Livv
Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 28 avril 1999, n° 98-01202

REIMS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Foucher

Défendeur :

Centre Régional de Transfusion Sanguine Champagne-Ardenne, Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Aisne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ciabrini

Conseillers :

Mmes Rouviere, Belaval

Avoués :

Mes Thoma & Le Runigo, Chalicarne Delvincourt Jacquemet, SCP Six & Guillaume

Avocats :

Mes Ludot, Lechesne, Antoine.

TGI Reims, du 31 mars 1998

31 mars 1998

Monsieur Foucher a été victime d'un accident de la circulation ayant nécessité son hospitalisation à Soissons le 26 avril 1986 et à Reims du 27 avril au 30 mai 1986. Il a reçu dans chacun de ces établissements des dérivés sanguins.

En mars 1991, Monsieur Foucher a découvert qu'il était atteint d'une hépatite C et a obtenu en référé la désignation d'un expert, Monsieur le Professeur Lortholary, qui a déposé son rapport le 27 novembre 1997.

Par acte d'huissier en date du 30 décembre 1997, Monsieur Foucher a assigné le Centre Régional de Transfusion Sanguine (CRTS) de Champagne Ardenne et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Aisne devant le Tribunal de grande instance de Reims à l'effet d'obtenir la condamnation du CRTS sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil à lui payer une provision de 1 000 000 F à valoir sur la réparation de son préjudice, l'expert ayant conclu à l'absence de consolidation.

Par jugement en date du 31 mars 1998, le Tribunal de grande instance de Reims a:

- débouté Monsieur Foucher de ses demandes,

- condamné Monsieur Foucher aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 23 avril 1998, Monsieur Foucher a interjeté appel du jugement pour demander à la cour de l'infirmer, de dire que le CTRS avait manqué à son obligation contractuelle de sécurité et de résultat de livrer un sang exempt de vice, de dire que la contamination par le virus de l'hépatite C était imputable aux transfusions sanguines réalisées par le CTRS et de le condamner à lui payer une provision de 1 000 000 F et une somme de 30 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Centre Régional de Transfusion Sanguine de Champagne Ardenne a conclu à la confirmation du jugement et a demandé subsidiairement à la cour de constater qu'aucun élément de la cause ne permettait de conclure à l'existence d'arguments graves et concordants permettant de justifier en droit d'une présomption d'imputabilité de la contamination aux transfusions sanguines opérées au CHU de Reims et non à l'hôpital de Soissons.

A titre infiniment subsidiaire, le CRTS a invoqué le caractère prématuré de la demande de provision. Il a formulé une demande d'allocation de la somme de 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Aisne s'en est rapportée à la sagesse de la cour quant à la responsabilité du CRTS et a suggéré d'ordonner une mesure d'expertise médicale dans l'hypothèse où il serait fait droit à l'appel de Monsieur Foucher.

Sur ce, LA COUR,

Attendu que Monsieur Foucher a reçu 4 unités de sang à Soissons et 59 unités de dérivés sanguins à Reims; qu'il a imputé sa contamination aux transfusions opérées à Reims en raison de la constatation d'un taux élevé de transaminases dans les deux mois qui avaient suivi les transfusions, alors qu'il n'existait chez lui aucun facteur de risque de contamination par une autre voie et de la présence, parmi les donneurs, d'un donneur porteur de l'hépatite C, huit ans après le don;

Attendu que le CRTS a contesté l'existence d'un lien de causalité entre les transfusions effectuées à Reims et sa contamination, de même que l'existence de présomption graves, précises et concordantes;

Attendu que les premiers juges ont débouté Monsieur Foucher après avoir relevé qu'il existait des présomptions graves et concordantes entre les transfusions reçues et l'infection par le virus mais que la responsabilité du CRTS n'était pas pour autant établie, les enquêtes transfusionnelles ayant mis en évidence qu'un des donneurs de Soissons n'avait pu être retrouvé et que la date de la contamination du donneur de Reims n'était pas connue;

Attendu que pour obtenir gain de cause, Monsieur Foucher doit prouver que la contamination est imputable à une transfusion;

Attendu qu'il est établi par les conclusions de l'expertise que, dès le mois de juillet 1986, soit trois mois après l'accident, les dosages ont révélé une élévation significative des transaminases; que la mise en évidence d'une infestation virale C a été opérée en mars 1991; que l'expert a noté que l'origine de l'infestation ne pouvait être trouvée ni dans les habitudes de vie, ni dans les antécédents de Monsieur Foucher qui était en parfaite santé jusqu'à l'accident; qu'ainsi l'argumentation du CRTS liée à l'assoupissement de Monsieur Foucher doit être rejetée;

Attendu que, parmi les donneurs de Reims une personne est suivie depuis 1994 pour une hépatite chronique C de faible grade d'activité; qu'il faut observer que la découverte de la contamination de cette personne est intervenue trois ans après celle de Monsieur Foucher; que l'expert a noté que rien ne prouvait que cette personne était effectivement porteuse du virus C en 1986;

Attendu que tous les autres donneurs ayant été retrouvés ont une sérologie HCV négative;

Attendu qu'il faut en conclure que la preuve d'une contamination par la transfusion n'est pas rapportée; que les présomptions en ce sens ne sont ni suffisamment graves, ni suffisamment concordantes pour considérer que les dérivés transfusés étaient viciés; qu'il s'en suit que le jugement doit être confirmé;

Attendu qu'en interjetant appel, Monsieur Foucher a contraint le CRTS à exposer des frais irrépétibles qu'il doit prendre en charge à hauteur de 2 000 F; que la partie qui succombe supporte les dépens;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, * Déclare recevable en la forme l'appel de Monsieur Foucher, * Confirme dans toutes ses dispositions le jugement déféré, * Condamne Monsieur Foucher à payer au Centre Régional de Transfusion Sanguine de Champagne Ardenne la somme de deux mille francs (2 000 F) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, * Condamne Monsieur Foucher aux dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Chalicarne Delvincourt Jacquemet à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.