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Décisions

CJCE, 5e ch., 7 décembre 1993, n° C-6/92

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Federazione sindacale italiana dell'industria estrattiva, Società italiana sali alcalini SpA, Laviosa chemica mineraria SpA, Società sarda di bentonite SpA

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Moitinho de Almeida

Avocat général :

M. Darmon

Juges :

MM. Joliet, Rodríguez Iglesias

Avocats :

Mes Pappalardo, Giorgio Ferri, Regione Sardegna, Panunzio, Guarino.

Comm. ce, du 18 sept. 1991

18 septembre 1991

LA COUR,

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 janvier 1992, la Federazione sindacale italiana dell'industria estrattiva (ci-après "Fédération") ainsi que la Società italiana sali alcalini SpA, la Thalassia SpA, la Laviosa chemica mineraria SpA et la Società sarda di bentonite SpA (ci-après "quatre sociétés") ont, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation de la décision 91-523-CEE de la Commission, du 18 septembre 1991, relative à l'élimination des tarifs de soutien des chemins de fer italiens pour le transport de matières minérales en vrac et des matières produites et transformées dans les îles de Sicile et Sardaigne (JO L 283, p. 20, ci-après "décision"). Cette décision a pour seul destinataire la République italienne.

2. En vertu de l'article 1er de cette décision, la République italienne est tenue de mettre "fin au système de tarifs de soutien pour le transport par chemin de fer de certaines catégories de marchandises en provenance de la Sicile et de la Sardaigne, créé par l'article 19 dernier tiret de la loi n° 887 du 22 décembre 1984". Cette loi a été publiée au supplément de la Gazzetta ufficiale n° 356 du 29 décembre 1984.

3. L'article 19, dernier tiret, de la loi italienne précitée, prévoit que "les transports de matières minérales en vrac produites dans les îles et expédiées de celles-ci bénéficient d'une réduction à raison de 30 % des tarifs des chemins de fer nationaux. Cette réduction est portée à 60 % pour les matières produites et transformées dans les îles. La somme des réductions est à la charge du Trésor, qui rembourse les chemins de fer nationaux des montants dus au titre de la réglementation communautaire."

4. Dans sa décision, la Commission a considéré que la prise en charge par l'État italien de telles réductions est interdite en vertu de l'article 80, paragraphe 1, du traité, qui dispose que les États membres ne peuvent pas appliquer aux transports exécutés à l'intérieur de la Communauté des "prix et conditions comportant tout élément de soutien ou de protection dans l'intérêt d'une ou de plusieurs entreprises ou industries particulières", sauf si cette application est autorisée par la Commission. En outre, elle a exclu que la mesure en question puisse bénéficier d'une dérogation à cette interdiction, au titre de l'article 80, paragraphe 2.

5. Dans leur requête en annulation, les quatre sociétés et la Fédération, qui est leur association professionnelle, ont avancé qu'elles font partie du groupe restreint d'entreprises qui ont jusque-là bénéficié des tarifs de faveur en question. Elles font valoir que, comme elles appartiennent à la catégorie limitée des entreprises extractrices ou transformatrices de matières minérales en Sicile ou en Sardaigne, la décision les frappe individuellement et, qu'en outre, comme cette décision ne laisse à l'Italie aucune marge d'appréciation, elle les atteint directement.

6. La Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité du recours au titre de l'article 91, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure et a demandé à la Cour de statuer sur cette exception sans engager le débat au fond.

7. Pour un plus ample exposé du cadre réglementaire et des faits du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur la recevabilité

Quant à la recevabilité du recours introduit par les quatre sociétés

8. Il convient d'abord d'examiner la recevabilité du recours introduit par les quatre sociétés.

9. A l'appui de son exception d'irrecevabilité, la Commission fait valoir que celles-ci ne sont pas concernées directement et individuellement, au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, par la décision qu'elle a prise.

10. Cet article 173, deuxième alinéa, prévoit que "toute personne physique ou morale peut former (...) un recours contre les décisions (...) qui, bien que prises sous l'apparence (...) d'une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement".

11. Or, il résulte de l'arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25-62, Rec. p. 197) que les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire.

12. A cet égard, les sociétés font valoir qu'elles font partie d'une catégorie déterminée et limitée de sujets concernés par la décision attaquée, à savoir les entreprises qui extraient des matières minérales en vrac dans les deux îles, et que cette catégorie était identifiée ou identifiable par la Commission au moment de l'adoption de sa décision.

13. Cet argument ne saurait être retenu.

14. Il convient en effet de relever que la décision en cause n'affecte pas seulement les intérêts des sociétés requérantes. Elle touche également ceux des chemins de fer, dont la position concurrentielle vis-à-vis des autres modes de transport est favorisée par l'existence du tarif réduit. Elle intéresse aussi les sociétés de transport auxquelles les sociétés requérantes peuvent confier l'expédition de leurs marchandises et qui peuvent, elles aussi, recourir aux services du rail. Elle concerne enfin leurs clients qui, en fonction des stipulations des contrats de vente, peuvent être amenés à devoir supporter tout ou partie des frais de transport.

15. Dans ces conditions, on ne saurait considérer que la décision en cause affecte des opérateurs dont le nombre ou l'individualité étaient déterminés et vérifiables au moment où elle a été arrêtée.

16. Dès lors, et sans même qu'il y ait lieu de vérifier si les sociétés requérantes sont directement concernées, il convient de constater que n'étant pas individuellement concernées, leur recours en annulation doit être rejeté comme irrecevable.

Quant à la recevabilité du recours introduit par la Fédération

17. En ce qui concerne le recours introduit pas la Fédération, il y a lieu de relever que, pour justifier son intérêt à agir, celle-ci n'a avancé ni dans sa requête, ni à l'audience, des motifs propres et différents de ceux invoqués par ses affiliés.

18. Compte tenu de l'irrecevabilité du recours des quatre sociétés, il y a lieu de considérer que le recours introduit par la Fédération n'est pas davantage recevable.

Sur les dépens

19. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes et les intervenantes ayant succombé en leurs moyens, mais la Commission n'ayant conclu qu'à la condamnation aux dépens des parties requérantes, il y a lieu de condamner ces dernières à supporter leurs propres dépens et ceux de la Commission relatifs au recours et de laisser aux parties intervenantes et à la Commission leurs dépens respectifs en ce qui concerne les demandes d'intervention.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) Les parties requérantes supportent leurs propres dépens et sont condamnées à supporter les dépens causés à la Commission par leur recours.

3) Les parties intervenantes et la Commission supportent leurs propres dépens relatifs à l'intervention.