CA Douai, 6e ch., 18 janvier 2000, n° 99-01194
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Olivier
Substitut :
Général: M. Chaillet
Conseillers :
Mmes Lemaire, Gaillard
Avocat :
Me Beucher.
LA COUR:
Par jugement en date du 18 décembre 1998, le Tribunal correctionnel de Lille a condamné M. X au paiement d'une amende de 20 000 F pour publicité mensongère et l'a relaxé pour mise en vente de produits destinés à l'alimentation humaine de produits falsifiés, corrompus ou toxiques.
Cette décision a régulièrement été frappée d'appel par le prévenu sur les dispositions pénales et par le Ministère public.
A l'audience, le prévenu comparaît assisté de son conseil. Il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de le relaxer. Il fait valoir qu'en ce qui concerne l'Ephédra et le Yohimbé, les premiers juges ont retenu l'application de l'article 150 du règlement sanitaire départemental pour dire qu'il s'agit de produits non autorisés, alors que le règlement sanitaire départemental a été abrogé et ne peut donc plus s'appliquer.
En ce qui concerne la L-Carnitine, il considère que les premiers juges ont fait une exacte application des textes, notamment européens en écartant les prétentions de la DGCCRF, tendant à faire appliquer le principe des listes positives telles que prévues par le Décret de 1912.
Il soutient enfin que l'infraction de publicité mensongère n'est pas constituée.
LES FAITS
M. X est gérant d'une société dénommée N:
Dans le cadre de cette société il commercialise des gélules contenant entre autres les produits suivants:
- Ephedra,
- Yohimbé,
- L-Carnitine.
A la suite d'un contrôle effectué par la DGCCRF dans cette société en septembre 1996, des poursuites ont été engagées sur un double fondement:
- infraction à l'article L. 213-3 du Code de la consommation de mise en vente de denrées alimentaires contenant des plantes ou substances non autorisées,
- publicité mensongère par l'apposition sur les étiquettes des mentions: "nos produits sont rigoureusement sélectionnés et analysés afin qu'ils vous apportent tous les principes actifs nécessaires à votre équilibre" et mentionnant en outre sur les boîtes de gélules d'Ephédra par étiquetage spécial: "contrôle analyse pharmaceutique" alors que la preuve de ces contrôles n'était pas apportée.
Sur quoi,
Sur les produits falsifiés
Il y a lieu, comme l'ont fait les premiers juges, de distinguer le régime juridique auxquels sont soumis les produits alimentaires non traditionnels tels que l'Ephedra et le Yohimbé et celui auxquels sont soumis les compléments alimentaires comme la L-Carnitine.
1° - En ce qui concerne l'Ephedra et le Yohimbé:
Il n'est pas contestable que le règlement sanitaire départemental a été abrogé par la loi du 6 janvier 1986. La dénomination de produits alimentaires non traditionnels énoncée par ce texte ne peut être reprise.
Les premiers juges ont à tort retenu qu'à défaut de Décret d'application de la loi de 1986 le règlement sanitaire départemental continuait à s'appliquer. En effet, les produits en cause constituent des aliments destinés à une alimentation particulière et régis par le Décret du 29 août 1991.
Ce texte définit comme denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, les denrées alimentaires qui, du fait de leur fabrication, se distinguent nettement des denrées alimentaires de consommation courante, conviennent à l'objectif nutritionnel indiqué et sont commercialisées de manière à indiquer qu'elles répondent à cet objectif. L'annexe 1 au Décret énonce le groupe de denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière pour lesquels des dispositions spécifiques seront fixées par des arrêtés.
Cette annexe mentionne en son paragraphe 5 les aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales.
Tel est bien le cas des produits litigieux puisque selon les traités d'herboristerie l'Ephedra est une plante aux propriétés décongestionnantes pour l'appareil respiratoire et le Yohimbé est utilisé pour le traitement de l'impuissance chez l'homme.
La prévention vise la mise en vente de denrées alimentaires que le prévenu savait falsifiées, corrompues ou toxiques.
La DGCCRF ne produit aucun texte établissant l'interdiction de commercialisation de ces produits, dès lors il est difficile d'imaginer que Monsieur X ait eu connaissance de leur toxicité laquelle à ce jour n'est pas démontrée. Cette absence de connaissance pour le prévenu est renforcée par le fait que l'administration des douanes lui a fait savoir que le Yohimbé n'était soumis à aucune restriction ou formalité phytosanitaire à l'importation.
L'élément intentionnel de l'infraction n'est nullement établi.
En conséquence, le jugement déféré sera réformé sur ce point et M. X sera relaxé.
2° - En ce qui concerne la L-Carnitine:
La L-Carnitine est une substance nutritionnelle dérivée d'acides aminés chimiquement définie. Elle appartient à la catégorie des compléments alimentaires.
C'est à juste titre que les premiers juges ont écarté l'argumentation de la DGCCRF tendant à faire appliquer le principe des listes positives prévues par le Décret modifié du 15 avril 1912, alors que l'application de ce texte aboutirait en l'état à introduire une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation interdite par le traité de Rome.
En outre, les compléments alimentaires sont régis par un texte spécifique à savoir le Décret du 10 avril 1996, ce qui exclu l'application du Décret de 1972 invoqué par la DGCCRF.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la publicité mensongère
Monsieur X produit la lettre de sa venderesse la société Euraflor Diffusion, établissant que les produits revendus sont achetés auprès du laboratoire pharmaceutique Martin Bauer France et font l'objet d'analyses par un pharmacien, dont les résultats sont versés aux débats.
L'infraction reprochée n'est pas constituée et le jugement sera réformé sur ce point. Il convient de relaxer M. X.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Confirme le jugement déféré en ce qui concerne la vente de L-Carnitine, Réformant pour le surplus, Relaxe M. X sans peine ni dépens.