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Décisions

TPICE, 1re ch. élargie, 18 septembre 1995, n° T-471/93

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Tiercé Ladbroke (SA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cruz Vilaça

Juges :

MM. Vesterdorf, Saggio, Kirschner, Kalogeropoulos

Avocats :

Mes Lever, Vajda, Kon.

TPICE n° T-471/93

18 septembre 1995

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie),

Faits et procédure

1. Le Pari mutuel urbain français (ci-après "PMU") est un groupement d'intérêt économique, constitué par les principales sociétés de courses en France. Il est chargé en exclusivité de l'organisation en France des paris pris hors hippodrome, selon le système du pari mutuel, sur les courses de chevaux organisées par les sociétés de courses autorisées à cet effet. Le PMU bénéficie aussi de droits exclusifs pour la prise de paris à l'étranger sur les courses organisées en France et pour les paris pris en France sur les courses de chevaux organisées à l'étranger. Les statuts du PMU doivent être approuvés par les autorités publiques françaises, dont dépend également la nomination des membres composant son assemblée générale.

2. Le Pari mutuel unifié belge, association sans but lucratif, et la SC auxiliaire PMU belge, société coopérative qui est son auxiliaire (ci-après appelées ensemble "PMU belge"), ont été constituées en Belgique, respectivement en 1974 et en 1984, par les onze sociétés de courses de chevaux belges. En Belgique, selon la législation nationale applicable, seuls les organisateurs de courses de chevaux peuvent prendre des paris sur les courses qu'ils organisent, soit sur hippodrome, selon le système de paris à la cote ou selon le système du pari mutuel, soit hors hippodrome, selon le système de paris mutuel. Les autres agences de paris hippiques autorisées en Belgique ne peuvent prendre des paris que sur les courses de chevaux courues à l'étranger et, en pratique, selon le système de paris à la cote. Sur les courses belges, ces agences ne peuvent prendre des paris qu'en tant qu'agents des sociétés de courses, s'agissant du pari mutuel, ou sur habilitation des sociétés de courses et contre paiement d'un droit, s'agissant des paris à la cote. Le PMU belge a été ainsi créé par les sociétés de courses de chevaux dans le but d'organiser conjointement la prise de paris sur les courses qu'elles organisent et a été chargé en exclusivité de l'organisation du pari mutuel hors hippodrome sur ces courses.

3. Le 18 mars 1991, le PMU et le PMU belge ont conclu un accord en vertu duquel le premier est autorisé à prendre, au nom du second, en France et, plus précisément, dans 17 départements français des paris sur des courses de chevaux belges.

4. Cet accord a été conclu dans le cadre de la législation nationale française dont la loi de finances n° 64-1279, du 23 décembre 1964, pour l'année 1965, qui, dans son article 15, paragraphe 3, prévoit que les sociétés de courses de chevaux autorisées à organiser le pari mutuel en dehors des hippodromes peuvent être habilitées à recevoir des paris engagés en France sur des courses étrangères, dans la mesure où les paris enregistrés sont centralisés et incorporés dans la répartition en liaison directe avec le ou les organismes chargés de gérer le pari mutuel dans le pays considéré. Selon cette même disposition, les paris ainsi recueillis sont soumis aux prélèvements légaux et fiscaux en vigueur dans le pays où la course est organisée et le produit de ces prélèvements est réparti entre le pays où les paris sont recueillis et celui où la course est disputée. La répartition ainsi effectuée peut comprendre une part spéciale consacrée aux frais de gestion et prélevée avant versement aux attributaires légaux de chaque pays.

5. En outre, le décret n° 91-118, du 31 janvier 1991, relatif à la collecte de paris par le PMU sur les courses de chevaux organisées en Belgique, dispose que, sur la part inférieure à 50 millions de FF d'enjeux collectés annuellement sur les courses organisées en Belgique, le PMU versera mensuellement le produit du droit de timbre au budget général et 0,876 % du montant des enjeux au Fonds national des haras et des activités hippiques. Selon ce même décret, sur la part comprise entre 50 et 75 millions de FF d'enjeux collectés annuellement, s'ajoutent aux versements susmentionnés le tiers du produit d'un prélèvement supplémentaire progressif (ci-après "PSP") sur les gains au profit du budget général et 0,181 % du montant des enjeux au profit du Fonds national des haras et des activités hippiques. Sur la part comprise entre 75 et 100 millions de FF d'enjeux collectés annuellement, s'ajoutent aux versements susmentionnés les deux tiers du PSP sur les gains au profit du budget général et 0,362 % du montant des enjeux au profit du Fonds national des haras et des activités hippiques. Enfin, sur la part supérieure à 100 millions de FF collectés annuellement, s'ajoutent à ces versements la totalité du produit du PSP sur les gains au profit du budget général et 0,543 % du montant des enjeux au profit du Fonds national des haras et des activités hippiques.

6. En France, les taux cumulés des divers prélèvements légaux et fiscaux dont peut faire l'objet le montant des enjeux des paris recueillis sur les courses de chevaux ne peuvent dépasser 30 %, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 18 de la loi de finances pour l'année 1967.

7. En Belgique, ces prélèvements sur le produit des paris engagés sur les courses de chevaux peuvent atteindre, en revanche, 35 % au maximum, ainsi qu'il résulte de l'article 44-2º; sous d), de l'arrêté royal du 8 juillet 1970, portant règlement général des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, qui prévoit que la quotité des enjeux réservée aux gagnants ne pourra être inférieure à 65 %.

8. Dans le cadre de ce dispositif législatif, l'accord précité, conclu par le PMU et le PMU belge, a prévu que le prélèvement sur le produit des paris pris en France sur les courses de chevaux belges, au taux de 35 % selon les dispositions combinées des législations française et belge précitées, est réparti selon un système tenant compte du montant du chiffre d'affaires réalisé. A cet effet, l'accord en question prévoit quatre tranches. La première tranche est constituée par un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions de FF; les attributaires publics français reçoivent 6,386 % du prélèvement et la partie belge 23,114 %. La deuxième tranche est constituée par un chiffre d'affaires compris entre 50 et 75 millions de FF; la part française s'élève à 10,817 % et la part belge descend à 16,183 %. La troisième tranche est constituée par un chiffre d'affaires compris entre 75 et 100 millions de FF; la part française atteint 15,238 % et la part belge 9,762 %. Enfin, pour un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions de FF, la part belge descend à 5,602 % et la part française s'élève à 19,169 %.

9. Le 12 juillet 1991, Tiercé Ladbroke SA (ci-après "Ladbroke"), société de droit belge créée en 1982 et appartenant au holding Ladbroke Group plc, dont l'activité consiste à prendre en Belgique des paris à la cote sur les courses de chevaux courues à l'étranger, a introduit contre le PMU, le PMU belge et la République française une plainte (IV-34.013) auprès de la Commission, en vertu, d'une part, des articles 85 et 86 du traité CEE et, d'autre part, des articles 92 et 93 du traité CEE. Au titre de ces dernières dispositions du traité, la plainte de Ladbroke, reprise et clarifiée sur ce point par la lettre du 5 février 1992 (NN 16-92), invitait la Commission à constater que l'accord conclu le 18 mars 1991 entre le PMU et le PMU belge avait comme effet l'octroi, par la France au PMU belge, d'une aide étatique illégale, non notifiée.

10. A cet égard, Ladbroke a souligné dans sa plainte que les paris pris en France, conformément à l'accord entre les deux PMU, qui auraient permis de réaliser, depuis le 20 mars 1991, un chiffre d'affaires de 67 millions, et annuellement de 300 millions de BFR, sont collectés et gérés de la même façon que les paris sur les courses françaises, faisant partie du système français et étant centralisés selon le système de totalisation du PMU avec les moyens et la technologie de ce dernier. Transférés par la suite du système français au système belge de totalisation, les enjeux des paris sur les courses belges pris en France seraient frappés d'un prélèvement de 35 %, conformément à la législation belge. De ce prélèvement de 35 %, un montant correspondant à 26 % serait laissé au PMU belge et le restant, de 9 %, serait rendu au système français, dont environ 4 % à l'État français et environ 5 % aux sociétés de courses françaises. En revanche, s'agissant des enjeux sur les courses françaises pris en France, le prélèvement d'environ 30 % irait pour 18 % à l'État français et pour 10 % aux sociétés de courses.

11. Ladbroke a fait ainsi valoir dans sa plainte que le fait que l'État français, le PMU et les sociétés de courses retiennent seulement 9 % du prélèvement sur les enjeux des paris sur les courses belges et non pas 28 %, comme c'est le cas pour le prélèvement sur les enjeux des paris sur les courses françaises, est un traitement fiscal qui, impliquant une charge pour l'État français et un profit pour son bénéficiaire, le PMU belge, constitue une aide d'État illégale au profit de ce dernier. Cette aide étatique causerait une distorsion de la concurrence dans la mesure où le PMU belge bénéficierait de restitutions sur le montant des paris pris en France sur les courses belges dont ne bénéficient pas ses concurrents en Belgique, qui n'ont pas la possibilité de prendre des paris en France. En outre, l'aide illégale en question affecterait le commerce entre États membres dans la mesure où le système dont elle est le résultat impliquerait la prise de paris en France sur les courses belges et le retour, par l'État français, de la France vers la Belgique, de sommes provenant de ces paris. Enfin, l'aide d'État alléguée serait une nouvelle aide non notifiée, octroyée en violation de l'article 93, paragraphe 3, du traité.

12. Ladbroke a ainsi présenté à la Commission, en plus d'autres demandes invitant celle-ci à constater que l'accord entre les deux PMU violait les articles 85 et 86 du traité et à inviter les deux PMU à mettre fin à cet accord, les demandes suivantes:

- enjoindre, par décision provisoire, à la République française de suspendre l'aide étatique, non notifiée, octroyée au PMU belge;

- lui enjoindre, après un examen complet de l'aide illégale octroyée au PMU belge, de mettre fin à cette aide; et,

- ordonner la restitution par le PMU belge de l'aide illégale, avec intérêts au plein taux commercial.

13. La partie de la plainte de Ladbroke concernant le prétendu octroi d'une aide d'État illégale a été rejetée par lettre, en date du 18 janvier 1993, signée par le membre de la Commission chargé de la concurrence (ci-après "décision" ou "décision attaquée"), au motif que l'accord précité entre les deux PMU ne contiendrait aucune aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité et ceci pour les raisons suivantes.

14. Selon la décision, le prélèvement sur le produit des paris sur les courses de chevaux ne saurait être qualifié de taxe, parce qu'il est lui-même soumis à des retenues publiques de nature fiscale et qu'en France, comme en Belgique, il varie en fonction de facteurs divers, dont le lieu d'organisation de la course et l'affectation à différents fonds, tels que le fonds pour les établissements d'élevage de chevaux ou le fonds national pour le développement des adductions d'eau et le budget général.

15. En outre, selon la décision, l'application au prélèvement au taux de 35 %, qui frappe les enjeux des paris pris en France sur les courses belges, de la retenue publique qui est applicable sur le prélèvement au taux de 30 %, qui frappe les enjeux des paris sur les courses françaises, serait inapproprié parce que cette retenue publique française, de 18 %, inclut des contributions "exclusivement françaises", notamment des contributions au fonds pour l'élevage français de chevaux (de 1,86 % à 3,36 %) et la TVA de 22 %, calculée sur la portion du prélèvement revenant aux sociétés de courses françaises. En conséquence, la retenue publique française de 18 % ne pourrait pas s'appliquer, dans son ensemble, au prélèvement sur l'enjeu des paris sur les courses belges de 35 %, mais seulement dans sa partie restante, après déduction des contributions exclusivement françaises, se situant à environ 5 %. Ceci signifierait, déjà, que la retenue publique française tomberait à moins de 13 % du montant des paris pris sur les courses belges et, de la sorte, se rapprocherait de la retenue publique française de 6,4 % qui frappe actuellement le prélèvement, de 35 %, appliqué sur le produit des paris pris en France sur les courses belges.

16. Par ailleurs, selon la décision, la part du prélèvement qui revient au PMU belge, serait, en taux, presque la même, que le lieu de la collecte du pari soit situé en France ou en Belgique. A cet égard, la Commission a expliqué dans la décision que, si les paris sur les courses belges étaient pris en Belgique, la part du PMU belge s'élèverait, selon les régions, entre 25 et 28 %, moins 5,5 % de coûts de gestion, ce qui donnerait une part située entre 19,5 et 22,5 %, contre 23,114 % lorsque les paris sont pris en France. En déduisant de ces 23,114 % les dépenses supplémentaires du PMU belge (de publicité, de prix et d'information) occasionnées par la prise de paris en dehors du territoire national belge, l'on constaterait que le PMU belge reçoit, pour les paris pris en France sur les courses belges, une part sensiblement équivalente à celle qu'il aurait perçue s'il collectait lui-même les paris sur les courses belges.

17. Enfin, selon la décision, l'accord entre les deux PMU, considéré dans son ensemble, ne paraîtrait avantageux pour le PMU belge que dans sa phase initiale, en ce qui concerne la tranche de chiffre d'affaires inférieur à 50 millions de FF, où la part du prélèvement allant au PMU belge est relativement élevée. En revanche, pour les phases ultérieures, l'accord devrait être regardé comme nettement moins avantageux pour le PMU belge, en raison de la diminution de la part de ce dernier sur le prélèvement frappant les tranches du chiffre d'affaires qui sont d'un montant plus élevé.

18. Toutefois, afin de pouvoir prendre en compte tout fait nouveau et l'éventualité que l'accord, dans les années à venir, ne reçoive application au-delà de la phase initiale, la Commission, dans sa décision, s'est réservé le droit de réexaminer l'accord après une période de quatre ans et a invité les autorités françaises à lui soumettre un rapport annuel sur la mise en œuvre de l'accord entre les deux PMU.

19. C'est dans ces circonstances que, par requête déposée le 22 mars 1993, Ladbroke Belgique a introduit en vertu de l'article 173 du traité CEE, le présent recours, inscrit au greffe de la Cour sous le n° C-80-93.

20. Le 7 juillet 1993, le Gouvernement de la République française a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 6 août 1993 du président de la Cour, cette demande en intervention a été admise et, le 20 octobre 1993, la partie intervenante a déposé son mémoire en intervention sur lequel la Commission a présenté ses observations le 23 novembre 1993 et la requérante le 10 décembre 1993.

21. Par ordonnance du 27 septembre 1993, en application de l'article 4 de la décision 93-350-Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision du Conseil 88-591-CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L. 144, p. 21), la Cour a renvoyé l'affaire devant le Tribunal où elle a reçu le n° T-471-93

22. La procédure écrite s'est déroulée normalement. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans mesures d'instruction préalables. Il a toutefois invité la Commission et le Gouvernement français à répondre à certaines questions écrites et à produire certains éléments concernant la mise en œuvre de l'accord entre les deux PMU et le régime des retenues publiques et des prélèvements appliqués en France sur les enjeux des courses hippiques françaises et belges. Les parties ont donné suite à l'invitation du Tribunal dans les délais impartis.

23. A l'audience du 24 janvier 1995 les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal.

Conclusions des parties

24. La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la décision contenue dans la lettre du 18 janvier 1993;

- ordonner à la Commission de réexaminer immédiatement la plainte contre les deux PMU n° NN 16-92 en application de l'article 176 du traité CEE;

- condamner la Commission aux dépens du recours.

25. La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- déclarer le recours non fondé;

- condamner la requérante aux dépens de l'instance.

26. La partie intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens, y compris à la part correspondant aux frais exposés par la partie intervenante.

Sur le fond

27. A l'appui de ses conclusions en annulation, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée, d'une part, d'une absence de motivation, en violation de l'article 190 du traité CEE et, d'autre part, d'une motivation erronée ou d'illégalité.

Sur le premier moyen tiré du défaut de motivation

28. Le Tribunal constate que, bien que la requérante a fait valoir que la motivation de la décision fait défaut, elle n'a présenté qu'une argumentation qui met en cause la légalité au fond de cette décision. Néanmoins, le Tribunal, qui est en droit d'examiner, même d'office, la motivation des actes communautaires attaqués devant lui, estime approprié de procéder à l'examen du moyen tiré du défaut de motivation.

29. Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que, en vertu de l'article 190 du traité, les décisions adoptées par les institutions communautaires doivent être motivées et que leur motivation doit être de nature à permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité et à l'intéressé de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée (arrêts de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19, et du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44-90, Rec. p. II-1, point 42, et du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T-7-92, Rec. p. II-669, point 30).

30. Le Tribunal relève tout d'abord que, dans la décision attaquée, la Commission a procédé à l'exposé des raisons pour lesquelles elle considère que l'accord entre les deux PMU, mis en cause par la requérante dans sa plainte du 12 juillet 1991, reprise par sa lettre du 5 février 1992, ne peut pas être considéré comme ayant pour résultat l'octroi au PMU belge d'une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité et pour lesquelles elle a, en conséquence, rejeté la plainte de la requérante.

31. La décision attaquée contient en effet une série de considérations, de fait et de droit, tenant à la nature du prélèvement sur les enjeux des paris sur les courses de chevaux et des retenues dont il fait l'objet, à la justification du traitement dont fait l'objet, en France, ce prélèvement et, notamment, à la circonstance que le PMU belge ne retirerait, en fait, aucun avantage de l'application de l'accord entre les deux PMU et que, dans l'hypothèse où cet avantage existerait dans la première phase dudit accord, il disparaîtrait dans les phases ultérieures.

32. Le Tribunal estime ensuite que cet exposé des motifs constitue une motivation qui doit être considérée, dans son ensemble, comme suffisante, au sens de l'article 190 du traité, pour soutenir les conclusions de la Commission, dans la mesure où il contient un exposé des faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision et permet de constater que le refus de la Commission d'admettre l'existence d'une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, découle, en substance, de la constatation qu'aucun avantage ne résulte pour le PMU belge de l'application de l'accord précité.

33. En effet, bien que la motivation de la décision attaquée ne laisse pas toujours apparaître tous les éléments du raisonnement suivi par la Commission, elle peut être considérée comme suffisante, compte tenu de ce que l'auteur d'une décision n'est pas tenu de spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents et que le caractère suffisant de la motivation donnée à une décision peut être apprécié au regard non seulement de son libellé mais, aussi, du contexte de son adoption et de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts de la Cour du 25 octobre 1984, Rijksuniversiteit te Groningen, 185-83, Rec. p. 3623, point 38, du 26 juin 1986, Nicolet, 203-85, Rec. p. 2049, point 10, du 8 juin 1989, AGPB, 167-88, Rec. p. 1653, point 34, et du 6 juillet 1993, CT Control et JCT Benelux/Commission, C-121-91 et C-122-91, Rec. p. I-3873, point 31).

34. Il en résulte que le premier moyen de la requérante, tiré d'une absence de motivation, doit être rejeté.

Sur le second moyen tiré des motifs erronés ou de l'illégalité de la décision attaquée

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

35. La requérante expose que, selon l'accord conclu par les deux PMU et le traitement réservé en France au prélèvement portant sur les enjeux des paris sur les courses belges, l'on constate que, sur 100 FF pariés sur ces courses, l'État français prélève 35 FF dont il retient seulement 6,30 FF et verse le reste, à savoir 28,61 FF, au PMU français, qui, lui-même, retient 5,5 FF et transfère les 23,19 FF ainsi restants au PMU belge. Par contre, sur 100 FF pariés sur une course française, l'État français effectue un prélèvement de 30 FF dont il retient 18 FF et verse les 12 FF restants au PMU. Par conséquent, non seulement le taux du prélèvement de 35 % sur le produit des paris engagés en France sur les courses de chevaux belges, destiné au PMU belge, serait plus élevé que le prélèvement de 30 % frappant les paris pris en France sur les courses françaises mais, également, la part du prélèvement finalement transférée au PMU belge, soit 23,114 %, serait ainsi plus élevée que la part du prélèvement qui est transférée au PMU, soit 12 %. Le PMU belge réaliserait ainsi des recettes dont il n'aurait pas bénéficié en l'absence de l'accord conclu avec le PMU français, ayant permis la prise en France de paris sur les courses belges. Ces recettes constitueraient une aide d'État illégale, dont le montant exact serait constitué de l'excédent de la somme reçue par le PMU belge, en vertu de l'accord précité, sur les sommes nécessaires à la couverture des frais qu'entraîne la prise de paris en France sur les courses belges. Selon la requérante, ce mécanisme, qui aurait eu comme effet d'avoir procuré au PMU belge, en 1991, des recettes de l'ordre de 8,1 millions de FF, aurait causé une distorsion de la concurrence qui lui porterait un préjudice considérable. Elle soutient que, sans cette aide illégale, le PMU belge se serait effondré et aurait ainsi permis à Ladbroke d'organiser, elle-même, un pari mutuel sur les courses belges. En outre, sans cette aide, le PMU belge n'aurait pas pu acquérir, comme il l' aurait fait en décembre 1991, l'agence de paris "Tiercé franco-belge", concurrente de Ladbroke en Belgique sur le marché des paris pris sur les courses de chevaux courues à l'étranger.

36. A l'appui de sa thèse selon laquelle l'avantage financier ainsi procuré au PMU belge constitue une aide d'État, la requérante souligne que le versement de la partie du prélèvement qui lui revient est effectué conformément aux instructions de l'État français et à travers une organisation contrôlée par celui-ci, le PMU français, ainsi qu'il ressortirait des statuts de ce dernier. Le prélèvement revenant au PMU belge constituerait ainsi une contribution obligatoire prescrite par les règles de droit public, de sorte que sa qualification formelle, comme taxe ou autre retenue, n'aurait pas d'incidence sur la nature même de cette contribution obligatoire imposée par l'État, dans la mesure où il est indifférent, pour la qualification d'aide d'État de la part du prélèvement allant au PMU belge, de savoir si l'ensemble ou une partie de celui-ci passe ou non par les caisses de l'État (arrêts de la Cour du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78-76, Rec. p. 595, 613, et du 30 janvier 1985, Commission/France, 290-83, Rec. p. 439, 449).

37. Par ailleurs, la requérante soutient que ni le fait que la partie du prélèvement destinée à l'État peut varier d'une course à l'autre, comme la Commission l'a souligné dans la décision attaquée, ni le fait qu'il subit lui-même des retenues de nature fiscale, n'est déterminant pour sa nature de contribution obligatoire imposée par l'État, étant donné que tant l'application de la TVA au taux de 22 % sur la partie du prélèvement destinée aux sociétés de courses que l'application d'une autre taxe, le PSP (voir ci-dessus point 5), calculée sur la base de la cote et du genre du pari engagé, ne concernent que la structure interne du prélèvement et sont indifférentes pour sa qualification en tant que taxe.

38. Selon la requérante, la différenciation des taxes et retenues qui frappent en France le prélèvement pris sur les paris engagés sur les courses françaises et celles qui frappent le prélèvement pris sur les paris engagés sur les courses belges, a comme résultat que le PMU belge encaisse une partie plus substantielle du prélèvement que celle qu'il aurait encaissée si ce prélèvement était soumis, lorsqu'il porte sur les courses belges, à la même contribution fiscale que lorsqu'il porte sur les enjeux des paris pris sur les courses françaises, étant donné que les paris sur les courses belges et sur les courses françaises sont engagés en France. La requérante estime que la faisabilité d'une égalité de traitement fiscal des prélèvements respectifs ressortirait en l'espèce des termes mêmes de l'accord entre les deux PMU, qui prévoit une retenue accrue en faveur des attributaires publics français lors des troisième et quatrième phases d'application de l'accord entre les deux PMU.

39. Quant à l'argument avancé par la Commission dans la décision attaquée, selon lequel la part du prélèvement litigieux ne comporterait pas d'aide au profit du PMU belge parce que les recettes que celui-ci se procure en vertu de l'accord litigieux sont substantiellement les mêmes que les recettes qu'il se serait procurées en prenant directement les paris sur les courses belges, la requérante invoque la jurisprudence de la Cour, selon laquelle une contribution ne perd pas son caractère d'aide d'État du seul fait que son objet ou son effet est celui de mettre le bénéficiaire dans la même situation que s'il avait exercé la même activité économique dans un autre État membre (arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173-73, Rec. p. 709). Selon la requérante, même s'il s'avérait que les recettes en question sont, dans les deux cas, substantiellement les mêmes, une telle égalité n'en aurait pas moins été obtenue par le jeu d'une discrimination mise en place par l'accord litigieux, consistant à appliquer aux paris sur les courses belges un taux de prélèvement plus élevé que celui appliqué aux paris sur les courses françaises, étant donné que l'ensemble du système débouche, de toute façon, sur un transfert de recettes vers le PMU belge, beaucoup plus élevé que si les deux types de paris avaient été traités, en France, de la même manière.

40. La requérante soutient, ainsi, que toute spéculation sur les recettes que le PMU belge aurait pu réaliser si, en l'absence de l'accord, il avait pris lui-même les paris sur les courses belges, relève de la pure théorie, car rien n'indique que, sans l'accord, les paris concernés auraient effectivement été engagés.

41. Enfin, la requérante rejette l'argument de la Commission selon lequel l'accord entre les deux PMU ne comporte pas une aide d'État en faveur du PMU belge, s'il est examiné globalement afin de tenir compte de toutes les phases de son application. Elle considère que le fait que, aux termes de l'accord, la part du prélèvement destinée au PMU belge décroît au fur et à mesure qu'augmente le chiffre d'affaires des paris pris en France sur les courses belges est indifférent, parce que cette diminution n'est réelle qu'en pourcentage et non pas en recettes nettes, lesquelles, en tout Etat de cause, augmentent en même temps que le chiffre d'affaires des paris pris sur les courses belges.

42. La Commission considère que le prélèvement litigieux ne peut pas être qualifié de taxe, ni de "ressource d'État", puisqu'il n'est jamais perçu ou reçu par l'État. Ce prélèvement ne serait que l'excédent du montant que l'opérateur du pari mutuel doit redistribuer aux parieurs gagnants, faisant, lui-même, l'objet de certaines taxes ou de retenues publiques, de telle sorte qu'il manquerait ainsi, pour la qualification du prélèvement comme taxe, le critère le plus essentiel, à savoir le fait qu'elle est imposée par l'État.

43. En ce qui concerne la différence entre les taux du prélèvement selon qu'il porte sur les enjeux des paris pris sur les courses belges ou sur les courses françaises, la Commission souligne que cette différence résulte de la combinaison des législations française et belge. Elle se réfère à l'article 15, paragraphe 3, de la loi française de finances pour l'année 1965, précitée, qui prévoit que les paris engagés en France sur des courses étrangères sont soumis aux prélèvements légaux et fiscaux en vigueur dans le pays où la course est organisée, alors que, d'un autre côté, l'article 44-2 , sous d), de l'arrêté royal belge du 8 juillet 1970, précité, fixe à 35 % le prélèvement à opérer sur les courses organisées en Belgique. Dans ces circonstances la Commission estime que, étant donné que le prélèvement est déduit en Belgique lors de la centralisation par le PMU belge des paris recueillis en France, la déduction de 5,5 % du prélèvement au titre de commissions destinées au PMU pourrait même être considérée comme un paiement du PMU belge au PMU et non pas l'inverse.

44. En ce qui concerne la différence du traitement fiscal et des retenues diverses sur le prélèvement, selon que les paris engagés en France sont pris sur les courses françaises ou sur les courses belges, la Commission considère que la composition du prélèvement appliqué sur les paris engagés en France sur les courses françaises, le rend intransposable aux paris engagés sur les courses étrangères et, par conséquent, aux courses belges, pour la raison que ce prélèvement comporte certaines taxes "exclusivement françaises" qui rendraient son application inappropriée ou inopportune aux courses étrangères.

45. La Commission considère que, du point de vue quantitatif, l'existence de ces contributions "exclusivement françaises" ramènent la différence de taxation à un niveau inférieur à celui avancé par la requérante. A cet égard, la Commission reprend l'analyse figurant dans la décision attaquée, selon laquelle la retenue publique française de 18 %, qui frappe le prélèvement de 30 % appliqué aux paris engagés en France sur les courses françaises, inclut une taxe au profit du Fonds national des haras et des activités hippiques, qui varie entre 1,86 et 3,36 %, ainsi que la TVA de 22 % applicable sur la part de prélèvement revenant aux sociétés de courses françaises (soit sur 6,5 %). Ces deux éléments, constituant quelque 5 % de la retenue publique française globale, de 18 %, déduits de celle-ci, ramèneraient ainsi le prélèvement public français à 13 %. La différence avec la taxe de 6,4 %, qui frappe le prélèvement de 35 % sur les paris pris en France sur les courses belges, serait donc moins élevée que ce que prétend la requérante.

46. En outre, la Commission reprend son argument selon lequel, même en termes de recettes réalisées par le PMU belge, il ne saurait être question d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, parce que, telles qu'elles résultent des termes de l'accord entre les deux PMU, les recettes du PMU belge provenant des paris pris en France sur les courses belges seraient à peu près les mêmes, en taux, que si les paris sur les courses belges étaient pris par le PMU belge, atteignant, dans les deux cas, quelque 20 % des sommes engagées dans les paris concernés.

47. A cet égard, la Commission expose que, lorsque le pari est engagé en France sur les courses belges, la part du PMU belge sur l'enjeu s'élève à 35 %, dont il faut enlever 6,386 %, au titre de taxes perçues par la France, ainsi que 5,5 %, au titre de la Commission payée au PMU, ce qui donne un pourcentage égal à 23,114 %, dont il faut enlever encore 1 à 2 %, correspondant aux frais supplémentaires de publicité, de prix et d'information supportés par le PMU belge pour rendre les courses belges attractives auprès du public français. Lorsque le pari est engagé en Belgique sur les courses belges, la part du PMU belge sur le prélèvement serait déterminée en déduisant du prélèvement, au taux de 35 %, d'abord un pourcentage de 7 à 10 % de retenues publiques, variant selon les régions, et, ensuite, une part de 5,5 %, au titre des frais de gestion du PMU belge, ce qui donnerait, globalement, un pourcentage du prélèvement largement équivalent au précédent et à peine suffisant, selon la Commission, pour couvrir les frais des sociétés membres du PMU belge. l'accord des deux PMU n'aurait ainsi pour résultat que d'augmenter, simplement, le chiffre d'affaires du PMU belge, de sorte que le bénéfice résultant pour cet organisme ne pourrait pas être qualifié d'aide au sens de l'article 92 du traité.

48. Par ailleurs, la Commission souligne que l'examen d'ensemble de l'accord litigieux, dans la totalité de ses phases, ferait apparaître que l'avantage tiré par le PMU belge est encore plus faible aux stades ultérieurs de l'application de l'accord en raison de l'augmentation des retenues de l'État français applicables sur le prélèvement lors de ces stades ultérieurs.

49. Enfin, la Commission, tout en affirmant son intention d'examiner l'accord des deux PMU après une période de quatre ans, souligne que l'allégation selon laquelle l'accord entre les deux PMU est contraire à l'article 92 du traité soulève d'autres questions juridiques nombreuses et complexes qu'il était inutile d'examiner dans la décision attaquée, étant donné que la conclusion selon laquelle l'accord ne constitue pas une aide d'État peut être fondée sur le motif plus simple que le PMU belge n'en retire, de toute façon, aucun avantage. Ainsi, il n'y aurait notamment pas lieu pour elle d'examiner la question complexe de savoir quelles mesures un État membre a le droit ou l'obligation de prendre pour assurer une neutralité fiscale complète dans les échanges intracommunautaires, lorsque certains régimes fiscaux spécifiques diffèrent selon les États membres, ou la nature de la prétendue distorsion de concurrence ou son impact sur le commerce entre États membres.

50. La partie intervenante admet que le PMU belge réalise sur les paris pris en France sur les courses belges une recette supérieure à celle du PMU français sur les paris, d'un même montant, pris sur des courses françaises. Toutefois, la qualification, éventuelle, de cette recette comme aide étatique, comme le soutient la requérante, ne saurait s'appliquer à la totalité de la somme de 8,1 millions de FF perçue en 1991 par le PMU belge, en application de l'accord litigieux, mais à la seule différence entre cette somme et celle que cet organisme aurait perçue si le régime de traitement des enjeux des paris sur les courses françaises lui avait été appliqué. Étant donné que, dans cette dernière hypothèse, le produit des paris aurait subi des retenues et taxes de l'ordre de 17,85 % alors que le PMU belge en aurait perçu 10,3 % au lieu de 23,114 % actuellement perçus, la différence de ses recettes et donc le montant effectif de l'aide alléguée se situerait à quelque 4,5 millions de FF et non pas à 8,1 millions de FF comme le soutient la requérante.

51. Quant à la justification de la différence entre les recettes réalisées, respectivement par le PMU et le PMU belge, sur le produit des paris d'un même montant, la partie intervenante soutient qu'elle est due à des facteurs objectifs, sans rapport avec des considérations économiques ou commerciales, ayant exclusivement trait à la nature même du pari mutuel et à la structuration qui en résulte pour le prélèvement pris sur l'enjeu de ces paris. A cet égard, la partie intervenante expose que le pari mutuel est caractérisé par la mise en commun des enjeux et, après déduction des différents prélèvements et des frais de gestion du système, par leur reversement intégral aux gagnants, ce qui exclurait la recherche du profit. A cet objectif non lucratif correspondrait la forme juridique du PMU, groupement d'intérêt économique de sociétés de courses à statut associatif et à but non lucratif, dont l'objet social est l'amélioration de la race chevaline en France. Cette nature juridique du pari mutuel et de l'organisme qui le gère, le PMU, aurait imposé une réglementation rigoureuse de la gestion des enjeux. La législation française aurait ainsi fixé à 70 % la part des enjeux revenant aux parieurs et réparti les 30 % restants entre différents prélèvements publics, dont une part affectée aux sociétés de courses afin de permettre à la fois la couverture des frais de gestion du système et la réalisation de l'objet social du PMU, à savoir, l'amélioration de la race chevaline en France, sous formes diverses. Il en résulterait que l'ensemble du système, de par sa nature et ses objectifs, serait intransposable aux paris pris sur des courses étrangères, même si la prise de paris sur ces courses a lieu en France.

52. La partie intervenante expose, en outre, que le régime du prélèvement sur l'enjeu des paris sur les courses belges pris en France résulte inévitablement de la combinaison des lois française et belge, l'application de cette dernière étant prévue par l'article 15 de la loi française de finances pour l'année 1965 et est imposé, de surcroît, par les raisons suivantes. En premier lieu, le respect de l'esprit du pari mutuel exigerait qu'il n'y ait qu'une seule masse des enjeux par pari de même nature et que les parieurs jouant sur une même course soient traités de la même manière. En deuxième lieu, l'application de la seule loi française, qui implique certains prélèvements au profit de l'amélioration de la race chevaline française, aurait dissuadé les organisateurs des courses belges d'accepter le principe de la prise des paris depuis la France. En troisième lieu, l'application des prélèvements du pays où la course est organisée serait indispensable pour que la prise de paris depuis un autre pays présente un intérêt économique pour l'ensemble des opérateurs et pour les objectifs d'intérêt général des deux États concernés.

53. Enfin, la partie intervenante fait remarquer que rien, dans l'Etat actuel du droit communautaire, ne l'oblige à modifier sa législation interne sur la répartition des différentes parts de prélèvement.

Appréciation du Tribunal

54. Le Tribunal estime qu'il faut, d'abord, examiner le bien-fondé du motif tiré par la Commission de ce qu'aucun avantage financier au profit du PMU belge ne résulterait de l'application de l'accord entre les deux PMU. En effet, en l'absence d'un avantage quelconque tiré par le bénéficiaire allégué d'une mesure interdite par l'article 92, paragraphe 1, du traité, l'application de cette disposition du traité doit être écartée et la décision attaquée ne pourrait pas être entachée de motifs erronés ou d'illégalité, dans la mesure où elle a refusé d'admettre, en l'espèce, l'existence d'une aide, au sens de la disposition précitée du traité.

55. A ce propos, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour (voir arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42-84, Rec. p. 2545, point 34, du 17 novembre 1987, British-American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 4487, point 62, du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225-91, Rec. p. I-3203, points 23 et 25) et du Tribunal (voir arrêts La Cinq/Commission, précité, points 85 et 86, et du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T-7-92, Rec. p. II-669, point 33), s'agissant de situations qui impliquent des appréciations économiques complexes, le contrôle juridictionnel doit se limiter à vérifier, en dehors du respect des règles de procédure et de motivation, l'exactitude matérielle des faits et l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.

56. Le Tribunal relève que, après avoir examiné les éléments portés à sa connaissance par la requérante dans sa plainte, la Commission a abouti à la conclusion que l'application de l'accord litigieux a pour effet d'augmenter, simplement, le chiffre d'affaires du PMU belge, sans lui apporter un avantage constituant une aide d'État, étant donné que la comparaison entre la part du prélèvement qui revient au PMU belge en France et la part du prélèvement qui lui reviendrait si les paris sur les courses belges étaient pris par lui, sans l'intervention du PMU français, fait apparaître que les recettes sont, en taux, d'un montant équivalent, atteignant, dans les deux cas, quelque 20 % des enjeux engagés (voir ci-dessus points 16, 46 et 47).

57. De son côté, afin de contester cet argument de la Commission, la requérante soutient que toute spéculation sur les recettes que le PMU belge aurait réalisées si, en l'absence de l'accord litigieux, il avait pris lui-même les paris sur les courses belges, est théorique parce que rien n'indique que, sans cet accord, les paris concernés auraient été engagés. En outre, même s'il s'avérait que, dans les deux cas susmentionnés, les recettes du PMU belge sont substantiellement les mêmes, cette égalité aurait, de toute façon, été obtenue par le jeu d'une discrimination mise en place par l'accord litigieux, consistant à appliquer aux enjeux sur les courses belges un taux de prélèvement plus élevé par rapport à celui appliqué sur les enjeux des paris sur les courses françaises, l'ensemble du système débouchant, de toute façon, sur un transfert de recettes au PMU belge beaucoup plus élevé que si les deux types de paris étaient traités en France de la même manière.

58. Le Tribunal estime que cette argumentation de la requérante n'est pas de nature à mettre en cause, à elle seule, les appréciations de la Commission. En ce qui concerne, en premier lieu, les recettes réalisées en France par le PMU belge, à supposer, ainsi que le soutient la requérante, que sans l'accord litigieux entre les deux PMU les paris concernés n'auraient pas été engagés, les recettes qui en résultent pour le PMU belge ne sauraient, pour autant, être qualifiées d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. l'ouverture du marché français de prise de paris sur les courses de chevaux, permettant au PMU belge d'accéder, par l'intermédiaire du PMU français, aux parieurs français et d'augmenter ses recettes par les enjeux de leurs paris, constitue, en effet, un choix effectué par le législateur français concernant l'organisation du marché national de prise de paris sur les courses de chevaux et les modalités de l'exercice par le PMU français des droits exclusifs qui lui sont reconnus par la législation nationale concernant la prise de paris sur les courses de chevaux étrangères (voir ci-dessus point 1). Par conséquent, ce choix du législateur français ayant permis la conclusion de l'accord litigieux entre les deux PMU ne saurait être, en soi, mis en cause au regard de l'article 92, paragraphe 1, du traité, pour le seul motif que l'application de l'accord en question peut avoir pour effet d'accroître les recettes, non seulement du PMU français sur les courses étrangères mais aussi du PMU belge sur les paris des courses de chevaux courues en Belgique dont, normalement, il assure lui-même directement la prise.

59. En ce qui concerne, en second lieu, l'argumentation de la requérante mettant en cause le fait que les deux types de paris ne sont pas traités en France de la même manière et en admettant même que la requérante, qui n'opère pas sur le marché français de prise de paris sur les courses de chevaux, puisse se plaindre de l'octroi à un tiers d'un avantage résultant d'un traitement fiscal différencié, qui ne pourrait, en fait, affecter que ceux qui sont autorisés à opérer sur ce marché et, donc, en l'espèce, le PMU français, le Tribunal estime que cette argumentation de la requérante n'est pas, non plus, de nature à mettre en cause le bien-fondé des appréciations de la Commission, selon lesquelles les recettes finalement réalisées par le PMU belge sur le prélèvement concerné, en application de l'accord litigieux, sont d'un taux équivalant au taux des recettes qu'il réaliserait sur ce prélèvement si les paris sur les courses belges étaient pris directement par lui. En effet, en l'absence d'éléments apportés par la requérante, dans sa plainte ou dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, qui permettraient de constater que, dans le cadre de la comparaison à laquelle elle a procédé entre le taux des recettes réalisées par le PMU belge en France et en Belgique, la Commission a commis une erreur manifeste dans la constatation des faits ou dans l'appréciation des données relatives aux taux des différentes retenues et taxes sur les prélèvements dont fait l'objet, en Belgique et en France, l'enjeu des paris sur les courses de chevaux courues en Belgique, le Tribunal estime que la décision attaquée, en excluant l'hypothèse que le PMU belge tire un avantage réel de l'application de l'accord litigieux, n'est pas le résultat d'une appréciation erronée justifiant son annulation (voir arrêts de la Cour du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310-85, Rec. p. 901, points 12 et 13, du 14 février 1990, France/Commission, C-301-87, Rec. p. I-307, point 45, du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142-87, Rec. p. I-959, point 40, et du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303-88, Rec. p. I-1433, point 29).

60. Il convient d'ajouter, par ailleurs, que, en procédant, afin d'examiner l'existence d'un avantage réel au profit du PMU belge, à la comparaison entre les recettes réalisées par le PMU en France par rapport à celles qu'il réaliserait en prenant lui-même les paris sur les courses belges, la Commission ne peut pas être regardée comme ayant commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 92, paragraphe 1, du traité. En effet, selon les dispositions de l'article 15, paragraphe 3, de la loi française de finances pour l'année 1965, précitée (voir ci-dessus point 4), permettant la prise de paris en France sur les courses courues à l'étranger, les paris ainsi recueillis sont soumis aux prélèvements légaux et fiscaux en vigueur dans le pays où ces courses sont organisées. Dès lors, c'est à juste titre que la Commission a considéré que l'existence d'un avantage éventuel, tel que dénoncé par Ladbroke dans sa plainte, devrait être examinée en tenant compte de ce que le traitement du prélèvement revenant en France au PMU belge devrait être, normalement, soumis à des retenues légales et fiscales, lesquelles auraient fait revenir au PMU belge une part de ce prélèvement équivalant à la part qui lui reviendrait, en principe, dans le pays où sont courues les courses de chevaux concernées, c'est-à-dire la Belgique.

61. A cet égard, la requérante ne saurait être fondée à soutenir que le mécanisme de détermination du montant et du traitement du prélèvement sur les enjeux des paris des courses étrangères, prévu par les dispositions de l'article 15, paragraphe 3, de la loi française de finances pour l'année 1965, constitue un mécanisme d'aide étatique et que, pour empêcher qu'une telle aide soit accordée, il faudrait que le prélèvement sur les courses belges soit traité de la même manière qu'est traité le prélèvement sur l'enjeu des paris sur les courses françaises revenant au PMU français.

62. En effet, le traitement en France du prélèvement sur les paris des courses belges, qui a comme résultat de faire revenir au PMU belge une part de ce prélèvement comparable à la part qui lui reviendrait en application des retenues légales et fiscales belges, conformément aux dispositions précitées de l'article 15 de la loi française de finances pour l'année 1965, ne saurait constituer un mécanisme d'aide étatique, dès lors qu'un tel traitement ne constitue pas une mesure dérogatoire par rapport à l'économie du système général mais est, au contraire, conforme à ce système général caractérisé, justement, par la soumission des enjeux sur les courses courues à l'étranger aux retenues légales et fiscales de chaque pays où les courses de chevaux concernées sont courues.

63. Il en résulte que ne saurait, non plus, être retenue la thèse de la requérante selon laquelle le traitement en France des enjeux sur les courses belges, qui serait à l'origine de l'avantage dénoncé au profit du PMU belge, devrait être aligné sur le traitement appliqué au prélèvement revenant au PMU français.

64. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requérante n'a pas établi que la décision attaquée est entachée de motifs erronés ou d'illégalité et que le second moyen doit être, également, rejeté.

65. Il y a dès lors lieu de rejeter le recours, comme non fondé, dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les conclusions subsidiaires de la requérante visant à faire ordonner à la Commission de réexaminer sa plainte.

Sur les dépens

66. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

67. Toutefois, aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

68. Le Tribunal considère que, en l'espèce, la motivation de la décision attaquée n'a pas été de nature à dissiper, à l'adresse de la requérante, toute équivoque quant au bien-fondé du refus de la Commission d'admettre l'existence d'un avantage au profit du PMU belge et du rejet de sa plainte, de sorte que la Commission doit être regardée comme ayant, en partie, contribué à l'introduction du présent recours.

69. Il convient donc de faire application des dispositions précitées de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure et de faire supporter à chacune des parties ses propres dépens.

70. Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République française supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

Déclare et arrête:

1°) Le recours est rejeté.

2°) Chaque partie, y compris la partie intervenante, supportera ses propres dépens.