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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 17 décembre 2002, n° 00-05106

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ramayé (Epoux)

Défendeur :

Languedocienne d'Equipement de l'Habitat (SARL), Financo Sofemo (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Armingaud

Conseillers :

Mme Bresdin, M. Blanc-Sylvestre

Avoués :

SCP Argéllies-Travier-Watremet, SCP Negre

Avocats :

Me Llados, SCP Derrida-Rahache

TI Béziers, du 30 juin 2000

30 juin 2000

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant bon n° 141651 en date du 3 décembre 1998, Jean Ramayé et Lucette Scorzo son épouse, démarchés à domicile, ont passé commande à la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat, à l'enseigne "Cuisines Spacial" d'éléments de cuisine de marque AS, modèle Etoile, moyennant le prix TTC de 32 627 F, pose comprise, devant être partiellement réglés par un crédit d'un montant de 35 000 F.

Le jour même, ils ont accepté l'offre préalable de crédit de la SA Financo Sofemo.

Le 16 décembre 1998, ils ont signé un document dénommé "confirmation de la commande n° 141651 du 3-12-90", et remis un chèque de 1 627 F tiré sur le Crédit Agricole du Midi.

La livraison, prévue "avant le 30 mars 1999" dans le bon de commande et dans la deuxième quinzaine, de mars 1999 dans la confirmation de la commande, est intervenue à une date indéterminée, un "reçu de fin de travaux" étant signé le 9 avril 1999.

Entre temps, la SA Financo Sofemo a informé, le 11 mars 1999, les époux Ramayé du règlement au vendeur de la somme de 31 000 F, correspondant au crédit consenti, en faisant état de la livraison du bien.

Par actes des 10 et 11 mai 2000, les époux Ramayé ont fait assigner la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat et la SA Financo Sofemo par devant le Tribunal d'instance de Béziers, en demandant le prononcé de la nullité "du bon de commande", en invoquant, tant, les manœuvres dolosives de la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat, que la méconnaissance des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation.

Ils ont soutenu:

Que leur consentement a été vicié par les manœuvres dolosives des deux représentants de la société qui, d'une part, sont restés à leur domicile de 14 heures à 20 heures, alors que leur état de santé respectif ne leur permettait pas de supporter une telle pression et les exposait à donner un consentement non éclairé et, d'autre part, leur ont vendu un produit sans en présenter les caractéristiques essentielles, s'abstenant notamment de produire la moindre photographie, contrairement à ce qu'impose l'article L. 111-1 du Code de la consommation;

Que les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation n'ont pas été respectées, puisque, d'une part, le bon de commande reproduit ces dispositions légales et comprend le formulaire détachable destiné à exercer la faculté de rétractation sur le recto du document, qui n'a pas été soumis à leur paraphe, d'autre part, il précise le versement d'un acompte de 1 627 F, alors qu'avant l'expiration du délai de réflexion, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit, une contrepartie quelconque;

Qu'en l'état du versement de l'acompte et du financement contracté auprès de la SA Financo Sofemo, le prix de la cuisine, déterminé à hauteur de 32 627 F, s'élève à la somme de 45 005,44 F, en sorte qu'il peut être qualifié d'indéterminé et donc de nul.

Ils ont demandé la condamnation de la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat à récupérer la cuisine, à supporter les frais de dépose, à leur restituer l'acompte de 1 627 F et à restituer à la SA Financo Sofemo a somme versée au titre du financement, outre l'allocation de la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Ils ont conclu par ailleurs à la nullité du contrat de prêt, entraînée par la nullité "du bon de commande", ajoutant que le taux pratiqué constitue un taux usuraire affectant la validité du prêt.

Ils ont demandé la condamnation de la SA Financo Sofemo à leur restituer la somme de 5 680,51 F représentant les mensualités versées depuis le mois de juin 1999, somme à actualiser au jour du jugement.

Ils ont sollicité enfin la condamnation solidaire de la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat et de la SA Financo Sofemo au paiement de la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que le prononcé de l'exécution provisoire du jugement.

Les défenderesses, citées à personne, n'ont pas comparu.

Par jugement en date du 30 juin 2000, le tribunal a débouté les époux Ramayé-Scorzo de leurs demandes, a laissé les dépens à leur charge.

Les époux Ramayé, qui ont fait appel le 12 octobre 2000, ont, par conclusions en date du 1er juillet 2002 demandé à la cour de réformer,

Vu l'article 1116 du Code civil, l'article L. 111-1 du Code de la consommation et les articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation,

- de constater que les manœuvres de la société Languedocienne d'Equipement de l'Habitat ont contraint les époux Ramayé à contracter,

- de constater que le bon de commande du 03-12-1998 méconnaît les dispositions inhérentes aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation,

- de constater que le formulaire détachable n'est pas accessible,

- de constater que les époux Ramayé se sont acquittés lors de l'établissement du bon de commande d'un acompte de 248,03 euros (1 627 F), et ce contrairement aux dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation.

En conséquence, de prononcer la nullité du bon de commande.

En conséquence, de condamner la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat à remettre les choses en l'état, à récupérer la cuisine au domicile des époux Ramayé, à supporter les frais de dépose à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, à restituer aux époux Ramayé l'acompte versé à hauteur de la somme de 248,03 euros (1 627 F).

- de dire que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 03-12-1998.

Vu l'article 1129 du Code civil,

- de constater le caractère indéterminé du prix, En conséquence, de prononcer la nullité de la vente.

- de constater que la nullité du bon de commande entraîne la nullité du contrat de prêt

- de constater que le taux effectif global pratiqué est un taux usuraire.

En conséquence, de condamner la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat à restituer à la SA Financo les sommes par elle versées au titre du financement.

- de condamner la société Financo à restituer aux époux Ramayé la somme de 2 917,87 euros (19 107,17 F) qu'ils ont versé au titre du remboursement du prêt depuis juin 1999, et dire que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2000,

- de dire que cette somme sera réactualisée au jour de la décision à intervenir,

- de condamner la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat à payer aux époux Ramayé la somme de 3 048,98 euros (20 000 F) de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- de dire que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 11-05-2000,

- de condamner solidairement les sociétés Languedocienne d'Equipement de l'Habitat et Financo à payer aux époux Ramayé la somme de 1 219,59 euros (8 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les conclusions prises le 15 juin 2001 par la société Languedocienne d'Equipement de l'Habitat à l'enseigne Cuisines Seles, qui a demandé à la cour de confirmer,

- de condamner les appelants en 5 000 F de dommages et intérêts pour appel abusif et 8 000 F HT au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Bien que régulièrement assigné le 27 mars 2001, la SA Financo Sofemo n'a pas comparu.

Sur ce,

Les appelants maintiennent qu'ils auraient été victimes de manœuvre dolosives commises par la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat, étant tous les deux faibles et de santé fragile, ayant subi un véritable siège de la part des vendeurs de cette société qui se sont maintenus chez eux de 14 heures à 20 heures, ce dont attestent leur fils, leur fille et l'ami de cette dernière, cette pression constante et continue, ce harcèlement moral, dont la société serait coutumière, ayant vicié leur consentement, et ce d'autant plus qu'il ne se sont pas rendus au siège de la société, pour se rendre compte sur place de la configuration réelle de la cuisine, installée dans le magasin.

Toutefois, par des motifs pertinents, que la cour adopte, le premier juge a retenu, à bon droit, que si les époux Ramayé, nés en 1937 pour le mari, et en 1941 pour l'épouse, établissent d'une part, par les certificats médicaux du Docteur Frédéric Lacas, leur état de santé déficient qui ne leur permettrait pas "d'avoir un jugement toujours pertinent" ou encore "d'être soumis à une pression physique soutenue", d'autre part, par les attestations de Bruno Buzzetti et d'Amélia Picollilo, que lors de leur démarchage à domicile, les représentants de la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat sont demeurés plusieurs heures, en faisant état de "promotion", "cadeau" et "prix d'ami", ces éléments n'apparaissent pas toutefois suffisants à caractériser des manœuvres dolosives;

Que par ailleurs, malgré le témoignage eu ce sens d'Amélia Picolillo, soeur de Lucette Ramayé, il n'est pas crédible que les demandeurs aient pu acquérir l'agencement de cuisine faisant l'objet du bon de commande du 3 décembre 1998 sans savoir à quoi il correspondait;

Qu'il n'est pas établi que la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat aurait manqué à l'obligation d'information prévue par l'article L. 111-1 du Code de la consommation, et a fortiori aurait manifesté une réticence assimilable à un dol.

Cette motivation pertinente sera adoptée, le comportement ultérieur des époux Ramayé, qui ont, notamment confirmé la commande le 16 décembre 1998 sans faire état de manœuvres à cette date, qui n'ont pas exercé leur droit de rétractation, ni pour cet achat, ni pour le prêt souscrit auprès de Financo, qui ont signé un reçu de fin de travaux le 9 avril 1999, en n'émettant que des réserves mineures, contredisant à suffisance leur prétention selon laquelle leur consentement aurait été surpris par le dol ou par la violence le 3 décembre 1998, ils auraient signé sans avoir eu connaissance suffisante de la conformation de la cuisine.

Les appelants maintiennent ensuite que le contrat serait nul pour ne pas comporter lés mentions énumérées par les articles L. 621-23 à L. 621-26 du Code de la consommation, ces mentions ne figurant qu'au verso du bon de commande, n'étant pas visibles, pour comporter un bulletin de rétractation ne figurant pas sur le recto du bon, étant seulement sur le verso, qu'enfin, le contrat serait nul du fait que la société venderesse aurait accepté deux chèques bancaires d'un montant de 813 et 814 F, dès le 3 décembre 1998, sans attendre que soit écoulé le délai de rétractation.

Toutefois, pour rejeter cette argumentation, le premier juge a retenu à bon droit que le contrat conclu suivant le bon de commande n° 141651 signé le 3 décembre 1998 satisfait à toutes les conditions posées par les articles L. 121-23 et L. 121-24 du Code de la consommation, puisqu'il comporte toutes les mentions prévues par les premières dispositions légales, et comprend le formulaire détachable prévu par les secondes, ce formulaire étant en tous points conforme aux prescriptions des articles R. 121-3 à R. 121-6 du Code de la consommation;

Qu'en outre, la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation, les démarcheurs n'ayant notamment perçu aucun acompte le 3 décembre 1998;

Que ce n'est de fait que le 16 décembre 1996, soit après l'expiration du délai de réflexion prévu par l'article L. 121-27 du Code de la consommation, que l'acompte de 1 627 F, stipulé sur le bon de commande étant "à percevoir", a été réglé.

La cour constate en effet que le verso du bon de commande comporte, outre un rappel des textes du Code de la consommation, une partie détachable, dénommée "Annulation de commande", permettant l'exercice du droit de rétractation, le formulaire stipulant que ce droit peut être exercé dans les 7 jours de la commande;

Que les époux Ramayé n'ont pu ignorer cette faculté de rétractation, qui peut s'exercer par tout moyen, puisque l'offre préalable de crédit signée le même jour comporte, sur la même page, un bordereau de rétractation mis en évidence, ce qui n'est pas discuté;

Que ce bulletin de rétractation n'a pas été utilisé, ce qui confirme l'intention des époux Ramayé de ne pas exercer cette faculté ni pour la commande, ni pour la demande de prêt;

Que le fait que les chèques soient datés du 3 décembre 1998, est insuffisant pour prouver leur remise effective à cette date;

Que cette présomption est combattue par la mention figurant dans le bon de commande du 3 décembre 1998, selon laquelle le premier acompte de 1 627 F est "à percevoir", et par celle figurant dans la confirmation de commande du 16 décembre 1998, postérieure au délai de rétractation, dans laquelle il est fait état de la remise, "ce jour", d'un acompte de 1 627 F sous la forme de deux chèques bancaires, dont les numéros sont précisés, cette mention, approuvée par les appelants, contredisant leur prétention selon laquelle les chèques auraient été remis dès le 3 décembre 1998.

Enfin, les appelants maintiennent que le contrat serait nul pour indétermination du prix, puisque, d'une part le bon de commande fait état d'un prix TTC de 32 627 F pose comprise, alors que le coût réel de la cuisine s'élève à 45 005,44 F.

Toutefois, le premier juge a écarté à bon droit cette argumentation, en retenant que le prix de l'agencement de cuisine n'est nullement indéterminé, pour avoir été arrêté à la somme TTC de 32 627 F, pose comprise;

Que les époux Ramayé n'ont pu se méprendre sur le montant final de l'opération, compte tenu du crédit contracté auprès de la SA Financo Sofemo, puisqu'en conformité des dispositions légales, le prix total du crédit soit 45 005,44 F était mentionné sur le contrat, la différence entre les deux sommes, qui correspond au coût du crédit, n'ayant pas pour effet de rendre le prix de la commande indéterminé.

Succombant, les époux Ramayé supporteront les entiers dépens d'instance et d'appel.

La SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts, la preuve du caractère abusif de l'appel n'étant pas démontrée.

Enfin, il n'est pas inéquitable que la SARL Languedocienne d'Equipement de l'Habitat conserve la charge de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, Après en avoir délibéré; Déboute les époux Ramayé de leur appel; Déboute la SARL Languedocienne d'Équipement de l'Habitat de ses demandes de dommages et intérêts et au titre des frais irrépétibles; Condamne les appelants aux dépens d'instance et d'appel; Accorde à la SCP Negre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.