente pratiquée dans les quatre semi-remorques et ce sous astreinte de 2 500 F par jour de retard à l'expiration d'un délai de 48h ;
- prononcé en application de l'article 2 de la loi du 30 décembre 1906 la mise sous séquestre des marchandises offertes à la vente ;
- ordonné la publication de l'ordonnance à la diligence de la SA Sosumar dans les journaux " La Tribune et " Le Dauphiné Libéré " ;
- condamné la SA Sosumar aux dépens de l'instance, aux frais de sommation interpellative et du procès-verbal d'huissier en date du 26 octobre 1989, et au paiement d'une somme de 25 000 F à l'Association Actise sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le 6 novembre 1989, la SA Sosumar a relevé appel de l'ordonnance pour voir annuler l'ordonnance de référé pour non-respect des droits de la défense et, la cour statuant à nouveau, pour voir constater qu'il est justifié d'une autorisation régulière à partir du 31 octobre 1989 laquelle rend dépourvue d'intérêt l'action de l'Association Actise.
Subsidiairement, elle considère que la vente ne concerne pas des produits déclassés, sacrifiés, etc..., mais des produits dont la quantité ne permettait pas l'exploitation dans le magasin de telle sorte qu'il existait à tout le moins une contestation sérieuse sur la qualification de la vente, laquelle contestation aurait dû conduire le juge des référés à se déclarer incompétent.
L'Association Actise considère que l'autorisation doit être préalable à la vente et qu'en outre l'autorisation obtenue le 31 octobre 1989 a été irrégulièrement donnée dans la mesure où le requérant n'a pas fourni les documents visés à l'article 6 du décret du 26 novembre 1962 et où l'autorisation municipale ne rappelle pas l'interdiction de recevoir d'autres marchandises que celles figurant à l'inventaire.
Elle conclut en conséquence à la confirmation de l'ordonnance sauf à y ajouter :
- en ordonnant que les publicités ordonnées dans les journaux locaux soient effectuées dans les 48h de l'arrêt à intervenir sous peine d'une astreinte définitive de 6 000 F par jour de retard ;
- en condamnant la SA Sosumar à lui payer une somme de 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Discussion :
Attendu que l'assignation en référé a été délivrée pour une audience habituelle de telle sorte que l'autorisation préalable d'assigner visée par l'article 458 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile n'était pas nécessaire quand bien même le défendeur n'aurait disposé que de 1h25 entre la délivrance de la citation et le moment de l'audience ;
Attendu que par ailleurs, si le juge des référés doit s'assurer qu'il s'est écoulé un temps suffisant entre l'assignation et l'audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense, l'article 486 du nouveau Code de procédure civile n'impose pas de délai minimum, le juge devant apprécier le caractère suffisant du temps écoulé en fonction des circonstances de l'espèce et de l'urgence de la situation soumise à son examen ;
Attendu qu'en l'espèce, si la citation n'a pu être délivrée en mairie que le 30 octobre 1989 à 8h35 après qu'elle ait refusée le 28 octobre 1989 à 16h35 par le personnel de la direction de la société, il n'en demeure pas moins que la SA Sosumar a été en mesure de comparaître utilement devant le juge des référés commerciaux et de développer devant ce magistrat l'ensemble des moyens de fait et de droit qu'elle reprend en cause d'appel ; que dans la mesure où elle n'a pas conclu devant le premier juge à l'irrégularité de la citation et qu'elle n'a sollicité aucune remise d'audience pour parfaire sa défense le premier juge en a parfaitement déduit qu'elle avait disposé d'un temps suffisant malgré les délais très courts imposés par les circonstances ;
Attendu qu'au fond, la vente organisée entre le 26 octobre et le 4 novembre 1989 sur le parking du magasin, présentait toutes les caractéristiques d'une vente au déballage dès lors :
- qu'il s'agissait d'une vente au détail de marchandises neuves ;
- que la vente se déroulait sur un emplacement qui n'était pas habituellement destiné à ce commerce ;
- que la vente présentait un caractère occasionnel et exceptionnel dans la mesure où elle portait sur un stock important de marchandises à l'occasion de la date anniversaire de l'ouverture du magasin ;
- que la vente était précédée et accompagnée de publicité dans la presse locale ;
Attendu qu'une telle vente dont la qualification n'est pas sérieusement contestable doit faire l'objet d'une autorisation municipale préalable ;
Attendu qu'en conséquence d'une vente non autorisée le juge des référés commerciaux peut, dans la limite de la compétence de la juridiction dont il dépend, prendre conformément aux dispositions de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile, toutes mesures qui s'imposent pour mettre fin au trouble illicite ainsi causé ;
Attendu que toutefois, si la mesure de publicité de la décision dans des journaux locaux ne peut le cas échéant constituer un mode de réparation des préjudices que les victimes du trouble ont pu subir, elle ne peut être considérée comme une mesure conservatoire destinée à prévenir ou mettre fin au trouble constaté ; qu'elle ne saurait donc être prononcée en référé ;
Attendu que de même, si une mesure de séquestre judiciaire peut être envisagée pour mettre fin au trouble à condition de désigner le gardien et d'identifier les biens placés sous mains en justice, en revanche les dispositions de l'article 2 de la loi du 30 décembre 19096 qui édictent des sanctions pénales ne sauraient servir de fondement à une telle mesure ;
Attendu qu'en revanche, c'est à juste titre que le premier juge a ordonné sous astreinte l'arrêt immédiat des ventes dès lors qu'au moment où il a statué la société Sosumar ne pouvait se prévaloir d'aucune autorisation municipale ;
Attendu que cependant la société appelante justifie avoir obtenu l'autorisation municipale à compter du 31 octobre 1989 ; que si cette autorisation n'est pas susceptible de régulariser les publicités et ventes effectuées avant cette date, en revanche ces mêmes opérations réalisées postérieurement à l'autorisation et dans les limites de celle-ci, ne peuvent plus être considérées comme constituant un trouble manifestement illicite ;
Attendu, qu'en effet, sans préjudice de l'appréciation de sa validité par la juridiction compétente, l'autorisation municipale ainsi donnée, crée une apparence suffisante de licéité pour faire obstacle aux dispositions de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'ainsi, au vu des éléments nouveaux soumis à l'examen de la cour, il convient de confirmer l'ordonnance déférée uniquement en ce qu'elle a ordonné sous astreinte l'arrêt des ventes antérieures au 31 octobre 1989 et de débouter l'Association Actise du surplus de ses prétentions ;
Attendu que cependant, l'action étant fondée en son principe au moment de son introduction, la SA Sosumar devra supporter l'ensemble des dépens de première instance et d'appel ; qu'en outre elle devra payer à l'Association Actise une somme de 5 000 F en remboursement des frais irrépétibles qu'elle a dû engager et qu'il serait inéquitable de lui laisser supporter.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, et en dernier ressort ; Reçoit l'appel en la forme ; Au fond : Confirme l'ordonnance déférée uniquement en ce qu'elle a ordonné sous astreinte l'arrêt des ventes non autorisées ; Constate qu'à partir du 31 octobre 1989 les ventes ont été autorisées jusqu'au 4 novembre 1989 ; Limite en conséquence les effets de l'ordre aux ventes antérieures à cette date ; Déboute l'Association Actise du surplus de sa demande ; Dit que la SA Sosumar supportera les dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP d'avoués Tardieu ; Dit qu'elle payera en outre à l'Association Actise une somme de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.