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Décisions

CA Douai, 6e ch., 26 novembre 1996, n° 96-01250

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Bouly de Lesdain

Substitut :

général: M. Chaillet

Conseillers :

M. Lamret, Mme Lefebvre

Avocat :

Me Hietter.

TGI Douai, ch. corr., du 14 nov. 1995

14 novembre 1995

DÉCISION:

LA COUR,

Par jugement en date du 14 novembre 1995 le Tribunal correctionnel de Douai a rejeté l'exception de nullité et a relaxé les prévenus du chef de l'infraction à la réglementation sur le démarchage à domicile, les a reconnus coupables d'exercice illégal de la profession de banquier, commis courant 1988, 1989, 1990, entre le 10 août 1990 et le 25 août 1993 a condamné Nicole P épouse L à un an d'emprisonnement avec sursis et 200 000 F a condamné Yves L à six mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 F d'amende et a condamné Pierre L à un an d'emprisonnement avec sursis et 200 000 F d'amende et a déclaré irrecevables en leurs constitutions de partie civile, Ritaine Bommelaire, Ginette Viot, Jeanine Mazaud veuve Bordier Françoise Barrat et Jacqueline Taine;

Cette décision a été régulièrement frappée d'appel par le Ministère public le 16 novembre 1995.

Les prévenus comparaissent devant la cour assistés de leur conseil.

Bien que non appelants les prévenus concluent à leur relaxe du chef d'exercice de la profession le banquier au motif qu'ils ont abandonné la pratique antérieure qui consistait à verser les fonds en contre-partie de la remise de chèques.

La société Daris dont Nicole P est le PDG, son mari Pierre L, le directeur commercial et son fils, Yves L, administrateur du 3 août 1990 au 8 mai 1993, commercialise en tant que grossiste des meubles et articles de literie;

Pierre L est également gérant de la SARL sièges de France dont l'activité est identique à celle de la société Daris;

La clientèle est constituée pour l'essentiel de gens du voyage qui s'approvisionnent auprès des dépôts de la société;

Les forains démarchent les particuliers à domicile;

Ils ne remettent aucun document si ce n'est un bon de garantie à entête de Daris et exigent le jour même de la commande le paiement en liquide ou par chèque sans mention du bénéficiaire;

Les forains remettent alors ces chèques à Daris en règlement de leurs propres achats, la société prélevant une commission de 2 à 3 %;

Sur le délit d'exercice illégal de la profession de banquier:

Si rien n'interdit à la société Daris de recevoir habituellement en paiement des chèques sans indication du nom du bénéficiaire, le fait qu'elle prélève systématiquement un abattement même si elle n'a pas à craindre ou à déplorer des impayés (cf. déposition G. Aubert, B. Aubert, et M. Even) exclut la notion d'opération de trésorerie au sens de l'article 12 de la loi 84-46 du 24 janvier 1984.

Il s'agit donc bien pour la société Daris de mettre à la disposition des moyens de paiement.

Le jugement sera en conséquence confirmé sauf à considérer que les faits commis jusqu'au 9 août 1990 ont déjà été sanctionnés;

Sur l'infraction à la réglementation sur le démarchage à domicile:

Les quatre forains entendus dans cette procédure ont indiqué ne pas avoir remis de contrat car ils ne savaient ni lire ni écrire, ils ont également indiqué que la société Daris ne leur avait donné aucune instruction.

Entendu à plusieurs reprises lors de l'enquête, Pierre L n'a cessé d'affirmer qu'il n'avait ni vendeur ni représentant.

Les pièces du dossier ne permettent pas d'affirmer le contraire. Les forains sont des commerçants indépendants même si à l'égard de la clientèle certains entretiennent l'ambiguïté en remettant des cartes de garantie ou des prospectus à l'enseigne de Daris;

Cependant il résulte également du dossier que c'est sur ordre des dirigeants de Daris que les cartes à l'enseigne Daris sont remises aux marchands forains, sachant l'utilisation frauduleuse qu'ils en feront, sans lesquelles le chiffre d'affaire baisserait considérablement(déposition de Sylvain Cantele, responsable de dépôt D 51);

Il est certain que les personnes démarchées sont moins réticentes à effectuer l'achat d'un matelas ou d'un meuble, en pensant avoir affaire à une société;

Par ailleurs pendant longtemps la société Daris a interdit à ses clients d'utiliser leurs propres chéquiers pour acquérir de la marchandise, les obligeant à obtenir au plus tôt de la part des personnes démarchées, des chèques qui vont leur servir de moyens de paiement.Le commissaire des services extérieurs de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation de la Répression des Fraudes avait pu parler de la mise en place d'un véritable système (D 90). Ce mode de règlement apparaît toujours être le seul en vigueur.

Ainsi donc le système financier mis en place et accepté par les commerçants forains conduit à enfreindre la loi sur le démarchage à domicile en ce qui concerne, la remise d'effets avant la fin du délai de réflexion;

Les dirigeants de la société Daris ont donc fait pratiquer un démarchage à domicile irrégulier, les dispositions des articles 121-13 et suivants du Code de la consommation n'étant pas subordonnées à l'existence d'un contrat de travail.

II s'en suit que cette infraction est également constituée.

Le jugement sera réformé et la cour entrera en voie de condamnation de ce chef.

II convient de relever que les prévenus Nicole P et Pierre L ont poursuivi leurs agissements malgré une autre procédure en cours ayant abouti à une condamnation, et ce malgré les nombreuses victimes et le trouble important apporté à l'ordre économique. Pour cette raison et pour mettre fin à leurs agissements, il convient de dire que la peine prononcée sera pour partie ferme;

Il y aura lieu en application de l'article 75 de la loi du 24 janvier 1984 d'ordonner la publication de la présente décision;

Par ces motifs: Et ceux non contraires des premiers juges qui sont expressément, adoptés, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement en ce qu'il a reconnu les prévenus coupable du délit d'exercice illégal de la profession de banquier du 10 août 1990 au 25 août 1993 pour Nicole P épouse L et Pierre L et du 3 août 1990 au 8 mai 1993 pour Yves L; Pour le surplus infirme la décision; Déclare Nicole P, Pierre L et Yves L coupables d'infraction à la réglementation sur le démarchage à domicile; En répression condamné Nicole P et Pierre L chacun à la peine de un an d'emprisonnement dont quatre mois fermes et deux cents mille francs (200 000 F) d'amende; Yves L à six mois d'emprisonnement avec sursis et cent mille francs (100 000 F) d'amende; Ordonne la publication de la décision par extraits aux frais des condamnés dans la Voix du Nord et Nord Matin édition de Lille sans que le coût de chaque insertion puisse dépasser trois mille francs (3 000 F); Constate que la décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F (huit cents francs) dont est redevable chaque condamné.