CA Rennes, 1re ch. B, 13 octobre 1995, n° 2213-93
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Centre d'Etudes et de Recherches pour les Réalisations Urbaines
Défendeur :
Association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse, Zervudacki-Farnier (ès qual.), Becheret (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bothorel
Conseillers :
M. Van Ruymbeke, Mme L'Henoret
Avoués :
Mes Castres, Colleu, Perot, d'Aboville, de Moncuit-Saint Hilaire, Bazille, Genicon
Avocats :
Mes Rouch, Moreau, Lapalus Dartevelle.
EXPOSE DES FAITS - PROCEDURE - OBJET DU RECOURS
Le Centre d'Etudes et de Recherches pour les Réalisations Urbaines (CERRU) a participé durant plusieurs années au titre du mécénat au financement du festival international des choeurs d'enfants organisé à Nantes par l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse. Contestant la validité de son engagement pour le festival de 1989, le CERRU a assigné l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse afin d'en faire constater la nullité. Reconventionnellement, l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse a demandé 1 000 000 F correspondant à la portée de cet engagement.
Par jugement du 18 novembre 1992, le Tribunal de grande instance de Nantes a condamné le CERRU à payer à l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse la somme de 1 000 000 F, outre les intérêts au taux légal à compter du 12 février 1995 (jour de l'assignation en référé), a débouté l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse de sa demande fondée sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a rejeté l'ensemble des demandes du CERRU.
Par acte du 18 février 1993, le CERRU a formé appel de cette décision.
MOYENS PROPOSES PAR LES PARTIES
A l'appui de son appel, le CERRU fait valoir que:
- son engagement est nul pour défaut de cause, l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse n'ayant pas réalisé de prestations à son profit et n'ayant pas rempli ses propres obligations dans le cadre du mécénat,
- il a réglé 100 000 F dans un contexte particulier, Monsieur Pervenche, président de l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse, ayant été embauché en qualité de directeur général du CERRU en juillet 1989,
- ce n'est que le 12 février 1991 que l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse a cru devoir saisir le juge dés référés d'une demande en paiement d'un million de francs,
- subsidiairement, il ne peut être tenu de verser plus de 100 000 F complémentaires, sa propre participation ne devant s'élever qu'à 200 000 F, le reste correspondant à celle d'entreprises qui n'ont pas été consultées et n'ont bénéficié d'aucune prestation.
En conséquence, le CERRU demande à la cour de constater la nullité de son engagement et, subsidiairement de le réduire à 200 000 F. Par conclusions additionnelles, il limite sa demande subsidiaire à 100 000 F, correspondant à la contrepartie des prestations partiellement exécutées par l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse, et ce sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, le contrat étant résolu pour le surplus pour inexécution partielle de la convention de mécénat.
Le CERRU ayant été mis en redressement judiciaire par jugement du 4 mai 1995, l'administrateur et le représentant des créanciers ont repris les conclusions du CERRU.
Pour résister aux prétentions du CERRU, l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse fait valoir que:
- le CERRU s'est engagé par un courrier du 25 janvier 1989 à lui verser 1 100 000 F à titre de mécénat,
- cet engagement concerne également des entreprises, le CERRU conservant l'entière responsabilité de l'exécution de l'engagement global en cas de défaillance de celles-ci,
- par courrier du 31 mars 1989, le CERRU s'engageait à payer des mensualités de 100 000 F échelonnées de fin mai 1989 à fin janvier 1990,
- ainsi le premier règlement intervenait-il le 24 juillet 1989 au vu d'une facture du 3 juin 1989,
- comme les années précédentes, le CERRU apparaissait sur les messages publicitaires; de surcroît, l'engagement du CERRU n'était subordonné à aucune condition, et valait tant pour lui-même que pour les entreprises dont il se portait fort.
L'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse conclut à la confirmation de la décision déférée et sollicite le paiement d'une somme de 50 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRET
Considérant que les relations entre le CERRU et l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse ont existé dès 1987; qu'ainsi, par courrier du 19 juin 1987, le président du CERRU informait l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse de sa satisfaction suite à sa participation sous forme de mécénat, souhaitant répéter ce type d'expérience dans un cadre élargi; qu'en 1988, le CERRU participait à hauteur de 300 000 F à la réalisation d'un disque, d'autres mécènes pouvant, selon une lettre d'engagement du 21 avril 1988, intervenir en déduction de sa part;
Considérant que le 7 novembre 1988, l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse adressait un courrier au CERRU lui proposant, dans le cadre du festival prévu en 1989, une participation d'un million de francs; que, par courrier du 29 novembre 1988 le CERRU s'engageait à rencontrer des entreprises partenaires pour la base d'un million de francs; que l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse proposait par lettre du 2 décembre 1988 un échéancier pour le règlement échelonné de février à octobre 1989;
Considérant que, par courrier du 25 janvier 1989, le CERRU confirmait à l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse qu'il participerait aux actions envisagées par l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse pour 1989 à hauteur d'un million de francs au titre du mécénat, ajoutant: "nous vous adresserons prochainement la participation de nos partenaires, étant précisé qu'en cas de défaillance de l'un d'eux, nous conservons l'entière responsabilité du montant global ci-dessus mentionné"; qu'un rendez-vous était proposé afin de définir les messages envisagés;
Considérant que, le 31 mars 1989, l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse adressait un courrier au CERRU proposant un échéancier pour le règlement d'1 100 000 F, la première mensualité de 100 000 F étant prévue fin mai 1989; que précisément, cette première échéance fit l'objet d'une facture de l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse datée du 3 juin 1989 effectivement honorée le 24 juillet 1989 sans que le CERRU n'émette des protestations;
Considérant que l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse verse des documents publicitaires relatifs au festival 1989 mentionnant expressément le CERRU au titre partenaire -ainsi d'ailleurs que des documents analogues pour les festivals de 1987 et 1988- et justifie ainsi de la réalité de prestations effectuées pour le compte de CERRU;
Considérant ainsi que le CERRU connaissait parfaitement la portée de ses engagements, souscrits de façon expresse dans sa correspondance du 25 janvier 1989; qu'il a bénéficié de supports publicitaires analogues à ceux conçus pour les années antérieures et ne pouvait donc se méprendre sur l'étendue des obligations de l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse; qu'il a de surcroît accepté sans protestation le règlement de la première facture qui ne constituait que le premier terme d'un règlement global échelonné d'1 100 000 F;
Considérant que ce règlement est intervenu après la manifestation, ce qui montre que l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse avait bien rempli ses obligations aux yeux du CERRU;
Considérant que le CERRU est mal fondé à solliciter subsidiairement la réduction de son obligation à sa propre part, puisqu'il s'est expressément engagé envers l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse à régler l'ensemble de la somme pour le compte des entreprises partenaires;que le CERRU ne démontre nullement que l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse n'a pas rempli ses propres obligations, fût-ce de façon partielle;qu'à l'inverse l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse justifie de ce que l'image du CERRU a bien été associée au festival, conformément à l'accord des parties;que cette promotion constituait précisément la contrepartie de sa participation financière dans le cadre d'un contrat de mécénat, et donc la cause de son engagement;
Considérant au surplus qu'il appartenait au CERRU de rechercher des partenaires, ainsi que cela ressort clairement de son courrier du 25 janvier 1989, et qu'il prenait la responsabilité du règlement global en cas de défaillance de l'un d'eux;
Considérant enfin que le seul fait que Monsieur Pervenche, président de l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse, ait été embauché par le CERRU, apparaît sans incidence sur les engagements liant les deux personnes morales; que les liens privilégiés entre le CERRU et l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse peuvent expliquer que l'action ait été portée sur le terrain judiciaire plus d'un an après la carence du CERRU;
Considérant qu'il convient en, conséquence de confirmer la décision déférée; qu'il est inéquitable de laisser à la charge de l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens;qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 50 000 F;que le CERRU, qui échoue en son recours, supportera l'ensemble des dépens;
DECISION
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne le Centre d'Etudes et de Recherches pour les Réalisations Urbaines à verser à l'association Rencontres Musicales Internationales de la Jeunesse la somme de 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute le Centre d'Etudes et de Recherches pour les Réalisations Urbaines de ses prétentions, Condamne le Centre d'Etudes et de Recherches pour les Réalisations Urbaines aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.