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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. corr., 17 mai 2000, n° 99-01438

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Association FO Consommateurs Drôme Ardèche, Fédération départementale Familles Rurales Drôme, UFC de la Drôme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigny

Substitut :

général: M. Rancoule

Conseiller :

Mme Robin

Avocats :

Mes Braun, Landon, Gourret, Barthomeuf, Girard.

CA Grenoble n° 99-01438

17 mai 2000

LA COUR,

Par jugement en date du 23 mars 1999, le Tribunal correctionnel de Valence statuant:

1 - sur l'action publique:

a relaxé Alain W des fins de la poursuite,

a déclaré Jean-Philippe M, en sa qualité d'acheteur pour le compte de la SNC Y, Jean P en sa qualité de directeur général de la société X, Benoît V en sa qualité de directeur général de la SA A et de surcroît à compter du 21 février 1995, président du conseil d'administration de la société X et Jean-Louis R en sa qualité de PDG de la société A, coupables d'avoir sur le territoire national et notamment à Montélimar (26) d'avril 1994 à décembre 1995, en tout cas le 19 décembre 1995 et depuis temps non prescrit, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'origine de 2 530 000 litres d'huile d'olive de marque "Z" en le commercialisant avec un étiquetage mentionnant "Fabriqué en France" alors qu'elle venait de pays membres de la CEE dont l'Espagne et l'Italie et également la Tunisie,

faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation,

en répression les a condamnés

- Jean-Philippe M à une amende de 50 000 F,

- Jean-Louis R à une amende de 20 000 F,

- Jean P à une amende de 30 000 F,

- Benoît V à une amende de 30 000 F,

2 - sur l'action civile:

a condamné solidairement Jean-Philippe M, Jean P, Jean-Louis R et Benoît V à payer:

* à l'association FO, reçue en sa constitution de partie civile la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

* à la Fédération Départementale des Familles Rurales de la Drôme, reçue en sa constitution de partie civile, la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

* à l'Union Fédérale des Consommateurs de la Drôme, reçue en sa constitution de partie civile, la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Il a été régulièrement formé appel de ce jugement par Jean-Philippe M, Jean-Aimé P, Benoît V, Jean-Louis R par le Procureur de la République à l'égard de l'ensemble des cinq prévenus.

Il sera statué par arrêt de défaut à l'encontre d'Alain W cité à parquet général.

FAITS - PRETENTION DES PARTIES:

Le 19 décembre 1995, les fonctionnaires de la DGCCRF en résidence à Valence étaient amenés à procéder à un contrôle au magasin Y de Montélimar.

Ils constataient la mise en vente de bouteilles de 100 cl d'huile d'olive vierge extra de marque Z dont la contre-étiquette mentionnait "Fabriqué en France pour Y".

L'étiquetage précisait le code emballeur ce qui permettait de déterminer que cette huile était conditionnée par une entreprise du département des Bouches-du-Rhône.

Il ressortait que cette huile avait été conditionnée par l'entreprise X, filiale de la société A.

Après vérification auprès de cette dernière entreprise, il était précisé aux fonctionnaires de la DGCCRF que cette huile était constituée d'un coupage d'huile d'olive vierge extra en provenance de pays de la CEE (essentiellement Espagne et Italie et éventuellement de pays tiers - la Tunisie).

Il était également précisé que les quantités d'huile ainsi commercialisées s'élevaient à 2 530 000 litres.

La commercialisation de ce produit a mis en cause:

* Y qui souhaitait proposer à sa clientèle une huile d'olive répondant à des critères de goût et de qualité proches du produit concurrent apprécié des consommateurs de la marque Puget,

* la SA A fournisseur de Y,

* la société X qui a conditionné le produit.

Alain W n'a pas comparu à l'audience de la cour.

Jean-Philippe M, suivant conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, fait plaider sa relaxe. Il soutient notamment que la mention "Fabriqué en France" n'est ni erronée au sens de la législation européenne, ni de nature à induire en erreur.

Suivant conclusions auxquelles il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions, Benoît V, Jean-Louis R et Jean P font également plaider leur relaxe.

Monsieur l'Avocat général requiert la confirmation du jugement.

Les trois parties civiles qui n'ont pas formé appel du jugement demandent à la cour de confirmer le jugement. L'association Force Ouvrière Drôme Ardèche sollicite, en outre, une somme de 10 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, l'UFC Drôme et la Fédération des Familles Rurales de la Drôme sollicitent également chacune une somme de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

MOTIFS DE L'ARRET:

A - L'action publique:

a°) la matérialité du délit:

Il est reproché aux prévenus d'avoir effectué une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur sur l'origine d'une huile d'olive commercialisée par la société Y dans les magasins à son enseigne sous la marque Z avec un étiquetage "Fabriqué en France" alors qu'elle résultait d'un assemblage entre des huiles d'oliviers de diverses provenances (pays CEE et Tunisie).

Il est indéniable que la production française d'olives destinées au pressage représente une quantité minime puisqu'elle représente 2 % environ de la production d'huile d'olive.

Il est tout aussi indéniable que le professionnel peut valablement soutenir que la fabrication de l'huile d'olive comporte une part déterminante de travail d'élaboration et d'assemblage pour lui conférer les qualités, notamment de goût, recherchées par les consommateurs.

Eu égard à la production infiniment minime d'olive dans le Sud de la France, il est certain que la plus grande majorité de l'huile d'olive commercialisée dans l'hexagone est de provenance étrangère.

En l'espèce, il est certain que l'huile commercialisée par Y sous la marque Z composée d'huiles de provenance de pays méditerranéens de la CEE ou du Maghreb, a été assemblée à Aix-en-Provence par la société X, filiale de la SA A.

Ce produit industriel, élaboré et assemblé en France, se voit par application de l'article 24 du règlement CEE 2913-92 du 12 octobre 1992 ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice européenne, conférer l'origine française dans la mesure où la France est le pays où a eu lieu la dernière transformation, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau, produit fini en l'espèce.

C'est donc à juste titre que le premier juge a relevé que la mention "Fabriqué en France pour Y" portée sur la contre-étiquette n'était pas mensongère.

Toutefois, pour que l'infraction soit constituée, la loi nationale exige simplement que la publicité ait été propre à induire en erreur un consommateur moyennement averti.

Sans entrer dans des considérations purement casuistiques, un étiquetage, de quelque nature qu'il soit, est une publicité dans la mesure où il rend public des informations destinées au consommateur (marque - origine - composition, etc...) Il serait donc vain de soutenir, comme tentent de le faire les prévenus, que la mention litigieuse n'est pas un acte publicitaire susceptible d'être mis en cause au sens de l'article 121-l du Code de la consommation.

L'étiquetage porté sur un produit ne doit pas être de nature à créer une confusion dans l'esprit du consommateur notamment sur les caractéristiques du produit et plus particulièrement sur son origine ou sa provenance.

Si le consommateur moyen connaît l'existence d'une culture d'olivier en Provence, il est certain qu'il ne peut connaître les données statistiques sur le ratio entre des quantités infinitésimales récoltées en France et les quantités consommées en France. Il est également certain que le consommateur moyennement averti ignore les processus d'élaboration, de transformation et de production du produit fini, exposé à la vente.

Dès lors, il n'apparaît pas incongru, ainsi que le relève le premier juge, de demeurer au niveau d'une perception au premier degré de la contre-étiquette incriminée. La mention "Fabriqué en France" laisse à penser au consommateur moyennement averti et ignorant tout de la législation européenne sur l'origine des produits que cette huile est fabriquée en France avec des olives provenant de récoltes faites dans les départements producteurs. Le nom commercial choisi, de consonnance italienne voire même corse, ne peut avoir aucune incidence sur la pensée du consommateur.

La matérialité du délit est donc établie.

b°) la culpabilité et les peines:

* les dirigeants de Y

Jean-Philippe M exerçait jusqu'à la fin de l'année 1995 la profession d'acheteur et disposait d'une délégation de pouvoir. Etant professionnel de la négociation commerciale pour le compte d'entreprises exploitant des magasins à succursales multiples, il se peut, ainsi que le constate à très juste titre le premier juge, s'abriter derrière une commande aveugle et a dû, nécessairement, demander à son cocontractant, la société A, un minimum d'information sur le produit acheté sur lequel, du fait de la délégation de pouvoir, il était susceptible d'engager sa propre responsabilité.

Il en ressort que c'est à juste titre que le tribunal en a déduit qu'en sa qualité d'annonceur, il ne pouvait se prétendre étranger à la parfaite adéquation de la mention apposée sur l'étiquetage au produit exposé à la vente.

C'est donc à bon droit que le premier juge l'a retenu dans les liens de la prévention.

Ces faits seront sanctionnés par la cour par une peine d'amende de 30 000 F.

En ce qui concerne Alain W, co-gérant et directeur des achats de la société Y à la date des faits, c'est par des motifs pertinents, intégralement adoptés par la cour, que le tribunal correctionnel est entré en voie de relaxe.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

* les dirigeants de la société A:

Jean-Louis R était le PDG de la société S d'avril 1994 à décembre 1995, Benoît V en était quant à lui le directeur général.

La société A a été le cocontractant et unique interlocuteur de la société L.

Spécialiste des huiles alimentaires, Jean-Louis R avait, ainsi qu'il le reconnaît et pour des motifs évidents dus à la production infinitésimale française, une parfaite connaissance de la composition de l'huile d'olive, assemblée par la société X et vendue à la société Y.

De plus, il est avéré que la société Y a participé à l'élaboration de l'étiquetage en parfaite connaissance du produit.

Sa responsabilité pénale est en conséquence engagée. C'est donc à bon droit que le premier juge l'a retenu dans les liens de la prévention en lui faisant, de surcroît, une juste application de la loi pénale.En ce qui le concerne les dispositions pénales du jugement seront confirmées.

En ce qui concerne Benoît V, poursuivi tant en sa qualité de directeur général de la SA A qu'en sa qualité, à compter du 21 février 1995, de président directeur général de la société X, c'est par des motifs exacts et pertinents que le premier juge l'a mis hors de cause en sa qualité de directeur général de A dans la période visée dans la prévention. Il sera donc relaxé de ce chef.

* les dirigeants de la société X:

La société X filiale à 100 % de la SA A, bien que n'ayant aucun lien de droit avec la société Y, achète, gère et conditionne l'huile d'olive commercialisée pour A ou d'autres distributeurs.

Spécialistes des huiles alimentaires, Jean P, son directeur général à l'époque des faits et Benoît V, avaient donc une parfaite connaissance de l'origine géographique des huiles sont co-responsables du délit de publicité mensongère, ayant accepté en connaissance de cause, faisant ainsi preuve de négligence coupable, d'apposer sur les bouteilles conditionnées par les soins de l'entreprise X, l'étiquetage mentionnant "Fabriqué en France".

C'est donc à bon droit que le premier juge les a retenus tous deux dans les liens de la prévention, en leur faisant, de plus, et pour chacun d'eux, une exacte application de la loi pénale.

B - L'action civile

L'Association Force Ouvrière Consommateurs Drôme Ardèche, la Fédération Départementale des Familles Rurales de la Drôme ainsi que l'Union Fédérale des Consommateurs de la Drôme, bien fondées à se constituer partie civile devant le tribunal n'ont pas formé appel des dispositions civiles du jugement.

En allouant à chacune d'elle la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, le premier juge a fait une exacte appréciation de ce préjudice subi par les consommateurs.

Les dispositions civiles du jugement seront intégralement confirmées y compris celles relatives à l'application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Une somme complémentaire de 3 000 F sera allouée à chacune des trois parties civiles au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais exposés devant la cour.

Par ces motifs: Recevant les appels comme réguliers en la forme, Sur l'action publique, Confirme le jugement déféré: - en ce qu'il a renvoyé Alain W des fins de la poursuite, - en ce qu'il a déclaré Jean-Philippe M coupable des faits reprochés, - en ce qu'il a déclaré Jean- Louis R coupable des faits reprochés et en ce qu'il l'a condamné à la peine de 20 000 F d'amende, - en ce qu'il a déclaré Jean P coupable des faits qui lui sont reprochés et en ce qu'il l'a condamné à la peine de 30 000 F d'amende, Réformant pour le surplus, Condamne Jean-Philippe M à une amende délictuelle de 30 000 F, Relaxe Benoît V de la poursuite engagée contre lui en sa qualité de directeur général de la SA A, Le déclare coupable à compter du 21 février 1995 et jusqu'en décembre 1995 en sa qualité de PDG de la société X, des faits reprochés et le condamne à une peine d'amende de 30 000 F, Sur l'action civile, Confirme les dispositions civiles en toutes leurs dispositions, Y ajoutant, Rejette les demandes complémentaires de publication formées par les parties civiles non appelantes, Condamne solidairement Jean-Philippe M, Jean-Louis R, Benoît V et Jean P à payer à chacune des trois parties civiles la somme de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais exposés devant la cour, Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 800 F résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale, Le tout par application des dispositions des articles susvisés,