CA Dijon, 1re ch. sect. 2, 12 mars 1992, n° 235-91
DIJON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Vialet
Défendeur :
Union de Crédit pour le Bâtiment (SA), Me Schaming-Fridry (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Littner
Conseillers :
M. Jacquin, Mme Arnaud
Avoués :
Me Gerbay, SCP Avril- Hassen
Avocats :
Mes Bartoli, Berthat, Lheritier.
Faits, procédure et prétentions des parties
Le 18 mai 1990, la société industrielle de revêtements, en abrégé SIR, démarchait à domicile M. Vialet et obtenait de celui-ci la signature d'un contrat de fourniture de produits d'isolation thermique pour un montant de 76 000 F réglé au comptant par un acompte de 26 000 F et pour le solde de 50 000 F au moyen d'un crédit consenti par l'union de crédit pour le bâtiment.
Par une lettre recommandée du 22 mai 1990 dont seul l'avis de réception signé par le représentant de la société SIR a été conservé par M. Vialet, celui-ci a annulé sa commande dont la livraison était déjà intervenue dès le 21 mai 1990.
Le 25 mai 1990, la société SIR a sollicité et obtenu de l'UCB le versement du crédit de 50 000 F dont les mensualités de remboursement ont été prélevées sur le compte bancaire de M. Vialet à compter du 20 juin 1990.
La société SIR qui a refusé de reprendre la marchandise livrée et de restituer les fonds perçus a été placée en liquidation judiciaire le 8 août 1990.
Par jugement du 14 décembre 1990 rendu après mise en cause de Me Schaming-Fridry, mandataire- liquidateur de la société SIR, le Tribunal de commerce de Macon a annulé le contrat de fourniture susvisé ; en conséquence il a condamné la société SIR à rembourser à M. Vialet la somme de 26 000 F et à lui payer la somme de 2 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. En outre, statuant sur la demande de l'UCB qui était intervenue volontairement à l'instance, il a condamné M. Vialet à lui payer la somme de 50 000 F versée au vendeur en exécution du contrat de crédit.
M. Vialet a interjeté appel de ce jugement dont il demande la confirmation uniquement en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat principal et condamné la société SIR à lui rembourser la somme de 26 000 F. En revanche, concluant à sa réformation pour le surplus, il sollicite l'annulation du contrat de crédit le liant à l'UCB et la condamnation de celle-ci à lui rembourser la somme de 9 115,30 F représentant les prélèvements effectués sur son compte bancaire du 20 juin 1990 au 20 mars 1991. Enfin, il conclut à la condamnation solidaire de l'UCB et de M. Sehaming-Fridry es qualités à lui payer la somme de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Au soutien de son recours, l'appelant fait valoir que l'annulation des deux contrats s'impose par application des lois des 22 décembre 1972 et 10 janvier 1978, mais qu'il ne pourrait être condamné au remboursement de la somme de 50 000 F qu'il n'a jamais encaissée. Il prétend que l'UCB disposerait d'une action en garantie du remboursement du prêt contre le vendeur car la résolution serait survenue de son fait.
L'UCB conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf à y ajouter la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 3 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait jugé que l'annulation du contrat principal est survenue du fait du vendeur, elle demande à la cour de condamner la société SIR à garantir M. Vialet du remboursement de la somme de 50 000 F.
Maître Shaming-Fridry es qualités a été réassigné le 16 juillet 1992 à sa personne et n'a pas comparu ; le présent arrêt sera donc réputé contradictoire par application de l'article 474 du nouveau Code de procédure civile.
Discussion
Attendu tout d'abord que les premiers juges ont retenu à bon droit que le contrat principal intitulé "contrat d'entreprise" conclu entre M. Vialet la société SIR relevait de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 relative au démarchage à domicile dans la mesure où les produits vendus ne provenaient pas exclusivement de la fabrication de cette société qui les commercialise ;
Attendu qu'en adressant une lettre recommandée avec avis de réception à la société SIR le 22 mai 1990, M. Vialet a valablement renoncé à sa commande dans le délai de 7 jours prévu à l'article 3 de la loi précitée, ce qui lui a d'ailleurs été confirmé par le directeur départemental de la concurrence et de la consommation du Rhône dans un courrier du 10 juillet 1990;
Attendu qu'il importe peu que M. Vialet n'ait pas usé de la même faculté de rétractation en retournant à l'UCB le formulaire prévu à cet effet au bas du contrat de crédit souscrit également le 18 mai 1990, car l'article 9 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 dispose que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé;
Attendu d'ailleurs que les deux parties comparantes admettent que tant le contrat de crédit que le contrat principal de fourniture doivent être judiciairement annulés, mais elles s'opposent sur les conséquences de l'annulation du contrat de crédit;
Attendu que ce dernier a été conclu entre M. Vialet et l'UCB même si les 50 000 F ont été adressés directement à la société SIR sur "appel de fonds" de celle-ci conformément aux termes de ce contrat ;
Attendu en effet que l'examen du dossier de crédit de l'UCB révèle que le 25 mai 1990, à l'expiration du délai légal de rétractation du client, la société SIR a sollicité et obtenu du prêteur le versement des fonds "pour le 29 mai 1990" ;
Attendu que l'UCB justifie avoir informé l'emprunteur de l'envoi des fonds à la société SIR dès le 25 mai 1990, alors qu'elle n'a elle-même eu connaissance de la rétractation de la commande que par courrier de M. Vialet du 31 mai 1990 faisant suite à une conversation téléphonique du même jour avec cet organisme de crédit;
Attendu que l'UCB, qui doit assumer les conséquences de l'annulation du contrat régulièrement exécuté par elle, est fondée à demander à M. Vialet emprunteur, le remboursement de la somme de 50 000 F versée pour son compte à la société SIR, tandis que l'appelant est lui-même fondé en sa demande de restitution des neuf mensualités réglées par lui à concurrence de 9 115,30 F;
Attendu qu'après compensation entre ces deux créances réciproques, M. Vialet reste redevable de la somme de 40 884,70 F sans que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au bénéfice du prêteur;
Attendu que l'emprunteur ne pourrait être garanti du paiement de cette somme par la société SIR que si l'annulation du contrat principal était survenue du fait du vendeur, et ce conformément aux dispositions de l'article 10 de la loi du 10 janvier 1978;
Mais attendu qu'en l'espèce, M. Vialet n'a fait qu'user de son droit de rétractation sans qu'une faute soit imputée au vendeur ;
Attendu que ce dernier n'est redevable à l'égard de M. Vialet que de l'acompte de 26 000 F versé en exécution du contrat principal annulé ;
Attendu à cet égard que la procédure collective ouverte contre la société SIR ne permet pas de condamner celle-ci au paiement de ladite somme de 26 000 F outre 2 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mais commande seulement de fixer la créance susceptible d'être admise au passif de la liquidation judiciaire, ce qui conduit également à la réformation du jugement de ce chef ;
Attendu enfin qu'en livrant la commande litigieuse avant l'expiration du délai de rétractation ouvert à l'emprunteur qui n'y avait pas expressément renoncé dans les termes de l'article 12 de la loi précitée, la société SIR est à l'origine de la présente procédure dont elle devra supporter les dépens;
Par ces motifs: Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal conclu entre M. Vialet et la société SIR; Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau, Constate que l'annulation du contrat susvisé entraîne de plein droit celle du contrat de crédit par application de l'article 9 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978; Fixe à 26 000 F outre 2 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile le montant de la créance pour lequel M. Vialet pourra solliciter son admission au passif de la liquidation judiciaire de la société SIR; Condamne M. Vialet à payer à l'Union de crédit pour le bâtiment la somme de 40 884,70 F outre intérêts au taux légal à compter de ce jour; Dit n'y avoir lieu à garantie du paiement de cette créance par la société SIR; Condamne Maître Schaming-Fridry es qualités aux dépens d'instance et d'appel avec faculté pour la SCP Avril-Hanssen et Maître Gerbay, avoués, de recouvrer ceux exposés devant cette cour par leurs clients conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.