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Décisions

TPICE, 3e ch. élargie, 22 octobre 1996, n° T-266/94

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Foreningen af Jernskibs-og Maskinbyggerier i Danmark (Sté), Skibsværftsforeningen (Sté), Assens Skibsværft A/S (Sté), Burmeister & Wain Skibsværft A/S (Sté), Danyard A/S (Sté), Fredericia Skibsværft A/S (Sté), Odense Staalskibsværft A/S (Sté), Svendborg Værft A/S (Sté), Ørskov Christensens Staalskibsværft A/S (Sté), Aarhus Flydedok A/S (Sté), Royaume du Danemark

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, République fédéral d'Allemagen, MTW Schiffswerft GmgH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Briët

Juges :

M. Vesterdorf, Mme Lindh, MM. Potocki, Cooke

Avocats :

Mes Svensson, Schuette, Rabe, Berrisch, Turk.

TPICE n° T-266/94

22 octobre 1996

Le Tribunal de première instance des communautés européennes (troisième chambre élargie),

Cadre juridique

1. Sur la base de l'article 92, paragraphe 3, sous d), du traité CEE [devenu article 92, paragraphe 3, sous e) du traité CE] et de l'article 113 du traité CEE, le Conseil a arrêté des règles spécifiques concernant la compatibilité avec le Marché commun des aides d'État dans le secteur de la construction navale. Ces règles figurent dans la directive 90-684-CEE du Conseil, du 21 décembre 1990, concernant les aides à la construction navale (JO L 380, p. 27, ci-après "septième directive"), telle que modifiée par la directive 92-68-CEE du Conseil, du 20 juillet 1992 (JO L 219, p. 54, ci-après "directive 92-68"), la directive 93-115-CE du Conseil, du 16 décembre 1993 (JO L 326, p. 62, ci-après "directive 93-115"), et la directive 94-73-CE du Conseil, du 19 décembre 1994 (JO L 351, p. 10). La septième directive établit une distinction entre, d'une part, les aides à la production, dites aides au fonctionnement, pour lesquelles s'applique un plafond maximal et, d'autre part, les aides à la restructuration destinées à soutenir les changements structurels souhaitables dans le secteur européen de la construction navale.

2. Le 25 mai 1992, la Commission a présenté au Conseil une proposition de directive visant à établir des règles spécifiques et transitoires concernant les chantiers navals dans l'ancienne République démocratique allemande. La proposition était accompagnée d'une communication analysant la nécessité d'autoriser, à titre dérogatoire, des aides au fonctionnement dépassant le plafond habituel afin de faciliter les restructurations nécessaires dans le secteur de la construction navale Est-allemand [SEC(92) 991 final, ci-après "communication du 25 mai 1992"]. Le 20 juillet 1992, le Conseil a adopté la directive 92-68.

3. Celle-ci a ajouté au chapitre IV de la septième directive un article 10 bis libellé comme suit:

"1. A l'exception de l'article 4, paragraphes 6 et 7, le chapitre II ne sera pas applicable aux activités de construction et de transformation navales des chantiers opérant sur le territoire de l'ancienne République démocratique allemande au 1er juillet 1990.

2. Jusqu'au 31 décembre 1993, les aides au fonctionnement en faveur des activités de construction et de transformation navales des chantiers visés au paragraphe 1 peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun, à condition que:

a) les aides destinées à faciliter la poursuite des opérations dans ces chantiers au cours de cette période n'excèdent, pour aucun d'entre eux, un plafond maximal égal à 36 % d'un chiffre d'affaires annuel de référence sur trois ans en travaux de construction et de transformation navales, après restructuration; ces aides devront avoir été versées au 31 décembre 1993;

b) aucune autre aide à la production ne soit accordée pour des contrats signés entre le 1er juillet 1990 et le 31 décembre 1993;

c) le Gouvernement allemand accepte de procéder, conformément à un calendrier approuvé par la Commission et, en tout cas, avant le 31 décembre 1995, à une réduction de capacité réelle et irréversible égale à 40 % net de la capacité existant au 1er juillet 1990, qui était de 545 000 [tbc...];

d) le Gouvernement allemand apporte la preuve à la Commission, sous forme de rapports annuels établis par un expert comptable indépendant, que les aides versées s'appliquent exclusivement aux activités de chantiers situés dans l'ancienne République démocratique allemande; le premier de ces rapports devra être remis à la Commission pour fin février 1993 au plus tard.

3. La Commission s'assure que les aides visées au présent article n'affectent pas les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun."

Faits à l'origine du litige

4. MTW Schiffswerft GmbH (ci-après "MTW"), société établie à Wismar (Allemagne), exploite un chantier naval sur le territoire de l'ancienne République démocratique allemande. Ce chantier naval a été privatisé au moyen d'une vente, le 11 août 1992, à Bremer Vulkan AG. Par lettre du 2 octobre 1992, le Gouvernement allemand a notifié à la Commission un projet d'aide en faveur dudit chantier.

5. Selon les informations fournies par la Commission, le projet d'aide au fonctionnement s'élevait à 597,2 millions de DM (80,7 millions de DM de couverture de 40 % de dettes anciennes, 57,7 millions de DM d'apport en capital et 458,8 millions de DM de couverture des pertes pendant la restructuration).

6. Le 30 octobre 1992, la Commission a envoyé une lettre aux autorités allemandes pour leur demander des renseignements supplémentaires. Ceux-ci lui ont été fournis oralement, lors d'une réunion du 2 décembre 1992, puis par écrit le 4 décembre 1992.

7. Entre-temps, la Commission a demandé aux consultants A & P Appledore International (ci-après "Appledore") de procéder à une étude des projets notifiés d'investissement en faveur de MTW et d'autres chantiers Est-allemands, et de calculer leurs effets en matière de capacité. Dans un premier rapport, envoyé à la Commission le 4 décembre 1992, Appledore aurait conclu que la limite des 100 000 tbc [tonnage brut compensé ("compensated gross tonnage"), ci-après "tbc"] fixée pour MTW serait respectée.

8. Lors d'une réunion tenue le 23 décembre 1992, la Commission a décidé d'autoriser le versement à MTW d'une première tranche d'aide au fonctionnement d'un montant de 191,2 millions de DM. Par lettre du 6 janvier 1993, cette décision (ci-après "première décision" ou "décision du 23 décembre 1992") a été notifiée au Gouvernement allemand.

9. Le 1er avril 1993, la Commission a présenté son deuxième rapport sur le contrôle de la privatisation dans les nouveaux Laender allemands. Il ressort notamment de ce rapport que, dans le cadre de la dérogation, le Gouvernement allemand avait accepté de réduire de 40 % avant la fin de l'année 1995, de façon réelle et irréversible, la capacité de construction navale de 545 000 tbc existant en 1990. Le Gouvernement allemand a indiqué la répartition suivante de la capacité future de construction de navires maritimes dans les chantiers des nouveaux Laender.

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10. Il ressort également du rapport susvisé du 1er avril 1993 que, sur la base des projets d'investissement, Appledore avait évalué la capacité des trois chantiers privatisés MTW, WW et PW. Selon Appledore, les plafonds de capacité convenus (voir le tableau ci-dessus) n'étaient pas susceptibles d'être dépassés à l'avenir pour ces trois chantiers, en raison de goulets d'étranglement techniques identifiés dans les installations de production.

11. D'après les informations fournies par la Commission, les autorités allemandes ont envoyé à celle-ci, au cours du mois de mars 1993, le premier rapport prévu par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous d), de la septième directive (ci-après "rapport spill-over"), établi par C & L Treuarbeit Deutsche Revision et couvrant la période allant du 1er novembre 1992 au 28 février 1993.

12. D'autres rapports "spill-over" ont été envoyés à la Commission le 11 octobre 1993, le 14 décembre 1993 et le 2 février 1994. Le rapport annuel "spill-over" pour 1993 a été soumis à la Commission le 16 mars 1994.

13. Au début du mois d'août 1993, les autorités allemandes ont fait savoir à la Commission que MTW travaillait sur un projet de déménagement du chantier en raison du fait que la nature du sol sur le site existant rendait très probablement impossible la construction d'un chantier du type envisagé par l'accord de privatisation. Afin d'évoquer les implications éventuelles du déménagement envisagé, la Commission s'est réunie tant avec les autorités allemandes, le 19 août 1993, qu'avec des représentants du ministère danois de l'Industrie et les requérantes, le 18 octobre 1993.

14. Le 27 octobre 1993, elle a demandé aux autorités allemandes de notifier officiellement le projet de déménagement du chantier. La notification a été faite par lettre du 5 novembre 1993. Le projet de déménagement a été ensuite discuté avec les États membres lors d'une réunion multilatérale le 3 décembre 1993.

15. Par lettre du 15 décembre 1993, la Commission a fait savoir au Gouvernement allemand qu'elle ne pouvait pas prendre une décision sur la seconde tranche de l'aide avant le 31 décembre 1993.

16. Les discussions relatives aux implications du déménagement du chantier se sont poursuivies pendant les premiers mois de 1994, et une autre réunion multilatérale avec les États membres a eu lieu le 7 février 1994. Le 29 avril 1994, les autorités allemandes ont fait savoir que le projet de déménagement du chantier était abandonné. Lors d'une réunion de la Commission du 11 mai 1994, celle-ci a décidé d'autoriser le paiement de la seconde tranche de l'aide, soit 406 millions de DM, dont 220,8 millions en espèces, au motif que les conditions énoncées par l'article 10 bis de la septième directive étaient remplies.

17. La décision du 11 mai 1994 (ci-après "décision litigieuse") a fait l'objet d'un communiqué de presse le même jour. Par lettre du 18 mai 1994, la Commission a transmis sa décision au Gouvernement allemand, destinataire de celle-ci.

Procédure et conclusions des parties

18. C'est dans ces circonstances que les requérantes, par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juillet 1994, ont introduites le présent recours.

19. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 octobre 1994, les requérantes ont demandé que l'anglais devienne la langue de procédure au lieu du danois. Par ordonnance du 8 novembre 1994, le Tribunal a autorisé les parties à poursuivre la procédure en langue anglaise.

20. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 décembre 1994, MTW a demandé à être admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 10 mars 1995, le président de la deuxième chambre élargie a admis cette intervention.

21. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 1994, la République fédérale d'Allemagne a demandé à être admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 10 mars 1995, le président de la deuxième chambre élargie a admis cette intervention.

22. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 décembre 1994, le Royaume de Danemark a demandé à être admis à intervenir au soutien des conclusions des parties requérantes. Par ordonnance du 10 mars 1995, le président de la deuxième chambre élargie a admis cette intervention.

23. Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 17 février 1995, les requérantes ont, conformément aux articles 70 et 114 du règlement de procédure, demandé au Tribunal, d'une part, d'ordonner à la Commission de produire certains documents estimés essentiels et nécessaires afin de clarifier les faits de l'affaire et, d'autre part, d'ordonner une expertise afin d'examiner les méthodes adoptées par la Commission pour vérifier la réduction de capacité conformément à l'article 10 bis de la septième directive. En ce qui concerne les documents, elles ont sollicité la production: 1) de la notification effectuée par les autorités allemandes le 2 octobre 1992 et de la lettre du 4 décembre 1992 par laquelle celles-ci ont fourni des informations supplémentaires sur la notification, 2) des rapports "spill-over" visés à l'article 10 bis, paragraphe 2, sous d), de la septième directive, 3) de la documentation relative au versement de la seconde tranche de l'aide et, notamment, de la lettre des autorités allemandes du 2 février 1994, 4) de la lettre du Gouvernement allemand du 24 juillet 1992, dans laquelle il aurait confirmé l'engagement d'une réduction de capacité réelle et irréversible égale à 40 % dans le délai imparti, conformément à l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), de la septième directive et, enfin, 5) de la lettre de la Commission du 15 décembre 1993 envoyée au Gouvernement allemand.

24. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 1995, la Commission a demandé que le Tribunal rejette les demandes de mesures d'instruction présentées par les requérantes, sauf en ce qui concerne la production de la lettre de la Commission du 15 décembre 1993, qu'elle a annexée audit acte.

25. Par lettre du 30 mai 1995, le Tribunal a invité la Commission à produire la lettre des autorités allemandes du 2 février 1994 relative au versement de la seconde tranche de l'aide. La Commission a produit cette lettre le 27 juin 1995.

26. Par décision du Tribunal du 19 septembre 1995, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre élargie, à laquelle l'affaire a, par conséquent, été attribuée.

27. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Le Tribunal a, toutefois, par lettre du 18 mars 1996, invité les parties à produire certains documents et à répondre à certaines questions par écrit et lors de l'audience. Les requérantes ont répondu aux questions du Tribunal par lettre déposée au greffe le 1er avril 1996. Par lettre déposée au greffe le 23 avril 1996, la Commission a répondu aux questions et a produit les documents demandés.

28. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 14 mai 1996.

29. Les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler en tout ou en partie la décision de la Commission du 11 mai 1994, relative au versement de la seconde tranche d'aide en faveur de MTW;

- condamner la Commission aux dépens de l'instance;

- condamner la partie intervenante MTW à supporter les dépens de son intervention.

30. La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- condamner les requérantes aux dépens.

31. Le Royaume de Danemark, partie intervenante, demande au Tribunal d'annuler la décision de la Commission du 11 mai 1994, relative au versement de la seconde tranche d'aide en faveur de MTW.

32. La République fédérale d'Allemagne, partie intervenante, demande au Tribunal de rejeter le recours.

33. MTW, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- condamner les parties requérantes aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

34. La partie intervenante MTW s'interroge sur la question de savoir si les huit chantiers navals danois énumérés dans la requête introductive d'instance peuvent être considérés comme requérants dans le présent litige. Étant donné que la requête ne désigne pas clairement la partie requérante, MTW fait valoir qu'il découle a contrario de l'article 44, paragraphe 6, du règlement de procédure que le recours devrait être rejeté comme irrecevable, tout au moins en ce qui concerne ces chantiers navals.

35. Dans l'hypothèse où le Tribunal estimerait que le recours a été introduit conjointement par l'association et par les huit chantiers navals, le recours de ceux-ci pris séparément devrait être rejeté comme irrecevable, étant donné qu'ils n'ont pas fait la preuve qu'ils ont participé à la procédure administrative (arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169-84, Rec. p. 391). De surcroît, les chantiers navals danois n'auraient avancé aucun argument particulier sur les effets que l'aide d'État en cause serait susceptible d'avoir sur leur position sur le marché.

36. Les requérantes relèvent, tout d'abord, qu'il ressort clairement de la version en danois de la requête que la partie requérante est l'association des chantiers navals danois en son nom propre et au nom des chantiers navals mentionnés dans la requête. Elles font ensuite valoir que MTW, en tant que partie intervenante, n'est pas, selon l'article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure et les articles 37, troisième alinéa, et 46 du statut (CE) de la Cour, en droit de soulever une exception d'irrecevabilité, la partie défenderesse n'ayant pas contesté la recevabilité du recours (arrêts de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313-90, Rec. p. I-1125, points 20 à 22, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225-91, Rec. p. I-3203).

37. Elles considèrent que le Tribunal ne doit pas d'office déclarer le recours irrecevable, MTW ayant soulevé la question de l'irrecevabilité à un stade très tardif de la procédure. En toute hypothèse, il conviendrait de rejeter l'exception d'irrecevabilité partielle, étant donné que la recevabilité du recours de l'association n'est pas contestée et qu'il s'agit d'un seul et même recours (arrêt CIRFS e.a./Commission, précité). Par ailleurs, les chantiers danois seraient des concurrents de MTW et l'aide d'État altérerait suffisamment leur situation sur le marché, ainsi que cela aurait été exposé clairement et précisément dans la requête. Les requérantes rempliraient donc les conditions du droit à agir (arrêts Cofaz e.a./Commission, précité, et Matra/Commission, précité).

Appréciation du Tribunal

38. En ce qui concerne la qualité de MTW, en tant que partie intervenante, pour soulever une exception d'irrecevabilité, il y a lieu de rappeler que, selon l'article 37, troisième alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, dudit statut, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties. En outre, selon l'article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure, l'intervenant accepte le litige dans l'état où il se trouve lors de son intervention.

39. Il s'ensuit que MTW n'a pas qualité pour soulever une exception d'irrecevabilité partielle et que le Tribunal n'est pas tenu d'examiner l'argumentation soulevée à l'appui de celle-ci (arrêt CIRFS e.a./Commission, précité, point 22).

40. Toutefois, s'agissant d'une fin de non-recevoir d'ordre public, le Tribunal peut à tout moment examiner d'office la recevabilité du recours, en vertu de l'article 113 du règlement de procédure.

41. Il convient de constater liminairement que, au vu de la requête introductive d'instance et de la réponse aux questions posées par le Tribunal, les requérantes sont Foreningen af Jernskibs- og Maskinbyggerier i Danmark, Skibsvaerftsforeningen (association des chantiers navals danois, ci-après "Skibsvaerftsforeningen"), en son propre nom et en sa qualité de mandataire des chantiers navals danois suivants: Assens Skibsvaerft A/S, Burmeister & Wain Skibsvaerft A/S, Danyard A/S, Fredericia Skibsvaerft A/S, Odense Staalskibsvaerft A/S, Svendborg Vaerft A/S, OErskov Christensens Staalskibsvaerft A/S, et Aarhus Flydedok A/S. Selon ses statuts, Skibsvaerftsforeningen a notamment pour mission de représenter le secteur de la construction navale au Danemark et à l'étranger.

42. Contrairement à l'avis de MTW, le Tribunal considère que la requête est, à cet égard, conforme à l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure.

43. Ensuite, il y a lieu de rappeler que l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE (ci-après "traité") permet aux personnes physiques ou morales de former un recours contre les décisions dont elles sont les destinataires ou celles qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, les concernent directement et individuellement. En l'espèce, il s'agit d'une décision adressée au Gouvernement allemand.

44. Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25-62, Rec. p. 197, 223, et du Tribunal du 27 avril 1995, ASPEC e.a./Commission, T-435-93, Rec. p. II-1281, point 62, et du 5 juin 1996, Kahn Scheepvaart/Commission, T-398-94, Rec. p. II-0000, point 37).

45. Il y a ensuite lieu de relever que la décision litigieuse a été prise par la Commission dans le cadre de la procédure préliminaire prévue par l'article 93, paragraphe 3, du traité. Or, étant donné que les requérantes n'en ont pas demandé l'annulation au motif que la Commission aurait violé l'obligation d'ouvrir la procédure du paragraphe 2 dudit article, ou au motif que les garanties de procédure prévues par cette dernière disposition auraient été violées (arrêts de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198-91, Rec. p. I-2487, et Matra/Commission, précité), le simple fait que les parties requérantes puissent être considérées comme parties "intéressées" au sens de l'article 93, paragraphe 2, ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Dès lors, il convient d'examiner si les requérantes sont atteintes par la décision litigieuse en raison d'autre circonstance susceptible de les individualiser d'une manière analogue à celle du destinataire, au sens de l'arrêt Plaumann, précitée.

46. A cet égard, le Tribunal constate qu'il ressort du dossier qu'au moins deux chantiers navals danois parmi les sociétés requérantes, à savoir Danyard A/S et Odense Staalskibsvaerft A/S, se trouvent ou se trouveront, lorsque les restructurations de MTW seront achevées, en concurrence directe avec celle-ci.MTW a elle-même reconnu qu'elle est actuellement, et le sera encore davantage après l'achèvement de la nouvelle cale sèche, un concurrent direct de ces deux chantiers navals. Comme Danyard A/S, la partie intervenante MTW construit actuellement des pétroliers de taille moyenne, des navires pour le transport en vrac ("bulk carriers") et des porte-conteneurs dont le tonnage peut aller jusqu'à 40 000 tonnes de port en lourd (tpl). Selon des informations fournies par MTW, avec ses nouvelles installations, elle sera en mesure de construire de très grands transporteurs de brut (ci-après "pétroliers ou navires du type E 3") d'un tonnage pouvant atteindre 300 000 tpl et des porte-conteneurs. Avec cette gamme de produits, MTW se trouvera, toujours selon des informations fournies par celle-ci, sur les mêmes segments de marché que Odense Staalskibsvaerft A/S. Il ressort également du dossier qu'il n'y a, dans la Communauté, qu'un nombre très restreint de chantiers qui construisent ou sont actuellement capables de construire des pétroliers de type E3, dont notamment Odense Staalskibsvaerft.Par ailleurs, les installations de ce dernier chantier ont fait l'objet, au cours de la procédure administrative, de plusieurs comparaisons avec celles de MTW lors de l'estimation de la capacité future de MTW.

47. S'il est vrai que la seule circonstance qu'un acte est susceptible d'exercer une influence sur les rapports de concurrence existant sur le marché en cause ne saurait suffire pour que tout opérateur économique se trouvant dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de l'acte puisse être considéré comme directement et individuellement concerné par ce dernier (arrêt de la Cour du 10 décembre 1969, Eridania e.a./Commission, 10-68 et 18-68, Rec. p. 459, point 7), il est cependant établi par les pièces du dossier (voir le point précédent) que les positions sur le marché des sociétés requérantes Danyard A/S et Odense Staalskibsvaerft A/S pourraient être substantiellement affectées par l'octroi de l'aide d'État litigieuse. Elles se trouvent donc dans une situation concurrentielle particulière les caractérisant ainsi, au regard de l'aide d'État, par rapport à tout autre opérateur économique(arrêt ASPEC e.a./Commission, précité, point 70).

48. Dans ces conditions, Danyard A/S et Odense Staalskibsvaerft A/S doivent être considérées comme individuellement concernées par la décision litigieuse.

49. Pour ce qui est de la question de savoir si ces deux chantiers navals sont également directement concernés par la décision litigieuse, il est vrai que celle-ci ne pourrait affecter leurs intérêts sans mesures d'exécution adoptées par le Gouvernement allemand. Cependant, le Tribunal constate que la partie en espèces de la seconde tranche de l'aide litigieuse a déjà été placée le 30 décembre 1993 sur des comptes bloqués auprès de la Commerzbank et de la Dresdner Bank par le Gouvernement allemand, dans l'attente de l'approbation de la Commission. Dès lors, la volonté des autorités allemandes d'octroyer l'aide en question ne faisait aucun doute. Il y a donc lieu d'admettre que les deux chantiers navals susvisés sont directement concernés par la décision litigieuse (voir, dans le même sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11-82, Rec. p. 207).

50. Puisqu'un recours introduit par Danyard A/S ou Odense Staalskibsvaerft A/S aurait été recevable, un recours de Skibsvaerftsforeningen agissant en qualité de mandataire de ces deux chantiers navals doit lui-même être déclaré recevable (arrêt du 6 juillet 1995, AITEC e.a., T-447-93, T-448-93 et T-449-93, Rec. p. II-1971, points 59 à 62).

51. S'agissant d'un seul et même recours, il n'y a pas lieu d'examiner la qualité à agir des autres chantiers navals mentionnés dans la requête et de l'association des chantiers navals danois en son propre nom (arrêt CIRFS e.a./Commission, précité, point 31).

52. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le recours est recevable.

Sur le fond

53. Les requérantes invoquent trois moyens à l'appui de leur recours, tirés respectivement de l'incompétence ratione temporis de la Commission pour approuver la seconde tranche de l'aide, d'une violation des conditions énoncées par l'article 10 bis, paragraphe 2, de la septième directive et d'une violation des formes substantielles. Le Gouvernement danois soulève un moyen tiré d'une violation du "principe de transparence".

Sur le moyen tiré d'une incompétence ratione temporis

Sur la recevabilité du moyen

- Arguments des parties

54. La partie intervenante MTW soutient que le présent moyen est irrecevable. Elle relève qu'il s'agit d'un moyen tiré de la violation d'une règle de procédure, à savoir le délai, expirant le 31 décembre 1993, dans lequel la Commission devait, conformément à l'article 10 bis, paragraphe 2, de la septième directive, prendre sa décision. Selon la jurisprudence, ce moyen ne serait recevable que dans l'hypothèse où la procédure aurait abouti à un résultat différent en l'absence de ces irrégularités ou si la disposition prétendument violée visait à protéger les intérêts légitimes des requérantes (arrêts de la Cour du 15 mars 1973, Marcato/Commission, 37-72, Rec. p. 361, point 6, du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, 30-78, Rec. p. 2229, point 26, et Cofaz e.a./Commission, précité, points 23 et suivants). Or, les requérantes n'auraient pas démontré que tel serait le cas.

55. Les requérantes contestent ces affirmations. D'une part, il serait probable que la décision de la Commission aurait été différente si les règles de procédure n'avaient pas été enfreintes. D'autre part, et en toute hypothèse, les requérantes auraient un intérêt légitime à ce que le Tribunal examine ces arguments. La seule éventualité d'un rejet des arguments d'une partie ne constituerait pas une fin de non-recevoir.

- Appréciation du Tribunal

56. Le moyen soulevé par les requérantes est tiré de l'incompétence de la Commission. S'il était fondé, il entraînerait, conformément à l'article 173, paragraphe 2, du traité, l'annulation de la décision.

57. Les requérantes sont à la fois l'association danoise regroupant les principaux chantiers navals danois et huit sociétés exploitant des chantiers navals, dont deux au moins sont en concurrence directe avec le bénéficiaire de l'aide litigieuse. MTW ne saurait nier que lesdites requérantes ont un intérêt à soulever le moyen et à obtenir un contrôle juridictionnel de l'étendue de la compétence de la Commission.

58. Il s'ensuit que le moyen est recevable.

Sur le bien-fondé du moyen

- Arguments des parties

59. Les requérantes font valoir que la Commission a approuvé une aide d'État à un moment où elle n'était pas compétente pour le faire, la décision litigieuse ayant été prise après la date limite du 31 décembre 1993 figurant à l'article 10 bis, paragraphe 2, de la septième directive, et également après la même date limite fixée par ailleurs pour le versement de l'aide par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), de ladite directive. Ce faisant, la Commission aurait agi hors de sa compétence ratione temporis.

60. Il n'existerait en effet aucune autre disposition habilitant la Commission à adopter, après le 31 décembre 1993, une décision autorisant le versement de l'aide, même dans le cas d'une aide notifiée en temps utile et à supposer même que le versement de l'aide ait eu lieu avant cette date. Les directives en question limiteraient strictement les pouvoirs de la Commission (arrêt de la Cour du 18 mai 1993, Belgique/Commission, C-356-90 et C-180-91, Rec. p. I-2323).

61. A cet égard, il ressortirait de la proposition de la directive 92-68 que les aides autorisées en faveur des chantiers navals Est-allemands devaient être versées au 31 décembre 1993, au plus tard. Le législateur communautaire aurait donc souhaité fixer une date finale à laquelle les restructurations de l'industrie de la construction navale de l'ancienne République démocratique allemande devaient être achevées grâce aux aides autorisées, versées par le Gouvernement allemand. Après le 31 décembre 1993, la compétence pour prendre une décision approuvant la seconde tranche de l'aide en question aurait appartenu uniquement au Conseil, en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous e), du traité.

62. Bien que la date limite d'application de la septième directive ait été reportée du 31 décembre 1993 au 31 décembre 1994 par la directive 93-115, la date limite fixée par l'article 10 bis, paragraphe 2, de la septième directive pour le versement de l'aide d'État en faveur des chantiers navals Est-allemands n'aurait quant à elle pas été modifiée.

63. Les requérantes contestent la thèse de la Commission selon laquelle le délai fixé par l'article 10 bis n'était pas un délai impératif. En effet, l'affaire aurait été discutée au Conseil et la directive 93-115 aurait été adoptée le 16 décembre 1993, soit le lendemain du jour où la Commission avait informé le Gouvernement allemand de ses difficultés à prendre sa décision avant le 31 décembre 1993.

64. Lors de l'audience, les requérantes ont relevé que la Commission, dans un autre contexte concernant des aides à la sidérurgie, a considéré que, après l'expiration d'un délai fixé par l'article 5 de la décision n° 3855-91-CECA de la Commission, du 27 novembre 1991 (JO L 362, p. 57), disposition analogue à celle en cause en l'espèce, elle ne disposait plus de la compétence conférée par ledit article [voir la communication de la Commission du 31 octobre 1995 (JO C 289, p. 11) ].

65. Elles font ensuite valoir que la jurisprudence invoquée par la Commission (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C-354-90, Rec. p. I-5505, ci-après "arrêt FNCE") ne s'applique pas en l'espèce.

66. En effet, contrairement à cette affaire où l'aide en question avait été accordée conformément aux dispositions du traité, celui-ci ne prévoyant pas de délai spécifique, il s'agirait en l'espèce de l'approbation hors délai d'une aide versée en vertu d'un régime de dérogation spécifique et transitoire, qui a expiré le 31 décembre 1993. Il ressortirait de l'affaire mentionnée que ni la Commission ni la Cour ne peuvent valider ou légaliser a posteriori une aide payée en violation de l'article 93, paragraphe 3, dernière phrase, du traité. Admettre la thèse de la Commission selon laquelle elle pourrait, même dans ces circonstances, déclarer l'aide en question compatible avec le Marché commun reviendrait à améliorer la position juridique des autorités allemandes et de MTW en tolérant un paiement illégal et, parallèlement, à étendre les pouvoirs de la Commission au-delà du délai fixé par le Conseil.

67. Les requérantes observent que ce n'est qu'à la réception du mémoire en défense qu'elles ont été informées du fait que la seconde tranche de l'aide litigieuse avait été placée sur des comptes bloqués avant le 31 décembre 1993, alors que le communiqué de presse du 11 mai 1994 laissait entendre que la tranche serait payée après l'adoption de la décision litigieuse.

68. Selon elles, on peut déduire de la jurisprudence que le non-respect d'un délai tel que celui prévu dans la directive 92-68 constitue une violation du droit communautaire (arrêt de la Cour du 8 février 1973, Commission/Italie, 30-72, Rec. p. 161). En l'espèce, la violation par la Commission de la septième directive ne pourrait se justifier car le retard dans le traitement du dossier ne serait imputable qu'à MTW. Les requérantes ajoutent que non seulement l'aide n'aurait dû être payée qu'après approbation par la Commission, mais encore elle aurait dû être compatible avec le Marché commun à une date antérieure au 31 décembre 1993. Or, la décision litigieuse ayant été prise en mai 1994, elle aurait dû être fondée sur des circonstances de fait totalement différentes de celles existant au moment où l'aide était censée avoir été payée, à savoir à un moment où le chantier aurait été déménagé. Ces dernières circonstances rendraient le paiement illégal (arrêt de la Cour du 5 mai 1977, Jansen, 104-76, Rec. p. 829).

69. Les requérantes contestent l'affirmation de MTW selon laquelle le versement de la seconde tranche de l'aide aurait été approuvé en substance lorsque la Commission a décidé, le 23 décembre 1992, d'approuver la première tranche de l'aide. Cette affirmation serait infirmée par l'énumération de la Commission, au stade du mémoire en défense, des conditions qu'il fallait remplir avant que la seconde tranche de l'aide puisse être déclarée compatible avec le Marché commun.

70. Enfin, les requérantes réfutent l'affirmation de la Commission selon laquelle elles n'auraient pas d'intérêt légitime à demander l'annulation de la décision litigieuse, cette décision les concernant individuellement et directement. Par ailleurs, il ressortirait de la jurisprudence qu'un certain formalisme est requis dans le fonctionnement de la Commission (arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., dit "PVC", C-137-92 P, Rec. p. I-2555; arrêts du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-32-91, Rec. p. II-1825, actuellement objet d'un pourvoi devant la Cour sous le n° C-288-95 P, et ICI/Commission, T-37-91, Rec. p. II-1901, actuellement objet d'un pourvoi devant la Cour sous le n° C-286-95 P). La méconnaissance de règles de forme constituerait en soi une infraction entraînant l'annulation d'une décision, que cette méconnaissance ait eu ou non un effet sur la décision litigieuse.

71. Le Gouvernement danois se rallie à l'argumentation présentée par les requérantes selon laquelle la Commission n'était pas, en mai 1994, compétente pour adopter la décision litigieuse. En effet, le délai fixé à l'article 10 bis, paragraphe 2, de la septième directive ne représenterait pas une règle de procédure formelle, mais constituerait l'une des conditions de la compatibilité de l'aide avec le Marché commun. Contrairement à ce que pense la Commission, la distinction entre une aide illicite et une aide incompatible avec le Marché commun n'aurait pas de pertinence pour l'appréciation des aides d'État fondées sur le régime transitoire et spécifique institué pour les chantiers navals de l'ancienne République démocratique allemande par la directive 92/68.

72. Le Gouvernement danois conteste l'affirmation de la Commission selon laquelle les dispositions transitoires n'auraient pas, en raison d'un simple malentendu, été prorogées explicitement lors de l'adoption de la directive 93-115. Il observe que la question a été débattue au sein du Conseil lors de l'examen du projet de ladite directive. Le Conseil aurait considéré à l'unanimité que la validité des règles spéciales pour les chantiers navals de l'ancienne République démocratique allemande ne devait pas être prolongée. En outre, le délai mentionné aurait été fixé pour tenir compte des possibilités des États membres et d'autres parties intéressées de prendre des dispositions commerciales. Ceux-ci devaient avoir la certitude juridiquement protégée de pouvoir agir sur la foi des règles de la directive, conformément au délai en vigueur. La Commission aurait reconnu elle-même, dans sa réponse à la question écrite n° 2792-92 du Parlement européen, l'importance décisive de ce délai (JO 1993 C 195, p. 18).

73. Par ailleurs, la Commission aurait, par la décision litigieuse, approuvée le versement de la seconde tranche de l'aide sur un fondement erroné. En effet, au moment où le Gouvernement allemand a informé la Commission du versement de l'aide litigieuse, soit le 17 mars 1994, l'aide aurait été destinée à un chantier ayant déménagé. Or, la Commission aurait supposé dans la décision litigieuse que MTW resterait dans les lieux initialement prévus.

74. Enfin, en ce qui concerne le placement d'une partie de la seconde tranche de l'aide sur des comptes bloqués dans l'attente de l'approbation de la Commission, le Gouvernement danois estime que si cette consignation valait paiement, elle était illégale, car la Commission n'avait pas encore donné son autorisation. Il ajoute que, si, au contraire, la consignation ne valait pas paiement, celui-ci n'a eu lieu que lors de la libération de la consignation en 1994. Il serait alors illégal parce que l'approbation de la Commission serait intervenue à une date où la Commission n'était plus compétente pour la donner et parce que le paiement ne pouvait plus légalement intervenir après le 31 décembre 1993. A cet égard, la décision litigieuse ne ferait pas apparaître clairement si le paiement a eu lieu en 1993 ou seulement en 1994.

75. La Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, il y a lieu de distinguer entre, d'une part, une aide d'État invalide (ou illégale) et, d'autre part, une aide d'État incompatible avec le Marché commun (arrêt FNCE, précité, points 9 à 11).

76. Elle souligne que, dans la présente affaire, les autorités allemandes ont versé l'aide avant l'autorisation de la Commission. Cependant, l'invalidité de cette aide, conformément à la jurisprudence précitée, n'aurait pas empêché la Commission de la déclarer compatible avec le Marché commun, étant donné qu'elle avait été octroyée avant la date limite visée à l'article 10 bis, paragraphe 2, de la septième directive, et que, en outre, toutes les autres conditions prévues par cet article avaient été remplies. Le rôle de la Commission serait donc limité à l'évaluation de la compatibilité de l'aide, bien que celle-ci ait été versée avant son approbation.

77. Pour ce qui est du paiement de la seconde tranche de l'aide, la Commission affirme qu'il ressort de la lettre du 2 février 1994 adressée par les autorités allemandes que 220,8 millions de DM en espèces avaient été placés le 30 décembre 1993 sur des comptes bloqués, en faveur de MTW, dans l'attente de l'approbation de la Commission. A cet égard, la Commission réfute l'affirmation des requérantes selon laquelle elles n'auraient pas été informées de ce paiement avant l'introduction du recours. Le versement de l'aide litigieuse aurait été l'objet de discussions lors des réunions du 3 février 1994, du 7 février 1994 et du 21 mars 1994, auxquelles auraient participé également les requérantes. L'article 48 du règlement de procédure empêcherait les requérantes, au stade de la réplique, d'invoquer des arguments fondés sur cette affirmation erronée.

78. Eu égard aux raisons du délai de la décision, à savoir la présentation d'un projet de déménagement justifié par des motifs purement objectifs et les nombreux entretiens consécutifs à ce projet avec, notamment, les requérantes, la Commission réfute son incompétence ratione temporis.

79. A cet égard, la Commission a fait valoir à l'audience que l'article 10 bis de la septième directive autorisait le versement des aides au fonctionnement pour des contrats signés entre le 1er juillet 1990 et le 31 décembre 1993. Elle aurait ainsi été compétente, même après cette dernière date, pour approuver les aides, pourvu qu'elles soient versées en relation avec ces contrats. Le délai figurant à l'article 10 bis ne serait donc pas le délai pour prendre la décision sur la compatibilité.

80. La Commission observe, ensuite, que, s'il est vrai que l'article 10 bis, paragraphe 2, premier alinéa, prévoyait comme date limite le 31 décembre 1993, le délai correspondant n'était pas un "délai impératif". Il n'aurait été inséré dans la directive 92/68 que pour faire coïncider la période de validité de celle-ci avec celle de la septième directive. En effet, au moment où la directive 92-68 a été arrêtée, le 20 juillet 1992, on n'aurait pas encore su que le 16 décembre 1993 la validité de la septième directive serait prolongée jusqu'au 31 décembre 1994 par la directive 93-115. Bien qu'il soit regrettable que cette dernière directive n'ait pas explicitement prolongé le délai visé par l'article 10 bis, paragraphe 2, il serait extrêmement formaliste d'en conclure, seulement sur cette base, que la Commission n'était pas compétente pour autoriser, après le 31 décembre 1993, la seconde tranche de l'aide.

81. Enfin, la compatibilité d'une aide devrait être appréciée par rapport aux effets qu'elle produit sur le marché au moment où elle a été accordée, c'est-à-dire avant le 31 décembre 1993, ce qui aurait été le cas en l'espèce. Le fait que la Commission ait pris sa décision après le 31 décembre 1993 n'aurait pas eu d'effet négatif sur la situation concurrentielle des sociétés requérantes. En conséquence, celles-ci n'auraient pas d'intérêt légitime à demander l'annulation de la décision litigieuse.

82. La partie intervenante MTW se rallie à l'argumentation présentée par la Commission pour ce qui est des conséquences à tirer de l'expiration du délai prévu à l'article 10 bis, paragraphe 2. En particulier, il ressortirait de la jurisprudence que la seule violation de l'article 93, paragraphe 3, dernière phrase, du traité, en ce que l'aide en cause a été payée avant le 31 décembre 1993, n'entraîne pas l'incompatibilité de l'aide avec le Marché commun, la Commission n'ayant en effet pas le pouvoir de déclarer les aides incompatibles au seul motif que ce dernier article a été violé (arrêt FNCE, précité, points 13 et 14; conclusions de l'avocat général M. Jacobs sous cet arrêt, point 21).

83. L'aide litigieuse aurait été déjà autorisée en substance par la décision de la Commission du 23 décembre 1992 relative à la première tranche de l'aide. Les deux décisions de la Commission n'autoriseraient pas deux aides d'État distinctes, mais une première et une seconde tranche d'une seule et même aide. Par sa décision du 23 décembre 1992, la Commission aurait indiqué que, compte tenu des informations fournies par le Gouvernement allemand les 2 et 4 décembre 1992, elle était en mesure d'évaluer l'aide en question. Le versement de la seconde tranche n'aurait été subordonné qu'à la production, par le Gouvernement allemand, d'une déclaration relative à la réduction totale de la capacité de construction navale, telle que répartie entre les différents chantiers, et des rapports "spill-over". Dans ces circonstances, la Commission aurait été compétente pour approuver le déblocage de la seconde tranche en 1994, celui-ci ne dépendant que de la réalisation de ces conditions formelles.

84. Enfin, MTW fait valoir que, compte tenu du fait que le délai en question était une règle de pure procédure, le bien-fondé du présent moyen est soumis à la condition que les requérantes démontrent que la Commission aurait refusé d'autoriser le déblocage de la seconde tranche de l'aide si elle avait pris sa décision avant la fin de l'année 1993, ou que les dispositions en cause visaient à protéger leurs intérêts (arrêts Distillers Company/Commission et Marcato/Commission, précités). Or, tel ne serait pas le cas en l'espèce.

- Appréciation du Tribunal

85. Il y a lieu de souligner, à titre liminaire, que la directive 92-68, qui a inséré l'article 10 bis dans la septième directive, a constitué une dérogation spécifique et transitoire en matière d'aides d'État. Ainsi, il ressort du deuxième considérant de son préambule, d'une part, qu'une restructuration du secteur de la construction navale est-allemand était nécessaire afin de le rendre concurrentiel et, d'autre part, qu'un "accord transitoire spécial [devait...] être mis en place afin de permettre au secteur de la construction navale [de l'ancienne République démocratique allemande...] de fonctionner pendant la période de restructuration progressive qui [devait...] lui permettre de satisfaire aux règles applicables en matière d'aides d'État dans l'ensemble de la Communauté".

86. Bien que la directive 93-115 ait modifié l'article 13 de la septième directive, prolongeant la durée de celle-ci pour l'année 1994, elle n'a pas modifié les délais fixés par l'article 10 bis de la septième directive. En effet, si le nouveau délai fixé par la directive 93-115 avait également dû s'appliquer au régime spécial en faveur des chantiers navals Est-allemands, il aurait été nécessaire que la directive 93-115 prolonge explicitement le délai fixé à l'article 10 bis.

87. Pour ce qui est de la question de savoir si la condition énoncée par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), in fine, selon laquelle les aides devront avoir été versées au 31 décembre 1993, a été respectée en l'espèce, le Tribunal constate qu'il ressort des réponses de la Commission aux questions écrites du Tribunal, sans que cela soit contesté par les requérantes, que la partie en espèces de la seconde tranche de l'aide concernée a été placée le 30 décembre 1993, en faveur de MTW, sur des comptes bloqués auprès de la Commerzbank et de la Dresdner Bank. La libération de ces fonds a été subordonnée à l'approbation d'un administrateur désigné par le Gouvernement allemand et par un administrateur désigné par le bénéficiaire.

88. Il appartient au Tribunal d'examiner si cette consignation doit être assimilée à un versement, au sens de l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), in fine. Contrairement à ce qu'affirme la Commission, l'article 48 du règlement de procédure n'interdit pas aux requérantes d'invoquer une irrégularité éventuelle dans le versement de la seconde tranche de l'aide, ce dernier article n'excluant pas l'invocation d'un nouvel argument à l'appui du présent moyen.

89. A cet égard, le Tribunal rappelle qu'il ressort de l'article 11 de la septième directive que les États membres notifient préalablement à la Commission et "ne mettent en œuvre" sans son autorisation aucune décision individuelle d'application du régime spécial instauré par l'article 10 bis.

90. Ainsi, après avoir été informé par lettre du 15 décembre 1993 que la Commission ne pouvait prendre une décision définitive avant la fin de l'année 1993 (voir ci-dessus au point 15), le Gouvernement allemand, s'il voulait toujours accorder une aide au fonctionnement à MTW, a été contraint d'agir en tenant compte du conflit entre les dispositions applicables. D'une part, l'article 10 bis, paragraphe 2, de la septième directive l'obligeait à verser l'aide au bénéficiaire avant le 31 décembre 1993. D'autre part, il fallait respecter l'article 11, paragraphe 2, de la même directive selon lequel les États membres "ne mettent [pas] en œuvre" l'aide d'État sans l'autorisation préalable de la Commission.

91. Vu ce contexte très spécifique de l'espèce, le Tribunal considère que le Gouvernement allemand, désirant toujours accorder la seconde tranche de l'aide à MTW, a été contraint, afin de respecter les conditions de l'article 10 bis, de placer la partie en espèces de la seconde tranche sur des comptes bloqués. Il y a donc lieu d'admettre que la condition relative au versement de l'aide s'est trouvée remplie par cette consignation en faveur de MTW avant le 31 décembre 1993. Cette appréciation est corroborée par le fait que, selon des informations fournies par la Commission lors de l'audience, et non contestées par les requérantes, les intérêts des comptes bloqués appartenaient à MTW.

92. Quant à la question de savoir si la Commission avait compétence, en mai 1994, pour déclarer compatible avec le Marché commun la seconde tranche de l'aide en faveur de MTW, il y a lieu de rappeler que la compétence de la Commission pour déclarer compatibles avec le Marché commun des aides d'État dans le secteur de la construction navale est limitée par les directives en vigueur (arrêts de la Cour du 18 mai 1993, Belgique/Commission, précité, points 24 à 33, et du 5 octobre 1994, Allemagne/Commission, C-400-92, Rec. p. I-4701, points 13 à 16).

93. En effet, il résulte de la structure et de l'économie de l'article 92 du traité que son paragraphe 3 introduit la possibilité de déroger, dans des cas spécifiques, à l'interdiction d'aides qui seraient autrement incompatibles. En outre, l'article 92, paragraphe 3, sous e), permet au Conseil d'élargir l'éventail des catégories d'aides pouvant être considérées comme compatibles avec le Marché commun au-delà des catégories sous a), b), c) et d). En adoptant la septième directive, le Conseil a ainsi, en partant de la constatation de l'incompatibilité des aides à la construction navale, conformément à la ratio de l'article 92, paragraphe 3, pris en compte une série d'exigences d'ordre économique et social qui l'ont conduit à faire usage de la faculté, reconnue par le traité, de considérer néanmoins ces aides comme compatibles avec le Marché commun, à condition qu'elles satisfassent aux critères de dérogation contenus dans la directive (arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Commission, précité, point 15).

94. A l'époque des faits litigieux, la septième directive autorisait la Commission à déclarer des aides au fonctionnement compatibles avec le Marché commun pourvu que l'aide individuelle octroyée pour un contrat ne dépasse pas un plafond maximal fixé à 9 % de la valeur contractuelle avant aide. Or, afin de faciliter la restructuration dans l'ancienne République démocratique allemande, le Conseil, par dérogation à ce régime, a décidé à l'article 10 bis de la septième directive que "jusqu'au 31 décembre 1993 [pouvaient...] être considérées comme compatibles avec le Marché commun" des aides spéciales au fonctionnement dépassant ce plafond, à condition que certaines conditions énoncées aux paragraphes 2 et 3 dudit article soient remplies.

95. Il y a ensuite lieu de relever qu'une des conditions pour permettre le versement de ces aides spéciales au fonctionnement était qu'"aucune autre aide à la production ne soit accordée pour des contrats signés entre le 1er juillet 1990 et le 31 décembre 1993" [article 10 bis, paragraphe 2, sous b) de la septième directive]. Le Tribunal estime qu'il découle de cette disposition que la Commission avait la compétence et le devoir de considérer la nécessité et donc la compatibilité des aides au fonctionnement versées en faveur des contrats conclus pendant toute cette période de référence, y compris les contrats éventuellement signés le dernier jour, soit le 31 décembre 1993.

96. Compte tenu du fait que l'examen de la compatibilité des aides d'État relève normalement d'une appréciation économique et technique complexe exigeant un certain temps, il y a lieu d'admettre que, lors de l'adoption de la directive 92-68, le législateur communautaire a reconnu à la Commission le pouvoir de prendre dans certains cas sa décision quant à la compatibilité même après le 31 décembre 1993. A cet égard, il y a lieu de constater que le libellé même de l'article 10 bis n'exige pas expressément que la Commission prenne sa décision avant le 31 décembre 1993. En outre, s'agissant d'aides au fonctionnement, c'est-à-dire notamment d'aides à la production liées à des contrats spécifiques, le Tribunal considère que seul le moment de la signature desdits contrats importe en ce qui concerne les effets des aides sur le plan de la concurrence, et non le moment où est adoptée la décision de la Commission quant à la compatibilité de ces aides avec le Marché commun.

97. Au vu de ces considérations, le Tribunal considère que la Commission était compétente en mai 1994 pour se prononcer, dans la décision litigieuse, sur la compatibilité avec le Marché commun de la seconde tranche de l'aide litigieuse.

98. Le fait que la partie en espèces de cette seconde tranche de l'aide ait été placée sur des comptes bloqués avant l'adoption de cette décision, placement considéré comme un versement au sens de l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), in fine, de la septième directive, ne saurait modifier cette appréciation. En effet, dans son arrêt FNCE, précité, la Cour a jugé que la Commission est tenue d'examiner la compatibilité d'une aide avec le Marché commun même dans les cas où l'État membre a méconnu l'interdiction de mise à exécution des mesures d'aide avant que la Commission n'ait pris sa décision.

99. S'il est vrai, comme l'ont fait remarquer les requérantes et le Gouvernement danois lors de l'audience, que la Commission a considéré, dans le contexte des aides à la sidérurgie, qu'il ressortait de l'article 5 de la décision n° 3855-91, de la Commission, précitée, aux termes duquel "[pouvaient] être considérées comme compatibles avec le Marché commun jusqu'au 31 décembre 1994 les aides régionales aux investissements [...]" que, après l'expiration de ce délai, elle ne disposait plus de la compétence conférée par cet article, une telle appréciation, à supposer même qu'elle soit correcte, ne saurait lier le Tribunal. En tout état de cause, une appréciation analogue ne s'impose pas en l'espèce, ne serait-ce que parce que l'article 10 bis de la septième directive n'imposait aucun délai pour la notification, à la différence de la décision invoquée, dont l'article 6, paragraphe 1, prévoyait la notification des projets d'aides en temps utile, en l'occurrence au moins six mois avant la date limite, pour que la Commission puisse procéder à l'ouverture et à la clôture de la procédure avant cette date limite.

100. Il convient, par ailleurs, de constater que l'adoption de la décision litigieuse après le 31 décembre 1993 était justifiée par des raisons objectives. La ville de Wismar avait souhaité trouver un nouvel emplacement pour le chantier, de sorte que MTW avait examiné les possibilités de déménagement vers de nouveaux terrains occupés jusqu'alors par des troupes soviétiques. L'examen avait toutefois été retardé à cause de l'état dans lequel l'armée soviétique avait laissé ces terrains. En conséquence, le Gouvernement allemand n'avait pu informer la Commission du projet de déménagement qu'au cours du mois d'août 1993. Le projet de déménagement ayant été abandonné le 29 avril 1994, la Commission a adopté la décision litigieuse peu de temps après. Compte tenu, en plus, du fait que le projet d'aide avait déjà été notifié en 1992 et que la première tranche de l'aide avait été approuvée par la Commission au mois de décembre 1992, le Tribunal considère que le Gouvernement allemand n'a pas cherché à contourner les dispositions en cause.

101. Enfin, il y a lieu d'observer que la décision de 1994 sur la compatibilité de la seconde tranche n'a pas pu surprendre les opérateurs économiques sur le marché. En effet, cette question de compatibilité avait été l'objet de plusieurs réunions multilatérales pendant l'année 1993 et au début de l'année 1994. En particulier, les requérantes avaient eu une connaissance approfondie des données en l'espèce. Elles connaissaient la décision du 23 décembre 1992 approuvant la première tranche de l'aide et avaient, au cours de la procédure administrative, participé à plusieurs réunions. Enfin, elles avaient eu accès à plusieurs documents du dossier. Même si l'on considère que le délai pour prendre la décision avait été fixé pour tenir compte des possibilités des États membres et d'autres parties intéressées de prendre des dispositions commerciales, force est donc de constater que les requérantes étaient en fait elles-mêmes en mesure d'adopter des dispositions commerciales pertinentes, compte tenu de leur participation à la procédure administrative et, en particulier, de leur connaissance du retard subi par celle-ci.

102. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le présent moyen.

Sur le moyen tiré d'une violation des conditions énoncées par l'article 10 bis, paragraphe 2, de la septième directive

103. Le moyen s'articule en trois branches. Les requérantes font tout d'abord grief à la Commission d'avoir autorisé une aide dépassant le plafond de 36 % prévu par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), de la septième directive. Elles ajoutent ensuite que la Commission ne s'est pas assurée que le Gouvernement allemand procéderait, avant le 31 décembre 1995, à une réduction de la capacité des chantiers navals réelle et irréversible égale à 40 % de la capacité existant au 1er juillet 1990. Enfin, elles soutiennent que la Commission, à tort, a accordé la possibilité d'augmenter la capacité après cinq ou dix ans.

Sur la première branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), de la septième directive

- Arguments des parties

104. Les requérantes font valoir que l'aide approuvée dépasse le plafond fixé par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), de la septième directive, ce plafond étant fixé à "36 % d'un chiffre d'affaires annuel de référence sur trois ans en travaux de construction et de transformation navales, après restructuration". En vertu de la communication du 25 mai 1992, il conviendrait de calculer ce chiffre d'affaires annuel de référence en multipliant le nombre prévu de salariés à la fin de la période de restructuration par une valeur de production moyenne par employé de 240 000 DM. Le nombre d'emplois prévu en 1995 sur le chantier naval étant de 1790, le plafond d'aide s'élèverait à 464 millions de DM.

105. Au stade de la réplique, les requérantes ont évalué le plafond à 486 millions de DM en se fondant sur les chiffres d'affaires de 1992 et de 1993 qui se seraient élevés à approximativement 450 millions de DM et qui auraient été connus par la Commission lors de l'adoption de la décision litigieuse. En tout état de cause, l'aide totale de 597,2 millions de DM (une première tranche de 191,2 millions de DM et une seconde de 406 millions de DM) dépasserait le plafond autorisé.

106. La Commission conteste que l'aide approuvée ait dépassé le plafond fixé par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), de la septième directive. Il ressortirait des travaux préparatoires, notamment de la communication du 25 mai 1992, qu'une aide au fonctionnement de 714,6 millions de DM avait été envisagée en faveur de MTW. Le plafond de 36 % aurait été calculé sur cette base afin de permettre l'octroi d'une aide s'élevant à ce montant. Le Conseil aurait été parfaitement conscient de ces données lors de l'adoption de la directive 92-68. L'aide versée effectivement ne s'élevant au total qu'à 597,2 millions de DM, elle ne constituerait donc pas une violation de l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), de la septième directive.

107. En outre, la Commission fait valoir que les requérantes utilisent à tort des chiffres d'affaires réels pour 1992 et 1993. En effet, aux termes de la disposition en cause, il conviendrait de fixer le plafond sur la base "d'un chiffre d'affaire annuel de référence [...] après restructuration". Se servir du chiffre d'affaires réel pour les deux exercices financiers avant même que le processus de restructuration ait été achevé irait donc à l'encontre des termes mêmes de la disposition et s'opposerait aux intentions du Conseil, telles qu'elles ressortent des travaux préparatoires.

108. Le Gouvernement allemand estime que l'intensité de l'aide finalement accordée à MTW, à savoir 597,2 millions de DM, ne s'élevait qu'à 31,7 %.

109. MTW se rallie pour l'essentiel à l'argumentation présentée par la Commission.

- Appréciation du Tribunal

110. Selon l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), de la septième directive, peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun les aides au fonctionnement, à condition qu'elles "n'excèdent [pas] un plafond maximal égal à 36 % d'un chiffre d'affaires annuel de référence sur trois ans en travaux de construction et de transformation navales, après restructuration".

111. Il résulte du libellé même de cette disposition que le mode de calcul des requérantes, avancé dans leur mémoire en réplique et se fondant sur les chiffres d'affaires réels de 1992 et de 1993, n'est pas pertinent. En effet, la disposition citée prévoit expressément comme base de calcul un chiffre d'affaires annuel de référence "après" la restructuration envisagée, c'est-à-dire après l'année 1995, ladite restructuration ayant été prévue pour durer jusqu'au 31 décembre 1995.

112. La thèse avancée par les requérantes dans leur requête introductive d'instance (voir ci-dessus au point 104) ne saurait non plus être accueillie.

113. En effet, il y a lieu de rappeler que la directive 92-68 ne contient pas de définition de la notion de "chiffre d'affaires annuel de référence". Toutefois, une définition apparaît dans la communication du 25 mai 1992. Le chiffre d'affaires de référence après restructuration doit, selon cette communication, être "calculé en multipliant le nombre prévu de salariés à la fin de la période de restructuration par une valeur de production moyenne par employé de 240 000 DM".

114. Le Tribunal constate, dès lors, que le législateur communautaire a introduit comme base de calcul un chiffre d'affaires hypothétique, la restructuration étant prévue jusqu'en 1995 alors que les aides autorisées par la directive 92-68 étaient destinées à faciliter la poursuite des opérations des chantiers navals Est-allemands pendant la période de cette restructuration progressive.

115. Selon la communication du 25 mai 1992, tous les chantiers navals Est-allemands avaient des travaux à exécuter jusqu'en 1993 sur la base de contrats signés avant le 1er juillet 1990, pour lesquels des aides n'étaient pas considérées comme des aides au fonctionnement au sens de la septième directive. Pour cette raison, il s'avérait nécessaire d'introduire un chiffre d'affaires hypothétique. En effet, le législateur communautaire ne pouvait pas utiliser un plafond spécial exprimé en pourcentage de la valeur contractuelle avant aide (voir l'article 4 de la septième directive) ni en pourcentage du chiffre d'affaires annuel réalisé par le bénéficiaire de l'aide (voir l'article 5 de la même directive).

116. Il est constant que le nombre d'employés pouvait être estimé à 1 790 à la fin de la période de restructuration, conformément aux estimations de la Commission contenues dans sa communication du 25 mai 1992. Il y a donc lieu de constater que le montant du "chiffre d'affaires annuel de référence sur trois ans en travaux de construction et de transformation navales" de MTW s'élevait, selon la définition susvisée, à 1 288,8 millions de DM (1 790 x 3 x 240 000 DM).

117. Il résulte des travaux préparatoires de la directive 92-68, en particulier du point V.8 de la communication du 25 mai 1992, qu'au moment où ladite directive a été adoptée il était envisagé d'octroyer en faveur de MTW une aide au fonctionnement s'élevant jusqu'à 714,6 millions de DM. Afin de permettre une aide de ce montant, la Commission, dans sa communication, a calculé "à rebours" un plafond d'aide exprimé en pourcentage du "chiffre d'affaires annuel de référence sur trois ans en travaux de construction et de transformation navales, après restructuration", ledit chiffre d'affaires étant fixé à 1 288,8 millions de DM.

118. Sans que cela ressorte explicitement de sa proposition, la Commission, en ce qui concerne MTW, a dû calculer le pourcentage de 35,7 % au moyen de la formule suivante:

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119. Le Tribunal considère que cette méthode de calcul, qui correspond à la méthode utilisée à l'article 4, paragraphe 1, de la septième directive [voir également la définition contenue dans l'article 1er, sous e), de la septième directive], et qui s'explique par le souhait de traiter l'aide fournie directement au chantier naval de la même façon que l'aide fournie indirectement par l'intermédiaire d'un armateur, a été implicitement approuvée par le Conseil. En effet, elle représente la seule formule qui, à partir de l'aide expressément envisagée de 714,6 millions de DM et du calcul de chiffre d'affaires indiqué ci-dessus au point 116, puisse expliquer le plafond de 36 % retenu par la directive 92-68.

120. Il résulte de ce qui précède que le plafond prévu par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), de celle-ci autorisait une aide totale au fonctionnement de 714,6 millions de DM. L'aide effectivement versée ne s'étant élevée au total qu'à 597,2 millions de DM, l'autorisation de la seconde tranche ne saurait, dès lors, constituer une infraction à ladite disposition.

121 La première branche du moyen doit donc être rejetée.

Sur la deuxième branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), de la septième directive, en tant qu'il prévoit une réduction de capacité avant le 31 décembre 1995

- Arguments des parties

122. Les requérantes font valoir que la Commission a autorisé l'aide sans s'assurer que le Gouvernement allemand procéderait, avant le 31 décembre 1995, à une réduction de capacité réelle et irréversible égale à 40 % de la capacité existant dans l'ancienne République démocratique allemande au 1er juillet 1990. La restructuration du chantier MTW, telle qu'elle a été autorisée par la décision litigieuse, ne limiterait pas la capacité à 100 000 tbc au sens de la septième directive, mais permettrait au contraire à MTW de produire une quantité bien supérieure. Selon les estimations du consultant des requérantes, C. R. Cushing & Co. Inc. (ci-après "Cushing"), la capacité pourrait atteindre 200 000 tbc par an. La réduction totale dans les nouveaux Laender, après la restructuration, ne serait donc pas de 40 %.

123. D'après les requérantes, s'il est vrai que l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), de la septième directive exige qu'une réduction de la capacité totale soit réalisée pour l'ensemble des chantiers navals dans l'ancienne République démocratique allemande, il faut toutefois qu'une certaine capacité soit attribuée à chaque chantier. Au vu du rapport de la Commission du 1er avril 1993, susmentionné, le Gouvernement allemand se serait engagé, en ce qui concerne MTW, à respecter une limite de capacité de 100 000 tbc (voir ci-dessus au point 9). A cet égard, la ventilation en quotas n'inclurait aucune marge d'accroissement de la capacité, de sorte que tout dépassement des quotas de tbc alloués aux différents chantiers navals entraînerait un dépassement de la capacité totale et, dès lors, la violation de la condition imposant une réduction de capacité de 40 %.

124. Les requérantes affirment ensuite que l'aide a été approuvée sans l'approbation préalable, exigée par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), de la septième directive, d'un calendrier assurant une réduction réelle et irréversible de 40 % des capacités de construction navale dans l'ancienne République démocratique allemande. En outre, le premier rapport "spill-over" n'aurait pas, semble-t-il, été remis à la Commission avant la fin du mois de février 1993. Or, ces conditions seraient des règles substantielles étroitement liées aux autres conditions énoncées par l'article 10 bis.

125. En ce qui concerne la notion de "capacité", les requérantes font valoir que la Commission l'a à la fois mal interprétée et modifiée au cours de la procédure administrative. Par suite, il serait devenu impossible de déterminer si la limitation imposée par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), de la septième directive a été effectivement respectée, en particulier pour MTW.

126. Par "capacité", il faudrait comprendre la production maximale du chantier dans des conditions optimales. Une telle interprétation serait corroborée par le fait que, lors de l'adoption de la directive 92-68, la capacité a été calculée sur la base "d'un calcul des ressources, en comparant les heures-homme nécessaires pour construire un navire avec les heures-homme disponibles" (voir la communication du 25 mai 1992).

127. Se référant au rapport de la Commission du 8 novembre 1991 sur l'état de l'industrie de la construction navale dans la Communauté [document SEC (91) 2057 final], et en particulier des chiffres réels de production dans l'ancienne République démocratique allemande, les requérantes font valoir que la capacité au 1er juillet 1990, fixée à 545 000 tbc dans la directive 92-68, n'aurait jamais été atteinte. La production réelle maximale se serait élevée à environ 502 000 tbc (1984 et 1985) et à environ 345 000 tbc en 1990.

Suite du texte sous le num.doc: 694A0266.1

128 En conséquence, la notion de capacité devrait s'entendre comme la production maximale absolue. Le bien-fondé de cette interprétation serait confirmé par les travaux préparatoires, notamment par le document n° 7049-92 du Conseil, du 10 juin 1992, concernant une réunion du Coreper au cours du mois de juin 1992, ainsi que par un document de la Commission elle-même (DG III.C.3 du 4 février 1985), dans lequel la notion de "capacité nationale" serait considérée comme équivalant à celle de "capacité théorique maximale". En outre, la définition de la capacité se retrouverait dans le système d'information globale de l'Organisation de coopération et de développement économiques (ci-après "OCDE") sur la capacité en matière de construction navale, rapports annuels: il s'agirait de "la capacité maximale utilisable pour la construction de navires marchands, compte tenu des possibilités physiques et de toutes les limitations légales et administratives en la matière". Enfin, selon le rapport d'expertise établi par Cushing, la capacité serait "l'aptitude à produire, c'est-à-dire la production maximale".

129 Afin d'éviter que la réduction exigée par la directive 92-68 ne soit rendue illusoire, il serait important que la notion de capacité ne soit pas modifiée. Or, cette notion aurait été modifiée ultérieurement par la Commission, celle-ci n'examinant plus, lors de l'estimation de la capacité après les restructurations, la capacité potentielle mais, contrairement au sens de la directive 92-68, la "capacité réelle", c'est-à-dire "la production réalisable dans de bonnes conditions normales".

130 Dans ce contexte, la production réelle serait toujours inférieure à la capacité, compte tenu des goulets d'étranglement existant dans la production. A cet égard, ne pourrait être admise l'affirmation de la Commission selon laquelle on peut réduire la capacité d'une façon réelle et irréversible en s'assurant du maintien de plusieurs restrictions et goulets d'étranglement dans les installations de production, car ces goulets d'étranglement ne réduiraient que la production réelle et non la capacité.

131 S'appuyant sur le rapport d'expertise établi par Cushing, les requérantes affirment que des investissements relativement faibles permettraient de supprimer la plupart des goulets d'étranglement identifiés, à supposer qu'il en existe. Par exemple, en ce qui concerne la production d'acier, il suffirait d'augmenter l'équipement de préparation. En particulier, l'espace de préparation de l'acier ne constituerait pas un véritable goulet d'étranglement et le calcul de la capacité devrait toujours inclure l'hypothèse de 3 équipes par jour, maximum possible dans des conditions normales, et non pas 1,7 équipe par jour, comme supposé par la Commission.

132 De surcroît, il ressortirait de la correspondance avec la Commission que, selon le propre consultant de celle-ci, il serait possible de supprimer les goulets d'étranglement limitant la "capacité" de MTW à 100 000 tbc. La production pourrait ainsi dépasser le plafond alloué.

133 S'agissant des estimations de la Commission relatives à la capacité de MTW, elles seraient inexactes car elles se fonderaient sur l'hypothèse erronée selon laquelle le chantier naval produirait 2,5 pétroliers du type E 3. Sur ce point, les consultants de la Commission - et donc également la Commission elle-même - auraient fondé l'évaluation de la capacité sur la possibilité de transformer 102 500 tonnes d'acier par an, équivalant à une production de 2,5 pétroliers du type E 3, ce qui correspondrait, selon la Commission, à la capacité de 100 000 tbc par an allouée pour MTW. Cette méthode de calcul serait cependant trompeuse, pour plusieurs raisons.

134 D'une part, l'hypothèse selon laquelle MTW produirait uniquement des navires du type E 3 ne correspondrait pas à la réalité, ce que la Commission et MTW auraient reconnu lors de la procédure écrite en déclarant qu'elles étaient conscientes du fait que la production serait fondée sur une diversification des navires, incluant notamment des pétroliers E 3, des navires porte-conteneurs et des navires de passagers. De surcroît, il serait peu probable que MTW construirait des navires E 3 à l'avenir, étant donné que la demande sur le marché mondial serait inférieure à celle prévue, qu'il n'y aurait, semble-t-il, pas de commandes de pétroliers du type E 3 dans le carnet de commandes de MTW et que le port de Wismar ne serait actuellement pas suffisamment large pour permettre à un navire du type E 3 de sortir.

135 D'autre part, si l'on fondait les calculs sur une production de navires plus vraisemblable et prévisible, la capacité exprimée en tbc serait - toutes choses étant égales par ailleurs, notamment la transformation de 102 500 tonnes acier par an - supérieure à la limite autorisée de 100 000 tbc. En effet, il ressortirait du document C-WP6-SG (94) 8 de l'OCDE que si l'on utilisait les coefficients plus élevés d'autres types de navires, on obtiendrait un accroissement de la capacité en tbc, ce que les consultants de la Commission auraient reconnu. Selon les requérantes, un document présenté par elles à l'audience démontrerait que si l'on avait pris comme base de calcul d'autres gammes de produits, et notamment la gamme que MTW avait à l'origine l'intention de construire, la production du chantier naval, dans le cadre de la transformation d'acier autorisée, aurait dépassé les 100 000 tbc attribuées.

136 Enfin, les requérantes font grief à la Commission d'avoir appliqué à tort le coefficient des navires du type E 3 à coque simple (0,25), au lieu du coefficient des navires à coque double (0,30), ce dernier coefficient étant applicable lors de l'adoption de la décision litigieuse.

137 Le Gouvernement danois fait valoir que la Commission n'a pas garanti que la limite de capacité fixée par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), de la septième directive serait respectée à partir du 1er janvier 1996. Il conviendrait, dès lors, d'annuler la décision litigieuse.

138 S'agissant de la capacité totale des chantiers navals dans l'ancienne République démocratique allemande, le Gouvernement danois soutient entièrement l'argumentation des requérantes.

139 Quant à la capacité de MTW, il a estimé qu'au 31 décembre 1995 la capacité du chantier naval de MTW dépasserait 100 000 tbc. Sur la base d'un rapport établi par Carl Bro Industry & Marine A/S (ci-après "Carl Bro"), il a conclu que la capacité de MTW et la capacité totale dans l'ancienne République démocratique allemande s'élèveraient respectivement à environ 240 000 tbc et 576 000 tbc par an. Au soutien de cette thèse, il a avancé que les installations de production du chantier naval de MTW semblent surdimensionnées par rapport à la capacité autorisée et que les goulets d'étranglement installés sur le chantier n'ont pas d'importance réelle, les seuls goulets d'étranglement réellement limitatifs pour un chantier naval étant les grues et les docks. Dès lors, la réduction de capacité ne serait pas irréversible.

140 Enfin, le Gouvernement danois soutient que la capacité de MTW ne peut pas, contrairement à ce que pense la Commission, être contrôlée sur la base d'une limitation de la production d'acier, car il n'y aurait pas de lien constant entre le tonnage brut compensé, qui constitue la mesure de la production et de la capacité, et l'utilisation d'acier pour les différents types de navires. Sur cette question, il se rallie en substance à l'argumentation présentée par les requérantes.

141 La Commission rappelle, à titre liminaire, que le contrôle exercé par le juge communautaire sur les appréciations de la Commission devrait se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l'exactitude matérielle des faits et de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir. A cet égard, les requérantes n'auraient pas avancé d'éléments susceptibles de démontrer l'existence d'une erreur de fait sous-tendant la décision litigieuse ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

142 La Commission observe, toujours à titre liminaire, que l'affirmation des requérantes concernant la capacité future est prématurée. A supposer même que MTW procède à des changements ayant pour résultat d'augmenter la capacité, cela ne pourrait que constituer une violation de la décision litigieuse ayant pour effet que l'aide ne pourrait plus être considérée comme compatible avec le Marché commun. A cet égard, les autorités allemandes auraient eu jusqu'au 31 décembre 1995 pour procéder à la réduction globale de la capacité.

143 Le législateur communautaire aurait laissé à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'interprétation de la notion de capacité. L'interprétation de cette notion avancée par les requérantes ne serait pas utilisée habituellement dans le secteur et serait de toute façon contraire à l'intention du Conseil de maintenir, dans le secteur de la construction navale, une production viable capable de produire 327 000 tbc [545 000 tbc moins 40 %].

144 D'après la Commission, la capacité doit être comprise comme faisant référence à la production réalisable dans de bonnes conditions normales, eu égard aux installations disponibles. La notion aurait été appliquée de cette manière lors de l'estimation de la capacité figurant dans la directive 92-68, ce que les États membres auraient d'ailleurs approuvé. Les données pertinentes montreraient que, contrairement à l'affirmation des requérantes, les chantiers Est-allemands étaient en mesure de produire des quantités à peu près équivalentes à l'estimation de capacité pour 1990.

145 La Commission observe ensuite qu'elle a fait dépendre son approbation de l'aide au fonctionnement du maintien de plusieurs restrictions et goulets d'étranglement dans la production. Bien que les goulets d'étranglement soient par leur nature même temporaires, leur suppression ou leur contournement aurait seulement tendance à créer un ralentissement ailleurs dans la chaîne de production. Sur ce point, le rapport établi par le consultant des requérantes méconnaîtrait plusieurs réalités du chantier naval de MTW, lorsqu'il conclut que des goulets d'étranglement pourraient être supprimés à des coûts relativement bas.

146 S'agissant de la notion de "capacité", elle n'aurait pas été changée par la Commission, bien que la méthode d'estimation de cette capacité ait été quelque peu affinée entre l'évaluation faite pour 1990 et celle concernant la capacité future. La méthode employée différerait légèrement, parce que la Commission aurait disposé de beaucoup plus d'informations détaillées lors de l'évaluation de la capacité future.

147 Pour ce qui est du grief des requérantes relatifs à l'absence d'un calendrier pour la réduction de la capacité, la Commission observe qu'il n'est fondé sur aucun élément de preuve. Elle souligne que la lettre du 24 juillet 1992 adressée par les autorités allemandes à la Commission contenait un calendrier. En tout état de cause, il y aurait eu effectivement des réductions de capacité dans l'ancienne République démocratique allemande. Les requérantes n'auraient, dès lors, pas d'intérêt légitime à soulever ce grief.

148 En ce qui concerne les rapports d'expertise établis soit par Cushing, sur demande des requérantes, soit par Carl Bro, consultant du Gouvernement danois, ils n'auraient pas de valeur probante, car ils se fonderaient sur une connaissance très incomplète des données. De plus, les consultants n'auraient pas eu l'occasion de visiter le site et n'auraient pas eu accès aux plans d'investissement ou de conception.

149 La Commission conteste l'affirmation des requérantes selon laquelle elle aurait procédé à une évaluation inexacte en supposant que la production ne concernerait que des pétroliers du type E 3. Elle soutient qu'elle n'a jamais fait une telle supposition. Elle aurait été pleinement consciente du fait que la future gamme de produits ferait l'objet d'une diversification et comprendrait des pétroliers, des porte-conteneurs et des navires de passagers. Or, étant donné que MTW avait pour objectif de parvenir à une production maximale de 2,5 pétroliers du type E 3 par an, représentant 100 000 tbc, il aurait été naturel d'évaluer la production d'acier en fonction de ce type de navire. Au demeurant, les commandes actuelles de MTW ne seraient pas importantes, le bassin de construction n'étant pas encore prêt.

150 Enfin, la Commission fait remarquer qu'elle a, au départ, employé le coefficient applicable en 1992. Des raisons de sécurité juridique l'auraient donc empêchée de faire usage, à la fin du processus de conception, de nouveaux coefficients négociés entre-temps.

151 Le Gouvernement allemand affirme, tout d'abord, qu'il s'est engagé vis-à-vis de la Commission à ce que les chantiers respectent les plans d'investissement et de construction présentés à l'expert indépendant de la Commission et approuvés par lui, afin d'assurer que les plafonds fixés pour les différents chantiers navals ne soient pas dépassés.

152 Il fait ensuite valoir que les chiffres de la production des chantiers navals dans l'ancienne République démocratique allemande ont été déterminés dans des études réalisées par DMS Deutsche Maschinen-und Schiffbau AG (ci-après "DMS") en collaboration avec les différents chantiers. Les divergences de chiffres de production avant la réunification pourraient s'expliquer par le fait que l'ancienne République démocratique allemande ne fournissait pas d'informations à une organisation multilatérale et que l'industrie ne faisait pas non plus de déclarations formelles à une association professionnelle.

153 Il s'ensuivrait que, avec les installations et les salariés disponibles dans des conditions favorables mais normales, les chantiers navals auraient pu avoir une production effective de l'ordre de 545 000 tbc par an dans la dernière phase de l'ancienne République démocratique allemande, la capacité s'établissant plutôt à environ 600 000 tbc.

154 Enfin, le Gouvernement allemand se rallie à l'estimation de la Commission selon laquelle la capacité d'un chantier naval doit être calculée sur la base de 1,7 équipe par jour. En effet, selon des recherches de l'association Verband fuer Schiffbau und Meerestechnik eV, la moyenne dans l'industrie allemande serait de 1,2 équipe de travailleurs par jour. Le Gouvernement fédéral relève, en outre, que l'aménagement des eaux du port de Wismar devait commencer au cours de la seconde moitié de l'année 1995. Selon lui, cet aménagement devait permettre par la suite à des pétroliers du type E 3 d'atteindre Wismar.

155 Selon la partie intervenante MTW, le fait qu'elle soit, le cas échéant, en mesure de produire plus de 100 000 tbc - quod non - est indifférent au regard de l'article 10 bis de la septième directive. En effet, le paragraphe 2, sous c), dudit article n'exigerait qu'une réduction générale de la capacité dans l'ancienne République démocratique allemande. En conséquence, il n'obligerait pas la Commission à veiller à ce que la capacité du chantier de la partie intervenante, prise séparément, soit réduite.

156 Étant donné que les requérantes n'auraient pas démontré que les autres chantiers Est-allemands dépasseraient ou utiliseraient en totalité la capacité qui leur a été allouée, de telle sorte qu'un dépassement de la capacité chez la partie intervenante entraînerait un dépassement de la limite générale de 327 000 tbc, les allégations des requérantes quant à la capacité individuelle du chantier de la partie intervenante seraient dépourvues de pertinence.

157 MTW observe ensuite que l'échéance prévue par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), pour mener à terme la réduction de capacité était le 31 décembre 1995. La Commission n'aurait donc pas été tenue, lors de l'adoption de la décision litigieuse, de déclarer une aide incompatible avec le Marché commun au motif qu'une réduction de capacité, non obligatoire à cette date, n'aurait pas été garantie. En outre, la disposition susvisée n'exigerait pas, stricto sensu, que la capacité soit réduite de 40 %, mais seulement que le Gouvernement allemand s'engage à procéder à cette réduction. Le Gouvernement allemand ayant exprimé son accord, cette condition précitée aurait été remplie. En conséquence, les moyens relatifs à la réduction de capacité ne seraient pas fondés.

158 S'agissant de la référence aux pétroliers du type E 3 comme base de calcul de la capacité, MTW fait valoir que l'argumentation des requérantes repose sur plusieurs erreurs d'interprétation. Premièrement, le dock serait conçu pour permettre la construction de navires du type E 3. Deuxièmement, le Gouvernement allemand projetterait déjà l'élargissement du port de Wismar, afin de permettre l'accès des grands navires, la fin de ces travaux étant prévue pour 1997. Troisièmement, il serait inexact d'affirmer que MTW n'a jamais eu l'intention de construire des pétroliers du type E 3. En effet, MTW serait le seul chantier naval au sein du groupe Bremer Vulkan conçu pour construire des navires du type E 3. Le carnet de commandes de MTW, invoqué par les parties requérantes, n'aurait pas de pertinence, car tous les navires qui y étaient inscrits devaient être achevés et livrés en février 1996, c'est-à-dire avant l'achèvement de la nouvelle installation de production.

- Appréciation du Tribunal

159 Le Tribunal considère que l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), de la septième directive doit être interprété en ce sens qu'il n'exigeait qu'une réduction générale de 40 % de la capacité totale de production dans l'ancienne République démocratique allemande, c'est-à-dire une réduction de 545 000 à 327 000 tbc, avant le 31 décembre 1995.

160 En conséquence, il découle de l'article 10 bis que, d'une part, la Commission n'était pas tenue de s'assurer, lors de l'adoption de sa décision, que la capacité du chantier de MTW, prise séparément, serait réduite ou limitée à 100 000 tbc et que, d'autre part, elle était en droit, en 1994, d'approuver le versement de la seconde tranche en se fondant uniquement sur des engagements du Gouvernement allemand relatifs à une répartition de capacité entre les chantiers Est-allemands et à une réduction de la capacité totale avant la fin de l'année 1995.

161 A ce propos, il y a lieu de constater que, sous réserve de l'obligation de respecter l'échéance du 31 décembre 1995 en ce qui concerne la réduction de capacité de 40%, le Gouvernement allemand était à l'époque seul compétent pour répartir la capacité totale entre les différents chantiers navals Est-allemands et, en conséquence, pour attribuer à MTW une capacité maximale de 100 000 tbc ou plus par an.

162 Il ressort du rapport de la Commission du 1er avril 1993 (voir ci-dessus au point 9) que, en application de la dérogation prévue par la directive 92-68, le Gouvernement allemand avait effectivement accepté de réduire la capacité avant la fin de l'année 1995 et qu'il avait indiqué une répartition de la capacité future entre les chantiers Est-allemands.

163 Il est vrai, comme l'a fait remarquer la Commission à l'audience, que si le bénéficiaire MTW avait, postérieurement à l'adoption de la décision litigieuse, procédé à des changements au sein du chantier naval ayant pour effet un dépassement de la limite totale de la capacité octroyée aux chantiers navals Est-allemands, une telle circonstance n'aurait pas affecté la légalité de la décision, qui doit être appréciée au moment où elle a été prise (arrêt de la Cour du 7 février 1973, Schroeder, 40-72, Rec. p. 125). Une telle circonstance pourrait, le cas échéant, conduire la Commission à adopter une nouvelle décision constatant une violation des conditions énoncées par l'article 10 bis et demander, ensuite, la restitution de l'aide en question.

164 Toutefois, il y a lieu de constater que la Commission, en l'espèce, a pris sa décision en se fondant sur le fait que la capacité future de MTW ne dépasserait pas les 100 000 tbc allouées par le Gouvernement allemand. A cet égard, elle a, au cours de la procédure administrative, procédé à des vérifications techniques avec l'aide d'experts indépendants, afin de s'assurer que ladite limite de capacité serait respectée.

165 Ainsi, il ressort de la décision litigieuse que "bien que l'examen technique auquel a procédé, pour la Commission, un consultant indépendant, ait montré que la capacité de construction de MTW pourrait à peine dépasser ce que le Gouvernement allemand avait fixé à ce chantier (100 000 tbc) par rapport à la capacité maximale disponible en Allemagne de l'Est (327 000 tbc), on a considéré qu'il était nécessaire de maintenir un contrôle tant que durerait la poursuite du projet d'investissement, afin que la limitation de capacité de construction fût respectée".

166 La décision litigieuse subordonne ensuite l'approbation de l'aide aux engagements du Gouvernement allemand visant à ce que MTW ne dépasse pas la production maximale autorisée de 102 500 tonnes d'acier, que la longueur du bassin de construction ne dépasse pas 366 mètres et que la partie du bassin prévue à l'origine pour la construction en tandem disparaisse. Dans ce contexte, il est également utile de relever que la Commission, lors de l'audience, a affirmé que, au moment où la décision litigieuse a été adoptée, c'est-à-dire plus d'un an et demi avant que la période de restructuration ne soit terminée, elle était obligée de se fonder sur les engagements pris par le Gouvernement allemand. Elle a ajouté que, selon elle, à partir du moment où les autorités allemandes avaient pris ces engagements, en particulier en ce qui concerne la capacité de MTW, celles-ci ne pouvaient plus changer l'attribution de capacité sans autorisation préalable de la Commission.

167 Dans ces circonstances, le Tribunal considère que le bien-fondé de la présente branche du moyen dépend, comme la Commission l'a d'ailleurs reconnu lors de l'audience, de la question de savoir si les requérantes sont en mesure d'avancer des éléments susceptibles de mettre en évidence que la Commission, en considérant à l'époque que la limitation de capacité à 100 000 tbc par an serait respectée, a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits ou s'est fondée sur des faits matériels inexacts.

168 Avant de vérifier si tel a été le cas, il convient de rappeler que, dans le cadre d'un recours en annulation, il appartient uniquement au juge communautaire de vérifier si la décision litigieuse est entachée d'une des causes d'illégalité prévues à l'article 173 du traité, sans pouvoir substituer son appréciation en fait à celle de l'auteur de la décision (arrêt Matra/Commission, précité, point 23).

169 Bien que le rôle de la Commission, aux fins de l'appréciation de la compatibilité d'aides au fonctionnement sous le régime dérogatoire instauré par la directive 92-68, soit limité à la vérification du respect des conditions énoncées par l'article 10 bis de la septième directive (voir ci-dessus les points 92 à 94 et l'arrêt du 18 mai 1993, Belgique/Commission, précité, point 33), la Commission jouit néanmoins d'un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne les appréciations des éléments de fait sous-tendant l'estimation de la capacité future de MTW (voir, dans le même sens en ce qui concerne l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité, l'arrêt Matra/Commission, précité, l'arrêt de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142-87, Rec. p. I-959, et l'arrêt du Tribunal du 13 septembre 1995, TWD/Commission, T-244-93 et T-486-93, Rec. p. II-2265).

170 Dans des affaires qui, comme celle en l'espèce, mettent en jeu une appréciation économique et technique complexe, le contrôle exercé par le juge communautaire doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 4487, point 62; arrêts du Tribunal du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T-17-93, Rec. p. II-595, point 104, et du 8 juin 1995, Schoeller/Commission, T-9-93, Rec. p. II-1611, point 140).

171 C'est à la lumière de cette jurisprudence qu'il convient d'examiner les griefs soulevés à l'encontre de la décision litigieuse.

172 En ce qui concerne le grief selon lequel la Commission aurait mal interprété la notion de capacité, force est de constater que la directive 92-68 ne contient pas de définition de cette notion. Il s'ensuit, comme la Commission l'a remarqué à juste titre, que le législateur communautaire lui a laissé une certaine marge d'appréciation en la matière.

173 A cet égard, il convient de constater qu'il ressort du dossier qu'il n'existe pas, dans le secteur, de définition unique et communément acceptée de la "capacité". Ainsi, un mémorandum du 12 octobre 1994, produit par la Commission et établi par l'association des constructeurs de navires de l'Europe de l'Ouest et par l'association japonaise des constructeurs de navires sur la question de la capacité de la construction navale dans le monde, met en lumière la diversité des notions de capacité utilisées dans le secteur.

174 Le Tribunal considère que le document de l'OCDE invoqué par les requérantes, qui a défini la "available national capacity" comme la "capacité maximale utilisable pour la construction de navires marchands, compte tenu des possibilités physiques et de toutes les limitations légales et administratives en la matière", ne confirme pas la thèse des requérantes selon laquelle la "capacité" serait la production maximale du chantier dans des conditions optimales. D'une part, comme l'a fait remarquer la Commission à l'audience, le document de l'OCDE fait référence à la "capacité maximale", alors que l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), de la septième directive emploie le terme "capacité". D'autre part, selon la définition de l'OCDE, il convient de tenir compte des possibilités physiques et de toutes les limitations légales et administratives en la matière, ce qui correspond plutôt à la définition de la Commission selon laquelle la capacité équivaut à la production réalisable dans de bonnes conditions normales, eu égard aux installations disponibles. En tout état de cause, la définition de l'OCDE ne saurait lier la Commission en l'espèce, étant donné qu'elle est utilisée dans un autre contexte, à savoir à des fins statistiques.

175 La thèse des requérantes selon laquelle leur propre interprétation de la notion de "capacité" résulterait également de la communication du 25 mai 1992 ne saurait non plus être accueillie. En effet, si l'estimation de la capacité dans l'ancienne République démocratique allemande au 1er juillet 1990 était fondée sur un "calcul des ressources, en comparant les heures-homme nécessaires pour construire un navire avec les heures-homme disponibles", c'était uniquement parce que très peu d'informations fiables étaient disponibles en ce qui concerne la construction navale est-allemande pendant la période antérieure à juillet 1990.

176 Étant donné que la charge de la preuve est impartie aux parties requérantes lorsqu'elles contestent l'interprétation de la Commission adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, il y a lieu d'écarter comme moyen de preuve les documents auxquels les requérantes font référence à l'appui de leur interprétation, à savoir le document n° 7049-92 du Conseil, du 10 juin 1992, et le document DG III.C.3 de la Commission, du 4 février 1985, ceux-ci n'ayant pas été soumis devant le Tribunal.

177 Le Tribunal estime, dès lors, que les requérantes n'ont pas présenté d'éléments de nature à démontrer que la Commission a outrepassé son pouvoir d'appréciation en interprétant la notion de capacité comme étant la production réalisable dans de bonnes conditions normales, eu égard aux installations disponibles.

178 En ce qui concerne le grief tiré d'une prétendue modification de cette interprétation au cours de la procédure administrative, le Tribunal constate qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des chiffres de production des chantiers navals Est-allemands (pendant la période 1975-1990), établis après la réunification par DMS, en collaboration avec les différents chantiers navals Est-allemands, que la production moyenne pendant les années précédant l'année 1990 était plus ou moins égale à l'estimation de la capacité à 545 000 tbc faite par DRT Europe, consultant de la Commission, et retenue ensuite par le Conseil. Le Tribunal estime qu'il ressort de ces données que l'estimation de la capacité en 1990 correspondait, en fait, à la production réalisable dans de bonnes conditions normales, eu égard aux installations disponibles, conformément à l'interprétation de la notion de capacité retenue par la Commission. A cet égard, le Tribunal considère que c'est à juste titre que la Commission a affiné sa méthode d'estimation de la capacité au fur et à mesure que les projets d'investissement se sont développés et que les données et les informations ont été plus détaillées.

179 Les chiffres de production contenus dans le rapport de la Commission du 8 novembre 1991 sur l'état de l'industrie de la construction navale dans la Communauté [SEC (91) 2057 final], sur lesquels les requérantes s'appuient pour soutenir leur grief, ne sont pas susceptibles de modifier cette appréciation, parce qu'ils sont moins précis. En effet, il ressort de la réponse de la Commission aux questions écrites posées par le Tribunal que les chiffres de production figurant dans ledit rapport ont été recueillis par Lloyds Maritime Information Service, laquelle, en tant que société occidentale, a rencontré des difficultés pour obtenir des chiffres fiables, puisque l'ancienne République démocratique allemande n'avait pas fourni d'indications à une organisation multilatérale et que l'industrie est-allemande n'avait pas fait de déclarations formelles à une association professionnelle.

180 Le Tribunal considère, dès lors, que les requérantes n'ont pas établi que la Commission a modifié son interprétation de la notion de capacité au cours de la procédure administrative.

181 En ce qui concerne les griefs relatifs à l'appréciation de la capacité future de MTW, il y a lieu de souligner que la Commission a procédé à une analyse économique complexe de la capacité sur la base, notamment, d'une étude effectuée par des consultants externes, à savoir Appledore. A cet égard, il ressort du deuxième rapport de la Commission du 1er avril 1993 sur le contrôle de la privatisation dans les nouveaux Laender, que Appledore a évalué la capacité des trois chantiers navals privatisés, dont MTW. Selon les données recueillies par Appledore, les plafonds de capacité seraient respectés en raison de l'existence des différents goulets d'étranglement dans la production. Appledore a finalement estimé, après différentes vérifications techniques, que le chantier de MTW devrait avoir une productivité proche ou même supérieure aux "meilleures normes européennes", avant qu'il ne puisse produire 100 000 tbc par an.

182 A ce propos, la Commission a fait valoir, lors de la procédure écrite, que la limitation de la capacité serait assurée si le chantier était conçu de façon que les autres installations soient équilibrées par des goulets d'étranglement. Bien que les goulets d'étranglement soient par leur nature même temporaires, leur suppression ou leur contournement aurait seulement tendance à créer un ralentissement ailleurs dans la chaîne de production, ce qui aurait pour effet une diminution du rendement optimal. Les consultants de la Commission ont souligné, à cet égard, qu'il est quasi impossible de concevoir une installation de production sans goulets d'étranglement.

183 En réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, la Commission a affirmé que, selon le dernier examen des goulets d'étranglement (effectué au mois d'août 1995), les tables de façonnement et les zones d'assemblage des blocs constitueront les premiers goulets d'étranglement. Elle a ajouté que d'autres infrastructures clés, telles que les docks, les grues et les zones d'assemblage des unités, ont fait l'objet d'un examen destiné à déterminer l'utilisation prévue en termes de temps de cycle, à savoir la durée nécessaire pour accomplir une tâche particulière à telle ou telle infrastructure. Il résulterait de ces examens que Appledore n'a faits état d'aucun excédent de capacité dans quelque secteur que ce soit. De plus, les consultants de la Commission sont d'avis que, si la plupart des chantiers navals peuvent augmenter leur niveau de production chaque fois que nécessaire en utilisant des méthodes intensives de fonctionnement à faible coût, dès lors qu'ils disposent de l'espace approprié, MTW ne dispose pas en revanche de grandes surfaces ouvertes susceptibles d'être utilisées pour accroître la production d'acier.

184 Étant donné qu'il faut comprendre par la notion de capacité, au sens de la directive 92-68, la production réalisable dans de bonnes conditions normales, eu égard aux installations disponibles, le Tribunal considère qu'il y a lieu d'admettre l'argumentation de la Commission selon laquelle la capacité peut être limitée grâce au maintien de plusieurs restrictions et goulets d'étranglement dans la production.

185 Il y a lieu de constater que les requérantes n'ont pas avancé d'éléments de preuve de nature à démontrer que les consultants de la Commission ont commis une erreur manifeste d'appréciation des faits ou qu'ils se sont fondés sur des faits matériels inexacts lors de leurs évaluations techniques de l'ensemble des installations.

186 A cet égard, le Tribunal considère que les deux rapports d'expertise produits par les requérantes et le Gouvernement danois ne remettent pas en cause les appréciations portées par les consultants de la Commission sur la capacité de MTW, lesdits rapports ayant d'ailleurs adopté des méthodes nettement distinctes pour estimer la capacité.

187 En effet, le Tribunal constate, d'une part, que les experts engagés pour établir ces deux rapports sont spécialisés dans la conception de navires et non pas dans la conception de chantiers navals et, d'autre part, que les deux rapports se fondent sur une connaissance incomplète des données, ce qui est d'ailleurs reconnu dans le rapport Cushing. En particulier, Cushing s'appuie dans une large mesure sur des rapports, des notes de réunions et d'autres documents relatifs au projet de déménagement de MTW qui a été ensuite abandonné. De plus, ni Cushing ni Carl Bro n'ont eu l'occasion de visiter le site du chantier naval et ils n'ont pas eu accès aux plans d'investissement ou de conception. Selon Appledore, les estimations et conclusions du rapport Cushing contiennent en conséquence plusieurs inexactitudes, notamment en ce qui concerne le nombre d'employés directement affectés à la production, la superficie de production du chantier et la taille de la nouvelle cale. Dans ces circonstances, le Tribunal considère que les rapports n'établissent pas que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation.

188 Pour ce qui est du grief tiré du recours à la production de pétroliers du type E 3 comme base de calcul de la production maximale d'acier, il ressort de la décision litigieuse que l'approbation de l'aide est subordonnée à la condition que la production maximale autorisée de 102 500 tonnes d'acier ne soit pas dépassée. Cette production a été calculée sur la base d'une construction de 2,5 pétroliers du type E 3.

189 Les requérantes font valoir que les estimations de la Commission sont trompeuses, car si l'on fonde les calculs sur une gamme variée de navires plus vraisemblable et prévisible, par exemple sur une production comprenant, notamment, des pétroliers E 3, des navires porte-conteneurs et des navires de passagers, comme MTW avait eu l'intention d'en produire à l'origine, la capacité calculée sur la base d'une transformation de 102 500 tonnes d'acier par an serait supérieure à la limite autorisée de 100 000 tbc.

190 À cet égard, le Tribunal constate qu'il n'est pas contesté par les requérantes que les travaux de conception sur le chantier de MTW ont mis l'accent sur les pétroliers du type E 3. Il ressort d'ailleurs du dossier que le dock, qui sera opérationnel en novembre 1997, a été conçu pour la construction de pétroliers du type E 3. Dans les réponses aux questions posées par le Tribunal, il a été précisé qu'il est prévu d'achever à la fin de l'année 1997 des travaux d'agrandissement des chenaux qui permettront à des pétroliers de grande taille, tels que les pétroliers du type E 3, de quitter le port de Wismar.

191 Il y a ensuite lieu de constater que, s'il est vrai, comme la Commission l'a d'ailleurs reconnu, que la production d'une autre gamme de produits pourrait entraîner un dépassement de la capacité maximale de 100 000 tbc - la production de 102 500 tonnes d'acier étant égale par ailleurs, il ressort du dossier que cette situation est purement théorique, car l'argumentation des requérantes se fonde sur l'hypothèse erronée de la possibilité pour le chantier naval de traiter la même quantité d'acier, quelle que soit la complexité du traitement en question.

192 En effet, il ressort de la réponse de la Commission aux questions posées par le Tribunal que la production maximale d'acier (soit 102 500 tonnes) ne peut être atteinte que dans l'hypothèse où le chantier ne produit que des pétroliers du type E 3.

193 Selon la Commission, cela s'explique par le fait que si le chantier prenait la décision de produire des navires plus petits et plus complexes, par exemple des navires porte-conteneurs, des transbordeurs et des navires de passagers, ses capacités de traitement de l'acier s'en trouveraient inévitablement affectées. En effet, en règle générale, des navires de ce type utilisent des plaques d'acier d'une épaisseur considérablement inférieure, ce qui réduit la quantité d'acier nécessaire sans pour autant inévitablement réduire le nombre de plaques à utiliser. De surcroît, le nombre plus élevé de plaques incurvées et les exigences profondément différentes en matière d'armement augmenteraient notamment le temps de travail et le temps d'attente à chaque étape de la production et auraient donc une incidence considérable sur la capacité globale de traitement de l'acier.

194 En conséquence, la production et le traitement de plaques d'acier pour lesquelles le chantier naval n'est pas conçu conduiraient rapidement, selon la Commission, à la saturation de certains secteurs de la production. Les ateliers de peinture, par exemple, constitueraient un frein, parce que le même nombre d'ateliers de peinture devrait pouvoir faire face à un débit plus important, car les unités à traiter tendraient à être de plus petite taille, alors que leur nombre serait plus élevé. De même, le nombre de pièces complexes, même si elles impliquent une plus petite quantité d'acier, tendrait à absorber une quantité plus importante d'heures-homme pour l'armement et à allonger la période passée dans certains secteurs de production du chantier.

195 Vu que requérantes n'ont pas avancé d'éléments de fait suffisants pour sérieusement mettre en cause ces affirmations relatives à la production d'acier, le Tribunal considère, dès lors, qu'il convient de rejeter le grief relatif à la référence aux navires du type E 3 comme base des calculs.

196 S'agissant, ensuite, du grief des requérantes selon lequel la Commission aurait, à tort, appliqué le coefficient tbc de l'OCDE correspondant aux navires du type E 3 à coque simple (0,25) au lieu du coefficient pour les navires à coque double (0,30), il y a lieu d'accueillir l'argumentation de la Commission selon laquelle le principe de sécurité juridique l'empêchait de faire usage, à la fin du processus de conception, de nouveaux coefficients négociés entre-temps, le coefficient applicable lors de l'estimation de la capacité en 1992 étant 0,25. En tout état de cause, il résulte du dossier et des plaidoiries des parties que, bien qu'il ait été applicable à partir du 1er janvier 1993, le nouveau coefficient applicable pour les navires à coque double (0,30) n'a pas été publié avant le mois de juin 1994.

197 Enfin, en ce qui concerne les griefs des requérantes tirés des violations des règles de procédure, à savoir l'omission du Gouvernement allemand de produire le calendrier visé par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), de la septième directive et le dépôt tardif du premier rapport "spill-over", il suffit de constater que, à supposer même que de telles violations soient établies, les requérantes n'ont pas démontré que, en l'absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission, précité, et arrêt Distillers Company/Commission, précité). De surcroît, elles n'ont pas été en mesure de contester l'affirmation de la Commission selon laquelle il y aurait eu en tout état de cause des réductions de capacité dans l'ancienne République démocratique allemande. Dans ces circonstances, il convient de rejeter le grief comme non fondé.

198 Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du moyen.

199 S'estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, le Tribunal considère qu'il n'y a pas lieu d'ordonner, à la demande des requérantes, la production, d'une part, de la notification par les autorités allemandes du 2 octobre 1992, ainsi que de la lettre du 4 décembre 1992 du Gouvernement allemand, y compris le contrat de vente de MTW conclu entre la Treuhandanstalt et Bremer Vulkan et, d'autre part, de la lettre du Gouvernement allemand du 24 juillet 1992. Les requérantes ont demandé la production de ces documents au motif qu'ils comporteraient des renseignements portant sur la limite de capacité, laquelle serait l'un des points clés de l'affaire. Or, les requérantes ne contestant pas que le Gouvernement allemand s'est engagé vis-à-vis de la Commission à ce que la capacité future de MTW soit limitée à 100 000 tbc, la production des documents sollicités n'est pas indispensable au contrôle de la légalité de la décision litigieuse (ordonnance de la Cour du 11 décembre 1986, ICI/Commission, 212-86, non publiée au Recueil, point 4).

200 En ce qui concerne la demande d'expertise, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, en l'absence de tout indice de nature à mettre en cause sa validité, la décision litigieuse doit bénéficier de la présomption de validité qui s'attache aux actes communautaires (arrêt de la Cour du 1er avril 1982, Duerbeck/Commission, 11-81, Rec. p. 1251). Dès lors, si les requérantes ne sont pas en mesure de produire des indices de nature à mettre en cause cette présomption, il n'appartient pas au Tribunal d'ordonner des mesures d'instruction. Compte tenu du fait que les rapports d'expertise établis par les requérantes et le Gouvernement danois, comme jugé ci-dessus au point 186, ne permettent pas de mettre en cause les appréciations portées sur la capacité de MTW et que les requérantes n'ont pas produit d'éléments de nature à faire présumer que la Commission aurait pu commettre des erreurs manifestes d'appréciation, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise.

Sur la troisième branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), de la septième directive, en ce que la Commission aurait accordé la possibilité d'augmenter la capacité après cinq ou dix ans

201 Les requérantes font valoir que la Commission a violé l'article 10 bis, paragraphe 2, sous c), de la septième directive qui exige une réduction réelle et irréversible de la capacité, en acceptant que la capacité puisse être augmentée respectivement après cinq ans, avec l'accord de la Commission, ou après dix ans, sans cet accord. Selon elles, on ne pourrait appliquer le principe figurant à l'article 7 de la septième directive, car cet article ne concernerait que l'aide à la fermeture. En l'espèce, il s'agirait, en revanche, de créer un chantier plus moderne en augmentant la capacité jusqu'à 100 000 tbc.

202 Le Tribunal constate que la décision litigieuse dispose que "la limitation de capacité s'applique pour une durée de dix ans à compter de la fin de la restructuration. Après cinq années, l'Allemagne peut demander à la Commission de lever la limitation de capacité".

203 L'article 10 bis ne contient pas une définition des termes "réduction de capacité réelle et irréversible" qu'il utilise en son paragraphe 2, sous c). Il convient donc d'interpréter ces termes à la lumière des autres dispositions de la septième directive.

204 En ce qui concerne les aides à la fermeture, l'article 7, paragraphe 1, premier et deuxièmes alinéas, de la septième directive, dispose:

"Les aides destinées à couvrir les coûts normaux entraînés par la fermeture partielle ou totale de chantiers de construction ou de réparation navales peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun, à condition que la réduction des capacités qui en résulte soit réelle et irréversible.

Afin de s'assurer de la nature irréversible des fermetures faisant l'objet d'aides, l'État membre concerné veille à ce que les installations de construction et de réparation navales restent fermées pendant une période qui ne peut être inférieure à cinq ans."

205 Il ressort de l'article 7 de la septième directive qu'une fermeture doit être considérée comme irréversible lorsqu'elle dure plus de dix ans. Le cas échéant, la Commission peut autoriser une réouverture après cinq ans. En effet, le paragraphe 1, quatrième alinéa, dudit article prévoit que "si, au terme d'une période de cinq ans, mais avant le dixième anniversaire de la fermeture, un État membre souhaite procéder à la réouverture d'une installation de construction et de réparation navales, il doit obtenir l'accord préalable de la Commission".

206 Le Tribunal considère qu'il faut interpréter de la même manière l'expression "réduction de capacité réelle et irréversible" dans le cadre de l'article 10 bis. S'agissant d'une réduction de la capacité totale des chantiers navals Est-allemands, l'argument des requérantes selon lequel les principes découlant de l'article 7 ne s'appliqueraient pas parce que la capacité de MTW serait augmentée est donc dénué de pertinence.

207 Dès lors, il y a lieu de rejeter la troisième branche du moyen.

208 Partant, l'ensemble de ce moyen, tiré d'une violation des conditions énoncées par l'article 10 bis, paragraphe 2, de la septième directive, doit être rejeté.

Sur le moyen tiré d'une violation des formes substantielles

209 Le moyen s'articule en deux branches. D'une part, la décision litigieuse ne serait pas suffisamment motivée. D'autre part, la Commission ne se serait pas procuré les rapports "spill-over" exigés par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous d), de la septième directive.

Sur la première branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 190 du traité

- Arguments des parties

210 Les requérantes font valoir que la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation. Elles rappellent que, en vertu d'une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle (arrêt du Tribunal du 28 septembre 1995, Sytraval/Commission, T-95-94, Rec. p. II-2651, point 52, actuellement objet d'un pourvoi devant la Cour sous le n° C-367-95 P). D'après les requérantes, il est important que la motivation d'une décision contienne les informations nécessaires pour toute partie tierce y ayant un intérêt (arrêt de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296-82 et 318-82, Rec. p. 809).

211 Les requérantes admettent que la motivation d'une décision peut, le cas échéant, être brève (arrêt de la Cour du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24-62, Rec. p. 129). Toutefois, il existerait certaines limites, ainsi que l'on pourrait le déduire de l'arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission (323-82, Rec. p. 3809, point 35), lequel présenterait certaines similitudes avec le cas d'espèce. L'article 10 bis de la septième directive et la décision du 23 décembre 1992 aurait exigé un certain nombre de conditions spécifiques pour que la Commission puisse donner un avis favorable à la seconde tranche d'aide. En conséquence, la Commission aurait dû expliquer, lors de l'adoption de la décision litigieuse, pourquoi elle considérait ces conditions remplies.

212 En particulier, il ne résulterait pas de la décision litigieuse 1) que la nécessité de l'aide avait été prouvée par le relevé des pertes sur les contrats en cours (arrêt Intermills/Commission, précité, point 33), 2) que le Gouvernement allemand, d'une manière claire, s'était engagé à procéder à une réduction réelle et irréversible de 40 % de la capacité des chantiers navals dans l'ancienne République démocratique allemande, 3) que le plafond fixé par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous a), avait été respecté, 4) que la seconde tranche de l'aide avait été payée avant le 31 décembre 1993, 5) que la Commission avait bien reçu tous les rapports "spill-over" et, enfin, 6) que la Commission s'était assurée qu'aucune aide ultérieure ne serait octroyée à la production. En outre, la Commission aurait omis d'indiquer, dans la décision litigieuse, que l'aide avait été d'ores et déjà payée par les autorités allemandes avant le 31 décembre 1993. Selon les requérantes, la Commission ne pouvait se borner à déclarer que les conditions énoncées par l'article 10 bis, paragraphe 2, de la septième directive avaient été respectées (arrêt Intermills/Commission, précité, point 35).

213 Se référant aux motifs fournis par la Commission au stade du mémoire en défense, les requérantes soulignent ensuite qu'il ne peut être remédié à une motivation insuffisante après l'introduction d'un recours (arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195-80, Rec. p. 2861).

214 Bien qu'elles aient été conviées à des réunions au cours desquelles l'affaire a été discutée en détail, les requérantes affirment qu'elles n'ont pas, à ces occasions, obtenu des renseignements sur les raisons de fait et de droit pour lesquelles l'aide a finalement été jugée compatible. Elles n'auraient été informées que de la taille et du projet de déménagement du chantier.

215 Les requérantes contestent par ailleurs la pertinence de la jurisprudence invoquée par la Commission (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19, et arrêt du 18 mai 1993, Belgique/Commission, précité). En particulier, le dernier arrêt ne déchargerait pas la Commission de l'obligation qui lui incombait en vertu de l'article 190 du traité.

216 Enfin, en ce qui concerne l'article 10 bis, paragraphe 3, de la septième directive, les requérantes soutiennent que la Commission n'a pas, comme elle était tenue de le faire, précisé dans la décision litigieuse si elle considérait ou non que l'aide accordée était compatible avec l'intérêt commun.

217 Le Gouvernement danois soutient que les exigences de motivation doivent être plus élevées en cas de décision individuelle, comme dans le cas d'espèce, que pour des actes généraux.

218 Il considère ensuite que la décision litigieuse ne donne pas aux parties intéressées une possibilité suffisante de comprendre la situation juridique ainsi créée et de contrôler sa légalité (arrêt Sytraval/Commission, précité). Outre les griefs soulevés par les requérantes, le Gouvernement danois ajoute en particulier 1) qu'il ne ressort pas de la lettre du 18 mai 1994 qu'il s'agit d'une décision, 2) que la décision litigieuse ne comporte aucune référence claire à la base juridique, 3) que la décision ne contient pas d'énumération précise des engagements pris par le Gouvernement allemand, 4) que la description des limitations de capacité exigées serait décousue et incohérente, 5) que, eu égard au fait que les parties intéressées devraient pouvoir exiger une motivation particulièrement appropriée en matière d'aides d'État la décision ne fait pas apparaître si la Commission a entrepris la moindre enquête supplémentaire sur les conséquences, pour tout le secteur de la construction navale, de l'aide envisagée, et, enfin, 6) que la décision contient des informations qui ne sont pas pertinentes et n'ont aucun lien avec la décision litigieuse.

219 À supposer que la Commission puisse, selon la jurisprudence, se limiter à déclarer que les conditions énoncées par les dispositions dérogatoires en question ont été respectées (arrêt du 18 mai 1993, Belgique/Commission, précité), elle n'aurait même pas satisfait à cette exigence réduite. Dès lors, il conviendrait d'annuler la décision litigieuse pour défaut de motivation (arrêt de la Cour du 17 janvier 1995, Publishers Association/Commission, C-360-92 P, Rec. p. I-23).

220 La Commission fait valoir que l'obligation de motiver un acte particulier, consacrée par l'article 190 du traité, dépend, d'une part, de la nature de l'acte en cause et, d'autre part, du contexte dans lequel il a été adopté (arrêt de la Cour du 11 janvier 1973, Pays-Bas/Commission, 13-72, Rec. p. 27, point 11).

221 En ce qui concerne la nature de la décision litigieuse, la Commission allègue que son rôle était limité à vérifier si les conditions spécifiques visées à l'article 10 bis de la directive étaient remplies. Dans ces conditions, elle aurait pu se limiter à déclarer qu'elle avait vérifié que ces conditions étaient remplies, ce qu'elle aurait effectivement fait.

222 S'agissant du contexte dans lequel la décision litigieuse a été adoptée, la Commission fait valoir que, eu égard au rôle très actif joué par les requérantes au cours de la procédure administrative, celles-ci étaient pleinement au courant de toutes les raisons de fait et de droit qui l'ont amenée à estimer que l'aide était compatible avec le Marché commun. Il conviendrait, dès lors, de rejeter les griefs formulés par les requérantes. La défenderesse se réfère à cet égard aux conclusions de l'avocat général M. Lenz sous l'arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission (62-87 et 72-87, Rec. p. 1573). Selon elle, la jurisprudence de l'arrêt Michel/Parlement, précité, n'est donc pas pertinente, les requérantes ayant été informées, avant que la décision litigieuse ne soit arrêtée, de tous les motifs importants pour lesquels la Commission a finalement jugé l'aide compatible avec le Marché commun.

223 Quant aux griefs soulevés spécifiquement par le Gouvernement danois, la Commission observe, en premier lieu, qu'elle a pour pratique, dans le domaine des aides d'État, d'envoyer à l'État membre concerné, à fin de notification, une copie de la décision prise par le collège des commissaires sous la forme d'une lettre. De surcroît, il ressortirait du libellé de la lettre du 18 mai 1994, qui constitue la décision litigieuse, qu'il s'agit bien d'une décision. En deuxième lieu, contrairement à ce qu'avance le Gouvernement danois, la lettre mentionnerait à la fois la base juridique et les conditions auxquelles la décision est subordonnée. En troisième lieu, la Commission ne s'estime pas en mesure de réfuter l'argument selon lequel la description technique de la réduction de la capacité dans la décision litigieuse serait incohérente ou contradictoire, alors que le Gouvernement danois ne développe pas son argumentation à ce sujet. En quatrième lieu, la nature d'une décision prise en vertu de l'article 10 bis de la septième directive plaiderait, contrairement à ce que pense le Gouvernement danois, en faveur d'une motivation sommaire. En cinquième lieu, à supposer même que la lettre du 18 mai 1994 contienne certaines conditions sans rapport avec l'affaire, quod non, cela n'affecterait pas les intérêts légitimes des requérantes. En sixième lieu, contrairement aux allégations du Gouvernement danois, la décision mentionnerait les rapports "spill-over", au moins indirectement, et indiquerait par ailleurs qu'aucune autre aide à la production ne pourra être versée au chantier naval.

224 La Commission fait valoir que l'article 10 bis, paragraphe 3, de la septième directive n'ajoute rien aux conditions visées à l'article 10 bis, paragraphe 2, mais qu'il a été inséré afin de montrer sans ambiguïté que la Commission est obligée de vérifier que les chantiers bénéficiaires d'une aide ne vendent pas soudainement des navires en dessous des prix du marché.

225 En ce qui concerne les modalités de versement de la seconde tranche, la Commission souligne que, au vu du procès-verbal de la réunion du 21 mars 1994, les requérantes étaient conscientes du fait que cette tranche avait été versée sur des comptes bloqués avant le 31 décembre 1993.

226 La partie intervenante MTW souligne que la décision litigieuse ne vise que la seconde tranche d'une aide d'État, dont la première tranche avait déjà été approuvée et adoptée à la suite de la même notification et dans le même contexte. Étant donné que l'aide elle-même avait déjà été examinée et autorisée par la précédente décision du 23 décembre 1992, la Commission pouvait, selon MTW, se contenter de constater dans la décision litigieuse que les règles de forme établies par la première décision pour le déblocage de la seconde tranche avaient été respectées.

227 Premièrement, la Commission ne serait tenue d'exposer des motifs détaillés que dans la mesure où cette dernière décision va sensiblement plus loin que la première (arrêt de la Cour du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique/Commission, 73-74, Rec. p. 1491, point 31). En l'espèce, la règle instituée par la Cour, selon laquelle une motivation sommaire suffit lorsque la décision fait suite à un ensemble de décisions bien établies, devrait s'appliquer par analogie.

228 Deuxièmement, les requérantes ayant dans une large mesure participé au processus de prise de décision et ayant eu accès à la quasi-totalité des documents pertinents, elles auraient eu parfaitement connaissance du contexte de la décision litigieuse.

229 Troisièmement, les motifs d'une décision ne devraient pas contenir des données confidentielles dont la révélation serait contraire au devoir de discrétion que la Commission doit observer. La Commission ne pourrait donc révéler aucune donnée relative, notamment, aux rapports "spill-over", aux modalités de versement de l'aide et aux investissements projetés pour le chantier de la partie intervenante.

- Appréciation du Tribunal

230 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge communautaire d'exercer son contrôle. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56-93, Rec. p. I-0000, point 86, et les références citées).

231 Pour ce qui est du contexte dans lequel l'acte en question a été adopté, il y a lieu de rappeler, comme le Tribunal l'a déjà constaté ci-dessus, au point 169, que le rôle de la Commission, aux fins de l'appréciation de la compatibilité d'aides au fonctionnement sous le régime dérogatoire instauré par la directive 92-68, est limité à la vérification du respect des conditions énoncées par l'article 10 bis de la septième directive. Dans ces circonstances, il ressort de la jurisprudence que toute nécessité de motivation autre que celle liée à la constatation de la réunion desdites conditions est exclue (arrêt du 18 mai 1993, Belgique/Commission, précité, point 36).

232 Étant donné que les conditions énoncées par l'article 10 bis ont, de plus, un caractère factuel, le Tribunal estime qu'il n'est pas nécessaire que la Commission répète dans sa motivation toutes ces conditions. Il est utile de rappeler que l'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que son destinataire, à savoir le Gouvernement allemand, peut avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303-88, Rec. p. I-1433, point 52).

233 A cet égard, il convient de relever qu'il ressort de la décision litigieuse que, après avoir reçu le contrat définitif et des renseignements complémentaires sur la privatisation de MTW, la Commission avait, dans un premier temps, par sa décision du 23 décembre 1992, pu autoriser le versement de la première tranche des aides au fonctionnement. Ensuite, après avoir reçu d'autres informations du Gouvernement allemand, elle s'est trouvée en mesure de vérifier que les conditions d'application des aides spéciales exigées par la directive 92-68 étaient remplies, ce qui lui a permis d'autoriser le versement de la seconde tranche.

234 En ce qui concerne ces conditions, la Commission a, en particulier, invoqué dans la décision litigieuse la nécessité de la seconde tranche de l'aide et visé les vérifications effectuées quant à la capacité future de MTW. La décision litigieuse comporte des précisions sur la limitation de cette capacité. Elle exige notamment que la production maximale autorisée de 102 500 tonnes d'acier ne soit pas dépassée, que la longueur du bassin de construction, à l'origine de 422 mètres, soit réduite à 366 mètres et que la partie du bassin prévue initialement pour la construction en tandem disparaisse. En outre, selon la décision litigieuse, bien que l'examen technique ait montré que la capacité de construction de MTW pourrait à peine dépasser celle que le Gouvernement allemand avait attribuée à ce chantier (100 000 tbc), la Commission a considéré qu'il était nécessaire de maintenir un contrôle tant que durerait la poursuite du projet d'investissement, afin de s'assurer que la limitation de la capacité de construction soit respectée.

235 Enfin, il ressort de la décision litigieuse que, en se fondant sur les assurances du Gouvernement allemand quant au respect de la limitation de la capacité et à l'obligation d'éviter des débordements de l'aide sur d'autres chantiers, la Commission a décidé de ne pas s'opposer au versement de la seconde tranche d'aide.

236 Le Tribunal considère que cet exposé des motifs, bien que succinct, constitue une motivation suffisante au sens de l'article 190 du traité, à la lumière de la jurisprudence citée et compte tenu du rôle limité de la Commission en la matière. La décision litigieuse contient en effet un exposé des considérations de fait et de droit revêtant une importance essentielle dans l'économie de celle-ci.

237 Cette appréciation est corroborée par le fait que la décision litigieuse a été arrêtée à l'issue de la procédure préliminaire prévue par l'article 93, paragraphe 3, du traité.

238 Ledit article n'oblige pas la Commission à engager des tiers dans la procédure administrative. C'est uniquement dans le cadre de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité que la Commission est tenue de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêt Cook/Commission, précité, point 22, et arrêt Matra/Commission, précité, point 16). Sous réserve de l'obligation d'ouvrir ladite procédure, les requérantes n'ayant d'ailleurs pas présenté de moyen à cet égard, la Commission aurait donc pu arrêter la décision litigieuse en se fondant uniquement sur la correspondance avec le Gouvernement allemand. Il s'ensuit qu'elle n'était pas en principe obligée de tenir compte, en particulier, des intérêts qu'une tierce personne pouvait avoir à recevoir des explications dans la motivation.

239 Le Tribunal estime par ailleurs que, grâce à une connaissance approfondie des données de l'affaire, les requérantes n'ont pas été empêchées de défendre leurs droits et de contester le bien-fondé de la décision litigieuse. En effet, il ressort du dossier, comme la Commission l'a remarqué à juste titre, que les requérantes ont, dans une large mesure, participé à la procédure administrative et qu'elles étaient ainsi informées au moins des principales raisons de fait et de droit qui ont amené la Commission à estimer que l'aide était compatible avec le Marché commun. Comme il a déjà été constaté ci-dessus au point 101, elles ont participé à plusieurs réunions et ont eu accès à plusieurs documents du dossier. Elles ont reçu des réponses détaillées sur des questions relatives, notamment, à la capacité future de MTW. De surcroît, tant les procès-verbaux que la correspondance produite par les requérantes elles-mêmes montrent clairement qu'elles ont eu une connaissance des données particulièrement élargie.

240 Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du moyen doit être rejetée.

Sur la seconde branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 10 bis, paragraphe 2, sous d), de la septième directive

241 Les requérantes ont dans un premier temps soutenu que la Commission, en violation de l'article 10 bis, paragraphe 2, sous d), de la septième directive, ne s'était pas procurée les rapports "spill-over" exigés par ledit article. Au stade du mémoire en réplique, elles se sont bornées à faire valoir que la Commission n'avait pas reçu, avant la fin du mois de février 1993, le premier des rapports "spill-over".

242 La Commission affirme qu'elle a bien reçu les rapports "spill-over" visés par l'article 10 bis, paragraphe 2, sous d), de la septième directive. Dès lors, il conviendrait de rejeter la seconde branche du moyen.

243 Le Tribunal constate, au vu du rapport de la Commission du 1er avril 1993, mentionné ci-dessus au point 9, que la Commission a reçu le premier rapport "spill-over" au milieu du mois de mars 1993, c'est-à-dire quelques semaines après l'expiration du délai. Or, il est de jurisprudence constante que la violation d'une règle de procédure n'entraîne une annulation que si, en l'absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission, précité, et arrêt Distillers Company/Commission, précité).

244 Étant donné, d'une part, que les requérantes ne contestent plus que les autres rapports "spill-over" annuels ont été, conformément à l'article 10 bis de la septième directive, envoyés à la Commission et, d'autre part, qu'elles n'ont même pas essayé de démontrer que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si la Commission avait reçu le premier rapport avant la fin du mois de février 1993, il convient de rejeter la seconde branche du moyen comme étant dénuée de fondement. Partant, il n'y a pas lieu d'ordonner, à titre de mesure d'instruction, la production des rapports "spill-over" sollicitée par les requérantes.

245 Par conséquent, le moyen tiré d'une violation des formes substantielles doit être rejeté.

Sur le moyen tiré d'une violation du "principe de transparence" ou "du contradictoire"

Arguments des parties

246 Le Gouvernement danois rappelle que la Commission est tenue de mettre en œuvre la procédure contradictoire prévue à l'article 93, paragraphe 2, lorsqu'elle estime, sur la base d'un examen provisoire effectué dans le cadre du paragraphe 3 du même article, qu'il y a des doutes sur la compatibilité de l'aide en question avec le Marché commun. Il en déduit que la procédure administrative en matière d'aides d'État doit être transparente tant pour les États membres que pour toutes les parties intéressées, y compris les entreprises concurrentes qui peuvent être directement affectées. Une exigence stricte de transparence ressortirait également, selon lui, de la jurisprudence (arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission, 730-79, Rec. p. 2671, du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84-82, Rec. p. 1451, et du 14 février 1990, France/Commission, C-301-87, Rec. p. I-307). Lors de l'audience, le Gouvernement danois, se fondant sur l'arrêt de la Cour du 30 avril 1996, Pays-Bas/Conseil (C-58-94, Rec. p. I-0000, points 20 à 22), a réfuté l'argumentation de la Commission selon laquelle le moyen serait irrecevable.

247 Le principe de transparence (ou du contradictoire) impliquerait que les parties intéressées soient en mesure de tout savoir sur la façon dont la Commission traite l'affaire et qu'elles soient mises en demeure de présenter des observations éventuelles quant à un projet d'aide. Par ailleurs, le fait que, en matière d'aides d'État, la Commission soit dotée d'un pouvoir d'appréciation très important constituerait en soi une raison d'imposer une exigence de transparence stricte.

248 Or, en l'espèce, la Commission n'aurait pas traité l'affaire de manière suffisamment transparente pour satisfaire à une telle exigence. Étant donné le délai réduit dans lequel l'affaire aurait été traitée, les parties intéressées n'auraient eu qu'un accès limité aux informations et des possibilités réduites de suivre la façon dont la Commission traitait l'affaire, surtout dans sa phase finale. De plus, l'approbation du versement de la seconde tranche aurait été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (ci-après "Journal officiel") près de deux mois après l'expiration du délai de formation, contre la décision litigieuse, d'un recours en annulation au titre de l'article 173 du traité.

249 La Commission soutient que le présent moyen est irrecevable, celui-ci n'étant pas soulevé par les requérantes. Selon l'article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure et les articles 37, troisième alinéa, et 46 du statut (CE) de la Cour, le Gouvernement danois serait, en tant que partie intervenante, empêché de soulever des questions nouvelles qui seraient en substance des moyens nouveaux (conclusions de l'avocat général M. Lagrange sous l'arrêt de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30-59, Rec. p. 1, et de l'avocat général M. Darmon sous l'arrêt de la Cour du 12 février 1987, Bonino/Commission, 233-85, Rec. p. 739; arrêt de la Cour du 17 mars 1993, Commission/Conseil, C-155-91, Rec. p. I-939, point 24, et conclusions de l'avocat général M. Tesauro dans la même affaire, point 13; arrêt CIRFS e.a./Commission, précité, points 21 et 22, et conclusions de l'avocat général M. Lenz dans la même affaire, point 48, ainsi que arrêt Matra/Commission, précité, points 11 et 12). En tout état de cause, le moyen ne serait fondé ni en droit ni en fait.

250 En droit, ce serait uniquement dans la phase d'examen de l'article 93, paragraphe 2, du traité que la Commission serait tenue de mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations. La procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, aurait d'ailleurs pour but de permettre à la Commission d'avoir une information complète sur l'ensemble des données de l'affaire, et non, comme le Gouvernement danois semble le suggérer, de permettre aux intéressés de surveiller la manière dont la Commission traite le dossier.

251 Néanmoins, en fait, la Commission aurait procédé à un échange de vues et d'arguments avec les requérantes, et celles-ci auraient été, dans toute la mesure du possible, tenues pleinement au courant des informations que la Commission avait recueillies dans le cadre de son instruction, non seulement en 1994, mais aussi en 1993. Par ailleurs, les États membres auraient été informés, dans le cadre des réunions multilatérales, de tous les développements importants du dossier.

252 Enfin, en ce qui concerne le grief du Gouvernement danois tiré d'une publication tardive de la décision litigieuse, la Commission estime qu'un délai de quatre mois n'est pas inhabituel et ne peut pas être considéré comme déraisonnable. En toute hypothèse, un tel délai ne pourrait affecter la légalité de la décision litigieuse.

Appréciation du Tribunal

253 Le Tribunal constate que le Gouvernement danois reproche à la Commission d'avoir violé un "principe de transparence", au motif que les parties intéressées n'auraient eu qu'un accès limité aux informations et des possibilités réduites de suivre la façon dont la Commission traitait l'affaire, surtout dans sa phase finale.

254 Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du présent moyen, il convient, en tout état de cause, de rejeter celui-ci comme dénué de fondement.

255 En effet, il faut distinguer, d'une part, la phase préliminaire d'examen des aides, instituée par l'article 93, paragraphe 3, du traité, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l'aide en cause et, d'autre part, la phase d'examen de l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêt Matra/Commission, précité, point 16, et arrêt Cook/Commission, précité, point 22). Comme il a déjà été rappelé ci-dessus au point 238, ce n'est que dans le cadre de cette dernière phase d'examen, destinée à permettre à la Commission d'avoir une information complète sur l'ensemble des données de l'affaire, que le traité prévoit l'obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations.

256 Si une affaire nécessite l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, la Commission doit mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations. Cela ne vise cependant qu'à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (arrêt de la Cour du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70-72, Rec. p. 813, point 19). Dans son arrêt du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, précité, la Cour a précisé (point 13) que la procédure prévue audit article "donne aux autres États membres et aux milieux concernés la garantie de pouvoir se faire entendre et [...] permet à la Commission d'être complètement éclairée sur l'ensemble des données de l'affaire avant de prendre sa décision".

257 Or, la décision litigieuse a été adoptée à l'issue de la procédure préliminaire prévue par l'article 93, paragraphe 3, du traité. A cet égard, il ressort de la jurisprudence (arrêt du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, précité, point 13) qu'un des traits principaux qui différencie la phase d'examen de l'article 93, paragraphe 2, de la phase préliminaire de l'article 93, paragraphe 3, réside dans l'absence, lors de cette phase initiale, de toute obligation pour la Commission de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations avant de prendre sa décision.

258 Il résulte donc tant de l'économie des articles 92 et 93 du traité que de la jurisprudence que la Commission n'était pas tenue de faire participer des tiers à la procédure administrative de la manière extensive proposée par le Gouvernement danois.

259 Il est vrai que la Commission, dans certains cas, soumet aux entreprises ayant participé à la procédure administrative les observations qui lui sont adressées par l'État membre concerné dans le cadre de la phase préliminaire de la procédure d'examen. Toutefois, le Tribunal considère qu'elle n'est pas tenue de le faire en vertu d'un "principe de transparence".

260 En tout état de cause, il y a lieu de constater que le moyen n'est pas fondé en fait. En effet, il ressort du dossier que les requérantes ont été associées étroitement à la procédure administrative. Le dossier montre que, au cours de plusieurs réunions, elles ont eu la possibilité de faire connaître leur point de vue. Elles ont également été largement informées par la Commission sur les développements importants du dossier.

261 Au vu de ces considérations, et dans la mesure où un délai pour la publication au Journal officiel ne saurait affecter la légalité de la décision litigieuse, il y a lieu de rejeter le moyen du Gouvernement danois comme non fondé.

Sur le moyen tiré d'une méconnaissance des règles concernant la procédure d'adoption des décisions de la Commission

262 Le Gouvernement danois s'est interrogé sur la question de savoir si la Commission a respecté le principe de collégialité lorsqu'elle a arrêté la décision litigieuse, celle-ci n'étant signée que par le membre de la Commission responsable. En outre, il a soutenu que la décision litigieuse était entachée d'un vice de forme important, résultant d'une absence d'authentification.

263 Après avoir reçu copie du procès-verbal de la réunion de la Commission du 11 mai 1994, il a cependant retiré son moyen, le procès-verbal montrant, d'une part, que la décision litigieuse avait été arrêtée au cours de cette réunion par le collège des commissaires, et, d'autre part, que le président et le secrétaire général de la Commission avaient authentifié cette décision par leur signature, le 18 mai 1994.

264 Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur le moyen.

265 Aucun des moyens développés par les requérantes et par le Royaume de Danemark, partie intervenante, n'ayant été retenu, le recours doit être rejeté comme non fondé.

266 Il s'ensuit qu'il n'est pas nécessaire de statuer sur le moyen soulevé par la partie intervenante MTW, tiré de l'atteinte que porterait à sa confiance légitime une annulation de la décision litigieuse.

Sur les dépens

267 En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions et la Commission ainsi que la partie intervenante MTW ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner les requérantes aux dépens.

268 Toutefois, les États membres qui sont intervenus au litige supporteront leurs propres dépens, en application de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

Déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Les requérantes sont condamnées aux dépens de l'instance, y compris les dépens exposés par la partie intervenante MTW.

3) La République fédérale d'Allemagne et le Royaume de Danemark supporteront leurs propres dépens.