CA Paris, 13e ch. A, 18 décembre 2002, n° 02-07079
PARIS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Avocat général :
M. Madranges
Conseiller :
M. Nivose
Avocat :
Me Haraize.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
LA PREVENTION:
C Angelo est poursuivi pour avoir, à Metz (57), Croissy-Beaubourg (77) et sur le territoire français, au cours de l'année 1999 et notamment le 3 février 1999, en sa qualité de responsable du département Hypersélection Import du magasin D, trompé le consommateur sur les qualités substantielles et les risques inhérents à l'utilisation de coiffes de déguisements d'enfant références 8223 et 8250 ainsi que sur les contrôles effectués sur ces produits en les présentant comme conformes aux normes en vigueur alors qu'ils étaient non conformes et dangereux.
LE JUGEMENT:
Le tribunal, par jugement contradictoire, a:
déclaré C Angelo coupable de tromperie sur la nature, la qualité , l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant 1999, à Metz et Croissy-Beaubourg,
infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
et, en application de ces articles,
l'a condamné à une amende de 30 000 F,
ordonné, à titre de peine complémentaire, la publication, aux frais du condamné, de l'extrait de jugement suivant dans le journal Libre Service Actualités (12-14 rue Médéric 75815 Paris Cédex 17):
"par jugement du 25 octobre 2001, le Tribunal correctionnel de Meaux a déclaré C Angelo coupable d'avoir à Metz (57), Croissy-Beaubourg (77), et sur le territoire français, au cours de l'année 1999 et notamment le 3 février, en sa qualité de responsable du département Hypersélection Import, centrale d'achat de la société D, trompé le consommateur sur les qualités substantielles et les risques inhérents à l'utilisation de coiffes de déguisements pour enfant de 2 à 4 ans en mettant sur le marché ces articles présentés comme conformes aux normes de sécurité en vigueur par la présence du marquage "CE" alors que ces articles étaient non conformes et dangereux. II lui a été fait application de la loi pénale."
dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F soit 91,47 euros dont est redevable chaque condamné.
LES APPELS:
Appel a été interjeté par:
Monsieur C Angelo, le 9 novembre 2001, sur les dispositions pénales;
M. le Procureur de la République, le 9 novembre 2001, contre Monsieur C Angelo;
DÉCISION:
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels du prévenu et du Ministère public, interjetés à l'encontre du jugement entrepris;
RAPPEL DES FAITS ET DEMANDES:
Le 3 février 1999, au cours d'un contrôle réalisé dans l'hypermarché D de Metz-Borny, les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ont constaté la mise en vente de modèles de déguisement pour enfant de 2 à 4 ans, représentant un lapin, ou un chien dalmatien, respectivement dénommés "Bunny" et "Spotty", composés d'une combinaison en tissu et d'un bonnet, au prix unique de 29,95 F, dont l'étiquette indiquait les mentions suivantes "Fabriqué à Taïwan - 100 % polyester - Attention! Tenir éloigné du feu" ainsi que le marquage "CE";
L'analyse des deux modèles de déguisements prélevés en rayon, faite par le laboratoire inter- régional de la répression des fraudes de Marseille, a conclu à la non-conformité de ces articles avec le point n° 4.2.1 de la norme NF EN.71-2 et en conséquence à leur dangerosité pour l'utilisateur en raison d'un risque inacceptable de brûlures;
Ces articles, ont été importés et livrés par le département Import Hypersélection de la société anonyme D, centrale d'achat dont le directeur était alors Angelo C; il a déclaré que son département a pour attribution la prospection des produits importés, leur achat, et la charge du contrôle qualité ainsi que la recherche d'éventuels défaut de conformité de ces marchandises; il est titulaire dans le cadre de ses attributions, d'une délégation de pouvoirs, reçue le 5 décembre 1996 de Jacques B, directeur général de la société D qui lui donne pour mission de veiller au respect des normes de sécurité des articles importés et il a reconnu disposer de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour remplir efficacement cette mission;
Le bulletin n° 1 du casier judiciaire d'Angelo C ne mentionne aucune condamnation;
Le prévenu a fait valoir devant les premiers juges d'une part, que depuis la loi du 12 juin 2001 ayant étendu la responsabilité des personnes morales aux délits de tromperie et de publicité mensongère, il serait paradoxal que le législateur réserve la mise en cause des personnes physiques à l'existence d'une faute aggravée lorsque le danger né d'un non-respect de prescriptions légales ou réglementaires se réalise en causant un décès ou des blessures involontaires et qu'il se satisfasse toujours d'une faute simple lorsque la même défaillance n'a pas dépassé le stade de la tromperie, d'autre part que la norme opposée par l'administration n'est pas claire et enfin, il soutient comme preuve de sa bonne foi qu'il a commercialisé les produits en cause seulement après avoir fait réaliser des essais dans un laboratoire étranger qui a certifié la conformité des produits avec la réglementation en vigueur;
A l'audience de la cour, un témoin a été entendu à la demande du prévenu; le Ministère public s'en remet à l'appréciation de la cour;
Angelo C prévenu qui comparaît, assisté de son avocat, qui a déposé des conclusions, demande à la cour de le relaxer des fins de la poursuite; il estime premièrement que le laboratoire de la DGCCRF a appliqué à tort, pour la coiffe du déguisement le paragraphe 4.2.1. de la nonne NF EN 71-2 alors que c'est seulement le paragraphe 4.3 qui pouvait être appliqué; que l'interprétation donnée par l'administration n'est pas certaine et reste soumise au contrôle des juridictions répressives; deuxièmement, il estime qu'aucune faute ou négligence ne peut lui être imputée, dès lors qu'en sa qualité d'importateur, il a fait réaliser par un laboratoire compétent et indépendant, les tests et les auto-contrôles lui permettant de délivrer un justificatif de conformité des produits importés; troisièmement, il soutient oralement que le délit de tromperie ne peut être constitué dès lors que la preuve du caractère dangereux des produits en cause n'est pas rapportée et qu'aucun accident n'est survenu avec les déguisements qui ont été vendus; à titre subsidiaire, le prévenu sollicite une dispense d'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire;
Sur ce
Considérant qu'Angelo C est poursuivi pour infraction à l'article L. 213-1 du Code de la consommation pour avoir en sa qualité:, trompé le consommateur en vendant des déguisements d'enfant présentés comme conformes aux normes en vigueur, alors qu'ils étaient non conformes et dangereux;
Considérant que la norme EN 71-2 comporte un paragraphe 4.3 ainsi rédigé:
"4.3 Costumes de déguisement, y compris les coiffes qui y sont associées, et autres jouets destinés à être portés par les enfants (excepté les produits couverts par le 4.2 et les chapeaux fantaisie en papier,)
Lorsque ces jouets sont essayés conformément à 5.7, la vitesse de propagation de flamme doit être inférieure ou égale à 30 mm/s.
Si la vitesse de propagation de flamme se situe entre 10 mm/s et 30 mm/s, le jouet et son emballage doivent être marqués avec l'avertissement suivant: "Attention! Tenir loin du feu"
que pour sa part, le paragraphe 4.2 est rédigé comme suit:
"4.2 Barbes, moustaches, perruques, masques et autres produits portés sur la tête comportant des cheveux ou autres matériaux rapportés
4.2.1 Les barbes, moustaches, perruques, masques et autres produits portés sur la tête comportant des cheveux, éléments pileux ou autres éléments rapportés (tels que cordons de papier), dont les cheveux, éléments pileux ou autres éléments rapportés dépassent de 50 mm ou plus par rapport à la surface du produit, doivent présenter une durée de persistance de flamme de pas plus de 2 s après retrait de la flamme lorsque l'essai est réalisé conformément à 5.5.
En outre, s'il y a inflammation: la plus grande longueur des éléments pileux, cheveux ou autres éléments rapportés qui subsiste ne doit pas être:
a) inférieure à 50 % de la plus grande longueur initiale, si cette dernière était égale ou supérieure a 150 mm;
b) inférieure à 25 % de la plus grande longueur initiale, si cette dernière était inférieure à 150 mm
Dans le cas de cheveux ondulés, la longueur a prendre en compte doit être la longueur du cheveux rendu. L'article est soumis à l'essai tel qu'il est utilisé et dans les conditions les plus défavorables (tresses dénouées par exemple)."
Considérant que d'une part, il ressort des pièces du dossier, que les deux articles concernés par la présente procédure sont deux costumes de déguisement dont les coiffes associées, sont faites dans le même matériau que le reste du costume et ne contiennent aucun cheveux ou autre matériau propre visé au paragraphe 4.2.1; que dès lors, la cour estime que ces produits de déguisement devaient satisfaire au seul paragraphe 4.3 de la norme en vigueur et constate que l'analyse pratiquée par le laboratoire de la DOCCRF a conclu que les essais étaient satisfaisants sur ce point;
Considérant que d'autre part, le caractère dangereux de ce produit n'est démontré par aucune pièce du dossier, et qu'aucune plainte n'a révélé un quelconque accident qui aurait mis en évidence le caractère dangereux des déguisements en cause;
Considérant qu'en conséquence l'infraction visée aux poursuites n'est pas établie et il convient de relaxer le prévenu purement et simplement;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'encontre du prévenu, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public; Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Relaxe Angelo C des fins de la poursuite sans peine ni dépens.